Le Baiser en Grèce
CHAPITRE II
Les Grandes Hétaïres
L’hétaïre, reine d’Athènes.
Leontium et Epicure — Glycère et Ménandre.
L’école-harem d’Aspasie : baiser et rhétorique. — Aspasie et Périclès.
Apelles fait l’éducation érotico-philosophique de Laïs.
La Circé de Corinthe. — Xénocrate et les baisers de Laïs.
Phryné, la courtisane hiératique. — Le culte de la beauté.
Procès et acquittement de la prêtresse de Vénus.
La femme, ses amours et ses caprices ont passionné la Grèce. Grâce à ses rapports avec l’Orient voluptueux, à son culte de la beauté, Athènes remplit le monde de ses plaisirs. Ses courtisanes et ses artistes en firent comme le sanctuaire des délices sensuelles.
Au sommet de l’échelle voluptueuse trône l’hétaïre, qu’il n’est pas permis de confondre avec la prostituée, même de haut étage, tellement sa situation est spéciale. L’hétaïre fut véritablement la reine d’Athènes, surtout à partir du siècle de Périclès. On avait trouvé pour elle jusqu’à une définition galante : « L’hétaïre n’était pas seulement la femme faisant commerce de galanterie, mais encore une femme capable de s’attacher avec sincérité, se liant même d’amitié avec les femmes de condition libre, les filles honnêtes même. Anaxile dit : Une fille qui parle avec retenue et modestie, accordant ses faveurs à ceux qui recourent à elle dans leurs besoins, a été nommée hétaira ou bonne amie. Elle se distingue absolument de la courtisane. Elle est franche, elle est charmante »[36].
[36] Athénée, Banquet des savants, XIII, 6.
En somme, l’hétaïre, c’est la réalisation de tout ce qui, chez la femme, n’est ni le devoir domestique, ni la volupté brutale. Esprit, adresse, souplesse, facilité à tout comprendre, art de causer, sympathie pour les arts, séduction de l’âme, de l’esprit et des sens : elle réunit toutes les qualités qui semblent interdites à la femme du gynécée. Elle naît esclave, elle se fait reine.
L’hétaïre était belle. L’Asie, Milet les fournissaient aux Athéniens. Le leno parcourait toutes les îles de l’archipel pour choisir à loisir les jeunes filles qui devaient faire sa fortune sur le marché d’Athènes.
Les lois avaient beau exclure les hétaïres des sacrifices publics, les condamner à porter un vêtement spécial, elles se vengeaient en captivant la jeunesse et les talents, en attirant à elles toutes les supériorités et tous les hommages, en usurpant la souveraineté des mœurs[37].
[37] Philarète Chasles, Les hétaïres. Revue de Paris, 1834, p. 15.
Car elles n’étaient pas seulement belles, mais encore le plus souvent artistes, musiciennes, cantatrices, peintres, poètes, philosophes parfois. Telle la Leontium d’Epicure, qui rédigea contre le savant Théophraste un ouvrage dont Cicéron admirait le style élégant. Le philosophe l’avait connue trop tard, alors que déjà la vieillesse pesait sur lui : il avait fait ses preuves de vigueur avec Thémisto de Lampsaque, et surtout Philénis de Leucade, qui sacrifiait aussi aux amours unisexuelles. Mais rien n’empêchait qu’il fût vieux, et sa passion sénile répugnait un peu à Leontium, dont la philosophie ne paraissait pas s’accommoder d’un régime purement platonique. Elle aime le jeune et beau Timarque, celui qui, le premier, l’initia aux mystères de la volupté et eut sa fleur ; Epicure, pris de jalousie, voudrait écarter ce jeune homme de ses jardins, mais Leontium ne le supportera pas. Elle se déclare plutôt prête, dans une lettre à Lamia, à abandonner Epicure, qu’elle accuse de nourrir une passion « socratique » pour un de ses disciples, Pitoclès[38].
[38] Lettres du rhéteur Alciphron, II, 2.
En attendant de mettre à exécution ses menaces, elle satisfaisait aux ardeurs de son tempérament avec presque tous les disciples du maître, et dans les jardins mêmes où Epicure répandait sa doctrine ; elle ne refusait pas davantage ses faveurs au poète Hermésianax, de Colophon, qui composa en son honneur une histoire des poètes amoureux et qui lui réserva la plus belle place dans ce livre[39].
[39] Athénée, Banquet, XIII, 6.
Glycère, l’amie du poète comique Ménandre, avait la répartie facile et prompte, avec une conception judicieuse de son sacerdoce érotique. « Vous corrompez la jeunesse, lui disait Stilpon. — Et toi, sophiste, répliquait-elle, non seulement tu la corromps, mais tu l’ennuies »[40].
[40] Athénée, Banquet, XIII, 6.
Elle eut pour Ménandre une passion sincère, et connaissant bien le tempérament amoureux de son amant, elle était dans une crainte incessante.
Le poète fut vraiment épris de Glycère ; au point que le roi d’Egypte, Ptolémée, l’ayant invité à se rendre près de lui en l’accablant des promesses les plus brillantes, Ménandre déclina ces offres : « Seul et sans ma Glycère, cet éclat, cette cour, ce peuple ne seraient à mes yeux qu’une solitude immense. Il est plus doux, il est moins dangereux de rechercher ses faveurs que celles des satrapes et des rois… Sans Glycère, quelle serait mon indigence au milieu des trésors ! si j’apprenais que cet amour si saint est devenu le partage, la richesse d’un autre, j’en mourrais ; je n’emporterais au tombeau que mes éternels regrets, je laisserais ces trésors aux mains coupables des envieux ! » Et Glycère, touchée de cette preuve d’affection, ne veut pas être en reste de générosité : elle engage son amant à partir pour l’Egypte, où elle est prête à le suivre. « O mon cher Ménandre, écrit-elle, tu redoubles nos nœuds. Je ne crains plus l’affaiblissement d’un sentiment qui n’aurait pour garant que sa violence ; ce qui est extrême dure peu, mais je vois que ta passion est affermie par la confiance ; c’est la confiance qui éternise les amours et qui, en assaisonnant les plaisirs, leur ôte la pointe de l’inquiétude. » Ce n’est point là le langage d’une femme à l’esprit et au cœur vils. Et de ces façons délicates, Glycère sait rendre hommage à son maître. « Je dois ces leçons à ta tendresse ingénieuse. L’amour, me disais-tu, est un grand maître ; il hâte, il cultive, il fait éclore les fruits de l’intelligence. Je n’ai point été indigne de tes soins. »[41]
[41] Lettres du rhéteur Alciphron, II, 3 et 4.
Trois belles figures d’hétaïre dominent l’histoire amoureuse de la Grèce : Aspasie, Laïs et Phryné.
Originaire de Milet, pépinière de jolies courtisanes, Aspasie fut de bonne heure fille publique à Mégare, où elle apprit la technique d’un art que toutes les femmes ne possèdent pas d’instinct. Pourvue d’expérience et sans doute de quelques ressources, elle vint à Athènes vers le milieu du cinquième siècle, accompagnée d’une troupe de brillantes élèves formées à bonne école, instruites avec le même soin dans l’art du baiser et dans l’étude de la philosophie. Son initiative témoigna d’une insigne habileté et d’une connaissance quasi divinatrice des mœurs athéniennes. C’était, en effet, le moment où Athènes cultivait avec la même sollicitude la philosophie et l’amour, l’éloquence et la dépravation : Aspasie venait offrir aux citoyens les plus considérables une école où la rhétorique était enseignée par des lèvres qui connaissaient toutes les délicatesses, toutes les subtilités, tous les raffinements de la volupté. Les auditeurs et les admirateurs se pressèrent « pour l’ouïr deviser, dit Amyot, traducteur de Plutarque, combien qu’elle menast un train qui n’estoit guères honneste, parce qu’elle tenoit en sa maison de jeunes garces qui faisoient gain de leur corps. »
Après avoir gagné l’amitié de Socrate et d’Alcibiade, entre lesquels, d’après un dialogue de Platon, elle favorisait un commerce érotique d’un genre tout spécial, elle sut s’attacher de plus près, et par des liens très vigoureux, celui qui a donné son nom au siècle le plus brillant de la Grèce, Périclès. La passion du grand orateur, toute intellectuelle au début, affirme Plutarque, prit bientôt une tournure plus intime. En effet, quoique sa femme, qui était sa parente, eût donné à Périclès deux fils, Xantippe et Paralus, il la maria à un autre, de son propre consentement, et épousa Aspasie. Il l’aima même si tendrement qu’il ne manquait jamais de l’embrasser en sortant de chez lui comme en rentrant. Aussi, dans les comédies de ce temps-là, est-elle appelée la nouvelle Omphale, Déjanire et Junon.
Cette Aspasie eut tant de célébrité que Cyrus donna le nom d’Aspasie à celle de ses concubines qu’il aimait le plus, et qui s’appelait auparavant Milto.
L’influence d’Aspasie sur l’esprit de Périclès alla jusqu’à lui faire déclarer la guerre aux Mégariens. Au reste les expéditions de ce genre étaient fructueuses pour Aspasie, qui accompagnait son mari, mais sans se priver du concours aimable de ses élèves. Pendant le siège de Samos, les hétaïres chômèrent peu : elles firent de si énormes bénéfices que, en témoignage de gratitude, elles élevèrent un temple à Vénus à l’entrée de Samos.
Cependant l’envie grondait autour de cette femme trop adulée, au gré des matrones d’Athènes. A leur instigation sans doute, un poète comique nommé Hermippus porta contre elle une accusation d’athéisme et d’impiété, alléguant, dit le naïf traducteur de Plutarque, « qu’elle servait de maquerelle à Périclès, recevant en sa maison des bourgeoises de la ville, dont Périclès jouissait. »
Aspasie ne dut son salut qu’aux prières de Périclès, qui la défendit en personne devant l’aréopage.
Et cependant, le grand homme mort, la célèbre hétaïre lui donna comme successeur un simple marchand de bestiaux, Lysiclès, homme d’un esprit bas et abject. Il est vrai que, par suite du commerce que ce bouvier eut avec Aspasie, il ne tarda pas à devenir un des premiers personnages de la république. Tel était l’ascendant de cette femme singulière qui vit à ses pieds ou tint dans ses bras les hommes les plus célèbres de l’époque la plus brillante d’Athènes[42].
[42] Plutarque, Périclès, XXXVII, XXXVIII, XLIX ; — Athénée, Banquet, XIII, 6 ; — Aristophane, Les Acharniens.
Laïs fut la plus riche et la plus chère des hétaïres de Corinthe, où elle habitait, au temps de sa prospérité, un splendide palais. Née en Sicile, à Hiccara, elle fut emmenée en Péloponnèse et vendue comme esclave. Un jour le peintre Apelles la remarque, comme elle venait de prendre de l’eau à la fontaine de Pirène : il la juge en connaisseur, devine ses charmes, et la conduit aussitôt au milieu de ses amis réunis pour un festin. Etonnement général. Eh quoi ! une jeune fille timide, modeste, au lieu d’une courtisane experte et impudique ? — Ne vous inquiétez pas, répond Apelles, je la formerai, je m’y connais, elle ira loin. — Et le grand artiste se fait l’éducateur de la belle fille, la dresse avec une sollicitude très avisée aux fonctions auxquelles il la destine, sans rien cacher d’ailleurs à personne de ses desseins ou de ses aspirations. Le professeur offrait des garanties, l’élève devait être particulièrement douée ; si bien que peu de temps après Laïs, établie à Corinthe, avait à ses pieds les plus riches étrangers, et que les courtisanes de la ville renommée entre toutes pour la science de la débauche consacraient l’éclat de la nouvelle étoile en exprimant leurs craintes d’être à jamais éclipsées par elle.
La beauté de sa gorge était surtout renommée : au dire d’Athénée les peintres « venaient chez elle pour imiter ses seins et l’ensemble de sa gorge ».
Aussi ses faveurs furent-elles très disputées. Aristophane, peu tendre en général pour les courtisanes, la présente dans Plutus, comme la maîtresse du riche athénien Phidonide connu pour sa sottise. Il l’appelle la « Circé de Corinthe », disant que ses philtres puissants contraignirent les compagnons de Phidonide à dévorer, comme s’ils étaient des porcs, les boulettes d’excréments qu’elle leur avait pétries de sa main.
Laïs affichait en effet des prétentions exorbitantes que semblaient justifier les sollicitations incessantes des candidats à ses baisers ; elle fut même surnommée La Hache, par allusion à la dureté de son caractère et au prix excessif de ses faveurs, surtout pour les étrangers qui ne faisaient que passer à Corinthe.
L’illustre Démosthène lui-même vint échouer au chevet de son lit. Désireux de contrôler les bruits de la renommée, il se rend à Corinthe, et demande à la courtisane le prix d’une de ses nuits. Déplut-il à la capricieuse adorée d’être si brutalement marchandée ? — Dix mille drachmes, répond-elle. — Je n’achète pas si cher un repentir, réplique l’orateur étonné. — C’est pour ne pas avoir à me repentir aussi, reprend insolemment Laïs, que je vous demande dix mille drachmes.
Elle accueillait cependant avec une faveur marquée les philosophes. Aristippe, dit Athénée, venait tous les ans passer quelques jours avec elle à Egine. L’esclave de ce dernier lui reprochant de payer cher cette courtisane, qui donnait ses baisers gratis à Diogène le Cynique, Aristippe répondit : Je donne beaucoup à Laïs pour en jouir, et non pour qu’un autre n’en jouisse pas.
L’orgueilleuse beauté trouva cependant un être capable de lui résister. Mise au défi de triompher de la continence de Xénocrate, connu par son stoïcisme, elle frappe la nuit à sa porte et feignant d’être poursuivie par des assassins, lui demande un asile. Le sage l’accorde et lui indique un banc où se coucher.
Mais Laïs se dévêt savamment, dévoilant peu à peu toutes les splendeurs d’un corps que la Grèce et l’Asie se disputent ; ses lèvres à demi entr’ouvertes promettent la volupté, ses yeux lancent des flammes, ses bras s’ouvrent pour former la plus enviable ceinture. Elle s’étend enfin aux côtés du philosophe, elle essaie de l’animer par les caresses les plus provocantes, les plus lascives ; Protée voluptueux, elle se multiplie, nymphe, bacchante, sirène et Vénus. Rien ne peut troubler l’impassibilité du philosophe.
Pleine de honte et de colère elle se retire, mais refuse de payer la gageure, alléguant qu’elle a « parié de rendre sensible un homme, mais non pas une statue ».
Laïs avait amassé une fortune immense, mais vécu avec une prodigalité telle que, sur ses vieux jours, restant sans ressources, elle tomba dans la prostitution la plus vile.
Après sa mort, Corinthe fit élever sur les bords du fleuve Pénée, dans le pays où elle était morte, un tombeau à la grande amoureuse avec cette inscription :
« La Grèce glorieuse et invincible fut asservie à la beauté de Laïs. L’amour lui donna le jour ; Corinthe l’éleva et la nourrit dans ses murs superbes. Elle repose dans les campagnes fleuries de la Thessalie. »[43]
[43] Athénée, Banquet, XIII, 6 ; — Aristophane, Plutus ; — Elien, Histoires diverses, X, 2 ; — XIV, 35.
Phryné, de Thespie, dut rêver toute jeune de passer à la postérité : car elle a gardé presque invariablement une attitude quasi-hiératique. Elle fut courtisane, certes, mais avec magnificence, avec une dignité inattaquable, comme la prêtresse d’un culte sacré. Certains même prétendent qu’elle reçut le surnom de Scethron ou Crible, parce qu’elle criblait ceux qui jouissaient de ses faveurs, et les dépouillait de leur fortune ; mais les déesses ne veulent-elles pas d’opulents sacrifices ? Point chez elle de faiblesses ou de défaillances : tout au plus lui reproche-t-on d’avoir entretenu quelque temps un certain Gyllion ; encore ce parasite n’était-il rien moins qu’un des sénateurs de l’Aréopage.
Mais cette hétaïre insensible et cupide, douée d’un corps admirable, vivait « comme une matrone pudique, close dans son palais d’amour ». Elle ne se laissait pas voir facilement sous le seul voile de la nature. Sa tunique lui enveloppait étroitement tout le corps, et jamais elle n’allait aux bains publics.
En revanche on la vit un jour, dans les fêtes d’Eleusis, s’avancer sur le rivage, dénouer ses blonds cheveux et sa ceinture et, laissant tomber jusqu’au dernier voile, descendre lentement et se baigner dans la mer. Ce fut à cet instant que le peintre Appelles la considéra toute nue, pour en faire sa Vénus sortant des ondes.
Phryné, aimant et recherchant la gloire, dut fréquenter ceux qui pouvaient la donner, les artistes. Le sculpteur Praxitèle eut pour elle la plus violente passion. Il fit, d’après elle, la Vénus achetée par les Gnidiens, qui la placèrent au haut d’une colline, dans un temple ouvert de toutes parts. Il grava aussi sur la base de la statue de l’Amour placée au bas de la face du théâtre :
« Praxitèle a vu Phryné, et il a tracé l’image de l’Amour. »
C’est encore un ouvrage du même sculpteur, statue d’or, qui fut placé dans le temple de Delphes, et devant lequel le cynique Cratès s’écriait : « Voici donc un monument de l’impudicité de la Grèce. »
Les richesses de Phryné furent immenses : elle en employa une grande partie à faire bâtir divers monuments publics, surtout à Corinthe, sans que le peuple songeât à protester contre la source impure de ces générosités. Elle proposa même aux Thébains de rebâtir leur ville détruite par Alexandre, à condition qu’on graverait sur les murs cette inscription : « Thèbes abattue par Alexandre, relevée par Phryné. » Les Thébains n’osèrent accepter.
Tant de gloire, une existence si manifestement adulée devait éveiller l’envie et la haine des femmes publiquement vertueuses. Un complot fut ourdi. Des amants dévoilèrent les secrets d’alcôve ou d’orgie. On publia qu’elle se piquait d’être aussi belle que les déesses, qu’elle prétendait au même culte qu’elles, et que, dans plusieurs fêtes intimes, elle avait institué des sortes de mystères religieux. Enfin on lui prêta ce propos coupable : Si le peuple était un seul homme, et si je voulais lui acheter Athènes, il me vendrait la cité pour une nuit d’amour.
Un sophiste, Euthias, qui vainement avait sollicité les baisers de Phryné, se fit accusateur. La peine capitale était au bout d’un verdict défavorable. L’orateur Hypéride entreprit la défense de l’accusée, dont il avait été l’amant. Son éloquence émue laissait insensibles les juges ; mais les sentant disposés à prononcer l’arrêt fatal, il fait approcher Phryné, déchire sa tunique et révèle aux juges les beautés ravissantes du corps le plus parfait. « Les juges ne voulurent pas condamner à mort une si belle femme consacrée au culte de Vénus, et qui servait religieusement dans le sanctuaire de cette déesse. »
Cette cause eut un retentissement énorme ; et Bacchis, l’une des maîtresses d’Hypéride, se chargea, au nom de toutes les courtisanes grecques, d’adresser au triomphateur l’expression de la gratitude de toute la corporation, qui s’était sentie menacée par l’accusation d’Euthias dans le principe même de sa profession[44].
[44] Athénée, Le Banquet, XIII, 6 ; — Lettres du Rhéteur Alciphron, I, 31 ; — Chaussard, Fêtes et courtisanes de la Grèce, IV, p. 189 sqq. ; — Jean Richepin, les Grandes amoureuses, p. 147 sqq.
Ainsi, jusqu’au bout, Phryné resta l’incarnation de l’hétaïre grecque, dans sa beauté divinisée, dont la splendeur attirait l’adoration respectueuse du peuple le plus artiste de la terre.