Les anciennes démocraties des Pays-Bas
CHAPITRE VII
Les villes sous le gouvernement démocratique.
I. Caractères des démocraties urbaines du Moyen Age.—II. L'économie urbaine sous le régime des métiers.—III. L'organisation politique.
I
CARACTÈRE DES DÉMOCRATIES URBAINES DU MOYEN AGE.
Si l'on compare les démocraties municipales de l'antiquité avec celles du Moyen Age, on aperçoit tout de suite qu'il existe entre elles une différence très sensible. Les premières ont pour soutien l'État lui-même: elles s'étendent à tous ses habitants, qu'ils résident en ville ou hors ville. A Athènes, par exemple, les deux tiers des citoyens environ vivent à la campagne. Au contraire, dans les communes médiévales, les institutions démocratiques créées par la bourgeoisie n'ont fonctionné qu'à son avantage. Elles se restreignent à la banlieue urbaine et restent complètement étrangères aux paysans du plat-pays. Les gouvernements régis par elles présentent un caractère aussi étroitement urbain que le gouvernement du patriciat. On n'y surprend pas la moindre trace de cet esprit de prosélytisme niveleur, indifférent aux groupes locaux comme aux classes juridiques, que le spectacle des démocraties modernes nous a habitués à considérer comme inhérent à tout régime populaire. Sans doute, il est arrivé que les villes aient cherché à s'appuyer sur les campagnes, qu'elles aient fomenté ou entretenu des révoltes parmi la population rurale. Mais ce sont là des exceptions assez rares et qui n'ont point donné de résultats durables. A tout prendre, ce n'est que par l'institution de la «bourgeoisie foraine» que la politique municipale s'est infiltrée dans une certaine mesure à l'extérieur des banlieues. Pour se recruter des partisans au dehors, les villes ont permis, en effet, à un certain nombre de «forains», artisans agricoles, fermiers, membres de la petite noblesse, de s'inscrire sur leurs rôles et de participer à leurs franchises. Ces concessions octroyaient à leurs bénéficiaires l'avantage d'une sorte de droit d'exterritorialité en les plaçant sous la juridiction directe des échevinages urbains; elles entravèrent très notablement, surtout en Flandre et dans le pays de Liége, le fonctionnement des seigneuries locales. Mais si nombreuses qu'elles aient été par endroits, elles ne s'étendirent jamais qu'à une minorité d'individus et elles ne modifièrent nulle part l'état général de la condition des personnes. Bien loin de chercher à répandre largement leur droit et leurs institutions parmi les gens des campagnes, les villes s'en réservèrent plus jalousement le monopole à mesure que le régime populaire s'affermit et se développa. Elles prétendirent même, nous le verrons, imposer aux gens du plat-pays une domination très lourde, les traiter en sujets et les forcer, au besoin par la violence, à se sacrifier à leur avantage. Et il n'y a là rien d'étonnant. Entre les campagnes et les villes, en effet, la divergence des intérêts, des besoins et de la condition sociale rendait impossible la communauté des sentiments et des efforts. Elles furent dès l'origine, et elles restèrent durant des siècles, étrangères sinon hostiles les unes aux autres. Plus riches, plus actives, plus entreprenantes et surtout mieux organisées, celles-ci s'imposèrent en général à celles-là et ce n'est que du jour où les progrès de la centralisation politique furent assez avancés pour permettre à l'État de les soumettre également à sa volonté que commença à s'atténuer un contraste dont il subsiste encore de nos jours de nombreux vestiges.
Concluons donc que les démocraties urbaines du Moyen Age ne furent, en somme, et ne purent être que des démocraties de privilégiés. Elles ne connurent point, et ne purent connaître l'idéal d'une liberté et d'une égalité accessibles à tous. Elles naquirent et se développèrent au sein de groupes sociaux nettement différenciés du reste de la population, et elles restèrent toujours la propriété exclusive de leurs auteurs.
Mais il faut aller plus loin et reconnaître que, même parmi les bourgeois, on chercherait vainement à surprendre l'existence d'un véritable sentiment démocratique. La collectivité urbaine, en effet, se compose d'une agglomération de collectivités entre lesquelles se répartissent tous les habitants. Chacun d'eux appartient à un métier ou, s'il n'est point artisan, à une corporation renfermant les individus vivant en dehors des professions industrielles. Ainsi la population, suivant le genre de vie de ses membres, se divise en une quantité de corps spéciaux. A la spécialisation du travail et des professions répond une spécialisation analogue de la vie politique. Suivant que l'on est forgeron, boulanger, maçon, tondeur, tisserand ou foulon, on occupe une place différente dans l'organisme municipal. Du jour où les métiers ont acquis des droits politiques, la commune s'est trouvée fractionnée en collèges particuliers, ne poursuivant chacun que ses intérêts propres et incapables de les subordonner aux intérêts d'autrui. Il arrive naturellement que, sur bien des questions, tous ces groupes se trouvent d'accord et tendent au même but. Mais cette unanimité ne résulte pas de la conscience du bien général. C'est toujours le bien particulier qui l'emporte. Le bourgeois, avant d'être de sa ville, est de son métier, et son attitude n'est jamais douteuse s'il lui faut opter entre l'avantage de l'une et celui de l'autre.
Dans de telles conditions, il n'y a pas de place pour le citoyen tel que l'antiquité l'a connu. Les droits et les devoirs de l'individu ne découlent point directement de la chose publique. Entre elle et lui s'interpose le groupe de ses compagnons qui le saisit, l'absorbe et lui impose le rôle qu'il doit remplir et qu'il remplira d'autant plus volontiers qu'il se confond avec le métier même dont il vit. La même divergence d'intérêts que l'on remarque entre les villes et les campagnes se rencontre donc au sein des villes, quoique à un moindre degré, et y rend impossible le développement de l'esprit démocratique ou, si l'on veut, y impose à la démocratie un caractère bien différent de celui qu'elle a revêtu dans l'antiquité et dans les temps modernes.
Ce n'est pas que la théorie du gouvernement démocratique ait été inconnue au Moyen Age. Les philosophes l'y ont très nettement formulée, à l'imitation des anciens. A Liége, au milieu des agitations civiles, le bon chanoine Jean Hocsem examine gravement les mérites respectifs de l'aristocratia, de l'oligarchia et de la democratia, et se prononce finalement pour cette dernière. On sait d'ailleurs à suffisance que plus d'un scolastique a reconnu formellement la souveraineté du peuple et son droit à disposer du pouvoir. Mais ces théories n'eurent pas la moindre action sur les bourgeoisies. On en peut bien surprendre l'influence, au XIVe siècle, dans certains pamphlets politiques, dans quelques œuvres littéraires; il est tout à fait certain en revanche que, tout au moins dans les Pays-Bas, elles n'ont pas eu la moindre action sur le «commun». Exclusivement adonné à la vie pratique, le peuple des villes demeura aussi étranger aux spéculations de l'école, que le clergé l'était aux soucis du commerce et de l'industrie. Avant le XVe siècle, aucun des démagogues ou des politiciens qu'il produisit en si grand nombre ne nous apparaît comme un homme instruit; beaucoup d'entre eux semblent même avoir été complètement illettrés. Le mysticisme des Franciscains et des Lollards, avec son exaltation de la pauvreté et sa condamnation de la richesse, a contribué, dans une certaine mesure, à l'ardeur de leurs convictions. Mais, à y regarder de près, on aperçoit que leur conduite s'explique essentiellement par le conflit des intérêts, et qu'ils ne sont, en somme, que les représentants d'une classe sociale dont les tendances déterminent le programme. Tous, sans doute, ne sortent point des rangs du bas peuple. On trouve parmi eux bon nombre de gens riches, des patriciens, voire même des membres de la petite noblesse. Qu'il nous suffise de rappeler ici que Henri de Dinant appartenait à l'une des familles les plus influentes de Liége, et que Philippe Van Artevelde sortait de la haute bourgeoisie gantoise. On ne peut douter que l'ambition personnelle ou des rancunes privées n'aient souvent amené au parti populaire des auxiliaires inattendus. Mais ils n'ont pu conserver leur ascendant sur lui que dans la mesure où ils se sont identifiés avec ses besoins et ses tendances.
L'action des individus sur le développement du mouvement démocratique urbain a d'ailleurs été très faible, et il n'en pouvait être autrement. Ce sont, en effet, des groupes d'hommes, ce ne sont point des hommes isolés qui ont été les promoteurs du nouvel état de choses. La chute du régime patricien fut l'œuvre des métiers, et il est sans doute inutile de rappeler que le métier, avec la forte discipline qu'il impose à ses membres, avec l'esprit corporatif qui l'anime, avec la solidarité d'intérêts sur laquelle il repose, restreint, à un point qui n'a plus jamais été atteint depuis lors, le rôle de la personnalité. Nous avons eu l'occasion de constater plus haut[60] que l'histoire des origines municipales ne nous présente point de législateurs. Il en est de même pour celle de la révolution démocratique. Non seulement les sources ne nous fournissent le nom d'aucun créateur d'institutions nouvelles, mais ces institutions mêmes, par la parenté qu'elles accusent dans les milieux analogues, révèlent qu'elles se sont formées spontanément, sous l'action des mêmes besoins et des mêmes désirs. Partout, les artisans souffrant des mêmes maux demandent les mêmes remèdes, et partout, aussitôt qu'ils en ont la force, ils les appliquent de la même manière.
[60] Voyez plus haut, p. 72.
Remarquons, en effet, que le système établi dans les villes par le régime populaire ne les a nulle part bouleversées de fond en comble. Les démocraties du Moyen Age, comparées à celles de l'antiquité, sont singulièrement conservatrices. A Athènes, tout le système des magistratures, toute l'organisation judiciaire, financière et militaire sont atteints dans leurs bases, aussitôt que le peuple arrive au pouvoir. Rien de tel, au contraire, ni à Liége, ni à Bruges, ni à Gand. Ici, l'administration urbaine reste aux mains de l'échevinage ou du conseil et ne trahit aucune modification essentielle. L'organisme municipal conserve tous ses anciens rouages. Il continue à fonctionner comme il le faisait auparavant. Seule la force qui le met en mouvement s'est transformée. Au lieu d'obéir à une oligarchie de riches, ce sont désormais les métiers qui déterminent son action. L'esprit de la politique a changé beaucoup plus que le système politique lui-même. C'en a été assez d'ailleurs pour produire des résultats très importants.
II
L'ÉCONOMIE URBAINE SOUS LE RÉGIME DES MÉTIERS.
Examinons-les tout d'abord dans l'organisation économique. Quelques mots suffiront à en faire comprendre la nature. Avant le triomphe du régime démocratique, les métiers sont étroitement soumis à l'échevinage; après lui, chacun d'eux arrive à l'autonomie, exerce, en matière industrielle, la juridiction sur ses membres, intervient dans la confection des règlements qui s'imposent à eux. Bref, les corporations professionnelles jouissent désormais du droit de gérer elles-mêmes leurs propres intérêts. C'était la première de leurs revendications et celle dont découlaient toutes les autres. A vrai dire, l'échevinage ne perd pas toute autorité sur elles. C'est lui qui promulgue leurs statuts, et c'est lui encore qui, en cas de conflit entre deux métiers, évoque la querelle à son tribunal. Mais si importantes que soient restées ces prérogatives, elles n'en laissent pas moins à chaque collège d'artisans, dans son existence journalière, une indépendance complète. Les doyens, les jurés, les vinders des métiers, au lieu d'être imposés par le magistrat, sont maintenant librement désignés par les confrères, et leur surveillance volontairement acceptée n'en est que plus efficace.
Elle est en même temps bien plus active et bien plus méticuleuse. Désormais libre d'entraves, l'esprit corporatif se manifeste dans toute sa plénitude et va jusqu'à ses dernières conséquences. Maîtresse de s'administrer à sa guise, la petite bourgeoisie s'abandonne sans réserve à ce protectionnisme qui est la garantie de son maintien. Constamment, on la voit resserrer les mailles de la réglementation industrielle, entourer de barrières plus hautes et plus solides le domaine réservé à chaque profession, veiller avec plus de soin à bannir toute concurrence du marché local. Le grand commerce, dont vivent les patriciens, lui inspire une défiance insurmontable. Elle s'ingénie à échapper à ses atteintes. Ses tendances anticapitalistes se donnent libre carrière. Manifestement son but est de réserver à ses membres le monopole de toutes les industries. Aussi cherche-t-elle à écarter de la ville les étrangers ou du moins à les soumettre à un contrôle si sévère que leur intervention ne puisse être dangereuse. C'est depuis les débuts de l'époque démocratique que nous apparaissent dans leur entier développement les caractères propres de l'économie urbaine. Non seulement les statuts industriels ne cessent dès lors de se multiplier, mais la législation impose aux halles, aux courtiers, à tous les organismes du trafic en grand, des prescriptions de plus en plus minutieuses et empreintes d'une hostilité craintive. On s'ingénie à trouver un système qui permette à la population urbaine de vendre le plus possible aux étrangers tout en réduisant au minimum les achats qu'elle leur fait.
C'est surtout en matière d'organisation du travail que se décèlent le plus nettement les tendances protectionnistes du nouveau régime. Dès qu'il a fait passer aux mains des artisans eux-mêmes la police des métiers, ceux-ci s'empressent d'exploiter la situation au profit exclusif de leurs membres. Si l'échevinage ne parvenait à leur imposer quelque modération et si, par la force des choses, l'intérêt du consommateur ne s'opposait à l'intérêt du producteur, ils ne tarderaient pas à faire de leur monopole une véritable exploitation du public. Le bien commun de la ville n'est plus et ne peut plus être le mobile de leur conduite. Chaque corporation professionnelle se considère comme un corps indépendant, propriétaire privilégié d'une branche d'industrie. C'est vraiment en propriétaire qu'elle agit. Comme un propriétaire, en effet, elle considère le métier comme un bien de famille passant naturellement du père au fils. Elle réduit, en faveur des fils des «maîtres», le temps de l'apprentissage, tandis qu'elle rend celui-ci de plus en plus long et de plus en plus coûteux pour les nouveaux venus. Pareillement, elle ne s'ouvre qu'avec peine au «compagnon» venu du dehors. Elle exige de lui, avant de l'admettre à l'exercice de la profession, un certificat en règle de bonne conduite, vie et mœurs, et l'attestation qu'il a satisfait, dans une «bonne ville», aux règlements sur l'apprentissage. Encore ne l'accepte-t-elle que si ses propres membres jouissent dans cette ville d'une entière réciprocité. Il arrive même qu'elle ne se montre pas aussi généreuse et qu'elle impose, comme une condition préliminaire du droit au travail, l'acquisition de la bourgeoisie. Plus on avance, et plus on la voit prodiguer les mesures restrictives. Il en est, en somme, de chaque métier comme il en avait été antérieurement du patriciat. Les avantages dont il jouit le portent invinciblement à ne les réserver qu'à ses ayants droit, à se confiner dans le privilège et à ne s'inspirer que de la maxime beati possidentes.
Mais l'égoïsme dont il fait preuve à l'égard des gens du dehors a sa contre-partie dans la sollicitude qu'il témoigne à ses membres. Il n'épargne rien pour assurer et pour améliorer leur condition. Il organise des institutions d'assistance et de secours mutuels. Si ses ressources le lui permettent, il fonde un hospice pour les vieillards et bâtit une chapelle ou en acquiert une dans quelque église. Au décès d'un confrère, il assiste en corps à ses funérailles et subvient à l'existence de la veuve et des orphelins. L'esprit de solidarité et de charité chrétienne qui l'anime donne un spectacle vraiment admirable. Dans le cercle étroit de la profession où il est confiné, il peut maintenir et maintient la fraternité et l'égalité de tous. Il ne permet pas à un maître d'agir au détriment des autres maîtres, de leur enlever leurs clients, d'augmenter, à leur préjudice, le nombre de ses compagnons ou de ses apprentis. L'intérêt du groupe constitue d'ailleurs une barrière assez forte pour contenir la poussée de l'intérêt privé et de l'ambition personnelle. Bien rares sont ceux qui cherchent à échapper à la règle commune et ne se contentent point d'une condition où ils trouvent une existence assurée et honorable. Malgré la différence de leurs rangs, les maîtres, les compagnons et les apprentis s'unissent dans un même sentiment de solidarité et de concorde. Car, si les maîtres jouissent d'importantes prérogatives, leur genre de vie les rapproche des compagnons dont ils partagent les travaux et qu'ils ont jadis, au temps de l'apprentissage, logés sous leur toit, nourris à leur table et traités comme leurs enfants.
Il n'en faut pas dire davantage pour montrer que les métiers, tels qu'ils se sont organisés au XIVe siècle, sont arrivés à un état d'équilibre parfait. Désormais, ils ne se développeront plus, ni quant au nombre de leurs membres, ni quant à leurs aptitudes professionnelles. Vers 1350, ils ont atteint à leur apogée. Jamais la situation des artisans n'a été plus favorable qu'à cette époque. Mais les avantages mêmes qu'elle présente les attachent désormais au conservatisme et les pousseront à la longue dans la routine. Ils ne consentent plus à partager le bien-être dont ils jouissent. Leurs rangs ne s'ouvrent plus aux nouveaux venus et, nous avons eu l'occasion de le constater déjà, l'époque de leur épanouissement est celle aussi où la population des villes devient stationnaire.
Il est évident que le particularisme croissant des métiers devait renforcer encore le particularisme municipal. Né des conditions mêmes de la vie urbaine et si prononcé déjà sous le gouvernement des patriciens, il devint encore bien plus puissant du jour où la bourgeoisie entière, participant au pouvoir, se mit à travailler de commun accord à l'affermir. L'aristocratie bourgeoise s'était surtout préoccupée des intérêts du grand trafic. Désormais, ce sont des considérations de commerce local qui l'emportent, comme il est naturel dans une situation où l'hégémonie a passé des mains des marchands en gros aux mains des artisans. On s'efforce tout d'abord de dilater autant qu'on le peut le rayon de la clientèle ordinaire de la ville. Chaque grande commune s'impose en maîtresse à toute une portion du plat-pays, prétend soumettre à son hégémonie la châtellenie ou le «quartier» qui l'entoure. Elle dicte la loi, non seulement aux villages, mais aux petites villes de ses environs. Elle arrache au prince ou elle impose par la force la défense d'exercer certaines professions dans le territoire qu'elle s'est réservé. Autour de Gand, autour de Bruges, autour d'Ypres, il est interdit, depuis le commencement du XIVe siècle, de pratiquer l'industrie drapière et, à la moindre transgression de ce privilège, les métiers sortent en armes et vont impitoyablement briser les «ostilles» à tisser, les cuves à foulons et les rames à tendre le drap. A l'Écluse, toutes les corporations industrielles sont placées sous la surveillance de Bruges. L'intervention des Gantois est continuelle dans les affaires de Grammont, d'Audenarde et de Termonde. Poperinghe vit sous la tutelle d'Ypres. Le droit du plus fort s'impose sans ménagement, et, dès qu'il a duré pendant quelque temps, il se transforme en coutume. La commune qui en jouit le décore du nom de «franchise» ou de «bon usage»; il devient sacré à ses yeux, et elle arrive souvent à obtenir sa consécration officielle. Les grandes villes augmentent sans cesse le nombre et la portée de leurs privilèges; elles s'écartent de plus en plus du droit commun. Elles agissent dans le domaine des intérêts généraux de la bourgeoisie comme les métiers dans le domaine restreint de leurs intérêts professionnels. Chacune d'elles tend à acquérir le plus grand nombre possible de monopoles. De là, l'apparition de ces privilèges d'étape assurant à tant de localités le marché exclusif d'un genre de denrées ou même parfois de tous les biens transportés dans une région déterminée. En Flandre, Bruges devient l'entrepôt des marchandises entrant dans le Zwyn et l'étape générale des laines. Gand se met en possession de l'étape des grains. En Brabant, Malines reçoit celle du sel et du poisson. En Hollande, Dordrecht obtient celle de tout le transit fluvial.
Il était inévitable que de tels avantages, favorisant une ville au détriment de toutes les autres, devinssent bientôt une cause permanente de conflits. Pendant le régime patricien, la classe dominante, également intéressée dans chaque ville au maintien de la circulation générale et du commerce au long cours, n'avait songé nulle part à les confisquer à son profit. Des organisations telles que la Hanse de Londres ou la Hanse des dix-sept villes nous montrent qu'elle avait cherché dans la coopération interurbaine le moyen de faire participer toutes les gildes locales aux avantages du trafic. Maintenant, au contraire, l'esprit protectionniste des métiers s'impose à la politique municipale. Elle ne voit plus de salut que dans le privilège, dans la restriction de la liberté d'autrui, et son exclusivisme la condamne à s'agiter dans une lutte perpétuelle contre les exclusivismes qu'elle heurte. Entre Gand et Bruges, depuis le milieu du XIVe siècle, l'hostilité va toujours croissant. La question de l'étape, à la même époque, met aux prises Malines et Anvers. Dans le pays de Liége, Dinant s'acharne à la ruine de Bouvignes, sa voisine et sa rivale industrielle. L'action en commun, dont les villes du XIIIe siècle ont donné tant d'exemples, ne se rencontre plus à partir de l'époque des constitutions démocratiques. S'il arrive encore que plusieurs communes associent leurs forces, c'est que l'une d'elles a imposé son hégémonie aux autres et les entraîne à la remorque. On peut le constater nettement en Flandre, où Bruges d'abord, puis Gand ensuite ont soumis plus d'une fois tout le pays à leur prépondérance et l'ont obligé, bon gré mal gré, à les suivre. Bref, si le régime populaire a donné partout aux villes des institutions analogues et des tendances de même nature, il les a mises en même temps dans l'incapacité d'unir leurs efforts, en isolant chacune d'elles dans le cercle étroit de ses intérêts particuliers.
Si développées qu'elles aient été d'ailleurs, les institutions démocratiques, il importe de le répéter, n'ont touché que très rarement le but auquel elles tendaient. C'est là seulement où la population active presque tout entière appartenait, comme à Liége, à la petite bourgeoisie, que le nouvel état de choses a pu se réaliser avec toutes ses conséquences. Mais, dans les grands centres de la Flandre et du Brabant, il n'est point arrivé à s'imposer entièrement à l'organisation économique. Son esprit d'exclusivisme n'aurait pu y triompher sans ruiner la grande industrie. Il a bien réussi à y imprégner les petits métiers et à marquer profondément de son empreinte le commerce local: le grand commerce est resté en dehors de ses atteintes.
Sans doute, il en a considérablement restreint la liberté. Ses tendances anticapitalistes n'ont plus permis la création rapide de ces grandes fortunes qui se sont accumulées durant le XIIIe siècle. L'exploitation éhontée des ouvriers a cessé; le salaire a été réglé d'une façon plus équitable, et le travailleur, soustrait à la domination des grands marchands, a trouvé dans la corporation une garantie précieuse contre les abus du truck-system, les fraudes et les violences dont il était jadis la victime. Il n'en reste pas moins vrai pourtant que les industries d'exportation, la draperie en Flandre, la batterie à Dinant, ont continué à vivre de leur vie propre. Leur nature même leur a réservé une situation particulière et pour ainsi dire hors cadre. L'entrepreneur capitaliste est toujours demeuré chez elles superposé au travailleur, et celui-ci n'a pu sortir de sa condition de salarié. Il est bien arrivé que quelques maîtres tisserands ou foulons, favorisés par les circonstances, aient atteint une aisance relative. Il semble même que, parmi les branches accessoires de la draperie, chez les tondeurs, les apprêteurs, et surtout chez les teinturiers, la plupart des chefs d'ateliers aient joui d'une situation généralement favorable. Et il faut reconnaître enfin que la suppression des privilèges des gildes et des hanses a permis à bon nombre de ces favorisés de prendre part au grand commerce. Il est certain pourtant que la masse des salariés a continué de vivre après comme avant la révolution démocratique, dans une situation très voisine de celle de nos prolétaires modernes. Après comme avant elle, la plupart des tisserands et des foulons n'ont pu atteindre à l'idéal qu'ils voyaient réalisé dans les autres métiers. L'intervention du capital, si amoindrie qu'elle ait pu être, n'a pas cessé de s'imposer à eux. Pour qu'elle disparût, il eût fallu que la draperie, renonçant à l'exportation qui faisait sa force, se contentât du marché local. Alors, mais alors seulement, le tisserand eût pu devenir à son tour un véritable artisan médiéval, vendant au détail dans sa boutique les pièces d'étoffes fabriquées par lui. Il vint un jour d'ailleurs où cette transformation s'accomplit. Mais ce jour-là, la grande industrie flamande était morte et, de son activité passée, il ne restait plus que le souvenir.
III
L'ORGANISATION POLITIQUE.
Ce que nous venons de dire de l'organisation économique des villes sous le régime populaire était indispensable pour bien comprendre leur organisation politique. Malgré d'innombrables différences de détail, celle-ci se présente partout avec les mêmes caractères généraux. En principe, elle en revient au gouvernement direct qui avait été, à l'origine, pratiqué dans les communes naissantes. Mais le fonctionnement en affecte une forme nouvelle, imposée par la répartition des habitants en une foule de corporations distinctes. Personne n'intervient dans l'administration urbaine en qualité de simple bourgeois. Pour participer à celle-ci, il faut faire partie d'un groupement légal. La vie politique, comme la vie économique n'appartiennent qu'aux collectivités: elles ne sont accessibles ni l'une ni l'autre à l'individu isolé. Le jus civitatis ne sortit ses effets que par l'inscription du citoyen dans un métier ou dans un collège officiellement reconnu.
Dans les villes où la constitution économique est très simple, à Liége par exemple, tous les métiers possèdent une influence égale. Mais, la plupart du temps, la différence trop grande de leurs forces ou de leurs intérêts a pour résultat la constitution de «membres» (leden) comprenant chacun un ou plusieurs groupements professionnels. A Bruges, au milieu du XIVe siècle, la commune renferme neuf membres: 1o la poorterie, c'est-à-dire les bourgeois vivant de leurs rentes ou du grand commerce; 2o les métiers de la draperie: tisserands, foulons, tondeurs et teinturiers; 3o les bouchers et les poissonniers; 4o les dix-sept neeringen (groupe de dix-sept corporations secondaires); 5o le hamere (marteau) ou métiers travaillant le métal; 6o le ledre (cuir) ou métiers travaillant le cuir; 7o le naelde (aiguille) ou métiers travaillant à l'aiguille; 8o les boulangers; 9o les courtiers avec quelques autres petits métiers. Il est visible que la similitude des professions a été prise comme principe de classement, quoique l'on se soit vu forcé dans bien des cas, pour maintenir l'équilibre entre les groupes, d'y faire entrer pêle-mêle des spécialités industrielles fort hétérogènes. On retrouve un système analogue dans la plupart des villes brabançonnes. A Bruxelles, où il apparaît sous sa forme la plus complète, la bourgeoisie se compose du patriciat, partagé en sept lignages, et de neuf «nations» entre lesquelles se divise l'ensemble des métiers. Gand et Ypres, où la draperie jouit d'une prépondérance écrasante, lui font une situation en rapport avec son importance. La commune, dans la seconde de ces villes, présente quatre corps: 1o la poorterie, à laquelle sont adjoints les bouchers, les poissonniers, les teinturiers et les tondeurs; 2o le weifambocht ou les tisserands; 3o la vullerie ou les foulons, et 4o les gemeene neeringen ou communs métiers, renfermant tous les autres collèges d'artisans. Gand nous offre un spectacle analogue. Là aussi, à côté du membre de la poorterie existent celui des tisserands, celui des foulons et celui des petits métiers, au nombre de cinquante-neuf tout d'abord, puis plus tard de cinquante-trois.
Cette organisation n'a d'ailleurs rien de particulier aux villes des Pays-Bas. Elle répondait si naturellement à un régime dans lequel les métiers disposaient du pouvoir municipal, qu'on la retrouve avec tous ses caractères essentiels dans un grand nombre de villes d'Italie et d'Allemagne. Nos connaissances ne nous permettent pas de savoir s'il faut la considérer, en Flandre et en Brabant, comme une simple adaptation au milieu urbain, ou si la loi de l'imitation se manifestant ici, on doit y reconnaître, dans quelque mesure, l'influence de l'étranger. Il ne pourrait être question, en tout cas, de songer à l'Allemagne. La révolution démocratique s'est manifestée, dans ce pays, plus tard que dans les provinces belges, et nous savons même que Cologne, par exemple, après son soulèvement de 1396, avait adopté la constitution de Liége. Mais il ne serait pas impossible que l'Italie, et particulièrement Florence, eût inspiré, dans quelque mesure, le système que nous venons de décrire. Les relations économiques étaient trop intenses entre la Toscane et les Pays-Bas pour que les institutions de celle-là soient restées complètement inconnues dans ceux-ci, et il n'est donc pas téméraire de croire qu'elles peuvent, jusqu'à un certain point, leur avoir servi de modèle.
Quoi qu'il en soit, l'organisation des «membres» de la bourgeoisie révèle clairement son but. Elle se propose d'établir, entre les divers groupes sociaux de la commune, un équilibre stable. Sauf à Liége, où le patriciat amoindri disparaît comme corporation distincte, elle lui accorde partout sa part d'intervention à côté des artisans. Quant à ceux-ci, leur rôle est mesuré suivant leur importance et la nature de leur industrie. On a donc eu raison de voir, dans les constitutions démocratiques du XIVe siècle, un essai fort curieux de représentation des intérêts. Elles ne s'abandonnent pas, comme les démocraties modernes, à la force aveugle du nombre. Elles s'efforcent, si l'on peut ainsi dire, de doser les suffrages et d'adapter, le plus exactement possible, l'organisation politique à l'organisation sociale. C'est là seulement où, comme à Liége, les différences sont peu sensibles entre les forces des groupes en présence, qu'elle leur reconnaît des droits égaux. Partout ailleurs, en pays wallon comme en pays flamand, le degré de l'ascendant économique d'un groupe détermine le degré de sa participation au pouvoir. A Dinant, dont la batterie jouit d'une importance analogue à celle qui appartient en Flandre à la draperie, la constitution urbaine rappelle d'une manière frappante le système en vigueur à Gand ou à Ypres. La population est scindée en trois «membres»: les «bourgeois d'emmy la ville», les batteurs et les bons métiers.
Si la création des «membres» accorde nécessairement aux divers métiers une puissance politique différente, elle reconnaît en revanche à chaque «membre» la même part d'intervention dans le gouvernement municipal. Des précautions minutieuses sont prises pour qu'aucun groupe ne puisse se plaindre d'être sacrifié aux autres. Les offices communaux sont soigneusement partagés entre eux et des règles s'établissent qui réservent tour à tour à leurs représentants un certain nombre de sièges dans le magistrat. Mais cet équilibre, bien difficile à établir à la satisfaction de tous, est encore plus malaisé à conserver. Chaque catégorie de bourgeois cherche à tirer à soi le plus d'avantages possible. La représentation des intérêts n'est qu'un moyen d'apaiser les conflits; mais elle ne parvient pas à y mettre fin. Pendant le XIVe siècle, nous voyons les constitutions urbaines soumises à une fluctuation perpétuelle. On les remanie sans cesse, on ajoute ou on supprime des «membres», on modifie le classement des métiers et l'on n'arrive jamais à satisfaire tout le monde. L'histoire de Gand, à cet égard, la plus vivante et la plus puissante des villes des Pays-Bas, est particulièrement instructive.
Au lendemain de la bataille de Courtrai, le commun, exalté par son triomphe, prétendit extirper à fond l'odieux patriciat. Comme à Liége, les métiers seuls jouirent des droits politiques. Les ouvriers de la draperie, qui avaient si largement contribué à l'établissement du nouvel ordre de choses, ne manquèrent pas de s'y réserver la part du lion. Des trois «membres» entre lesquels fut divisée la bourgeoisie, l'un fut attribué aux tisserands, l'autre aux foulons et le troisième comprit l'ensemble des autres métiers. La réaction oligarchique de 1319 mit fin à cette organisation. Mais, à la suite de la crise économique provoquée en 1337 par l'interruption de l'exportation des laines anglaises, les salariés de la grande industrie se soulevèrent et rétablirent le régime aboli.
Il ne put se maintenir, toutefois, qu'un instant. Beaucoup plus nombreux que les foulons, les tisserands prétendent bientôt les soumettre à leur influence. Le 2 mai 1345, les deux partis entament une lutte décisive, et les foulons, écrasés par leurs adversaires, cessent de former un «membre» de la ville. Quatre ans plus tard, c'est au tour des tisserands de connaître la défaite. Exaspérés par la domination qu'ils font peser sur la commune, les petits métiers s'unissent aux foulons et, le 13 janvier 1349, un nouveau combat amène un nouveau changement de régime. Le «membre» des tisserands est supprimé et la place laissée vide par lui est occupée par la haute bourgeoisie (poorterie) qui coopère désormais à l'administration urbaine avec les foulons et les petits métiers. Une insurrection des indomptables tisserands, en 1359, la précipite du pouvoir et le rend à ceux-ci. Ils en profitent aussitôt pour abattre les foulons qui, en 1360, après une lutte terrible sur le marché du Vendredi, doivent renoncer, et cette fois pour toujours, à la situation qu'ils avaient occupée jusque-là et que ne justifiaient d'ailleurs ni leur nombre, ni l'importance de leur profession.
Leur chute amena la reconstitution du «membre» de la poorterie. On s'était convaincu sans doute qu'il était impossible, dans une ville essentiellement industrielle, de priver de toute influence politique les marchands et les patrons, sans nuire gravement à la prospérité générale et surtout sans les animer d'une hostilité constante à l'égard des institutions établies. Désormais, le type constitutionnel gantois ne varia plus. Les poorters, les tisserands et les petits métiers collaborèrent d'une manière permanente, avec l'échevinage, au maniement des affaires. Toutefois, l'influence des premiers le céda de beaucoup à celle des autres. La collace, ou large conseil de la ville, se composa des cinquante-trois doyens des petits métiers, des vingt-trois jurés des tisserands et seulement d'une dizaine de patriciens. De plus, depuis 1368 (?) un arrangement intervint entre les trois membres, par lequel «veu que chascun des deux membres des mestiers a sans comparaison beaucoup plus de peuple que le membre de la bourgeoisie et, en toutes charges survenues à la ville a soustenu la plus grant charge[61]», dix sièges dans chacun des deux bans de l'échevinage furent attribués aux tisserands et aux petits métiers, à raison de cinq pour chaque partie, tandis que les bourgeois furent réduits à la portion congrue et n'en obtinrent que six.
[61] Voyez V. Fris. Les origines de la réforme constitutionnelle de Gand de 1360-1369. (Gand 1907).
Tel demeura jusqu'à la bataille de Gavere, en 1453, le type officiel de l'organisation municipale gantoise. Mais il s'en faut de beaucoup qu'il ait été observé avec exactitude. En fait, il y fut presque constamment dérogé. Non seulement le grand doyen des métiers et le doyen des tisserands s'emparèrent d'une autorité incompatible avec le fonctionnement normal de la représentation proportionnelle des intérêts que l'on avait cherché à réaliser, mais les tisserands ne laissèrent passer aucune occasion de s'imposer au reste de la bourgeoisie. La commune fut périodiquement troublée par leurs coups de force et ce n'est que la décadence progressive de la draperie qui, diminuant peu à peu leur ascendant, à partir de la fin du XIVe siècle, les amena enfin à accepter le partage du pouvoir avec les autres «membres».
La situation que nous venons d'exposer pour Gand se retrouve, quoique sous une forme moins frappante, dans presque toutes les grandes villes. Même en temps de calme, d'ailleurs, le fonctionnement régulier des institutions populaires soulevait toutes sortes de différends. Le magistrat, recruté parmi les métiers, n'a pas le pouvoir de les contraindre à respecter ses décisions, si elles leur déplaisent. A tout propos, il faut recourir à l'assemblée générale de la commune et l'appeler à trancher les conflits. Mais aussitôt de nouveaux inconvénients se présentent. Chaque «membre», votant à part, prétend forcer les autres à se ranger à son avis. Ce n'est que dans les rares occasions où tous se rallient spontanément à la même manière de voir qu'une sentence a chance d'être acceptée. L'unanimité manque-t-elle, la minorité refuse de s'incliner devant la majorité. Chacun persiste inébranlablement dans son «recès». A chaque instant, on court aux armes; les métiers se rassemblent sous leur bannière et s'affrontent en ennemis. Ainsi, on se trouve trop souvent en face de l'alternative ou de ne pas résoudre les questions pendantes ou de ne les résoudre que par un combat sanglant. Les luttes fratricides, qui donnent un caractère si tragique à l'histoire des grandes communes, sont un mal inhérent à leur régime politique et dont la gravité a toujours été chez elles en rapport direct avec le degré d'autonomie qu'elles ont attribué à leurs «membres».
On ne peut donc s'étonner du caractère turbulent des grandes villes sous le régime démocratique. En exaltant à l'extrême l'autonomie des métiers, jadis courbés sous le patriciat, ce régime les a en même temps rendus incapables d'entente et de concorde. Chacun d'eux n'a jamais pu s'affranchir de ses intérêts de groupe. Il a apporté à les défendre un héroïsme étonnant, mais il a été incapable de les concilier avec les intérêts d'autrui. Les artisans ont confondu, et ils ne pouvaient pas ne pas confondre, la liberté avec le privilège. L'esprit de corps l'a emporté chez eux sur l'esprit politique. Et il faut reconnaître enfin que bien rares ont été les villes où le gouvernement populaire a tenu la balance égale entre les métiers. Presque toujours, les groupes les plus puissants ont abusé de leur force et dicté la loi aux plus faibles.