Sous l'Étoile du Matin
III
Ce livre a donc pour objet de faire aimer et pratiquer la Sainte Communion. Avant le rêve décisif dont je viens de retracer les péripéties, je n’en avais qu’une idée confuse et je ne savais trop quelle forme je lui donnerais. Le jour qui suivit le songe, tout s’éclaira. Le plan de l’œuvre m’apparut avec netteté ; ses différentes parties se rangèrent dans mon esprit ; je vis des chapitres entiers s’esquisser en moi. De sorte que, pendant plusieurs heures, plein d’une activité joyeuse, je n’eus qu’à fixer sur le papier les idées qui surabondaient dans ma tête. C’était comme une ligne de fanaux allumés, l’un après l’autre, par mon bon Ange.
Dans les pages qu’on va lire, je reprends les événements où je les avais laissés, à la fin de du Diable à Dieu. Toutefois, il ne s’agissait point ici d’écrire des mémoires, mais de montrer comment une âme contrite et bien dirigée peut progresser dans la vie intérieure, à travers de grandes luttes et de grandes peines ; comment elle acquiert, peu à peu, le désir puis le besoin de la communion fréquente ; comment elle reçoit, enfin, en récompense de ses efforts, ce dévorant amour de Dieu sans lequel la religion ne serait que formalisme et soumission craintive.
C’est pourquoi, je me suis servi, non seulement de mes expériences personnelles, mais des renseignements procurés par quelques-unes des personnes à qui les trois volumes qui précèdent celui-ci firent quelque bien.
A ce propos, qu’il me soit permis de remercier chaudement, à cette place, les belles âmes qui, par leur exemple, leurs entretiens et les centaines de lettres qu’elles m’écrivirent, et qu’elles m’écrivent encore, m’ont témoigné que j’avais atteint mon but, savoir : faire connaître Dieu davantage, obtenir, d’âmes qu’on croyait perdues, l’amour de Dieu. Pauvre lépreux, tiré et nettoyé du fumier matérialiste par l’intercession de la Sainte-Vierge, je continuerai. Je proclamerai, toujours plus haut, ma reconnaissance. Mon œuvre ne cessera d’être une action de grâces constante et un appel à tous pour qu’ils acceptent le joug de Notre-Seigneur, pour qu’ils se rassemblent sous l’égide de sa Mère Immaculée. Je ne suis qu’un instrument on ne peut plus médiocre entre les mains de Dieu, mais puisqu’il lui a plu de parer à mon insuffisance, j’espère qu’il me donnera encore les moyens de servir efficacement sa Sainte Église, en dehors de laquelle il n’y a ni vérité, ni salut…
Ç’aurait été une prétention saugrenue de ma part que de faire, dans ce livre, de la théologie ou de la direction. J’ai fourni simplement, je le répète, des documents de psychologie expérimentale d’après mes propres épreuves et d’après les confidences que j’ai reçues. Éclairer quelques sentiers de la forêt obscure qu’on parcourt pour monter vers Dieu, analyser quelques états de la vie spirituelle, démontrer à quel point la Sainte Eucharistie nous est indispensable pour nous maintenir dans la voie étroite — voilà ce que j’ai tenté.
Quant au titre : Sous l’Étoile du Matin, il place mon livre sous l’invocation de la Sainte Vierge. Il s’est imposé à moi dès que j’eus pris la plume, puisque je dois tout à Marie, puisqu’Elle est la Mère de la divine Grâce, faute de quoi je ne serais qu’un fort dégoûtant individu.
Protégez donc ce nouveau volume, comme vous avez fait les autres, ô belle Étoile du Matin, qui précédez le lever du Soleil de Justice dans tous les siècles des siècles. Laissez votre tendresse descendre sur le front du scribe débile qui, dans ses jours d’affliction comme dans ses jours de joie, vous apporte les fleurs des futaies sauvages où il aime vivre, afin que vous les enlaciez à la couronne d’épines de Votre Fils. Soutenez-le tout le long de sa route ardue et rappelez-vous qu’il n’est qu’un enfant maladroit qui tomberait à chaque pas si vous n’étiez là pour le soutenir et l’encourager. Ainsi soit-il.
Lourdes, 18 octobre 1909,
fête de saint Luc, évangéliste.