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Voyage du marchand arabe Sulaymân en Inde et en Chine rédigé en 851: Suivi de remarques par Abû Zayd Hasan (vers 916), traduit de l'arabe avec introduction, glossaire et index par Gabriel Ferrand

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L'AMBRE

Les morceaux qu'on trouve sur les côtes de cette mer [de l'Inde] sont rejetés par les vagues. On commence à rencontrer l'ambre dans la mer de l'Inde, mais on ne sait pas d'où il provient. On sait seulement que le meilleur ambre est celui qu'on trouve à Berbera (sur la côte méridionale du golfe d'Aden) et jusqu'à l'extrémité du pays du Zang, [d'une part], et à Šiḥr et dans le voisinage [d'autre part]. Cet ambre a la forme d'un œuf et il est gris. Les habitants de ces régions vont à sa recherche, montés sur des chameaux, pendant les nuits où la lune brille; ils vont le long des côtes. [Ils montent des chameaux] qui sont dressés à cet effet et qui savent rechercher l'ambre sur la côte. Quand le chameau voit un morceau d'ambre, il s'agenouille et son cavalier va le ramasser. On trouve aussi de l'ambre à la surface (p. 139) de la mer en morceaux d'un poids considérable. Parfois, ces morceaux sont plus ou moins gros qu'un taureau. Quand le poisson appelé tâl voit ce morceau d'ambre, il l'avale; mais lorsque l'ambre est arrivé dans l'estomac du poisson, celui-ci en meurt et flotte au-dessus de l'eau. Il y a des gens qui observent, dans des barques, et qui connaissent l'époque à laquelle les poissons avalent l'ambre. Aussi, lorsqu'ils aperçoivent un poisson qui flotte sur l'eau, ils le tirent à terre avec des harpons en fer enfoncés dans le dos du poisson, auxquels sont attachées de solides cordes. On ouvre ensuite l'estomac du poisson et on en extrait l'ambre [qu'il a avalé]. La partie de l'ambre qui se trouve près du ventre du poisson, c'est le mand qui répand une mauvaise odeur. On en trouve une certaine quantité chez les parfumeurs de Baghdâd et de Baṣra. La partie du morceau d'ambre qui n'est pas imprégnée de la mauvaise odeur du poisson, est extrêmement pure. Avec les vertèbres du dos de ce poisson, on confectionne parfois (p. 140) des sièges sur lesquels un homme peut s'asseoir et être bien assis. On dit que dans un village situé à 10 parasanges de Sîrâf, appelé At-Tayn, il y a des maisons très anciennes; leur toiture qui est élégante est faite avec les côtes de ce poisson. J'ai entendu dire par quelqu'un que, autrefois, près de Sîrâf, un de ces poissons s'échoua [sur le bord de la mer]. Cette personne alla le voir et trouva des gens qui étaient montés sur son dos avec une échelle légère. Lorsque les pêcheurs prennent un de ces poissons, [ils l'apportent à terre], le mettent au soleil et découpent sa chair en morceaux. Ils creusent une fosse pour y recueillir la graisse. On la puise avec des cuillers quand elle a été liquéfiée par la chaleur du soleil et on la vend aux patrons des navires. Comme elle est mêlée à d'autres matières, on en enduit les navires qui naviguent en mer pour obturer les trous faits par l'alène [en cousant les bordages l'un avec l'autre] et boucher (p. 141) également les interstices entre les bordages. La graisse de ce poisson se vend très cher.

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