La Hyène Enragée
XXIII
AU PREMIER SOLEIL DE MARS
10 mars 1916.
Cette zone de quinze ou vingt kilomètres de large, si affreusement déchiquetée, qui, dans notre France, s'étend depuis la mer du Nord jusqu'à l'Alsace et suit la ligne des tranchées où se terrent les Barbares, cette zone de la grande angoisse et de la grande gloire, c'est par ici, je crois, qu'elle atteint le maximum de son invraisemblance de mauvais rêve, en même temps que le maximum de son horreur;—je dis par ici, parce que je n'ai pas le droit de préciser davantage, mais enfin par ici, dans certaine province qui, dès avant la guerre, avait reçu un triste surnom, quelque chose comme la désolée, la miséreuse, ou même, si l'on veut, la pouilleuse. C'est que, avant la dévastation, elle était déjà très aride, presque sans verdure; des vallonnements dénudés, quelques bouquets de pins rabougris, et des villages bien pauvres, qui n'avaient même pas la grâce d'être anciens, car de siècle en siècle, les sauvages d'Allemagne étaient venus s'y ébattre et après leur passage il avait fallu tout rebâtir.
Et à présent, depuis la grande ruée nouvelle qui a dépassé toute abomination connue, combien elle est étrange, presque fantastique, cette région de misère, avec ses ruines calcinées, avec son sol couleur de craie, fouillé, refouillé jusqu'aux entrailles profondes, comme par des myriades d'animaux fouisseurs! Une fois de plus, j'y pénètre aujourd'hui en auto, pour une mission que l'on m'a donnée, et je ne l'avais encore jamais vue dans tout ce gâchis des dégels, où nos pauvres petits guerriers en capote bleue s'empêtrent si péniblement jusqu'à mi-jambe. Le cœur se serre à mesure que l'on avance, par ces chemins défoncés qui s'encombrent toujours davantage de nos chers soldats si lamentablement couverts de boue et devenus tout grisâtres. Les rares villages sur le parcours sont de plus en plus touchés par les obus, et c'est fini d'apercevoir des villageoises ou des enfants; plus de civils, rien que des casques bleus, mais il y en a par milliers. La fonte rapide des neiges, sous un soleil si ardent tout à coup, trace dans les lointains d'immenses zébrures, les unes blanches, les autres couleur de terre. Et toutes les collines que nous rencontrons à présent semblent habitées par des tribus de troglodytes; chaque pente qui nous fait face, à nous les arrivants, et qui par suite échappe à la vue et au tir de l'ennemi, est criblée de bouches de souterrains, qui s'alignent, ou bien se superposent à plusieurs étages, et où l'on voit apparaître des têtes humaines, casquées, prenant le soleil… Qu'est-ce que c'est que ce pays, est-il préhistorique, ou seulement très lointain? Assurément, on ne dirait plus la France. N'était ce vent âpre et glacé, on croirait presque, sous le ciel d'aujourd'hui trop bleu pour un ciel du Nord, on croirait les berges du Haut-Nil, la chaîne libyque où bâillent les hypogées…
De nouveau se présente un semblant de village, le dernier que je traverserai, car ceux qui, plus loin, jalonnent encore la route vers les Barbares ne sont plus que d'informes amas de pierres, aux aspects de tumulus. Bien entendu, il est aux trois quarts démoli, celui-là: pans de murs bizarrement découpés à jours et portant de noires marbrures de suie aux places où passaient les cheminées. Mais beaucoup de soldats sont gaiement installés à déjeuner, dans les abris tout à fait illusoires que leur offrent ces restes de maisons; il y a même des fourriers qui, sur des tables improvisées, font sans s'émouvoir leurs écritures… Bang! Un obus!… Un obus lancé de très loin et à l'aveuglette par les Barbares, sans utilité définie, mais avec l'espoir qu'il pourra toujours faire du mal à quelqu'un. Il est tombé sur une ruine d'écurie sans toiture, où de pauvres chevaux étaient attachés, et voici deux d'entre eux qui s'abattent le ventre en l'air, gesticulant des quatre pattes comme ils font tous à l'heure de mourir; ils rougissent la neige de jets de sang, qui leur sortent de la poitrine en secousses, comme lancés par une pompe.
Après le village, vite disparu, j'entre dans cette solitude, toujours un peu solennelle, qui, d'un bout à l'autre du front, indique le voisinage immédiat des Barbares. Le soleil de mars, étonnamment lourd, darde sur ce désert tragique, où d'immenses plaques de neige alternent avec des étendues couleur de boue. Et maintenant, chaque fois que ma voiture s'arrête, pour une hésitation, pour une cause quelconque, et que le moteur fait silence, on entend de plus en plus fort le bruit du canon.
Me voici enfin au point terminus où mon auto peut me porter; si je la menais plus loin, elle serait vue par les Boches, et les obus, qui vagabondent çà et là dans l'air, convergeraient sur elle; il faut la remiser, avec mes chauffeurs, derrière un repli du sol, et continuer seul, à pied.
D'abord, j'ai besoin de téléphoner au quartier général,—et le «bureau», c'est ce trou noir qui se dissimule parmi de maigres broussailles; par un escalier tout étroit, je plonge jusqu'à 7 ou 8 mètres dans la terre, et là, je trouve, comme «demoiselles du téléphone», quatre soldats, que de minuscules lanternes électriques éclairent d'une lueur de ver luisant. Ce sont des territoriaux, d'une quarantaine d'années; et celui qui me fait passer l'appareil porte une alliance au doigt,—il a donc sans doute, là-bas quelque part au grand air, quelque part où la vie est possible, une femme et des enfants. Cependant il me conte qu'il est depuis six mois déjà dans ce trou humide, sous la terre que ne cessent de balayer les obus, et il dit cela avec une résignation souriante, comme si le sacrifice était tout naturel; ses camarades de même parlent de leur vie de termite sans une nuance de plainte. Et ils sont admirables eux aussi, tous ces patients héros de l'obscurité, autant peut-être que leurs camarades qui se battent au grand air, à la lumière du jour et dans l'excitation mutuelle.
Au sortir du souterrain, où s'assourdissaient les bruits, on réentend clair la canonnade et on reçoit un éblouissement de ce soleil inusité qui illumine toutes ces blancheurs de neige.
J'ai deux kilomètres à faire environ dans l'étrange désert pour atteindre un pauvre petit bouquet de pins tout chétifs, que j'aperçois là-bas sur une hauteur; c'est là que j'ai donné rendez-vous à un officier du Génie auquel j'ai affaire, pour la mission dont je suis chargé.
Un simulacre de désert, devrais-je plutôt dire, car il est très habité en dessous par nos soldats en armes et l'oreille au guet; au moindre signal d'attaque, ils sortiraient par mille trous; mais pour le moment, dans tout le déploiement de cette étendue, si ensoleillée et cependant si froide, on aperçoit à peine une ou deux capotes bleues qui rôdent, allant d'un abri à un autre.
Et un désert terriblement bruyant, car, outre les continuelles détonations d'artillerie plus ou moins proches, on y entend voler comme des espèces de gros scarabées, qui en passant font presque un bourdonnement d'aéroplane, mais qui, à force de vitesse, sont tous invisibles; ils passent au hasard, et, quand ils se heurtent durement la tête contre le sol, on voit des cailloux, de la terre, de la ferraille jaillir en gerbe. A l'horizon vers l'Est, se profile sur le ciel un de ces tumuli faits de décombres, qui marquent maintenant la place des anciens villages, et c'est là-dessus que les scarabées monstres s'acharnent le plus à tomber, en provoquant chaque fois des envols de plâtras et de poussière: bombardement d'ailleurs inutile et stupide, puisque tout cela est déjà mort.
Aujourd'hui surtout, jour de grand dégel, deux kilomètres ici, dans cette région où tant de nos pauvres soldats sont condamnés à vivre, en représentent bien dix ailleurs,—tant la marche y est difficile. La boue vous happe jusqu'aux chevilles, et on n'en peut plus retirer son pied, car elle colle comme de la glu. Le vent reste toujours aussi âpre, glacé; mais, au milieu du ciel trop bleu, rayonne un soleil qui brûle la tête, et, sous le casque d'acier qui devient plus pesant, la sueur perle au front. La neige décidément s'est mise à fondre à vue d'œil; toutes les tristes collines dénudées reprennent par le sommet leur couleur brune et semblent des croupes de bêtes, couchées sur ces plaines encore blanches.
C'est la première fois que je me trouve si absolument et infiniment seul, au milieu de ce décor d'immense désolation, qui étincelle de lumière aujourd'hui par hasard et n'en est peut-être que plus lugubre. Jusqu'à ce que j'aie atteint le petit bois où m'appelle une affaire de service, je n'ai à penser à rien, à m'occuper de rien, ni d'éviter les obus qui ne m'en laisseraient pas le temps, ni même de choisir la place où poser mon pied puisque l'on enfonce également partout. Et voici que peu à peu je me sens revenir à une mentalité de jadis, une mentalité d'avant-guerre, et, toutes ces choses auxquelles je m'étais habitué, je les regarde et les juge comme si elles étaient nouvelles. Il y a seulement une vingtaine de mois, qui donc eût imaginé de tels aspects? Ainsi, ces innombrables déblais de terre—des déblais blancs puisque la terre de cette province est blanche,—des déblais qui sont jetés partout en longues traînées et qui tracent sur ce désert des multitudes de lignes comme des zébrures, est-ce possible qu'ils indiquent les seuls chemins où nos soldats de France puissent aujourd'hui circuler avec une demi-sécurité? Petits chemins creux, les uns ondulés, les autres droits, que l'on a nommés «boyaux» et qu'il a fallu multiplier, multiplier à tel point que le sol en est sillonné à l'infini! Quel prodigieux travail ils représentent d'ailleurs, ces sentiers de taupes, en réseau sur des centaines de lieues! Si on y ajoute les tranchées, les abris-cavernes, toutes ces catacombes qui plongent jusqu'au cœur des collines, on reste confondu devant tant et tant de fouilles, qui sembleraient l'œuvre des siècles.
Et ces espèces de filets tendus de tous côtés, si l'on n'était pas averti et accoutumé, comprendrait-on ce que cela peut bien être? On croirait que des araignées géantes ont tissé leurs toiles sur ces myriades de piquets, qui s'en vont à perte de vue, tantôt plantés en lignes droites, tantôt formant des cercles ou des demi-lunes, traçant sur l'étendue des dessins qui doivent être cabalistiques pour mieux envelopper et empêtrer les Barbares. On les a du reste terriblement renforcés, doublés, décuplés, ces filets d'arrêt, depuis mon dernier passage, et nos soldats tisseurs d'embûches ont dû en faire, là dedans, des tours et des passes, avec leur énorme bobine de fils barbelés sous le bras, pour obtenir ces fouillis inextricables…
Mais, par exemple, ce qui se comprend au premier coup d'œil et ce qui ajoute à l'horreur macabre du grand ensemble, ce sont ces enclos de distance en distance, ces balustrades de bois enfermant des groupes serrés de pauvres petites croix funéraires faites de deux bâtons. Cela, tout de suite, hélas! on voit ce que c'est! Ils gisent donc ainsi, au bruit des canonnades, comme si la bataille n'était pas encore finie pour eux, nos chers disparus, nos héros obscurs et sublimes,—inapprochables en ce moment, même pour ceux qui les pleurent, inapprochables parce que la mort ne cesse de passer dans l'air au-dessus de leurs petites assemblées silencieuses…
Ah! pour compléter l'invraisemblance de tout, voici un oiseau noir par trop gigantesque, un monstre d'Apocalypse, qui vole à grand bruit là-haut! Il s'en va du côté de France, cherchant sans doute la région plus abritée où l'on commence à trouver des femmes et des enfants, avec l'espoir d'en abattre quelques-uns…
Je marche toujours, si cela peut s'appeler marcher, cette lassante et inexorable série d'enfoncements dans la neige et la boue si froide. Et enfin j'arrive au bouquet d'arbres du rendez-vous; il me tardait, car le casque et la capote étaient des fardeaux sous ce brûlant soleil imprévu. Je suis du reste en avance; l'officier que j'ai fait appeler—pour des questions de nouveaux ouvrages de défense, de nouvelles lignes de filets et de nouveaux trous—c'est lui sans doute, cette silhouette bleue qui vient par ici sur les nappes de neige; mais il est loin, et j'ai quelques instants encore pour continuer ma rêverie du chemin, avant l'heure de redevenir précis et appliqué. Le lieu évidemment n'est pas de tout repos, car ces tristes branchages déjà moitié saccagés, on sait que les gros hannetons bourdonnants qui passent de temps à autre les traverseraient comme de simples feuilles de papier; mais c'est égal, un petit bois, cela tient compagnie, cela entoure, cela illusionne.
Je suis là sur une hauteur, où le vent souffle plus glacial et d'où je domine tout l'effroyable paysage, la succession des monotones collines zébrées de boyaux blanchâtres, et les quelques arbres échevelés par la mitraille. Dans les lointains, ces transfilages de fer, tendus partout, brillent légèrement au soleil, un peu comme ces fils de la Vierge qui apparaissent au-dessus des prairies au printemps. Et de tous côtés les détonations d'artillerie font leur bruit coutumier, qui est incessant, par ici, nuit et jour, comme celui de la mer contre les falaises…
Ah! le grand oiseau noir a trouvé à qui parler dans l'air. Je le vois tout à coup assailli par une quantité de ces flocons de ouate blanche (éclatements de shrapnels) qui ont la mine si innocente, mais qui sont si dangereux pour les oiseaux de son espèce. Alors il se hâte de rebrousser chemin. Et ses crimes seront pour une autre fois.
De derrière une élévation voisine, débouche une théorie de personnages bleus, qui seront près de moi avant l'officier en route là-bas. C'est l'un quelconque, l'un entre mille de ces petits cortèges que l'on rencontre à toute heure, hélas! le long du front et qui font pour ainsi dire partie du décor. En tête, quatre soldats portent une civière, et d'autres suivent pour les relever. Attirés eux aussi par la protection illusoire des branches, ils s'arrêtent d'instinct à l'entrée du bois, pour souffler et changer d'épaules. Ils viennent des tranchées de première ligne, qui sont à trois ou quatre kilomètres d'ici, et vont porter un «grand blessé» à une ambulance souterraine, qui n'est plus qu'à un quart d'heure de marche. Eux non plus n'avaient pas prévu ce mauvais soleil de mars qui brûle les têtes, ils ont leur casque et leur capote d'hiver, et cela leur pèse autant que le précieux fardeau qu'ils s'efforcent de ne pas secouer; de plus, ils traînent à chaque jambe une épaisse carapace de neige et de boue gluante qui leur fait des pieds d'éléphant, et la sueur coule à grosses gouttes sur leur brave figure fatiguée.
—«Qu'est-ce qu'il a, votre blessé?» dis-je à voix basse.
A voix plus basse encore ils me répondirent: «Son ventre est tout ouvert… Oh! le major de la tranchée a dit que…» Ils ne finissent la phrase que par un hochement de tête, mais j'ai compris. Du reste il n'a pas bougé. Sa pauvre main reste posée sur son front et ses yeux, sans doute pour les garantir du trop cuisant soleil, et je demande: «Pourquoi ne lui avez-vous pas couvert la figure?—Nous lui avions mis un mouchoir, mon colonel, mais il l'a ôté: il a dit qu'il aimait mieux comme ça, pour voir encore des choses entre ses doigts…»
Ah! mais les deux derniers, en plus de la sueur, ils ont du sang qui leur inonde la figure et leur coule en petit ruisseau dans le cou: «Nous, c'est pas grand'chose, mon colonel, me disent-ils; on a attrapé ça tout de suite en route. On avait commencé de l'apporter par les boyaux, mais ça le secouait trop, alors on a marché dehors, à découvert.»
Pauvres étourdis adorables! Pour éviter des chocs à leur blessé, risquer leurs existences à tous! Deux ou trois de ces espèces de hannetons de la mort, qui bourdonnent ici à toute heure, sont venus s'écraser près d'eux sur des pierres et les ont atteints de leurs éclats; sur un passant isolé comme j'étais, les Allemands dédaignent de tirer, mais un groupe, et surtout une civière, pour eux c'est irrésistible. Des deux qui ruissellent de sang, l'un n'a peut-être pas grand'chose en effet, mais l'autre a l'oreille emportée, il n'en reste qu'un lambeau qui tient à peine: «Il faut vite aller vous faire panser à l'ambulance, mon ami, lui dis-je.—Oui, mon colonel… Et justement on y va,… à l'ambulance… Ça tombe bien.» C'est tout ce qui lui est venu à l'esprit comme plainte: «Ça tombe bien.» Et il le dit avec un si bon sourire tranquille, en me remerciant de m'intéresser à lui!…
Leur grand blessé, qui ne bouge toujours pas, j'hésitais à aller le voir de près, par crainte de troubler son dernier rêve. Cependant je m'approche très doucement, parce qu'ils vont l'enlever.
Ah! c'est presque un enfant! Un enfant des villages, cela se devine à ses joues bronzées qui ont à peine commencé de blêmir. Le soleil, comme il l'avait désiré, éclaire en plein sa belle figure de vingt ans, à la fois énergique et candide, et sa main reste toujours placée en visière sur ses yeux, qui sont fixes et semblent avoir fini de regarder. On a dû lui donner de la morphine, pour au moins l'empêcher de trop souffrir. Humble enfant de nos campagnes, petit être éphémère, à quoi rêve-t-il, s'il rêve encore? Peut-être à une maman en coiffe, qui pleurait de douces larmes chaque fois qu'elle reconnaissait son écriture enfantine sur une enveloppe venue du front? Ou bien est-ce à un jardin de ferme, préoccupation de ses premières années, où il se dit que ce beau soleil de mars va ramener des pousses fraîches le long de quelque vieux mur?… J'aperçois sur sa poitrine le mouchoir dont on avait essayé de lui couvrir le visage, et c'est un élégant mouchoir brodé d'une couronne de marquis,—la couronne d'un de ses porteurs. Il avait voulu continuer à voir des choses, dans la terreur où il était sans doute de la grande nuit. Mais, même ce soleil, qui doit l'éblouir, bientôt il cessera brusquement de le connaître; pour commencer, ce sera la demi-obscurité de l'ambulance, et, tout de suite après, elle va venir pour lui, cette inexorable grande nuit, où aucun soleil de mars ne se lèvera jamais plus.
«Allez-vous-en vite, mes amis, leur dis-je. Ce vent souffle trop fort ici pour des gens en sueur comme vous êtes.»
Je les regarde s'éloigner, avec leurs jambes toutes engluées et alourdies de plaques de boue. Mon admiration et ma pitié les suivent, sur ce chemin de neige où ils marchent si péniblement.
Encore ils sont des privilégiés, ceux-là, qui peuvent au moins se secourir les uns les autres et que des mains soigneuses attendent, dans un refuge souterrain presque sûr, pour les panser. Mais tout près d'ici, à Verdun, il y a ces milliers d'autres, tombés pêle-mêle, s'étouffant les uns les autres, les mourants sous les cadavres, sans secours possible, dans les immenses charniers si longuement et savamment préparés par le kaiser, en l'honneur de cette jeune nullité féroce qu'il a pour fils!