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Le poison de Goa : roman

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Le Pénitencier

Le gouvernement portugais avait décidé de ne poursuivre comme responsables du mouvement révolutionnaire de Goa que les membres du conseil de la colonie. Mais il avait donné des ordres pour que ce fût fait avec la dernière rigueur.

A l’exception de Castro, tous les membres du conseil de la colonie purent franchir la frontière du territoire portugais avant d’être arrêtés. Ce fut en habit et en cravate blanche que Mascarenhas, suivi de ses fils dans la même tenue, partit à cheval sur la route de Visapour. Sa femme, qui n’avait pas quitté sa toilette cramoisie, lui avait dit sur le seuil de sa maison :

— Sois tranquille. Je garde le foyer des Mascarenhas.

Marcora, qu’on avait trouvé endormi chez lui, avait pu s’enfuir grâce à l’initiative de ses filles qui avaient activement sympathisé avec les jeunes soldats chargés de sa garde.

On rechercha avec un soin tout particulier Deodat de Vega. Mais sans doute n’avait-il pas perdu le souvenir des années passées à Port Jackson. Personne n’entendit plus jamais parler de lui.

Le procès de Castro fut instruit rapidement. Oh craignait les mouvements de l’opinion, une révolte en sa faveur. C’était à tort. Une bizarre apathie, une sorte de langueur s’était emparée de Goa. Comme si un mystérieux mot d’ordre eût circulé, les tripots s’étaient fermés, les pianos et les guitares s’étaient tus, les énergies étaient mortes. Beaucoup de prêtres étaient partis. Dans le couvent des Cordeliers, il ne resta plus qu’un moine sur cinq. Il avait perdu la raison. Il s’obstinait à chanter durant le jour la prière des morts, malgré les efforts que faisaient les voisins du couvent pour le faire taire. Les deux derniers Carmes déchaussés clouèrent avec des planches la porte de leur église. Le sonneur de cloches, qui avait été obligé à regret de sonner le glas pendant l’excommunication, décrocha secrètement le battant des cloches de la cathédrale. Pour les matines et pour les vêpres, on l’apercevait dans sa tour s’agitant, tirant de toutes ses forces sur la corde pour ne produire que le silence.

Brusquement, la maladie de peau de Juana de Faria s’était déclarée avec une force inattendue. Des croûtes laiteuses étaient apparues sur son front comme une couronne. Cette affection se répandit et devint commune dans le vieux Goa. On accusa les Chinois d’avoir propagé une maladie nouvelle à laquelle on attribua des effets d’autant plus redoutables qu’elle venait de la lointaine Chine. On pensa aussi que la cause pouvait en être l’humidité, plus grande cette année-là, la pourriture ambiante. Les pluies qui avaient détruit l’église des Rois Mages avaient soulevé un ancien charnier dans un faubourg. Des ossements du siècle passé avaient été portés par l’eau dans les rues. Un pauvre homme, qui avait une cabane au ras du sol, trouva, en rentrant chez lui, un crâne dans sa cheminée. Les étangs dégageaient une odeur plus pestilentielle. La décomposition des végétaux était plus active. Des souffles empoisonnés sortaient des vieux monastères et des demeures mangées par les termites. Les tours, à demi démolies, avaient une apparence plus mélancolique et l’on croyait, à chaque souffle de vent, qu’elles allaient se coucher tout de leur long comme des vieillards épuisés, tant la ruine et la mort étaient présentes à Goa.

Il n’y eut même pas foule autour du tribunal de la ville neuve quand fut prononcé le jugement qui condamnait Castro à vingt ans de travaux publics. Il s’était à peu près rétabli de son attaque pendant les deux mois de détention qui avaient précédé son procès. Il n’avait gardé qu’une sorte de raideur dans le bras gauche qui lui faisait soulever un peu les épaules. Cela lui nuisit d’ailleurs, car ses juges, qui le voyaient de trois quarts durant qu’on lisait l’acte d’accusation, crurent que ce geste était une affectation de mépris.

Castro avait été soigné à l’infirmerie de la prison de Goa. Il se trouva, sans que personne pût s’expliquer pour quelle raison, que les deux meilleurs médecins de Bombay, qui étaient juifs, s’installèrent à Goa durant le temps de sa maladie, et, chose plus surprenante, ils obtinrent, par une démarche du gouverneur de Bombay, l’autorisation de le soigner à la prison. Ils soignèrent en même temps son fils, dont l’état était plus grave.

M. de Ribeira avait hésité pour savoir s’il ferait arrêter Rachel. Sa présence à la ville neuve auprès de Joachim de Castro provoquait l’hostilité populaire. Il la fit expulser du territoire portugais le troisième jour. Elle alla habiter à Cochin dans la maison de son père.

Quant à Manoël Jehoudah, sa vie active venait de commencer.


Manoël Jehoudah s’aperçut qu’il jouissait auprès de ses coreligionnaires d’une estime et d’une autorité plus grande qu’il n’aurait pu le supposer. Elles venaient de ses correspondances avec des rabbins érudits, étudiants de la Kabbale et de la science religieuse des anciens livres juifs. Une renommée discrète de savant désintéressé et d’honnête homme s’était constituée à son insu autour de son nom. Ceux qui, dans les colonies juives de l’Orient, avaient des situations et des fortunes, se mirent immédiatement à sa disposition. Ils s’étonnèrent un peu du choix de l’homme que Jehoudah avait résolu de protéger, mais ils ne lui posèrent pas de question et ils agirent en sa faveur dans toutes la mesure de leur pouvoir.

Dès le premier soir, Manoël Jehoudah avait résolu de ne plus montrer à Pedre de Castro un visage qui lui était odieux. Il expliqua, quand celui-ci fut transféré à la prison de la ville neuve, au médecin de l’infirmerie de la prison, les circonstances de l’attaque qui avait frappé Castro et les premiers soins qu’il lui avait donnés. Puis il partit pour Bombay d’où il ramena les deux médecins qui se consacrèrent au père et au fils.

Castro refusa pendant sa convalescence, qui fut rapide, de se confesser et même de voir un prêtre. Il insista à plusieurs reprises pour qu’on enlevât le crucifix qui était au-dessus de son lit. Ce fut le seul désir qu’il émit durant cette période. Il ne s’occupa pas de sa défense. Il passait des journées entières dans un silence farouche. Il accueillit sa condamnation avec une indifférence absolue et l’air de dire :

— Qu’importe ce qui peut arriver à un homme aussi manifestement abandonné de Dieu que je le suis.

Les travaux publics se faisaient au pénitencier de Mozambique. Le passage du bateau qui portait les condamnés des colonies de Macao et de Malacca et qui devait prendre ceux de Goa coïncida avec la fin du procès. Castro y fut embarqué. De puissantes interventions avaient déjà agi sur le capitaine pour qu’il le traitât avec égards pendant la traversée.

Manoël Jehoudah prit passage sur un bateau de commerce anglais et arriva à Mozambique trois jours avant le navire qui portait les condamnés. La colonie juive était là peu nombreuse et son influence était limitée. Jehoudah s’en servit tout de même. Il entra par elle en relations avec le directeur de la nouvelle compagnie de Mozambique qui venait d’obtenir d’immenses concessions de terrains et l’exploitation des ports. La compagnie avait le droit d’utiliser à son gré le travail des condamnés du pénitencier. Elle attendait impatiemment le navire venant de Goa pour employer le nouvel effectif d’hommes au désensablement du port de Beïra. Le travail y était écrasant. Jehoudah obtint du directeur de la compagnie que Castro n’y serait pas employé et resterait à Mozambique dans les bureaux ou à l’infirmerie. Il s’installa lui-même à Mezuril, sur la côte, pour veiller sur son protégé.

Castro ne le vit pas et ne connut pas sa présence. Il crut devoir à son nom et à la situation qu’il avait eue à Goa les avantages qu’il obtint. Mais il indisposa volontairement tout le monde par son humeur taciturne, son mépris hautain. Quand il demanda à être occupé au défrichement de terrains sauvages près de la rivière Mocambo, — le long de laquelle on projetait une route en direction des monts Namouli, — on le lui accorda immédiatement. On promettait aux forçats qui allaient braver les tribus hostiles et les bêtes fauves une réduction de leur peine. C’était la peine de sa vie que Castro voulait abréger par la mort.

La compagnie avait un vapeur qui remontait la rivière et ravitaillait chaque semaine les condamnés échelonnés de distance en distance. La fièvre avait tué l’un d’eux dans sa petite maison de planches. Il fallait le remplacer sur-le-champ. Castro partit avec le vapeur et Jehoudah n’en fut prévenu que le soir.

Il tomba dans une grande tristesse. Il avait cru avoir un peu de temps devant lui. L’œuvre qu’il poursuivait et pour laquelle il aurait volontiers donné son existence était peut-être irréalisable ! Il savait, par les renseignements pris depuis son arrivée, que le séjour dans les régions marécageuses de l’Ouest était presque toujours mortel pour les Européens. Castro risquait de mourir là-bas, solitaire, au milieu de pensées de haine, avec une âme plongée dans le désespoir. Il résolut de le rejoindre. Mais le cours de la rivière était difficile et dangereux à remonter. Il lui fallut pour partir attendre à Mozambique une longue semaine le retour du vapeur de la compagnie.

La chaleur était accablante et il commençait à avoir chaque soir des accès de fièvre qui lui causaient un abattement profond. Le gouverneur de la colonie et le directeur de la compagnie vinrent le voir pour le détourner de son projet. Ils ne voyaient pas sans inquiétude ce vieillard débile affronter le climat d’une région qui venait à bout en très peu de temps des tempéraments les plus robustes. Ils devinaient confusément que c’était pour des raisons d’encouragement moral que le médecin voulait rejoindre Castro.

— Le mieux est de l’abandonner à lui-même, disaient-ils. L’aumônier qui l’a vu l’a quitté avec une fort mauvaise impression. C’est une créature qui semble tout à fait perdue.

Mais leurs efforts furent vains. Ils obtinrent cependant de lui la promesse qu’il ne resterait que quelques heures auprès de Castro. Le vapeur l’attendrait et il reviendrait à Mozambique avec lui. Jehoudah ne savait pas alors comment il serait accueilli par Castro et il envisageait l’hypothèse que celui-ci se refuserait à échanger avec lui la moindre parole.

Après trois jours de lente navigation, d’abord entre des brousses désolées, puis entre des murailles de forêts vierges, le navire stoppa auprès d’une longue bande de sable. Il y avait à son extrémité une étroite piste aboutissant à une piste plus large, ouverte à la hache, dans l’entrelacement des bois et des lianes. Un peu plus loin, dans une clairière, au bas d’une pente, une misérable case de planches représentait le poste le plus avancé atteint par la compagnie d’exploitation du Mozambique.

Le capitaine du vapeur accompagna Jehoudah jusqu’à la maison de planches de Castro. Il le soutenait, car il avait la fièvre et il marchait avec difficulté. Un marin portait derrière eux, outre les provisions de la semaine envoyées par la compagnie, un paquet d’objets divers achetés par Jehoudah à l’intention de Castro. Le capitaine raconta ensuite qu’il avait constaté avec surprise que le paquet du médecin juif contenait un crucifix d’assez haute taille avec un Christ en ivoire. C’était, dit-il, ce qu’on pouvait se procurer de mieux dans le genre, à Mozambique. Et il ajouta qu’il voyait pour la première fois de sa vie un juif faire de la propagande chrétienne.

Contrairement à ce qui avait été convenu, le vapeur ne ramena pas Jehoudah à Mozambique.

— Quand nous sommes arrivés, raconta le capitaine, Castro était assis sur sa porte et regardait la forêt avec fixité. Il jeta sur nous un regard indifférent et se détourna exactement comme si nous n’avions pas paru au bout du sentier. Jehoudah me demanda de le laisser seul avec Castro, ce que je ne fis pas sans quelque inquiétude. La maison n’est qu’à quelques minutes du fleuve. Il me promit de me rejoindre seul au bateau, un peu plus tard. Je vis en me retournant que le médecin s’était assis à côté de Castro, toujours immobile, et lui parlait. Je restai assez longtemps à les considérer. Le condamné continuait à ne donner aucune preuve d’attention. A la fin, je rentrai au bateau et j’y passai la nuit. Dès le matin, Jehoudah me rejoignit pour me dire qu’il ne repartait pas avec moi. Il avait le visage d’un homme qui n’a pas dormi, mais qui est satisfait. Comme j’insistais, il me dit de n’avoir aucune inquiétude. Il comptait passer toute la semaine là. Les provisions qu’il avait apportées dans le paquet qui contenait le crucifix, jointes à celles destinées à Castro, devaient suffire pour deux. Il redescendrait vers Mozambique au prochain retour du bateau, la semaine suivante. Il devait en réalité entreprendre un voyage beaucoup plus lointain.

Le capitaine du vapeur avait reçu, en faisant à nouveau la remontée de la rivière, l’ordre formel de ramener avec lui Castro et Jehoudah. Le gouverneur de la colonie et le directeur de la compagnie avaient pensé d’un commun accord que le seul moyen de préserver un homme de l’âge de Jehoudah d’un séjour dans la forêt qui pouvait lui être mortel, était de rappeler le condamné qui était la cause de son départ.

Voici le récit que fit le capitaine à son retour. Il refit plus tard ce récit à Joachim de Castro et à Rachel Jehoudah quand ils vinrent ensemble à Mozambique et quand ils remontèrent la rivière avec lui pour voir la tombe de leur père.

— Nous longions la grande bande de sable qui marque la fin de notre voyage. Nous arrivions à l’heure habituelle, c’est-à-dire à la fin de l’après-midi. Je distinguais les formes de deux hommes, assis sur le sable et se soutenant l’un l’autre. Ils étaient serrés comme deux frères. L’allongement de leurs corps marquait davantage la disproportion de leur taille. Ce qui me frappa pourtant, c’est que, malgré son extrême petitesse par rapport à son compagnon, le médecin Jehoudah avait dans sa manière de tenir Castro aux épaules un je ne sais quoi de large et de protecteur qui le faisait paraître tout de même plus grand. Tous deux devaient être là depuis plusieurs heures. Sans doute avaient-ils espéré voir arriver le bateau plus tôt qu’à l’ordinaire. Ils avaient dû être atteints presque en même temps et depuis plusieurs jours par cette malaria propre à la région et l’arrivée du bateau coïncida avec leurs derniers instants. Peut-être Castro était-il déjà mort quand je débarquai. Jehoudah se leva, fit quelques pas dans ma direction, et retomba. Quand j’arrivai auprès de lui, il me tendit deux lettres dont les adresses étaient écrites avec un soin extrême et je compris que ce qui l’avait fait vivre jusque-là était la nécessité de me remettre les deux lettres en mains propres et d’obtenir l’assurance qu’on les ferait parvenir à leur adresse. Une de ces lettres était pour Joachim de Castro à Goa, l’autre pour Rachel Jehoudah à Cochin. Quand je lui eus donné l’assurance qu’il me demandait, il poussa un grand soupir de soulagement et ferma les yeux. Toutefois, il les rouvrit et balbutia :

— Si la lettre de Castro ne parvenait pas à son fils, chargez-vous personnellement de faire savoir à Joachim de Castro que son père a souhaité vivement, avant sa mort, qu’il épousât ma fille Rachel.

On lui prodigua les soins nécessaires mais il ne reprit pas connaissance. Quant à Castro, il était mort. J’eus, lorsque je m’approchai de lui, de la peine à le reconnaître. C’était vraiment un autre homme. Son expression farouche avait disparu pour faire place à un calme presque joyeux. Il portait autour du cou un chapelet que je reconnus pour un de ceux que vendent les missionnaires de Mozambique.

J’allai jusqu’à sa cabane. Elle était dans un ordre parfait. Il y avait deux verres côte à côte, deux haches et toutefois un seul crucifix. Tout ce que je vis attestait que deux hommes avaient vécu et travaillé ensemble durant une semaine dans un parfait accord, en vérité, comme deux frères qui se seraient aimés tendrement. Nous creusâmes leur tombe l’une à côté de l’autre.


Selon le désir de son père, Joachim de Castro épousa Rachel Jehoudah. Ils ne revinrent jamais à Goa. Rachel relisait souvent la dernière lettre qu’elle avait reçue de Mozambique et qui se terminait ainsi :

— … Ce n’est pas ton bonheur que j’ai considéré, car le bonheur n’est pas le but, ce n’est même pas la réparation du tort que tu as causé. J’ai voulu ramener celui que tu avais volontairement fait rétrograder sur le chemin de l’homme, dans la voie droite où chacun est à même de regarder l’au-delà avec une tranquillité résignée. Et ainsi au-dessus de nous, dans le domaine des causes et des effets, j’ai interrompu un courant d’ombre, la chaîne du mal qui est éternelle si le pardon actif n’intervient pas, si l’amour ne remplace pas la vengeance.

Pendant que j’achève cette lettre, il prie. Nous ne savons ni l’un ni l’autre si nous vivrons jusqu’à l’arrivée du bateau. Mais cela n’a plus guère d’importance pour nous. Nous aurons transmis à nos enfants l’exemple de la réconciliation. Tout à l’heure nous nous étendrons sur le même lit de feuilles et le sommeil de mon compagnon sera paisible. Tu te demandes sans doute comment je lui ai donné cette paix, comment j’ai pu rendre l’espérance à celui qui en a été dépouillé. Ce ne fut pas avec des idées. Il ne m’a pas écouté tout d’abord. Il a continué à regarder loin, du côté de la nuit qui venait. Ce ne fut pas non plus à l’aide des objets de son culte. J’avais pensé qu’il y avait dans leur matière usuelle une force bienfaisante qui aide l’esprit. J’ai inutilement répandu à terre le chapelet et la croix des chrétiens, à côté d’un pain, d’une pendule et d’une boussole. Je ne me suis pas de suite rendu compte de ce qui agissait sur son âme. Ce n’est qu’à la longue que j’ai compris la force de la pensée d’amour que j’avais en moi. J’ai placé cette pensée d’amour comme une lumière, dans sa misérable cabane de condamné, sur le sable de la rivière, dans la forêt où j’ai coupé à l’aurore des arbres avec lui. Et quand j’ai vu le cœur désespéré se fondre soudain et tomber le masque de pierre du visage de la haine, il m’a semblé que la forêt devenait silencieuse, que les vapeurs des étangs se dissipaient, qu’il se levait autour de nous une lumière plus claire que celle du soleil levant. Alors je n’ai pas pleuré parce que j’ai épuisé jadis la somme des larmes qu’une créature peut répandre, mais j’ai éprouvé une allégresse tellement pure que j’en ai souhaité une semblable à tous les êtres de la terre et surtout à toi, mon enfant.

L’amour est la grande force du monde. Toutes mes années d’étude et mon expérience ne m’ont appris que ce secret et je te le lègue.

Ici on enterre les hommes à l’endroit où ils tombent. Si tu ne me revois pas, et si je meurs loin de toi, ne t’attriste pas de ma solitude. Je ne suis plus seul. Je reposerai à côté d’un homme que je suis arrivé à aimer et auquel j’ai communiqué cet amour. Nous sommes deux. Nous avons lutté fraternellement contre les arbres, le soleil torride et la fièvre. Nous avons décidé de ne plus nous quitter. Nous sommes contents et tranquilles à la pensée que nos os seront mêlés, que nous dormirons côte à côte. Et s’il y a un autre voyage à entreprendre, s’il y a un réveil, c’est ensemble que nous nous lèverons pour repartir.

FIN

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