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Lettres à un indifférent

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FINAL

Mon Jésus, il y a des minutes d’infatuation où je me figure que je t’aime comme tu veux être aimé. C’est alors que je reproche aux autres leur indifférence à ton égard tout comme si, moi-même, je n’étais pas le pire des indifférents !

Or, afin de me remettre à ma place, c’est-à-dire dans la brousse, au pied de la sainte Montagne, tu me rappelles mes ingratitudes, tandis que tu montais au Calvaire par la Voie douloureuse.

Permets que j’écrive tes enseignements.

I. — Quand Pilate se lava les mains après ta condamnation, c’est moi qui tenais la cuvette.

II. — Quand les soldats mirent la Croix sur tes épaules, je dis, en ricanant, qu’elle n’était pas assez lourde.

III. — Quand tu tombas pour la première fois, c’est parce que j’avais ajouté le poids de ma sensualité à ce fardeau rédempteur.

IV. — Quand tu rencontras ta Mère, je me bouchai les oreilles parce qu’il m’ennuyait d’entendre ses sanglots.

V. — Quand le Cyrénéen t’aida à porter la Croix, j’étouffai le cri de ma conscience qui me disait de faire comme lui.

VI. — Quand Véronique te tendit le linge, où tu imprimas ta Face adorable, je haussai les épaules, la taxant d’ostentation.

VII. — Quand tu es tombé pour la seconde fois, c’était parce que je t’avais surchargé de mes curiosités imbéciles vers les choses du monde.

VIII. — Les filles d’Israël qui prétendaient te consoler, c’étaient mon entendement, ma volonté, mon imagination. Tu leur dis de pleurer sur elles-mêmes. Et je n’ai pas compris ta parole — à cause de mon cœur dur.

IX. — Quand tu es tombé pour la troisième fois, c’était parce que j’ai ajouté à la lourdeur de la Croix ce bloc de plomb : mon orgueil.

X. — Quand on t’a enlevé tes vêtements, j’ai fait cadeau à Satan de ta tunique trempée de ta sainte sueur et de ton sang versé pour moi.

XI. — Quand on t’a cloué sur la Croix, je tendais aux bourreaux le marteau et les clous.

XII. — Quand tu es mort pour moi, je m’intéressais aux nuances de l’ombre qui pesait sur la colline.

XIII. — Mais quand Longin t’a percé le cœur de sa lance, j’ai su que Longin c’était moi. Ton sang ruissela sur ma tête et je me sentis soudain une âme nouvelle.

XIV. — Alors j’ai compris et je t’ai aimé. Et je t’ai mis au tombeau dans mon âme. Le sépulcre était bien misérable, mais tu l’as empli de ta lumière…

Mon Jésus, ne m’abandonne pas en ce monde où je mourrais de froid si ta présence ne me réchauffait des flammes de ton Sacré-Cœur. Fortifie ma faiblesse ; infuse ta volonté dans mon amour ; c’est la seule prière que je puisse désormais t’adresser : Aie pitié de moi !

Et toi, lecteur charitable, prie beaucoup pour le mendiant d’oraisons qui t’offre ce livre.

Fin.

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