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L'initiation au péché et à l'amour : $b roman

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AVANT-PROPOS DE LA NOUVELLE ÉDITION

L’Initiation au péché et à l’amour a paru, en 1898, avec l’avant-propos suivant :

AVANT-PROPOS.

Ce roman, imaginé d’abord pour n’être qu’un récit, devait s’intituler l’Initiation au rêve et à l’amour. C’est peu à peu que l’auteur a vu se dégager, des faits qu’il voulait raconter, une idée que le nouveau titre fera comprendre, pour peu qu’on laisse au mot « amour » le sens chrétien qui fait opposition à celui de « péché ».

L’amour, est-il dit plus loin, c’est le dévouement à quelque rêve de bonté.

Le péché, c’est l’œuvre d’égoïsme, noble ou vil, généreux ou vulgaire, qui est le contraire du sacrifice.

En terminant cet avant-propos, l’auteur veut s’excuser de n’avoir pas fait, malgré ses efforts, un livre exempt de ce qu’on appelait autrefois « des peintures licencieuses ».

Si l’homme tient à la fois de l’ange et de la bête, est-il possible, comme beaucoup d’écrivains l’ont pensé, de considérer comme négligeable et de négliger en effet ce qui vient de la bête ? ou bien est-ce qu’il faut voiler, de façon à ce que les yeux les plus chastes soient satisfaits ?…

Pour qui s’attaque au problème de l’existence, le livre chaste paraît une impossibilité. La bête est la moitié de l’homme, a dit à peu près Pascal… S’il s’agit d’être sincère, la licence doit avoir sa place, inévitablement ou presque, dans le livre comme dans la vie.

Mai 1898.


En relisant ce roman, vingt-sept années écoulées, pour en donner une édition nouvelle, je me sens moins intéressé par l’« idée » dont il est question dans l’avant-propos de 1898, que par les « faits » qui sont racontés, et, pour tout dire, je regretterais d’en avoir subi la préoccupation, si je n’avais l’impression que cette préoccupation n’a aucunement empêché le roman de rester le « récit » qu’il devait être.

Plutôt que l’idée pseudo-chrétienne, je trouvé intéressant, à un quart de siècle d’intervalle, d’y reconnaître — particulièrement dans la première partie — l’idée freudienne du complexe d’Œdipe. On l’apercevrait déjà dans la Future Démence, l’un des contes de mon premier livre, les Hantises ; une trace en apparaît également dans la scène principale du second acte d’Antonia ; mais les soixante-quatre premières pages de l’Initiation au péché et à l’amour en sont le développement complet absolument caractérisé. Or, qu’on se rappelle les dates : les Hantises, 1886 ; Antonia, 1891 ; l’Initiation, 1898 ; et qu’on se rappelle, d’autre part, que les premiers travaux de Freud sont de 1893-1895, qu’aucun de ses ouvrages n’avait attiré l’attention jusqu’en 1900, et que rien n’en a guère été connu en France jusqu’en 1908 (article du journal la Neurologie)… Il est vrai que, si Édouard Dujardin a fait du freudisme avant Freud dès 1886 et 1891 et a publié un roman freudien en 1898, il serait injuste d’oublier qu’un certain Sophocle a écrit une tragédie non moins freudienne il y a une couple de millénaires.


On m’a souvent demandé pourquoi, après, les Lauriers sont coupés, je n’avais pas persévéré dans la voie que j’avais inaugurée. En relisant récemment l’Initiation au péché et à l’amour, j’ai été frappé de voir combien il s’en fallait de peu que certaines scènes de ce roman, et notamment la dernière (pages 218-243), ne soient du monologue intérieur… Et j’ai été bien tenté de faire la très légère retouche qui suffirait. Une volonté plus forte m’en a empêché. Le livre reste tel qu’il a paru en 1898.

Août 1925.

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