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Les Mémoires d'un Parapluie

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VIII
JOURS D’ÉPREUVE

J’ai remarqué que les retours des parties de plaisir sont souvent tristes; celui de la fête de M. Fabre devait être navrant. D’abord, nous dûmes laisser passer quatre tramways sans trouver la moindre place. Mais les ennuis de l’attente étaient peu de chose en comparaison de la catastrophe qui se préparait.

Mme Girard et sa fille complétaient la voiture, qui regorgeait de monde, car on s’empilait sur les deux plates-formes de l’avant et de l’arrière. Juste à côté de Mathilde, qui m’avait déposé près d’elle, se trouvait un jeune écolier d’une douzaine d’années, accompagné d’un maigre et long personnage à lunettes que je supposai être son précepteur, car je l’entendais dire à chaque instant: «Victor, tenez-vous tranquille!» ce qui n’empêchait pas le petit garçon de frétiller comme un poisson pris dans une nasse. A tout moment il se levait, se mettait à genoux sur la banquette pour regarder au dehors, puis, saisi du regret de ne plus voir le côté de la rue auquel il tournait nécessairement le dos, il reprenait brusquement sa place, le nez en l’air, la tête toujours en mouvement comme si elle se fût trouvée non sur un cou humain, mais sur un pivot. Oh! le remuant petit bonhomme! Dans ces incessantes évolutions, son malheureux parapluie tomba trois fois. Que je le plaignais, cet infortuné confrère! et j’ignorais encore à quel point il était digne de ma compassion.

A la troisième chute, le précepteur, agacé, finit par dire à Victor:

«Mettez donc votre parapluie près de vous.»

Victor obéit, parce que c’était un moyen de se débarrasser d’un objet qui le gênait un peu pour se mouvoir, et le parapluie en question fut posé précisément à côté de moi.

Hélas! fatal voisinage!

A ce moment, un heurt suivi de cris, de plaintes, d’un bruit de verre cassé se fait sentir; une voiture de blanchisseuse, venant d’une rue transversale et menée par une main féminine probablement très inexpérimentée, prenait le tramway en travers, et le brancard de la charrette pénétrait dans l’intérieur de la voiture en brisant une vitre.

On juge du tumulte et de la bousculade; tous les voyageurs du tramway s’étaient levés précipitamment et se pressaient vers l’extrémité ouverte de la voiture, désireux de descendre au plus vite. Quand je dis tous, je me trompe: Victor avait trouvé plus simple, plus expéditif et surtout plus pittoresque de s’évader par une fenêtre: passer par la porte, c’est trop vulgaire. Notre écolier, ravi de cette occasion inespérée de développer ses talents gymnastiques (j’ai su depuis que c’était le seul exercice où il fût toujours premier)! opérait sa descente avec une incontestable supériorité, mais, malheur! trois fois malheur, il ne l’exécutait pas seul, quoique son précepteur se fût bien gardé de le suivre dans ce périlleux chemin; il m’entraînait avec lui, me prenant pour son parapluie légitime, et laissait sa victime entre les mains de Mme Girard qui, dans son trouble, ne se douta nullement de la substitution.

UN COUP DE VENT ME RETOURNA.

Il devait s’écouler un assez long temps avant que personne s’aperçût de cette méprise. Le précepteur maigre avait éprouvé une peur affreuse, d’abord au sujet de l’accident, ensuite devant l’escapade de son élève, contre laquelle il avait protesté, et il fallut que cet homme impressionnable se rendît chez un pharmacien et prît quelques gouttes d’un cordial pour se remettre entièrement.

Après cela, le maître et l’élève firent plusieurs courses pour lesquelles ils étaient sans doute venus à Bordeaux, puis, reprenant le même tramway, mais dans un sens opposé, ils se rendirent dans une belle propriété située moitié en ville, moitié à la campagne, dans les environs des boulevards extérieurs, où les parents de Victor, M. et Mme Larade, avaient leur résidence habituelle.

«Mais ce n’est pas ton parapluie!» s’écria Mlle Clotilde Larade en me prenant, pour m’examiner de plus près, des mains de son frère. Et elle ajouta: «Celui-ci est beaucoup moins neuf».

—Ma foi, il le sera toujours assez pour le régime auquel Victor met ses parapluies!» fit remarquer M. Larade avec un sourire indulgent dont je n’augurai rien de bon pour la tranquillité de mes vieux jours.

Ah! quel terrible gamin que ce jeune Victor! Dès le lendemain de mon arrivée inopinée chez ses parents, il imagina de me faire subir un véritable supplice.

Il venait justement de lire, dans l’Histoire de France, la fin tragique de la reine Brunehaut, attachée à la queue d’un cheval indompté; c’en était assez pour inspirer l’esprit inventif de Victor. Immédiatement il charge Médor, le chien de chasse de son père, de figurer le cheval indompté, tandis que je dois représenter, lié par ses cordons de souliers à la queue de l’animal, l’infortunée reine d’Austrasie. Un coup de fouet appliqué sur son arrière-train fait partir Médor à travers le jardin, et je semblais courir après lui, ce qui d’abord l’effraya beaucoup.

Pendant ce supplice, notre bourreau riait à se tordre, trouvant sa mauvaise plaisanterie la plus belle du monde. Sa joie fut assez courte; Médor était un vieux chien assagi par l’âge et qui en avait vu d’autres; il ralentit bientôt sa course, je m’accrochai à un arbrisseau, et, à la suite d’une secousse qui faillit me rompre en deux, il s’arrêta net.

LE PRÉCEPTEUR DUT PRENDRE UN CORDIAL.

J’étais sauvé. Le chien me flaira d’un air un peu inquiet, puis, après quelques efforts inutiles pour amener une séparation entre nous, se coucha paisiblement en rond à côté de moi et ne tarda pas à s’endormir. Quelques instants plus tard, Victor vint couper la corde qui me retenait à la queue de Médor.

Je touchais au terme de mes épreuves, mais par quelle terrible aventure allait s’opérer ma délivrance!

Un jour, par ordre de son père, Victor fut privé d’un après-midi tout entier de plaisir et consigné au logis, tandis que sa sœur Clotilde, sous la conduite de Mme Larade, partait pour une charmante réunion d’enfants, un goûter suivi d’une séance de prestidigitation avec projections de lumière électrique et autres divertissements des plus intéressants, chez leur grand’mère dont c’était précisément la fête.

En vain, la mère et la fille avaient supplié le père de famille de faire grâce à Victor. M. Larade, quoiqu’il lui en coûtât certainement, car bien souvent les parents souffrent plus des pénitences infligées par eux à leurs enfants que ces chers petits coupables, M. Larade, dis-je, fut inexorable.

Voilà donc notre Victor entièrement livré à lui-même. Il imagina alors, pour se distraire, de s’amuser encore une fois à mes dépens.

Mon bourreau vint me chercher dans le porte-parapluie où j’étais placé, me déposa dans un coin du vestibule et s’élança dans l’escalier, qu’il gravit, comme d’habitude, par deux et trois marches à la fois. Je l’entendis monter ainsi jusque dans les vastes greniers qui occupaient le haut de la maison, où le bruit de ses pas se perdit dans l’éloignement. Il y resta environ vingt minutes, puis redescendit d’une allure plus modérée qui me fit soupçonner qu’il rapportait des combles un objet dont le transport nécessitait quelques précautions.

En effet, c’était un gros ballon peint de vives et brillantes couleurs, représentant le ballon captif de la dernière Exposition. Je crois que sa grand’mère lui avait fait cadeau de ce jouet au jour de l’an, alors qu’heureux et paisible j’habitais encore la mansarde de la rue Grassi avec Mathilde et sa charmante petite fille.

Le ballon, bientôt délaissé, était depuis longtemps relégué dans les combles, mais voilà que le terrible enfant se souvenait soudain de son existence. Que voulait-il donc en faire?

Fixant soigneusement l’aérostat en miniature à la rampe de la véranda qui régnait devant la maison, afin que le vent ne l’enlevât pas, il commença par décrocher la nacelle de zinc verni, remplie de petits personnages fort bien imités, représentant les visiteurs de l’Exposition, puis, me saisissant tout à coup, il m’attacha par un bout de ficelle à la place de la nacelle, en disant avec un ricanement féroce:

«Ce sera le parachute! Comme cela, le ballon aura tout ce qu’il lui faut comme un véritable aérostat!»

BON VOYAGE, VILAIN PARAPLUIE!

Restait à savoir si le ballon devait demeurer dans son rôle de ballon captif. Une seconde phrase, encore plus expressive que la première ne me laissa guère de doute sur ses intentions:

«Bon voyage, vilain parapluie, et surtout point de retour!»

Tout en prononçant ces odieuses paroles, Victor défaisait le nœud assez compliqué qui retenait solidement le ballon. Quand cette opération fut terminée, je sentis avec effroi l’aérostat s’élever doucement, m’entraîner après lui, et, une fois encore, la voix de Victor Larade m’arriva distinctement:

«Ça marche, ça marche! Allons, le parapluie ne sera pas trop lourd comme je le craignais!»

Nous avions dépassé le toit; un air plus vif nous saisissait, puis une petite secousse se faisait sentir et le ballon s’élevait par une sorte de bond dans le libre espace.

Victor avait coupé la corde!

Maintenant nous planions dans l’immensité, au-dessus de la ville de Bordeaux qui ne m’apparaissait plus de la hauteur à laquelle nous étions parvenus que tel qu’un grand amas de maisons séparées par de petites raies blanches; sur ces raies se mouvaient, comme des fourmis, les voitures et les humains.

Tandis que nous étions ainsi suspendus entre le ciel et l’eau, voilà que mon compagnon forcé, l’aérostat, se met à descendre assez rapidement; en même temps, saisi par des courants aériens qui règnent au-dessus du fleuve, il tournoie sur lui-même; dans ce mouvement de rotation, la ficelle mince à laquelle je suis suspendu s’use et bientôt se rompt. C’en est fait, le soi-disant parachute s’est détaché du ballon et tombe, en oscillant, d’une hauteur effrayante.

Si je tombais sur le sol, j’étais un parapluie perdu, brisé en mille pièces, anéanti.... Je tombai dans le fleuve, à quelques mètres d’une grosse gabare qui se laissait tranquillement aller au fil de l’eau.

«Eh! petit, qu’est-ce que c’est que ce poisson-là? s’écria une voix enrouée.

—C’est un parapluie, patron, répondit le jeune garçon ainsi interpellé.

—Eh bien, prends le canot, et va-t’en me pêcher ce marsouin-là!»

Avec une rapidité de singe, l’enfant détacha le petit esquif qui se balançait à l’arrière de la gabare, descendit dedans et, tout en godillant, c’est-à-dire en ramant avec un seul aviron placé à l’arrière de son batelet, s’approcha de moi; il était temps, je coulais, m’enfonçant déjà à demi; mais bientôt il me saisit, et me mit tout ruisselant dans le canot.

«C’est un parapluie encore très bon, s’écria le patron en me recevant des mains du mousse. Sais-tu ce que je veux en faire, petit?

—Peut-être que vous voulez m’en faire cadeau, hasarda le jeune intrigant.

—As-tu fini! Te donner ce beau parapluie, à toi? Les enfants, ça ne se connaît plus au jour d’aujourd’hui; d’ailleurs un marin ne doit pas craindre l’eau, et, en conséquence, se servir de parapluie.

—Alors, patron, que voulez-vous en faire?

—Je veux le porter à ma promise, Mlle Irma; elle m’avait justement demandé des pendants d’oreilles en corail.

—C’est que c’est pas la même chose, fit remarquer judicieusement le mousse.

—Ça ne fait rien, ça passera comme cela!» conclut péremptoirement le gabarier.

Charmé par cette idée qu’il pourrait offrir un cadeau à sa fiancée sans bourse délier, il se mit en devoir «de me parer» de son mieux. Avec un tampon d’étoupe, il enlève les taches de vase qui souillaient ma robe et fait reluire le métal dont mon manche est surmonté, puis il me place sur l’avant du bateau bien exposé au soleil, et déclare que j’ai l’air tout neuf, ce à quoi le mousse ne contredit point, grâce à la crainte salutaire que peut produire un bout d’amarre transformé en moyen de coercition.

Quand nous eûmes débarqué un chargement de barriques neuves, que portait la gabare, mon nouveau maître laissa son bateau à la garde du mousse, et, après avoir fait un brin de toilette, se rendit chez sa promise.

Il n’eut pas à aller loin, car Mlle Irma était servante dans un hôtel avoisinant le port.

«Mademoiselle, dit-il en prenant son air le plus aimable, je vous apporte quelque chose pour vous faire plaisir, car je me suis laissé dire que les petits cadeaux entretiennent l’amitié.

—Mes boucles d’oreilles! s’écria la jeune personne en rougissant de joie devant cette entrée en matière si engageante.

—Pas tout à fait; j’ai pensé que quand on se mettait en ménage, il fallait songer au sérieux.

—Ah! dit seulement Mlle Irma, subitement attristée et prévoyant une déception.

—Je vous apporte un joli parapluie à la dernière mode de Paris!»

«VOICI UN JOLI PARAPLUIE!»

Il avait affaire à forte partie, et, sans donner dans la réclame, on m’examina d’un œil soupçonneux; le résultat de cet examen fut une moue épouvantable, suivie d’une grimace larmoyante qui n’embellit pas le visage de Mlle Irma.

«Eh bien! qu’est-ce qu’il y a? demanda le marin.

—Il y a que vous avez voulu me tromper en me donnant un vilain parapluie d’occasion et que c’est un affront que je ne vous pardonnerai jamais!»

Je crois qu’au fond elle lui en voulait surtout à cause des boucles d’oreilles qu’il ne lui avait pas apportées, mais la querelle s’envenima sur ma triste personnalité et les deux fiancés se séparèrent presque brouillés à cause de moi.

Il était écrit que je devais toujours être victime de l’injustice des hommes; comme Victor, le gabarier s’en prenait à moi de son mécompte, et rien qu’à la manière dont il me tenait du bout des doigts, je sentais qu’il m’en voulait mortellement.

Absorbé dans les tristes pensées que lui inspirait sa récente querelle avec sa promise, il vint s’accouder au parapet du grand pont qui fait communiquer les deux rives de la Garonne à Bordeaux.

«Ah! se disait-il, j’ai fait du bel ouvrage avec ce parapluie! Il aurait mieux valu le laisser aller au fil de l’eau que m’en embarrasser. Aussi cette Irma n’est guère raisonnable et aime terriblement les bijoux. Oh! scélérat de riflard, j’ai envie de te jeter à l’eau pour ne plus t’avoir devant les yeux!»

Comme notre marin avait la mauvaise habitude de parler tout haut, à cet endroit précis de son monologue, une voix jeune s’élève soudain à côté de lui:

«Donnez-le-moi plutôt, mon bon Monsieur!»

Et, se retournant aussitôt, mon propriétaire aperçoit un garçon de quinze ans environ, pâle et maigre, mais l’air intelligent et doux, qui s’appuyait, lui aussi, au parapet de pierre, tandis qu’une boîte à cirage était posée à ses pieds.

Il y a des figures sympathiques: celle du jeune garçon plut au gabarier, et après un petit moment de réflexion il murmura en me tendant au gamin:

«Je veux bien, si ça te fait plaisir; tiens, prends-le, mon garçon, je souhaite qu’il te porte bonheur plus qu’à moi!»

DONNEZ-LE-MOI PLUTÔT.

Sans se laisser impressionner par ces paroles peu rassurantes, l’adolescent me reçut avec un mouvement de joie, remercia rapidement son bienfaiteur inconnu, puis s’en alla au plus vite du côté de La Bastide, faubourg de Bordeaux situé à l’extrémité du pont, comme s’il eût craint de voir le marin se raviser et reprendre son bien.

«Maman, Maman, voyez quelle chance j’aie eue! Ce parapluie, ce beau parapluie presque neuf qu’un monsieur m’a donné.

—Quel monsieur? Quel parapluie? demanda en souriant une personne encore plus pâle, encore plus maigre que le jeune garçon, qui était occupée à faire des fleurs artificielles près de la fenêtre d’une pauvre chambre à peine meublée, dans laquelle mon nouveau maître venait de pénétrer. Voyons, Maurice, que veux-tu dire? Assieds-toi là, auprès de moi, et explique-toi.»

L’enfant raconta sa petite aventure et comment il avait guetté le gabarier, croyant d’abord qu’il songeait à se jeter lui-même dans la Garonne, supposition qui aurait fort étonné le brave homme, lequel, avec ou sans Mlle Irma, comptait bien remplir toute sa carrière en ce monde.

Cependant la mère semblait moins enthousiaste que le fils de la bonne aubaine.

«J’aurais mieux aimé que cet homme t’eût donné une pièce de quarante sous, dit-elle en hochant tristement la tête; enfin il faut accepter ce que la Providence nous envoie.»

Mais l’enfant, les yeux brillants:

«Qui sait, Maman, si je ne gagnerai pas plus de quarante sous avec ce parapluie-là? Vous verrez; il me vient toutes sortes d’idées à son sujet.

—A merveille, mon ami, seulement laisse-moi travailler, car je crains fort que tes idées ne nous donnent pas ce qu’il faut pour payer le boulanger.»

Et elle se remit fiévreusement à sa tâche pendant que son fils méditait, les yeux fixés sur moi.

L’ENFANT COMPTAIT SA RECETTE.

Chez Mme Lefranc (ainsi se nommait la mère de Maurice) ce n’était plus la pauvreté presque aisée de Mathilde et de sa fille, mais la vraie misère quoique la mère et le fils luttassent avec courage contre elle. On ne gagnait pas suffisamment dans cette pauvre demeure, parce que la maladie y élisait trop souvent domicile avec les frais de médecin et le chômage forcé qu’elle entraîne avec elle. Maurice avait eu une enfance délicate, et maintenant qu’il paraissait prendre le dessus, c’était sa mère qui se trouvait sans cesse malade. Quant au père de famille, couvreur de son état, il y avait plusieurs années qu’un de ces accidents trop fréquents dans ce dangereux métier l’enlevait pour toujours aux siens.

Maurice était un garçon d’imagination; pas très fort, inhabile à tout travail sérieux, parce que sa délicatesse de santé et le manque de ressources l’avaient empêché d’apprendre une profession, mais, actif et intelligent, il s’ingéniait de mille façons pour venir en aide à sa mère en gagnant quelques sous.

Dans le jour, il cirait les chaussures à l’extrémité du pont de Bordeaux où nous avions fait connaissance; le soir, à la porte des théâtres ou à l’arrivée des trains aux gares de chemin de fer, il allait chercher des voitures, portait de menus paquets, faisait les commissions. Maintenant qu’il possédait un parapluie, il songeait aussi à en tirer profit dans son petit commerce nocturne: il pouvait l’ouvrir sur la tête des gens qui montaient ou descendaient de voiture, ce qui lui donnait droit à un plus fort pourboire; s’il s’agissait de simples piétons, ayant une courte distance à franchir, il leur offrait l’abri de son parapluie ou le leur abandonnait pendant qu’il courait sous l’averse chercher le véhicule demandé, et ainsi se multipliaient les gratifications, et la pauvre mère souriait au retour en comptant la recette, tandis que l’enfant murmurait joyeusement:

«Maman, c’est le parapluie, le parapluie que vous avez si mal reçu qui nous vaut tout cela!»

J’étais fier de me sentir utile et d’être devenu, dans les mains de l’intelligent petit bonhomme, un instrument de travail; malheureusement je ne devais pas longtemps y rester; rien d’instable, hélas! comme la destinée d’un parapluie.

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