La Mal'aria: Etude Sociale
VII
ÉLÈVE DES CONGRÉGANISTES
La vie y était d'ailleurs claustrale, monacale et murale. Si l'on avait demandé au triste Dalombre ce qu'il avait fait depuis la mort tragique de sa fille, il aurait vraisemblablement répondu :
« Je ne sais pas! »
Ce grand vieillard tout courbé et tout muet — car, lorsqu'il parlait, il parlait tout seul — était comme un château légendaire hanté par les esprits. Il traînait silencieusement ses pantoufles dans les chambres et dans les couloirs, comme s'il avait peur de réveiller ses morts. Paris n'est pas une ville où on essaye longtemps de consoler les inconsolables. Le vide s'était bien vite accentué autour de ce provincial, qui arrivait dans la ville Lumière avec sa douleur pour tout bagage.
Même le jeune Albert, chez qui l'impression des catastrophes familiales s'était peu à peu atténuée, n'allait dîner chez son oncle, à la table duquel son couvert était en permanence, qu'une ou deux fois par semaine. Albert était un piocheur ; mais quand il remisait un instant sa pioche, c'était pour des distractions généralement moins lugubres que la contemplation discrète de ce vieillard accablé.
La seule visite un peu assidue qui rompît la ligne uniforme de cette existence concentrée était celle de l'ancienne propriétaire à qui M. Dalombre avait acheté, sans marchandage et presque sans examen, la maison qu'il habitait. Mme Humbertot, avec ses instincts de femme économe, avait tout de suite supputé les petits avantages qu'on pouvait espérer de la fréquentation d'un homme aussi inhabile à discuter ses intérêts. Les natures un peu âpres ne peuvent se retenir d'un mouvement de curiosité mêlé d'ironie et d'admiration devant un acquéreur qui paye cent quatre-vingt mille francs ce qu'il lui eût été aisé d'avoir pour cent cinquante mille.
Tout de suite, même sans projet arrêté ni intention préconçue, certaines gens voient dans cette facilité à la détente matière à exploitation.
Mme Humbertot était donc retournée de temps à autre à son ancien domicile, où elle avait été « si heureuse » avec son notaire de mari, qui était mort quand leur fille Brigitte était encore enfant. La veuve Humbertot avait donné des conseils aux tapissiers pour l'agencement et l'ornementation des pièces qu'elle connaissait intimement pour les avoir époussetées quotidiennement pendant quinze années consécutives.
C'était elle, notamment, qui avait présidé à l'installation de la chambre à coucher de M. Albert, dont elle avait tenu, disait-elle, à faire une « bonbonnière », comme si elle avait déjà entrevu à travers les brumes de l'avenir la possibilité d'en reprendre plus ou moins directement possession.
En effet, presque en même temps que les Dalombre entraient dans leur hôtel, Mlle Brigitte Humbertot sortait du couvent des « Dames Anglaises », maison d'éducation tellement à cheval sur les mœurs et la bonne tenue que les professeurs y font leurs cours à travers des grillages, par les interstices desquels les élèves passent leurs devoirs, qu'on leur rend par le même chemin, tout corrigés.
Cette aversion exagérée que la règle de l'établissement inspire aux jeunes filles pour le sexe auquel elles n'appartiennent pas n'a probablement d'autre résultat que d'intriguer fortement les pensionnaires de l'institution, qui d'ailleurs retrouvent chez leurs parents, les dimanches de sortie, ces êtres mystérieux dont on leur interdit avec cette rigueur le contact pendant la semaine.
Ces précautions constituent donc, en fait, un encouragement à l'hypocrisie et au machiavélisme. Mlle Brigitte, confite pendant sept ans dans de feintes répulsions et de fausses terreurs, en avait nécessairement gardé le pli. Elle poussait des cris et s'enfuyait au fond de son cabinet de toilette, si elle n'était encore qu'en robe de chambre, quand le garçon boucher se présentait, un aloyau dans sa manne.
A chaque expression susceptible de prêter à un double sens, elle pinçait les lèvres et roulait des regards au plafond qui signifiaient manifestement :
« Vous savez, je n'ai pas compris. »
Ce manque d'intelligence n'allait cependant pas jusqu'à méconnaître le côté avantageux d'une relation plus étroite avec cet oncle, qui avait toutes les chances de ne plus aller longtemps, et ce neveu qui, à la suite de tant de décès successifs, s'en trouvait l'unique héritier. Malgré les pertes subies et la hâte mise à la vente de ses navires, la fortune de M. Dalombre était encore excessivement respectable. En outre, ce mot « armateur » éveille dans les imaginations travaillées par l'auri sacra fames des visions de cargaisons de trois mille tonnes et d'inépuisables galions de Vigo.
Mme Humbertot, qui ne jouissait que d'une aisance relative et avait mis sa fille aux « Dames Anglaises » surtout pour lui créer plus tard des amitiés aristocratiques, suivait donc son petit bonhomme de chemin côte à côte avec la jeune Brigitte, qu'elle ne craignit pas d'amener un jour chez M. Dalombre — un homme seul — et qui, par extraordinaire et pour cette fois seulement, voulut bien ne pas repousser comme un attentat à la pudeur la main que lui tendit le vieillard.
Tous les mercredis, à heure fixe, ces visites se renouvelèrent avec une périodicité indiquant qu'on allait là par devoir, comme pour signer une feuille de présence. Il n'y avait encore rien de nettement dessiné dans les aspirations des deux femmes, et leurs prétentions ne se traduisaient guère que par ce mot sibyllin : « On ne peut pas savoir ». Néanmoins on opérait comme si l'on savait déjà quelque chose.
Deux ou trois de ces démarches régulièrement espacées avaient eu lieu en présence d'Albert, qui avait coupé la conversation en entrant à l'improviste. Mlle Brigitte s'était alors redressée comme sous l'effet d'une pile électrique, arrangeant vivement ses cheveux et abaissant subitement ses paupières, dont l'auvent protecteur ne laissait toutefois rien perdre de ce qui se passait sous les yeux qu'elles abritaient de leurs cils.
Les aptitudes physiques de Mlle Humbertot ne cadraient guère avec cette componction perpétuelle. Elle était petite avec des cheveux d'un noir menaçant, le teint olivâtre, des yeux qu'on aurait trouvés grands s'ils n'avaient été aussi constamment baissés et au-dessus desquels se rejoignaient deux sourcils noirs et proéminents comme de petites sangsues qui viennent de prendre leur repas.
On sentait qu'il y avait lutte entre son éducation et son tempérament et qu'elle n'était arrivée que grâce à son énergie à amalgamer ces deux extrêmes. D'ailleurs, absence complète de timidité ; car dans les couvents-pensionnats, à force d'habituer les élèves à raconter le plus littérairement possible leurs péchés à un prêtre qui s'en tient les côtes derrière les barreaux d'un confessionnal, on fait de ces jeunes pénitentes des effrontées doucereuses et patelines, infiniment plus difficiles à démonter que celles dont le bonnet incline parfois sur l'oreille.
Albert, qui avait vingt-trois ans et une très jolie maîtresse au quartier latin — laquelle le trompait, du reste, avec tous les garçons coiffeurs d'alentour — ne prêtait pas la plus légère attention aux tortillements de buste et aux attitudes composées dont il était l'objet. Il s'était contenté de dire à son oncle :
— Qu'est-ce que c'est que cette demoiselle-là? Elle a l'air d'un pruneau.
Brigitte ne s'abusait probablement pas sur l'état dans lequel elle avait mis le cœur de M. Dalombre neveu. Mais ce que le congréganisme enseigne tout d'abord, c'est la patience et l'art de ne jamais s'avouer vaincu. M. Albert ne l'appréciait pas parce qu'il ne l'avait pas suffisamment regardée. Le jour où une circonstance encore à naître ferait jaillir l'étincelle, elle était sûre de le tenir ; et, quand elle le tiendrait, elle était résolue à ne pas le lâcher.
Si seulement elle avait trouvé le moyen de rester, fût-ce dix minutes, en tête-à-tête avec lui! Malheureusement, ce jeune homme semblait être d'un naturel peu sédentaire. Quand il avait salué ces dames et embrassé son oncle, il pirouettait sur ses talons et prenait le large avec une désolante rapidité.
Cependant, avec cette persévérance qui a donné son nom à un catéchisme, Mme et Mlle Humbertot creusèrent peu à peu leur trou dans la maison. La mère rappela si souvent, avec des chevrotements d'émotion, les douces soirées qu'elle avait passées dans la salle à manger, autour de la table, en compagnie de feu Humbertot, que l'ancien armateur se vit acculé à l'obligation de les inviter de temps en temps à dîner.
Au moins le fugace Albert serait astreint à se tenir sur sa chaise pendant un temps moral qui lui permettrait de se créer une opinion sur ses voisines. Mais, comme par un arrêt d'en haut, il ne se trouvait jamais là pour assister à ces petites fêtes, où l'on s'ennuyait à plaisir, car on n'y était que trois, et Brillat-Savarin a dit :
« A dîner ne soyez jamais moins de quatre et jamais plus de huit. »
L'étonnement des deux dames Humbertot fut grand de s'apercevoir, en s'asseyant, un soir, devant le potage auquel les conviait M. Dalombre, qu'on était, en effet, non plus trois, mais quatre dans la salle à manger. Seulement, le quatrième n'était pas Albert : c'était Emmeline qui, entrée en fonctions depuis un peu moins d'une semaine, venait prendre sa place ordinaire en face du maître de la maison.
Les Humbertot avaient été, comme tout le monde, au courant de la tentative dont s'était si heureusement tirée la jeune ouvrière ; mais elles étaient très loin de supposer que les secours portés à une victime en danger de mort eussent été suivis d'une pareille prise de possession.
Tant de sollicitude déplut à Mlle Brigitte, dont les yeux plongèrent avidement dans ceux de cette intruse, qui, pour surcroît d'impertinence, les avait d'une dimension révoltante. Que faisait-elle ici ; et puisqu'elle était sur pied, ne se ressentant en rien de la secousse qu'elle avait subie, pourquoi n'était-elle pas retournée là d'où elle venait, ou pourquoi, tout au moins, ne dînait-elle pas dans sa chambre ou à la cuisine?
Comme il est toujours bon de garder son rang, Mme Humbertot, assise à la droite et Mlle Brigitte à la gauche de M. Dalombre, rapprochèrent leurs chaises de celles de l'amphitryon, de telle sorte qu'Emmeline resta, pendant tout le repas, séparée des convives par un espace assez vaste, faisant de l'autre côté de la table une sorte de cavalier seul.
Elle fut très prévenante envers ces dames, se leva deux fois pour changer leurs assiettes, la domestique ne venant pas assez vite, et il fallut que M. Dalombre lui adressât à itératives fois le reproche de manger comme un oiseau, pour qu'elle se décidât à s'occuper un peu de son estomac.
Il aggrava ses torts en présentant d'abord Mlle Emmeline Freizel aux deux Humbertot, puis les Humbertot à Emmeline : ce qui les mettait toutes les trois sur un pied d'égalité complète. L'orpheline tenait tant à se faire petite que le vieillard ne perdait jamais l'occasion de la rehausser. Il était manifeste qu'il s'occupait d'elle beaucoup plus attentivement que de ses deux invitées. Il répéta à deux ou trois reprises, comme pour s'excuser :
« C'est notre fille adoptive! »
Cette adoption sonna horriblement mal aux oreilles de Mme Humbertot. Quand on a une fille, adoptive ou non, on lui amasse une dot et on la couche sur son testament, au moins pour la part disponible. Si M. Dalombre était ainsi possédé de cette manie d'adoption, est-ce que Brigitte n'était pas là pour lui donner pleine et entière satisfaction à cet égard?
Brigitte, elle, ne pensait ni à la dot ni à l'héritage. Elle était froissée parce que cette étrangère avait sur elle, entre autres supériorités, l'avantage d'être toujours là, tandis que sa mère et elle ne pourraient lui disputer que les mercredis, de trois heures à cinq, les bonnes grâces des habitants de la maison.
Elle espéra un instant que la haine des domestiques contre la nouvelle venue, qu'ils se voyaient obligés de servir, arriverait à lui aliéner les sympathies de ses protecteurs. Elle dut renoncer à cette illusion en entendant la vieille Annette dire à Emmeline sur le coup de dix heures :
— Quand notre demoiselle voudra se coucher, sa couverture est prête.
Si, étant déjà la demoiselle de M. Dalombre, elle était encore celle des autres, il n'y avait plus à compter sur rien.
A partir de ce moment, Emmeline devint l'ennemie. Le cerveau, ordinairement inoccupé, de l'ancienne pensionnaire des bonnes sœurs du couvent des Dames Anglaises, se peupla de combinaisons machiavéliques, dont la construction, malheureusement, péchait toujours par quelque côté. Exaspérée de tant d'avortements successifs, elle eut un jour envie de voler n'importe quoi, un couvert, un couteau d'argent, une petite salière en vermeil, afin de laisser planer sur l'inconnue un soupçon, sinon une certitude d'indélicatesse.
Mais, c'était précisément Emmeline qui, tous les soirs, serrait l'argenterie, après l'avoir scrupuleusement comptée. En constatant la disparition d'une des pièces dont elle avait la garde, elle n'eût pas manqué d'en faire part au maître de la maison et de tout remuer pour la retrouver. Or il est rare qu'on se dénonce ainsi soi-même, d'autant que l'objet volé ne vaudrait probablement guère plus d'une cinquantaine de francs et que les Humbertot savaient par M. Dalombre que la petite avait expressément exigé, sous menace de départ immédiat, qu'il ne fût jamais question entre elle et lui de rémunération pécuniaire.
Il fallait, conséquemment, chercher autre chose. Elle tenta de triompher d'Emmeline en l'écrasant de son luxe. L'ancienne apprentie de la rue Notre-Dame-de-Lorette et autres lieux restait corporellement confinée dans une petite robe de laine demi-deuil, à carreaux noirs et blancs ; car le maître, depuis la catastrophe qui lui avait pris sa fille, n'avait cessé de porter un crêpe à son chapeau.
Mlle Humbertot se fit confectionner une robe de soirée en faille d'un rose que son teint foncé rendait plus vif, à moins que ce ne fût le rose qui rendît le teint plus foncé ; puis, elle attendit l'occasion de démasquer cette batterie.
Elle eut un sourire mystérieux en recevant enfin, de la bouche de M. Dalombre, l'invitation en vue de laquelle elle avait préparé son armement. Bien que les réceptions du bonhomme fussent sans le moindre apprêt, elle se mit sur son trente et un, avec aigrette dans les cheveux, manches courtes et le corsage de la robe décolleté en pointe jusqu'au creux de l'estomac ; si bien que sa peau luisait sous le cold-cream comme la lame d'un poignard.
Mme Humbertot avait également fait voir le jour à une toilette en soie vert bouteille, émaillée de garnitures en dentelle noire, indicatrice de quelque projet encore inavoué.
M. Dalombre et son neveu, qui était venu ce jour-là réclamer sa place à table, se récrièrent sur ce cérémonial inusité. Brigitte, avec la plus parfaite bonhomie, s'excusa de son luxe qui, en effet, eût été ridicule si sa mère et elle n'avaient dû aller, après le dîner, — oh! tard, très tard, sur les neuf ou dix heures, — achever leur soirée à l'Opéra, dans la loge d'une dame de leurs amies qui l'avait mise à leur disposition. Elles s'y rendraient seulement un instant pour ne pas la contrarier.
Ce mensonge ne souleva aucune objection, et Mlle Humbertot se donna le plaisir de trôner avec son aigrette, dont elle secouait les brindilles sur la robe laine et coton où se moulait la taille d'Emmeline.
Comme si la perspective d'une fin de soirée à l'Opéra eût développé ses aptitudes artistiques, Brigitte se mit à parler orchestration, mélodie, symphonie, fugue et contrepoint. Elle lança contre Wagner et les wagnériens deux ou trois plaisanteries de haut goût, qui charmèrent par leur profondeur la naïve Emmeline. On eût dit que cette robe de faille rose, développée en poignard, était, pour l'ancienne élève des bonnes sœurs du couvent des Dames Anglaises, une robe de Nessus qui eût mis le feu à son imagination et à sa langue ordinairement peu frétillante.
Weber, Meyerbeer, Verdi, Gounod, furent passés en revue, comme s'il avait dépendu de cette jeune personne de les faire entrer à l'Institut. Rossini eut son paquet. Mme Humbertot scandait ses appréciations par cette ritournelle en ut mineur :
— Brigitte est si musicienne!
Pendant près d'une heure, sa fille tint le dé de la conversation, espérant, sans doute, de la part de ses auditeurs et surtout de la part d'Emmeline, quelque objection dont elle eût triomphalement fait justice. Mais Emmeline se bornait à écouter, cherchant à s'instruire, car, en fait d'art musical, elle ne connaissait guère que les romances sentimentales ou les chansons ordurières qui forment généralement le répertoire des habitués des mauvais lieux. Ce fut donc en vain que Mlle Brigitte provoqua l'orpheline à une discussion qu'elle eût été ravie de faire dégénérer en tournoi, sa victoire lui paraissant assurée. Emmeline répondit d'un ton dont la simplicité éveilla un sourire de dédain sur les lèvres de sa partenaire :
— J'aime beaucoup la musique, mais je ne suis jamais allée au théâtre. Je sais seulement les morceaux d'opéra que j'ai entendus sur les orgues.
L'innocente se jetait de gaieté de cœur dans la gueule du loup. La jeune Humbertot reprit avec plus d'élan ses dissertations, avec l'intention et la prétention évidentes d'enfoncer des clous inarrachables dans le cœur de l'insouciant Albert, qui, s'il n'était pas le dernier des oisons, ne pouvait manquer de constater l'immensité de la différence qui existe entre une simple « grue » et une femme supérieure.
Le fait est que, dix heures ayant sonné, Albert, qui était attendu au quartier latin, fit observer à ces dames qu'elles n'auraient plus guère le temps que d'assister au quatrième acte de Guillaume Tell.
— Ah! c'est vrai, comme il est tard! s'écria Brigitte, feignant d'être surprise par la marche de la pendule. Puis, elle ajouta : — Ma foi! ça ne vaut vraiment pas la peine de se déranger pour si peu. Nous nous excuserons auprès de cette dame, n'est-ce pas, maman? et nous remettrons la partie à un autre soir.
Mme Humbertot acquiesça d'un signe de tête, et sa fille put ainsi prolonger, jusqu'à près de onze heures, ses effets d'éloquence et de toilette. Lorsqu'enfin elles se décidèrent à démarrer, M. Dalombre reconduisit les deux femmes jusqu'à l'antichambre et aida la jeune fille à endosser sa visite de peluche Bismarck, dans laquelle elle entra au salon pour y chercher ses gants, qu'elle avait fait semblant d'oublier sur une table. Après avoir eu un succès de décolletage, elle tenait à avoir un succès de tournure.
Restée seule un instant avec Albert, Emmeline lui dit avec une candeur admirative :
— Comme cette demoiselle est instruite pour son âge!
— Elle est peut-être instruite, se contenta de riposter le jeune homme ; mais elle peut se vanter d'être rudement poseuse!