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Un nid dans les ruines

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II

Célestin Bidarray à mademoiselle Falconneau. — Biskra.

« La Peyrade, 14 janvier 188…

« Je vous annonçais, dans ma dernière, la maladie de mon pauvre oncle le curé. Il est mort, et j’aurai désormais deux tombes à soigner au lieu d’une. Me voilà beaucoup plus seul au monde que vous. Mais c’est une grande consolation d’apprendre qu’après un heureux voyage vous sentez que le climat vous fait du bien. Pour l’amour du ciel, combattez les idées noires dont vous me parlez. Sans doute, la vie de là-bas telle que vous la décrivez n’est pas gaie, ni les sujets de conversation intéressants. Mais pourquoi refuser de voir du monde ? Pourquoi cette horreur de l’uniforme dont je ne vous savais pas atteinte, et qui va gâter, la chose est immanquable, votre séjour dans une ville militaire comme Biskra ? Une Française qui n’aime pas l’uniforme ! c’est un phénomène, vraiment.

« Excepté mon deuil rien de neuf, sauf une nouvelle qui n’est encore qu’un bruit : votre ancienne maison de la Peyrade serait sur le point d’être achetée. Par qui ? Le nom est encore un mystère. Ce qui m’inquiète par-dessus tout, c’est l’impression que vous causera ce changement. Je me demande s’il ne vous était pas moins pénible de savoir votre demeure fermée, inhabitée, que de penser qu’un inconnu l’habite, se sert des meubles qu’elle contient, de vos meubles…

« Dites-moi bien franchement votre opinion sur ce point. Si tel est votre désir, je pourrai peut-être empêcher la vente. Les acquéreurs, parfois, sont faciles à effrayer. C’est bientôt fait de dire que le lieu est malsain, le sol humide, les murs salpêtrés, la charpente pourrie. Donnez-moi vos ordres et je mettrai en fuite l’amateur — que vous devez détester par avance. Ou bien faut-il incendier la maison pour que nul n’y rentre jamais ?

« Commandez, mademoiselle. Votre humble serviteur obéira. »

Clotilde Falconneau à Célestin Bidarray. — La Peyrade.

« Biskra, janvier 188…

« La mort du pauvre abbé Bidarray me fait beaucoup de peine, ainsi qu’à mon père qui me charge de vous le dire. Le cher vieillard a aidé ma pauvre maman à quitter ce monde avec courage, ce qui ne doit pas être bien facile, même quand on le quitte après avoir vu disparaître la jeunesse.

« Votre saint homme d’oncle vous a-t-il laissé quelque bien ? J’ai peur que non, moi qui l’ai vu tant de fois manger de la méture au lieu de pain blanc, parce que ses aumônes ne lui laissaient pas de quoi payer un sac de farine. Mais vous aimez votre état, et vous avez le bon esprit de vivre loin des rêves. Je vous en félicite et vous en estime davantage.

« Quant à moi, il est clair que je passe à vos yeux pour une étrange personne en matière de probité. Empêcher la vente de « notre » maison ? Mais, cher monsieur, cette maison n’est plus nôtre : elle est à ceux qui nous ont prêté de l’argent ; les meubles aussi. Tant mieux si nos créanciers peuvent rentrer dans leurs avances ; car, jusque-là, nous ne pourrons pas tout à fait dire que nous avons payé nos dettes.

« J’avoue cependant qu’il est un peu dur de penser qu’un inconnu vivra dans la chambre où est morte ma mère, et qui n’a jamais été habitée depuis. Je ne parle pas de mon pauvre petit coin, où j’ai fait des plans d’avenir (!), où j’ai passé de si bonnes heures, pas beaucoup !… Il faut se soumettre à cette amertume, et se préparer à d’autres changements plus redoutables encore.

« Mon seul désir est que nous soyons remplacés par de braves gens. Dites-moi leur nom dès qu’on le connaîtra. J’espère qu’ils ne nous ont jamais vus chez nous, au temps de nos splendeurs. Ce ne sera plus, alors, qu’un chagrin sans humiliation. Vous allez dire que ceci est de l’enfantillage et du faux orgueil ; je le sais ; mais il m’en coûterait moins d’apprendre que les nouveaux propriétaires viennent de loin, qu’ils n’ont jamais entendu parler de nous… Vrai, tout cela m’occupe, moi qui ne devrais plus songer à ces niaiseries, bonnes pour les gens qui ont deux poumons à leur service. Qui se souviendra, dans un an ou deux, que Clotilde Falconneau a vécu dans telle maison, ou même qu’elle a vécu ? Se demandera-t-on encore pourquoi elle n’aimait pas l’uniforme ?… Eh bien, j’ai beau faire : ces niaiseries m’occupent. On ne perd pas très facilement l’habitude de vivre, surtout quand il faut la perdre de si bonne heure. »

Célestin Bidarray à mademoiselle Falconneau. — Biskra.

« La Peyrade, février 188…

« Vous serez contente, j’espère : tout s’arrange comme vous le désirez. L’acquéreur de votre maison est un parfait inconnu. Il compte l’habiter seul, ayant, je le devine, un chagrin qui l’éloigne du monde. Le hasard d’une rencontre m’a donné l’occasion de causer avec lui. Je sais déjà que votre maison lui paraît un peu grande pour le genre de vie qu’il mène, si bien que plusieurs chambres resteront fermées, celles, précisément, que vous habitiez, vous et madame votre mère. Naturellement j’ai parlé de vous, de certains regrets que vous m’exprimiez ; et, tout en parlant, une idée m’est venue à l’esprit.

«  — Qu’allez-vous faire du mobilier de ces chambres ? ai-je demandé.

«  — Que voulez-vous que j’en fasse ? m’a-t-il répondu. Si cette demoiselle en avait envie… ce serait autant de moins à frotter, à brosser, à battre. D’ailleurs je comprends si bien certains souvenirs avec leurs délicatesses !

« Voilà où nous en sommes. Je ne doute pas que vous auriez pour un morceau de pain tous les meubles auxquels vous devez tenir. Je suis à vos ordres pour continuer les négociations. »

Clotilde Falconneau à Célestin Bidarray. — La Peyrade.

« Biskra, février 188…

« Je n’ai pas fermé l’œil de toute la nuit, ce qui n’a rien de très nouveau ; car l’insomnie et moi sommes des sœurs tendres, qui posent la tête sur le même oreiller. Mais, cette fois, mes pensées n’avaient pas leur couleur ordinaire. S’il faut vous le dire, j’étais fort en colère contre vous.

« Quoi ! vous me racontez, comme si c’était chose naturelle, des traits de la délicatesse la plus rare ! Et vous ne m’écrivez pas un mot de cet homme adorable, de cet original, comme dit mon père. Voyons, monsieur Célestin, réveillez-vous ; tâchez d’oublier pour une demi-heure vos pilons et vos filtres. Comment s’appelle mon héros ? Comment est-il ? Vieux ou jeune ? (Ah ! j’espère bien qu’il n’est pas vieux !) Grand, petit, blond, brun, spirituel ou… ordinaire ? Dans tous les cas, je n’ai pas besoin que vous m’appreniez s’il est bon, généreux, dépourvu d’égoïsme. Le cher homme ! Il pense que je vais lui mander, comme ça, de m’envoyer mes meubles ! Et vous-même semblez croire que je le ferai ? D’où sortez-vous donc ? Vous savez bien que je n’accepterai pas un bon marché qui ressemblerait à un cadeau. Quant à payer mes chères reliques à leur prix… quelques raisons sérieuses m’en empêchent. D’ailleurs, comme dépense, le transport dépasserait de beaucoup l’acquisition. Bref, c’est une idée à mourir de rire, et j’en ai ri… jusqu’aux larmes, tant la bonté est une chose émouvante pour les malheureux.

« Il est donc malheureux, lui aussi, d’après ce que vous me dites ? Un chagrin d’amour ?… Pauvre garçon ! Puisse-t-il souffrir d’un mal moins incurable !

« Je vous en prie, monsieur Célestin, tâchez d’être un peu diplomate. Il faut absolument que vous deveniez son ami, que vous lui arrachiez son secret, pour me le dire, naturellement. Vous pouvez être sûr que le secret mourra — bientôt — avec moi.

« Je vous en prie : vite une réponse, des détails ; je meurs d’impatience ! »

Célestin Bidarray à mademoiselle Falconneau. — Biskra.

« La Peyrade, mars 188…

« Mademoiselle, je vous ai obéi ; je me suis réveillé, réveillé diplomate, et voici le résultat de ma diplomatie :

« Le jeune homme qui habite votre maison est grand, blond, très mince avec des yeux bleus et une moustache fine. Il est noble et se nomme Robert de Chalmont ; je lui donne vingt-six ou vingt-sept ans.

« J’ai cru comprendre qu’il aime une femme qui ne peut être à lui. Comme il serait incapable, dit-il, d’en aimer une autre, il veut s’enterrer vivant dans notre solitude de la Peyrade. Voilà tout ce que je peux vous dire de lui, et je doute que nous en apprenions jamais davantage. Robert de Chalmont parle peu et me semble sauvage, pour ne pas dire bourru. Sa présence n’apportera nul changement à la physionomie de la Peyrade, lieu remarquablement gai, comme vous savez.

« Je n’ai pas cru manquer à la discrétion en communiquant à ce nouveau venu certains passages de votre lettre, qui l’ont sincèrement touché.

«  — Mes offres n’étaient pas des paroles en l’air, m’a-t-il répondu. N’ayant pas la permission de faire mieux, j’espère ne pas blesser mademoiselle Falconneau en expédiant à son adresse un souvenir de son ancienne demeure.

« Il m’a chargé des soins à prendre pour l’envoi de la caisse. Puisse-t-elle vous arriver à bon port ! Nous avons soigné l’emballage de notre mieux.


« P.-S. — Je vous disais tout à l’heure qu’il n’y avait pas de changement à la Peyrade. Hélas ! il s’en prépare un, cruel pour moi. Le docteur Lespéron nous quitte et vient de me l’apprendre. A son âge, une clientèle de campagne — et quelle campagne — est trop fatigante. Il avait espéré, lui aussi, que la Peyrade serait un jour quelque chose. Lui aussi va s’en aller, voyant la partie perdue. Il s’est fait donner le service médical d’un paquebot effectuant les voyages de Bordeaux à l’Amérique du Sud. Et me voilà seul, sans un ami !… Toutefois n’ayez pas d’inquiétude pour mon existence matérielle. Mon oncle, malgré toutes ses aumônes, laisse de quoi me garantir du besoin. »

Clotilde Falconneau à Robert de Chalmont. — La Peyrade.

« Biskra, mars 188…

« Monsieur, s’il est peu ordinaire de voir une jeune fille écrire à un inconnu, combien n’est-il pas plus rare de trouver, même chez de vieux amis, une recherche d’attentions comme celle dont vous venez de me donner l’exemple. Mon petit bureau que j’aimais tant ! Le voilà donc de nouveau dans ma chambre d’exilée !… J’ai pensé — et mon père est de cet avis — que je devais inaugurer son retour en me servant de lui pour vous dire, ou du moins pour tâcher de vous dire, jusqu’à quel point je suis reconnaissante et touchée. Un homme de cœur, un gentilhomme, pouvait seul avoir cette galanterie exquise envers une femme inconnue.

« D’ailleurs vous êtes quelque chose de plus : vous êtes un homme initié au chagrin — je le devinerais, si je ne le savais pas. Ceux que la vie a traités durement connaissent mieux que les autres le moyen de remonter le courage vaincu. Me voilà, grâce à vous, avec un peu de joie dans l’âme ; le soleil d’Algérie, que j’avais trouvé si pâle jusqu’à cette heure, me paraît plus brillant. Que Dieu vous rende le bien que vous faites à une pauvre malade, si malade que vous ne la verrez jamais ! Pour tout dire, c’est un peu à cause de cela que j’ai tant de désinvolture. Si je n’étais dans une catégorie à part, je vous aurais fait remercier — correctement — par mon père ou par le brave Célestin Bidarray.

« Je serais heureuse de savoir que notre maison abrite un être aussi heureux qu’il mérite de l’être, ce qui est d’ailleurs une locution dépourvue de sens ; car, Dieu merci ! l’on peut être malheureux sans avoir fait du mal sur cette terre…

« Mon père et moi désirons fort d’apprendre que vous êtes satisfait de votre séjour à la Peyrade. Croyez, en attendant, que nous serons toujours pleins de reconnaissance pour notre ami inconnu. »

Robert de Chalmont à mademoiselle Falconneau. — Biskra.

« La Peyrade, avril 188…

« Mademoiselle, que devez-vous penser de l’ami inconnu qui tarde tant à vous répondre, et qui vous répond en se servant d’une machine à écrire ? Le retard s’explique par un voyage qu’il m’a fallu faire à Bordeaux ; la machine m’est imposée par une ataxie des fonctions de la main droite, survenue depuis quelque temps. Ce clavier me permet d’utiliser la main gauche. Mais n’allez-vous pas prendre en haine ces lignes imprimées comme celles d’un livre ? Si ce moyen de correspondance vous déplaît, ou si — chose non moins probable — vous êtes peu charmée du correspondant, le remède est fort simple et vous le devinez : il consiste à ne pas me répondre. Ce sera d’ailleurs la chose la plus naturelle du monde. J’ai cherché à vous causer un plaisir ; vous m’en avez remercié par une faveur tout à fait hors de proportion avec ce que j’ai fait. Nous sommes quittes, ou plutôt c’est moi qui vous devrais du retour, car vous ne pouvez savoir quel plaisir j’ai eu moi-même à vous préparer cette petite surprise. Vous ne me croiriez pas si je vous disais combien les moments agréables ont été rares dans ma vie !

« Cependant, je suis loin de me plaindre. Comment le pourrais-je, quand c’est à vous que je parle ? J’ai la consolation d’habiter la France et le prétendu bonheur d’être un oisif. Vos épreuves et celles de monsieur votre père sont plus dures. Si je me plaignais, vous diriez l’un et l’autre que je suis un ingrat envers la destinée.

« J’avoue d’ailleurs que les chagrins de l’existence me pèsent moins, depuis que j’ai reçu vos lignes réconfortantes. Comme vous m’avez fait du bien ! Et comme je voudrais pouvoir vous en faire un peu ! Ce serait la seule tâche qui pourrait m’intéresser dans le vide morne où s’écoule ma vie sans avenir.

« Je veux terminer cette lettre — qui sera la dernière si vous l’ordonnez — par cette assurance de sympathie dont vous sentirez, j’espère, la sincérité respectueuse. »

Clotilde Falconneau à Robert de Chalmont. — La Peyrade.

« Biskra, avril 188…

« Je veux d’autres lettres, monsieur, malgré cette machine que « je ne hais point », comme dit Chimène en parlant à Rodrigue. Certes, j’aimerais mieux voir votre écriture ; mais, d’une part, je suis fort peu graphologue ; de l’autre, je n’ai pas besoin de la graphologie pour voir que vous n’êtes ni léger, ni fat, ni égoïste comme tant d’autres. Je n’en veux qu’à l’infirmité — momentanée, j’aime à le croire — qui vous empêche de tenir la plume. Croiriez-vous que Célestin Bidarray ne m’en avait pas parlé ? C’est un brave garçon, plein de cœur, mais si distrait, si original et si… pharmacien ! Je lui pardonne cependant, car c’est à lui que je dois mon ami inconnu.

« Vous sentez bien que ce jeune homme n’a pas eu toutes mes confidences. Voilà pourquoi, ne me connaissant que d’après lui, vous m’imaginez tout simplement comme une pauvre demoiselle qui meurt de la poitrine, et, en attendant, se débat contre les ennuis de la pauvreté. Cela m’humilie un peu, non d’être pauvre, mais de passer à vos yeux pour une personne qui n’a point subi d’épreuves plus nobles que la toux ou le manque d’argent. Ne pensez-vous pas que le combattant qui revient du feu, avec une belle blessure près du cœur, peut bien réclamer, si on l’indique au rapport comme atteint d’une égratignure au bras, trop insignifiante pour lui valoir la médaille ?

« Je devine que vous êtes fier d’avoir un cœur et de porter dans ce cœur une blessure profonde. Je comprends cette fierté et vous estime davantage de la ressentir. Mais, monsieur…, j’ai droit à la médaille, moi aussi.

« Voilà qui ressemble fort, allez-vous me dire, aux confidences que je n’ai pas faites au bon Célestin. Soyez sûr que je ne vous en raconterais pas tant si, d’une part, nous ne causions ainsi, la Méditerranée entre nous deux, et si, de l’autre, je ne devais rester éternellement pour vous une ombre — pas trop plaintive, vous me rendrez cette justice. Quand vous rentrerez en possession de ce petit bureau — on vous le rendra, soyez tranquille — vous songerez à celle qui vous ressemble par la souffrance. Ne lui ressemblez pas jusqu’au bout. Puissiez-vous être heureux bientôt ! Puissiez-vous savoir un jour ce qu’est cette chose fabuleuse et fantastique nommée la vieillesse !… »

Robert de Chalmont à Clotilde Falconneau. — Biskra.

« La Peyrade, avril 188…

« Quelle joie, ce matin, quand le facteur a sonné à ma porte ! Je n’ai pas d’amis et je n’ai plus de famille : je n’attendais qu’une lettre au monde… Je vous assure que je l’attendais sans l’espérer. Depuis quatorze jours je travaillais à chercher quelles raisons pourraient vous engager à m’écrire encore. Hélas ! je n’en pouvais trouver qu’une seule : mon infini désir de recevoir ces pages. Vous direz que c’est une raison bien suffisante, puisque le sort nous refuse constamment ce que notre cœur désire.

« Mais vous avez eu pitié de ma solitude : je vous remercie à genoux. Un peu plus je vous remercierais même d’avoir souffert, puisque le chagrin vous a rendue bonne et compatissante. Je vous admire comme un miracle d’indulgence, comme un prodige de résignation. Que dis-je ? Vous êtes trop résignée. Il faut vouloir vivre. Ah ! si je pouvais changer avec vous ! Nul ne me regretterait, moi ; et je me trouve ridicule de bien me porter tandis que vous êtes malade. Pouvez-vous me dire à quoi je sers en ce monde ?

« Cependant j’ai servi à quelque chose hier. J’ai fait dire une messe pour le repos de l’âme de celle qui vous a quittée trop tôt. Sur sa tombe — fidèlement entourée de fleurs par Célestin Bidarray — j’avais vu la date de sa mort : nous avons célébré l’anniversaire.

« Les femmes de nos pêcheurs n’ont point oublié leur bienfaitrice, ni sa fille. Elles se sont jointes à moi dans la petite église et, sous l’abri du porche, en sortant, les mains des plus pauvres se sont tendues comme autrefois. Comme autrefois, elles ne sont pas restées vides. Toutes ces bonnes créatures, vieilles et jeunes, m’ont demandé :

«  — Comment va la demoiselle ?

« J’ai répondu :

«  — Elle ira tout à fait bien si vous priez beaucoup.

« De là, je suis allé faire une longue visite à votre mère. Il m’a semblé que son âme était contente ; et nous avons parlé de vous, longuement, sous le saule qui commence à grandir. Il faisait beau ; pour la première fois de l’année, l’Océan portait sa robe bleue, sur laquelle je voyais se promener, leurs grandes ailes de toile ouvertes, cinq ou six papillons blancs. J’ai lu tout haut votre dernière lettre ; nous avons jugé que la « médaille » vous était bien due, en effet.

« J’ai chargé l’âme qui m’entendait de vous dire certaines choses que je ne vous écris pas ; mais comment pourrais-je espérer qu’elle s’est acquittée de mon message ? Vous confierai-je qu’elle vous a trouvée un peu sévère pour le pauvre Célestin, à qui, par parenthèses, vous n’écrivez plus ? Il en est malheureux ; que serait-ce donc s’il savait comment vous parlez de lui !

« Quant à moi, chose étrange ! pendant la matinée d’hier, j’ai été moins éloigné du bonheur et plus accompagné dans la solitude que cela ne m’était arrivé depuis… une certaine date néfaste. Je retournerai bientôt sous le cher petit saule. »

Clotilde Falconneau à Robert de Chalmont. — La Peyrade.

« Biskra, mai 188…

« Voulez-vous savoir, mon ami, pourquoi vous étiez moins seul pendant cette matinée d’avril, qui vous vaudra, jusqu’à mon dernier jour, ma fidèle affection ? C’est que vous m’aviez pour compagne, sans le savoir. Ah ! comme vous êtes bon ! J’ai promis à Dieu, après avoir lu vos lignes, de ne plus penser de mal des hommes. (Je n’en dis point de mal, n’ayant personne à qui en parler, sauf mon père, dont je ne veux pas augmenter le chagrin par mon pessimisme précoce.)

« Quel être rare, unique, êtes-vous donc pour avoir songé à cet anniversaire de ma plus grande douleur ! Je ne vous en avais rien dit, jugeant que nous étions encore trop étrangers l’un à l’autre. Un étranger, vous !… Le meilleur des frères, le plus dévoué des fils, n’eût pas montré plus d’affection pour la vivante et pour la morte.

« Ainsi donc, grâce à vous, le cher nom a été mis encore une fois dans la bouche des pauvres et sur les lèvres sacerdotales. Comment vous remercier de cette chose pieuse, délicate, exquise, que vous avez faite ? Mon père en avait des larmes dans les yeux. Moi, j’en ai de la reconnaissance tout plein le cœur. Ne faut-il pas qu’il se dépêche de vous payer, ce cœur à qui l’on a fait tant de mal et à qui vous faites tant de bien !

« Pendant que vous étiez dans la petite chapelle toute noircie par les rafales de l’Océan, je priais dans notre église encore presque neuve, où le simoun, à certains jours, sème le sable du désert qui entoure Biskra.

« Dans le silence de la nef ombragée par les grands rideaux de laine bleue, je causais, moi aussi, avec l’âme de celle qui m’attend sur l’autre rive. Ma prière finie, je suis rentrée dans ma chambre d’où l’on voit l’océan du désert. Il n’est pas bleu celui-là, mais tout jaune ; les barques légères et fuyantes y sont remplacées par les lourds chameaux des caravanes. Si vous saviez comme la vue de ces vagues de sable finit par mettre au cœur une angoisse étouffante !

« Mais c’est notre Océan que je voyais ce matin-là, car j’étais — avec vous, mon ami — sous le saule, autour duquel se pressent les croix blanches. Quoi d’étonnant si vous ne vous sentiez pas seul ?

« Quant aux commissions dont vous chargiez ma mère, je suppose qu’elles ont été faites, car nous avons parlé de vous longuement : vous ne saurez jamais avec quelle affection et quelle reconnaissance. Vous me plaignez, vous vous intéressez à moi, vous voudriez me faire du bien, vous seriez curieux de me voir. Ce sont bien là vos commissions, n’est-ce pas ? Soyez sûr qu’elles sont bien accueillies ; mais pourquoi ne pas me les faire vous-même ? Je n’ai pas de meilleur ami que vous.

« Moi aussi, je voudrais vous faire du bien, vous consoler. Ce ne serait que justice, car, depuis que vous êtes entré dans ma vie comme un rayon sortant d’une étoile invisible, je m’aperçois que mon courage augmente. Je vais parfois jusqu’à m’imaginer que je suis plus forte physiquement. Je fais des promenades sous les longues voûtes des cassiers aux feuilles découpées. Comme elles sont belles, ces avenues que borde à droite et à gauche un ruisseau d’eau claire, coupé devant chaque maison d’une passerelle rustique en troncs de palmiers ! La chaleur est déjà grande ; mais elle me convient ; je tousse moins… Allons ! Pas d’idées folles ! Quand les agonisants de mon espèce croient aller mieux, gare au lendemain ! J’aurais pourtant bien aimé vous connaître quelque jour par mes yeux, non pas uniquement par la description que le brave Célestin m’a faite de votre personne. Ce qui ressort le mieux de ce portrait tant soit peu vague tracé par lui, c’est qu’il n’y a pas de ressemblance entre vous deux. Ne manquerai-je pas aux convenances du monde en vous confessant que je vous approuve fort d’être blond ? J’ai des raisons spéciales — dans lesquelles Célestin n’a rien à voir — pour ne pas aimer les moustaches brunes.

« A propos de Célestin, vous m’accusez avec les circonlocutions voulues d’être odieusement ingrate à son égard. Peut-être le suis-je ; mais à qui la faute ? Votre correspondance m’a rendue beaucoup plus difficile que je n’étais. Au moins, dans vos lettres, il y a quelque chose. Vous pensez ; vous savez dire votre pensée, quand il ne vous convient pas de la laisser dans le vague. N’empêche que j’ai des remords, d’autant que, chaque jour, je vois, de ma chambre, le pharmacien d’en face piler ses drogues avec un zèle que les flâneries ailées de l’imagination n’interrompent jamais. Alors je pense à Célestin Bidarray…

« Je veux lui écrire. Le pauvre garçon doit être fâché contre moi, car il ne m’écrit plus. Tâchez de me blanchir à ses yeux jusqu’au prochain courrier. Dites-lui que je ne l’oublie pas, ce qui est d’ailleurs la vérité pure. Enfin empêchez qu’il me juge pire que je ne suis.

« Quant à vous, nul inconvénient à ce que vous me preniez pour un ange doué de toutes les perfections. Croyez-moi bonne, vous n’aurez jamais à souffrir de mes défauts. Croyez-moi belle, vous ne me verrez jamais.

« Une chose du moins est sûre : ange ou diable, beauté ou laideron, je suis pour toujours votre amie. »

Robert de Chalmont à Clotilde Falconneau. — Biskra.

« La Peyrade, mai 188…

« Ange ou diable… beauté ou laideron ! Cela vous amuserait, je le vois, de me laisser dans l’incertitude ; mais vous y travaillez vainement. Vous êtes un ange et vous êtes une beauté. Sur le premier point, j’ai le témoignage de mon cœur ; sur le second, celui de mes yeux. Ils me disent en ce moment — et ce n’est pas la première fois — que vous êtes souverainement belle. Voulez-vous que je fasse votre portrait ?… Non, c’est trop difficile. D’ailleurs je ne veux pas jouer au fin avec vous. Ce n’est pas dans le baquet de Mesmer que je vois vos traits. Je possède votre photographie !

« Comment ? Oh ! mon Dieu, c’est bien simple ! Ne l’aviez-vous pas donnée jadis à l’abbé Bidarray ? Son héritier me l’a cédée. Elle orne, seule de son sexe, mon petit salon. Devant elle j’écris ou plutôt je pianote ces lettres qui sont toute ma joie. Devant elle je lis, je travaille à m’instruire, à devenir moins indigne de vous, puisque vous êtes difficile. Ah ! certes, vous en avez le droit !…

« Ceci m’amène à vous parler du « brave Célestin ». Par grâce, ne vous infligez pas le pensum d’une page à ce « pharmacien » ! Laissez-le à ses filtres et à ses fioles. Je vous assure qu’il en prend fort bien son parti. Chaque fois que vous avez la bonté de m’écrire, j’ai soin de lui communiquer les nouvelles. Je lui dis, de votre part, que vous pensez à lui ; que faut-il de plus ? Donc, vous pouvez calmer votre conscience : je prends tout sur moi. Ne vous fatiguez pas à cette double correspondance, fort inutile vraiment ; si votre plume est en train de courir, qu’elle me donne ce que n’aura pas Célestin… Vous allez crier à l’égoïsme.

« Hélas ! mon égoïsme ne sera-t-il pas bientôt puni ?

« J’ai peur en ce moment que Célestin ne soit à la veille de profiter de ma disgrâce. Me pardonnerez-vous la hardiesse dont je vais faire preuve, non sans avoir hésité longtemps, non sans être resté les yeux ouverts, toute la nuit, me demandant si ma folie ne mettra pas fin à cette correspondance qui est tout mon bonheur. Malgré tout, je me risque : vous êtes si bonne… et vous êtes si loin !…

« Non, mademoiselle, toutes mes commissions n’ont pas été faites. Vous m’avez dit que l’âme de votre mère, conversant avec l’âme de sa fille, a parlé de mon zèle ardent à vous servir, de la révolte amère qui torture mon cœur à la vue de vos souffrances. Mais, dans ce cœur, il y a quelque chose de plus : il y a l’amour, si incroyable que cet amour puisse vous paraître. Jamais homme n’éprouva d’amour plus fidèle, plus respectueux, plus passionné. Ah ! Dieu ! Je ne vous aurais pas fait souffrir, moi !

« Et maintenant, j’ai parlé. Que mon sort s’accomplisse ! Vous ai-je déplu ? En ce cas vous pouvez me punir, oh ! si aisément ! Que votre mémoire et votre plume oublient mon nom : vous serez vengée autant que peut le vouloir la plus forte rancune.

« Mais n’allez-vous pas croire plutôt que j’ai perdu la raison ? Oui, croyez-le ; attendez ; laissez-moi vous écrire encore. Vous jugerez peut-être que mes paroles sont les divagations d’un malheureux frappé par la démence. Il sera toujours temps, si je vous semble moins fou que criminel, de me proscrire, de m’ôter tout ce que ma vie contient d’espérance. J’attends mon sort ; si vous ne me répondez pas, vos yeux pour la dernière fois auront lu au bas d’une page mon nom et ces mots que j’ose vous écrire de nouveau : Je vous aime ! »

Clotilde Falconneau à Robert de Chalmont. — La Peyrade.

« Biskra, mai 188…

« On a vu des poètes aimer une morte et le crier partout, sans que personne le trouvât mauvais. C’est un acte sans conséquence, comme celui d’aimer un symbole ou un mythe. Voilà pourquoi celle qui vous écrit — à moitié chemin, ou plus, entre la vie et la mort — voilà pourquoi le mythe de demain ne se fâche point, mon ami. Si je me mettais en colère contre vous, et que cela vînt à se savoir, comme on rirait de moi ! On dirait que je me donne les airs d’une vraie femme. Je n’aurai donc pas ce ridicule.

« Je n’aurai pas davantage la fausse modestie de vous croire fou. J’estimerais plutôt que vous avez la pitié… comment dirai-je ?… un peu fiévreuse. De cela non plus, je ne dois pas me fâcher.

« Mon impression, si vous désirez la connaître, est un prodigieux étonnement. Bien que Célestin Bidarray soit resté dans une grande réserve sur votre compte, j’avais cru comprendre que vous aviez au cœur une blessure. La voilà donc guérie ? Cela peut donc se guérir ?…

« Toutes ces réflexions troublent ma pauvre tête, ce qui vous expliquera pourquoi je cause avec vous moins longuement qu’à l’ordinaire. Mais je ne vous en veux pas : soyez en paix. »

Robert de Chalmont à Clotilde Falconneau. — Biskra.

« La Peyrade, mai 188…

« Ah ! comme votre pardon est cruel ! Comme vous me brisez le cœur quand vous me dites, quand vous me répétez avec cette insistance lugubre pourquoi vous n’êtes pas fâchée. Votre colère, votre dédain le plus méprisant, me seraient moins insupportables. Vous aimer, sans jamais entendre parler de vous, serait une joie ineffable, si je savais que vous êtes forte et pleine de vie.

« Pourquoi donc tenez-vous tant à mourir ? Car il semble que vous y teniez vraiment.

« Ah ! comme vous me faites bien voir, par ce dédain de la vie, que je ne suis rien à vos yeux ! Que vous importe d’être aimée par un être aussi peu digne de vous ! Que vous importe si j’existe ou non ! Et moi, malheureux ! si vous mourez, que me reste-t-il ? Une seule chose : la mort !

« Mais, jusqu’au jour où je vous suivrai dans un autre monde moins cruel, vous aurez tout mon cœur. Nulle femme, je le jure, n’y est entrée avant vous ; nulle n’y entrera désormais. Quelle que soit la destinée, que vous arriviez à la vieillesse, ou que vous quittiez cette terre à la fleur de l’âge, mon dernier soupir emportera votre nom dans l’éternité.

« Maintenant, par grâce, daignez me répondre.

« Supposons que, demain, une guérison subite vous assure de longs jours, seriez-vous indulgente pour celui qui ne demande qu’à vous servir à genoux ? Permettriez-vous qu’il tentât de cicatriser la blessure d’un premier amour malheureux ? Qui sait ? Peut-être qu’elle n’est pas sans remède. Quant à moi, hélas ! mon mal est inguérissable, sauf par votre main.

« Soyez miséricordieuse ; répondez-moi, sans tarder. Je meurs d’impatience, de douleur et de crainte. »

Clotilde Falconneau à Robert de Chalmont. — La Peyrade.

« Batna, juin 188…

« Il m’est arrivé, en attendant mieux, une chose que je croyais impossible, tant ma pauvre personne était toujours grelottante : j’ai eu trop chaud. Que c’est bon la chaleur ! Cela donne un peu l’illusion de la vie.

« Toutefois, comme il ne faut pas abuser des meilleures choses — d’ailleurs mon père ne pouvait plus supporter Biskra, — nous sommes venus respirer l’air des montagnes. Rassurez-vous : nous avons encore trente jolis degrés. Et puis quelle vue splendide ! Quelle joie d’être délivrée de l’obsession pesante du désert ! Si cela ne portait pas malheur de dire qu’on va mieux…

« Ah ! mon ami, je vous assure que je ne veux pas mourir ! J’en ai une peur affreuse ! Et les mois s’envolent, s’envolent !… Ils se traînaient en France. Pauvre cher pays ! Si j’y étais restée, à quoi ressemblerait aujourd’hui cette main que je regarde et que je trouve si belle, parce qu’elle est vivante !

« En Algérie, en mettant tout au mieux, on m’accorde trois ou quatre ans. Ce sera juste assez pour devenir presque une vieille fille.

« Savez-vous que Bidarray n’a rien des paladins d’autrefois, qui auraient pourfendu cent hommes pour leur disputer l’image d’une belle ? Vous n’avez pas eu besoin de l’appeler en champ clos pour conquérir ma photographie. Ah ! Célestin, félon chevalier, comme vous m’avez donné l’exemple de cette froideur dont vous vous plaignez ! Cependant je vous pardonne et… je ne vous en veux pas trop d’avoir senti que mon portrait sera mieux là où il se trouve, qu’au milieu des onguents et des juleps.

« Contentez-vous, mon ami, de cette réponse à votre question… délicate. Vraiment, vous ne pouvez pas dire que je suis bien sévère. Tout ce que je vous demande, c’est de me brûler en effigie quand… quand je deviendrai gênante pour un motif quelconque ; par exemple, quand vous rajeunirez la maison quelques jours avant votre mariage, — il faudra bien vous marier une fois ou une autre. Je désire ne pas figurer parmi les bibelots de madame de Chalmont. Vous voyez qu’on reste femme jusque… jusqu’au bout. »

Robert de Chalmont à Clotilde Falconneau. — Batna.

« La Peyrade, juin 188…

« Vous êtes adorable et je vous adore. Quelle bonté, quelle grâce ! Comment pourriez-vous me dire mieux — sans me le dire — que vous me permettez de vous aimer ? Ah ! comme je vais abuser de la permission ! Vous ne m’aimez… Mon Dieu ! je n’ose écrire les mots « pas encore » qui venaient follement au cours de ma pensée !… Vous ne m’aimez pas ; mais je vous aime ; je vous dis que je vous aime ; cela suffit déjà pour me donner plus de bonheur que je n’en ai connu dans toute ma vie. Que serait-ce donc si j’obtenais un peu de tendresse !

« Au nom du ciel, faites un effort ! Ne pensez plus à… cet homme ! Ah ! le misérable, comme je le hais ! Ne croyez pas toutefois que je le déteste parce que vous l’aimez : je le bénirais s’il vous rendait heureuse. Mais ce qu’il vous a fait souffrir vient s’ajouter à ce que je souffre : c’est un gros compte que j’ai avec lui.

« Faites un effort. Voyez la vérité et la justice ; arrachez de votre cœur ce souvenir : vous serez bien plus heureuse. Peut-être que vous croyez encore l’aimer, alors qu’il est seulement dans votre mémoire comme une blessure maudite… et mal soignée. Maintenant j’ai un peu le droit d’en essayer la guérison. Vous ne pouvez permettre que je vous aime, sans permettre aussi que je fasse mes efforts pour vous empêcher d’aimer un autre homme… qui ne vous aime pas. Quel charme en lui vous attache ? Quel bien vous a-t-il fait, a-t-il tenté de vous faire ? De quoi sert l’esprit, l’élégance, la distinction qu’il a sans doute, alors qu’il n’a pas de cœur ? Moi, j’ai du cœur. Hélas ! de quoi cela me sert-il ? Du matin au soir, souvent du soir au matin, je pense à vous. Je retourne dans ma tête les moyens de vous donner un peu de plaisir, de vous faire un peu de bien. Si je pouvais, en devenant moi-même tout à fait pauvre et malade, vous rendre le bonheur et la santé, croyez-vous que j’hésiterais une minute ? Ah ! cette impuissance de l’amour ! Voilà, vraiment, de tous les chagrins qu’il cause, le seul que je maudisse.

« Peut-on imaginer une dérision plus cruelle ? Je vous donnerais ma vie comme je cueillerais, afin de vous l’offrir, une des roses de mon jardin. Et tout ce dévouement ne saurait vous procurer une heure de sommeil, une journée d’oubli, sans souffrance !

« Cela vous est-il du moins quelque peu agréable de savoir que je suis, de mon côté, très malheureux, plus malheureux que vous, sans doute ? Ah ! comme vous pourriez, vous, me donner du bonheur avec une seule ligne !

« Cependant un passage de votre lettre m’a fait sourire. Ainsi donc vous supposez qu’une autre femme, portant mon nom, franchira jamais mon seuil ?… Combien je vous plains de ne plus croire qu’on peut être fidèle, toujours ! Et comme je hais davantage encore l’être maudit qui vous a ôté cette croyance ! »

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