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Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours (Volume 4/8)

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CURIOSITÉS.

Sur le maître-autel de l'église, dont l'architecture étoit très-simple, on voyoit un tableau représentant Jésus-Christ qui appelle à lui les petits enfants et les bénit, par La Fosse.

Maison de la Providence.

Près de la rue Saint-Nicolas, un ecclésiastique nommé Barberé avoit établi, sous le nom de la Providence, une maison destinée au même usage. L'utilité de cet établissement ayant été constatée par une expérience de douze années, l'archevêque de Paris le confirma en 1648, et la ville y donna son consentement en 1651. En 1775 il n'existoit plus depuis long-temps, sans que nous ayons pu découvrir les motifs qui l'avoient fait supprimer.

LES RELIGIEUSES ANNONCIADES
DU SAINT-ESPRIT.

Cet ordre doit sa naissance à Jeanne de Valois, cette malheureuse épouse de Louis XII, que la politique et l'amour firent descendre d'un trône qu'elle eût mérité plus qu'une autre de posséder, s'il eût été le prix de la vertu la plus pure. Forcée de céder la place à son heureuse rivale, Anne de Bretagne, Jeanne se retira à Bourges, capitale du duché de Berri, qu'on lui avoit abandonnée; et ce fut dans cette ville qu'elle institua, en 1500, l'ordre de la bienheureuse vierge Marie, dit de l'Annonciade, ou des dix vertus de la Sainte-Vierge. Elle le mit sous la conduite des religieux de Saint-François de l'Observance. Il fut approuvé par Alexandre VI le 14 février 1501, et confirmé depuis par Léon X en 1514 et 1517[665].

En lisant tous nos historiens, Jaillot excepté, on ne sait à quoi s'en tenir sur l'établissement de ces religieuses à Paris. Sauval[666] fait mention de deux couvents d'Annonciades à Popincourt, l'un établi en 1636, l'autre en 1654: Piganiol adopte ces deux dates[667]; l'abbé Lebeuf, Lacaille et Robert ne parlent que de la dernière.

Ces contradictions viennent de ce qu'on a confondu ensemble les divers établissements des Annonciades, erreur qu'il étoit d'ailleurs facile de commettre, en ce qu'ils ont été presque tous formés à la même époque. Quoique celui-ci soit le seul qui ait subsisté jusque dans les derniers temps, nous croyons devoir parler de tous, et raconter les faits tels que Jaillot les a rétablis.

Ce judicieux critique trouve qu'il y a eu à Paris trois établissements d'Annonciades, et une congrégation du même nom. Celle-ci, formée dans le diocèse de Troyes, par dame Marie d'Abra de Raconis, fut transférée à Paris en 1628, rue Cassette. Cet institut des sœurs de la Congrégation de Notre-Dame de l'Annonciade ne subsista pas long-temps.

Des trois couvents de l'Annonciade, le premier est celui des Annonciades du Saint-Sacrement de saint Nicolas de Lorraine, que les désastres de la guerre et l'incendie du bourg qu'elles habitoient obligèrent de venir chercher un asile à Paris. Logées d'abord dans une maison qu'elles avoient louée rue du Colombier, elles obtinrent, le 15 juin 1636, un brevet de l'abbé de Saint-Germain, et des lettres-patentes du mois d'août de la même année, en vertu desquelles elles formèrent un établissement rue du Bac, à l'endroit qu'occupèrent depuis les religieuses de la Conception, ou Récollettes. Deux ans après elles furent transférées rue de Vaugirard; mais la maison qu'elles occupoient fut vendue, en 1656, par décret; et elles furent remplacées par quelques religieuses de l'Assomption, dont nous aurons occasion de parler par la suite.

Le second établissement des Annonciades fut fait presque en même temps que le premier. Les titres de l'abbaye de Saint-Germain, qui ont fourni des éclaircissements sur celui dont nous venons de parler, font aussi connoître que dès le 1er avril 1636 il vint de Bourges d'autres religieuses Annonciades, qui sollicitèrent également la permission de se fixer à Paris. Sur le consentement qu'elles en obtinrent, l'année suivante, de l'abbé de ce monastère, elles choisirent une maison rue des Saints-Pères, entre la rue de Grenelle et la rue Taranne, et ce fut là qu'elles se logèrent d'abord. Une dotation de 2,000 liv. de rente que leur fit Monsieur, frère unique du roi, leur donna le moyen d'obtenir, en cette même année 1637, des lettres-patentes, et leur installation par l'official de Saint-Germain-des-Prés. Le 15 octobre 1640, elles présentèrent requête pour être transférées dans un hôtel, rue de Sèvres, près les Petites-Maisons. Ce nouveau couvent, bâti sous le nom des Annonciades des dix vertus, fut bénit le 20 du même mois, en présence de mademoiselle de Bourbon, fondatrice principale, de la princesse de Condé, etc. Il ne subsista toutefois que jusqu'en 1654. Ces religieuses se virent forcées de l'abandonner à leurs créanciers, et il fut acquis par celles de l'Abbaye-aux-Bois, qui l'occupèrent jusqu'au moment de la révolution.

Le troisième couvent des Annonciades est celui dont il est question dans cet article, et qui, comme l'a marqué Sauval, est une émigration de celui de Melun. Barbe Jacquet, mère ancelle[668] de ce couvent, avoit obtenu, le 1er février 1630, des lettres-patentes qui permettoient l'établissement des Annonciades à Corbeil. N'ayant pas trouvé dans cette ville de lieu commode pour y fixer leur domicile, des lettres de l'archevêque de Paris leur permirent, en 1632, de s'établir à Saint-Mandé, près Vincennes. Forcées, peu de temps après, de quitter ce nouveau séjour, parce que le roi eut besoin du terrain qu'elles occupoient, elles acquirent de M. Angrand, secrétaire du roi, une grande maison et un jardin à Popincourt, où elles se transportèrent le 12 août 1636. Il y avoit dans cette maison une chapelle sous l'invocation de sainte Marthe, qui leur servit jusqu'en 1659, époque à laquelle fut achevée l'église qu'elles avoient fait bâtir. Des lettres-patentes données en 1640, et enregistrées au parlement, confirmèrent cet établissement. Ces religieuses y sont nommées Annonciades du Saint-Esprit, nom qui étoit commun à toutes les maisons de leur ordre. L'église avoit été dédiée, l'année précédente, sous le vocable de Notre-Dame de Protection.

Ce couvent fut supprimé quelques années avant la révolution[669].

LES RELIGIEUSES HOSPITALIÈRES
DE LA ROQUETTE.

Cette communauté prit naissance dans le sein de celle des Hospitalières de la Charité-Notre-Dame[670], dont nous avons déjà parlé, et voici ce qui donna lieu à ce nouvel établissement. La duchesse de Mercœur, qui protégeoit cette communauté, lui avoit facilité l'acquisition d'une maison avec ses dépendances, située à l'extrémité de la rue de la Roquette, et nommée, de même que cette rue, Rochette, Raquette ou Roquette. Le contrat de vente en fut passé au profit des Hospitalières le 30 janvier 1636, et l'archevêque donna, la même année, son consentement aux dispositions que ces religieuses avoient le projet d'y faire, dispositions qui n'avoient alors d'autre but que d'en former une retraite où leurs malades convalescents pussent venir respirer un air plus pur, et achever ainsi leur entière guérison. Par la suite des temps, le zèle et la charité chrétienne ayant déterminé un grand nombre de personnes à entrer dans cette société, et le nombre des religieuses s'étant ainsi considérablement augmenté, on pensa qu'il seroit convenable et même nécessaire de diviser la communauté en deux parties, dont l'une seroit perpétuellement fixée à Paris, et l'autre à la Roquette. Ce changement, qui multiplioit les secours et les asiles ouverts aux infirmités humaines, ne pouvoit qu'être favorablement accueilli, et fut en effet autorisé par un décret de séparation que rendit l'archevêque le 12 octobre 1690. Depuis ce temps il n'y eut plus rien de commun entre les deux maisons, que les liens de la charité et les vœux ordinaires de religion, auxquels ces religieuses ajoutoient celui d'exercer l'hospitalité. Elles suivoient la règle de Saint-Augustin, et avoient quelques constitutions différentes de celles qui s'observoient dans les autres monastères de cet ordre.

Il y avoit dans leur maison vingt lits destinés pour les femmes vieilles et infirmes, dont quinze étoient à la nomination des fondateurs. Pour les distinguer des dames Hospitalières de la Charité-Notre-Dame, on les appeloit Hospitalières de Saint-Joseph, parce que leur chapelle avoit été bénite sous l'invocation de ce saint[671].

LES FILLES DE SAINTE-MARTHE.

Cette communauté, instituée en 1713 par Élisabeth Jourdain, veuve du sieur Théodon, sculpteur du roi, avoit pour objet de procurer aux pauvres jeunes filles du faubourg Saint-Antoine une instruction convenable, c'est-à-dire de leur apprendre à lire, à écrire et à travailler. Placées d'abord dans une maison de la rue du faubourg, nommée le Pavillon Adam, que les Filles de la Trinité venoient de quitter, les filles de Sainte-Marthe changèrent de demeure en 1719, et vinrent s'établir rue de la Muette. Mais peu de temps après, la maison qu'elles occupoient fut vendue par décret; et ces filles eussent été obligées d'en sortir, si l'adjudicataire n'eût eu la générosité de leur en céder gratuitement la jouissance. Elles s'y sont maintenues jusqu'au moment de la révolution.

Cette petite société étoit gouvernée par une supérieure qui n'avoit que le titre de sœur première. C'étoit de leur communauté qu'on avoit tiré les sœurs chargées des petites écoles des paroisses Saint-Severin et Saint-Paul[672].

LES RELIGIEUSES
DE
NOTRE-DAME-DE-BON-SECOURS.

Ce prieuré perpétuel de bénédictines mitigées fut fondé en 1648 par dame Claude de Bouchavanne, veuve de M. Vignier, conseiller du roi, en faveur de demoiselle Magdeleine-Emmanuelle de Bouchavanne, sa sœur, religieuse du monastère de Notre-Dame de Soissons. Dès l'année 1646, madame Vignier avoit obtenu la permission de faire bâtir un monastère à Paris; et en conséquence elle avoit acheté, en 1647, une maison avec ses dépendances, située dans la rue de Charonne, dont elle fit don le 20 avril de l'année suivante, pour la fondation de ce couvent. L'évêque de Soissons et l'abbesse de Notre-Dame ayant consenti à ce nouvel établissement, l'archevêque de Paris donna, le 30 mars 1648, ses lettres pour l'érection du monastère, par lesquelles il consent «qu'il soit en titre de prieuré conventuel, que sœur Emmanuelle de Bouchavanne en soit prieure, et que la dame Vignier jouisse, sa vie durant, du droit de présentation, réservé après sa mort à l'archevêque et à ses successeurs.» En conséquence de ces lettres, la sœur de Bouchavanne et deux autres religieuses de Notre-Dame de Soissons entrèrent dans la maison de Bon-Secours le 1er septembre 1648, et la clôture y fut mise le 8 du même mois[673]. L'établissement légal de ce monastère n'eut lieu qu'en 1670, par l'enregistrement des lettres-patentes de 1667. Vers 1770 on fit de nombreuses réparations et des augmentations au monastère de ces religieuses, et elles obtinrent qu'on réunît à leur temporel l'abbaye de Malnoüe, qui tomboit en ruine[674]. La chapelle fut alors réparée avec beaucoup d'adresse par M. Louis, architecte du roi de Pologne, qui parvint à faire un petit monument assez élégant d'un édifice jusqu'alors choquant par ses irrégularités.

CURIOSITÉS.

Dans le vestibule, deux vases d'une belle forme et bien exécutés, qui servoient de bénitiers; ils étoient placés dans deux niches, au-dessus desquelles on lisoit d'un côté les vers suivants:

Non tantùm digitis benedicta hæc hæreat unda,
Abluat et mentes flexuras judicis iram.

De l'autre côté:

Qui Samaritanæ donum imo pectore anhelant,
Hic fons ad vitam fit salientis aquæ[675].

LES RELIGIEUSES
DE
LA MAGDELEINE-DE-TRAINEL.

Ce couvent fut fondé avant le milieu du douzième siècle, au lieu de Trainel en Champagne, sur les confins du diocèse de Sens, à deux lieues de Nogent-sur-Seine. D. Félibien avoit conjecturé, d'après un titre peu certain, que la fondation de ce prieuré de Bénédictines devoit être attribuée à la comtesse Mathilde, femme de Thibaut, comte de Champagne; et sa conjecture a été présentée comme un fait certain par Piganiol[676], aveugle copiste de tous ceux qui l'ont précédé. Cependant Jaillot demande avec raison sur quoi peut être appuyée une semblable assertion, puisque le titre primordial n'existe plus. «Seroit-ce, dit-il, parce que le monastère de la Pommeraie, fondé par cette dame après le milieu du douzième siècle, fut déclaré être une dépendance de l'abbaye du Paraclet, ainsi que celui de Trainel? Mais ce dernier y avoit été soumis plus de dix ans auparavant, puisqu'on lit dans le Gallia Christiana[677], qu'en 1142 Héloïse, abbesse du Paraclet, y avoit passé une transaction avec l'abbé de Vauluisant. Cette prétendue origine est d'ailleurs détruite par le nécrologe même de cette maison, lequel faisoit mention au 4 des ides de décembre, du décès de Gundric, prêtre auquel on donne le titre de fondateur

D. Félibien, et ceux qui ont écrit après lui, n'ont pas été mieux instruits en plaçant la translation de ces religieuses à Melun en 1622, et à Paris en 1644. Ils ont ainsi confondu les faits et les dates. Celle de 1622 ne convient qu'à la réformation qui fut faite à Trainel même, par dame de Veny d'Arbouze, qui en étoit prieure; et ce ne fut qu'en 1630 que sa communauté se réfugia à Melun, pour éviter les désastres de la guerre qui désoloit alors ces contrées. Ne trouvant pas dans cette ville toute la sûreté qu'elles désiroient, ces religieuses résolurent, en 1652, de venir chercher un asile à Paris, où elles demeurèrent quelque temps en maison privée, du consentement des archevêques de Sens et de Paris. Enfin, en 1654, sur la permission que ces deux prélats leur en donnèrent, elle achetèrent une grande maison et un jardin dans la rue de Charonne, et y firent bâtir des lieux réguliers et une chapelle dont la reine Anne d'Autriche voulut bien poser la première pierre.

Ces religieuses étoient soumises à la juridiction de l'archevêque; et la seule marque d'autorité qui fût restée à l'abbesse du Paraclet consistoit dans le droit d'élire et d'instituer la prieure. Leur premier bienfaiteur, après leur établissement, fut le garde des sceaux d'Argenson. Elles durent à ce ministre non-seulement une augmentation considérable dans leur revenu temporel, mais encore des constructions nouvelles qui rendirent leur habitation plus vaste et plus commode. Il fit en outre rétablir et décorer l'église, et construire, par l'architecte Cartaud, une chapelle sous l'invocation de saint René son patron, dans laquelle son cœur fut déposé. La duchesse d'Orléans, douairière, donna depuis aux religieuses de la Magdeleine des marques éclatantes de sa protection, et ajouta encore de nouveaux bâtiments à leur monastère.

CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE.

TABLEAU.

Sur le maître-autel, une Descente de croix, par Louis Boullongne.

SÉPULTURES.

Dans la chapelle construite par M. d'Argenson s'élevoit son mausolée. La figure principale étoit un ange de marbre blanc à genoux sur un nuage, et présentant le cœur de ce ministre à saint René son patron. Ce monument avoit été exécuté par un sculpteur nommé Rousseau[678].

Dans le bas-côté, à droite, étoit le cénotaphe élevé par demoiselle de Marillac à la mémoire de M. de La Fayette son époux, colonel du régiment de La Fère, mort, en 1694, à l'armée d'Allemagne.

La duchesse d'Orléans et l'abbesse de Chelles sa fille avoient été inhumées dans cette église[679].

LES RELIGIEUSES DE LA CROIX.

Ces religieuses sont les mêmes que celles de l'ordre de Saint-Dominique, dont nous avons parlé à l'article des Filles-Saint-Thomas, établies rue Vivienne[680]. Nous avons déjà dit que leur première habitation étoit, suivant tous nos historiens, dans le faubourg Saint-Marcel. Le nombre des religieuses devenant trop considérable pour la maison qu'elles y occupoient, on prit des mesures pour les transférer en partie rue d'Orléans, au Marais, et ce furent celles dont nous parlons ici qui allèrent habiter cette nouvelle demeure. Le 6 mars 1627, la mère Marguerite de Jésus, qu'on avoit chargée de former le premier établissement, et qui en étoit prieure, accompagna la petite colonie qu'on en faisoit sortir; et en 1636 elle la transporta de nouveau rue Plâtrière, où ces religieuses restèrent jusqu'à la fin de cette même année. Le manque des commodités nécessaires à une communauté les força encore de chercher un autre asile: elles le choisirent rue de Matignon, où elles demeurèrent jusqu'en 1641, qu'elles se trouvèrent en état d'acheter la maison dont elles ne sont sorties qu'au moment de la révolution. Cette dernière migration a trompé presque tous nos historiens, qui l'ont prise pour celle de leur établissement. Le détail dans lequel nous venons d'entrer, pris sur des mémoires fournis à Jaillot par ces religieuses elles-mêmes, servira à rectifier les erreurs de date dans lesquelles ils sont tombés.

Les Filles de la Croix durent le repos et le bonheur dont elles jouirent depuis cette époque à la piété généreuse de mademoiselle Ruzé d'Effiat, fille du maréchal de ce nom, qui donna tout son bien à cette maison, et s'y fit religieuse en 1637. Ce fut ce don considérable qui leur fournit les moyens d'acheter le terrain qu'elles occupoient, et d'y faire élever les bâtiments nécessaires. La première pierre en fut posée, le 3 août 1639, par madame la duchesse d'Aiguillon, et par mademoiselle d'Effiat elle-même, à qui la reconnoissance de la communauté décerna justement le titre de fondatrice.

CURIOSITÉS.

L'église de ce monastère étoit petite, mais jolie; le maître-autel étoit décoré d'un très-bon tableau de Jouvenet, représentant l'Élévation de la Croix[681].

L'ÉGLISE SAINTE-MARGUERITE.

Cette paroisse est un démembrement de celle de Saint-Paul, de laquelle dépendoient jadis les habitants du faubourg Saint-Antoine et des hameaux voisins, qu'on y a depuis renfermés. Cependant, vu l'éloignement où le plus grand nombre d'entre eux étoient de l'église paroissiale, on avoit permis de dire la grand'messe, de faire le prône et de bénir l'eau dans la chapelle Saint-Pierre, près l'église de l'abbaye Saint-Antoine. En l'année 1627, Antoine Fayet, curé de Saint-Paul, fit construire une seconde chapelle sous l'invocation de sainte Marguerite, et quoique le nombre des habitants du faubourg fût considérablement augmenté, son intention, en élevant ce petit monument, fut uniquement de se procurer, par cette fondation, une sépulture particulière pour lui et pour sa famille[682]; et, quoi qu'en ait dit Piganiol, il ne pensa nullement à créer une succursale de son église[683].

Il étoit si loin d'avoir cette intention, que l'archevêque de Paris, sur le rapport qu'on lui fit que les habitants faisoient célébrer le service divin, les dimanches et fêtes, dans cette chapelle, ayant voulu, de son propre mouvement, l'ériger en succursale, les marguilliers de Saint-Paul se présentèrent comme opposants, et, sur leur requête, il intervint un arrêt le 26 juillet 1629, qui ordonna qu'elle demeureroit simple chapelle, sans qu'on pût y faire aucunes fonctions curiales, le titre de patron et fondateur étant réservé au sieur Fayet, et à ses parents ou héritiers.

Cependant le besoin de cette succursale devenant de jour en jour plus pressant, les habitants du faubourg mirent tant d'instances et d'activité dans leurs démarches, qu'ils obtinrent un nouvel arrêt, par lequel il fut décidé qu'après le décès du fondateur la chapelle seroit succursale, toujours avec la réserve des droits honorifiques de patron et fondateur appartenants à sa famille, et sous la condition que les habitants s'obligeroient à faire construire les logements nécessaires pour les prêtres chargés de la desservir.

On n'attendit pas le terme fixé par cet arrêt; et dès l'année suivante il en intervint un autre, qui, du consentement des parties, ordonna que la chapelle deviendroit à l'instant même succursale, sous les conditions déjà énoncées; mais les habitants s'étant trouvés dans l'impossibilité de les remplir, malgré les délais qui leur furent accordés, M. Fayet lui-même demanda que la chapelle fût déclarée simple comme auparavant, ce qu'il obtint par un nouvel arrêt du 4 février 1634, et quatre jours après il mourut, après avoir nommé, par son testament, un chapelain pour la desservir. Elle fut alors déclarée succursale de Saint-Paul, et les choses restèrent en cet état jusqu'en 1712, que M. le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, sépara, par un décret, tout le faubourg Saint-Antoine de la paroisse Saint-Paul, et érigea en cure l'église Sainte-Marguerite, réservant à la famille Fayet le droit de nomination à la chapelle ancienne, qui dès lors ne faisoit qu'une petite partie de l'église: car on en avoit successivement augmenté les constructions, en raison de l'accroissement successif des habitants. Ce décret fut confirmé par des lettres-patentes du mois de février 1713.

Toutefois, malgré ces augmentations faites tant à l'église elle-même qu'aux logements du curé et des prêtres, cette paroisse se trouvant encore trop petite pour plus de quarante mille paroissiens que contenoit sa circonscription, on ne vit d'autre moyen de remédier aux incommodités continuelles qui en résultoient, que de prendre une partie du cimetière contigu, et de construire sur ce terrain une chapelle assez vaste pour permettre à tous les fidèles de participer aux offices.

Cet édifice fut exécuté en 1765, sur les dessins de M. Louis, architecte du Palais-Royal. Il a quarante-sept pieds de long sur trente de large et trente-cinq de hauteur. Il est décoré de colonnes feintes, éclairé par une ouverture de dix pieds carrés, pratiquée dans la voûte; et l'autel, en forme de tombeau, étoit isolé à l'une de ses extrémités. La peinture, tant en architecture qu'en ornements, étoit de Brunetti, artiste qui passoit pour habile en ce genre. Enfin ce petit monument méritoit d'être vu pour l'élégance de la construction et la richesse de sa décoration.

CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE SAINTE-MARGUERITE.

TABLEAUX.

Dans la chapelle de Sainte-Marguerite, derrière le chœur, cette sainte enchaînée dans sa prison, par Alphonse Dufresnoi.

Dans la chapelle neuve, la Délivrance des âmes du purgatoire, par Briard.

Deux bas-reliefs peints représentant la mort de Jacob, et Adam et Ève chassés du paradis.

Sur l'autel de la chapelle de la communion, des camaïeux, par Louis Boullongne.

SÉPULTURES.

Entre les deux arcades qui servoient d'entrée à cette chapelle, on voyoit le médaillon, en marbre blanc, de M. de Vaucanson, mécanicien célèbre, mort en 1782. Son épitaphe étoit gravée en latin sur une table de marbre placée au-dessous.

CIRCONSCRIPTION.

Le territoire de cette paroisse, outre le faubourg Saint-Antoine, s'étendoit depuis la porte de ce nom jusque et par-delà le couvent des religieux de Picpus d'un côté, et de l'autre, depuis le petit Bercy jusqu'à Mont-Louis, y compris les moulins de Mesnil-Montant[684].

LES FILLES
DE NOTRE-DAME-DES-VERTUS.

Ces filles, communément appelées les Filles Sainte-Marguerite, étoient destinées à l'instruction des pauvres filles du faubourg Saint-Antoine. Cet utile établissement fut commencé en 1679 par quelques sœurs de la communauté des Filles de Notre-Dame d'Aubervilliers (village appelé plus communément Notre-Dame-des-Vertus), que les duchesses de Noailles et de Lesdiguières, et quelques dames de charité de la paroisse Saint-Paul avoient appelées à Paris à cette intention. Elles les placèrent d'abord dans une maison située rue Basfroi, où elles commencèrent à tenir une école de jeunes filles. Le succès qu'elles y obtinrent engagea M. Masure, curé de Saint-Paul, à consolider leur institution, ce qu'il fit en leur donnant en 1681 la propriété d'une maison qu'il avoit rue Saint-Bernard; l'année suivante, il leur procura des lettres-patentes. Les sœurs de Notre-Dame-des-Vertus, transférées en 1685 dans ce nouveau domicile, y furent bientôt inquiétées par les créanciers de M. Masure, qui trouvèrent le moyen de faire annuler la donation et vendre la maison. Heureusement pour elles que M. de Bragelongne, conseiller à la cour des aides, s'en étant rendu adjudicataire, non-seulement eut la générosité de la leur rendre, mais encore joignit à ce premier bienfait une rente pour l'entretien de sept sœurs. Elles se sont toujours maintenues depuis dans cette demeure jusqu'au moment de la révolution[685].

Il y avoit encore dans cette rue une maison des sœurs de la Charité.

L'ABBAYE DE SAINT-ANTOINE.

L'époque de la fondation de cette abbaye est rapportée différemment par les historiens. Du Breul la fixe en 1181, La Caille en 1182, Lemaire en 1190, Germain Brice en 1193, Rigord et Nangis en 1198, et Alberic en 1199. Corrozet adopte la date de 1198; mais il ajoute mal à propos que ce fut sous l'épiscopat et par la libéralité de Maurice de Sulli, évêque de Paris, que s'éleva cette communauté, puisque ce prélat étoit mort en 1196. On trouve cependant un contrat de vente fait à cette maison en 1191, et passé sous le scel de Philippe-Auguste, la dixième année de son règne[686].

Jaillot, pour concilier ces différentes époques, pense que cette maison, où étoit primitivement une chapelle de saint Antoine, parut propre, en 1198, à servir d'asile aux filles et femmes débauchées que Foulques, curé de Neuilli, avoit converties par ses prédications, et que ce fut seulement alors qu'on éleva les bâtiments nécessaires pour les recevoir. Quoi qu'il en soit, ces nouvelles religieuses embrassèrent la règle de Cîteaux; leur maison fut agrégée à ce chef-d'ordre, et érigée en abbaye par Eudes de Sulli, évêque de Paris, qui leur accorda tous les priviléges et toutes les exemptions dont jouissent les abbayes de cet ordre, ainsi qu'il est constaté par les lettres qu'il en fit expédier en 1204[687].

La première chapelle, fondée, suivant les apparences, par Robert de Mauvoisin, fut construite sous l'invocation de saint Pierre, et dans les derniers temps il en existoit encore une sous le même titre. Du Breul et ses copistes se sont encore trompés lorsqu'ils ont avancé qu'on l'avoit dédiée sous le nom de saint Antoine; et cette erreur vient de ce qu'ils ont confondu cette chapelle avec celle des religieuses. Piganiol, qui la plaçoit sous l'invocation de saint Hubert, rapporte qu'on y a «donné long-temps le répit à ceux qui avoient été mordus par des bêtes enragées, et fait flâtrer des chiens soupçonnés d'être enragés,» mais il est facile de voir que cet historien a pris cette chapelle pour celle d'une maison appelée le Répi Saint-Hubert, qui étoit située plus haut, comme on le voit sur les plans du siècle dernier, et qui servoit encore, avant la révolution, d'asile à des vieillards infirmes, ou à des personnes dont la raison étoit aliénée.

L'abbaye de Saint-Antoine étant bâtie dans l'étendue de la paroisse Saint-Paul, Gui, curé de cette église, voulut d'abord jouir des droits curiaux sur ce monastère; mais il ne tarda pas à se désister de ses prétentions, à la sollicitation de Pierre de Nemours, évêque de Paris. Ce prélat, par ses lettres du mois de mai 1215, ne se contenta pas d'exempter l'abbaye de toute dépendance, il consentit encore à ce que le desservant de la chapelle Saint-Pierre exerçât les droits utiles et honorifiques sur tout l'enclos, sur les domestiques et sur les particuliers mêmes qui s'y établiroient. Cependant, par la suite, ils furent bornés à l'administration des derniers sacrements et à la sépulture.

Ce fut peu de temps après qu'en raison de l'accroissement continuel de la population dans ce quartier, on commença à élever la grande église qui existoit encore au commencement de la révolution. Quelques auteurs en font honneur à saint Louis; mais Jaillot pense avec plus de fondement qu'on doit l'attribuer au seigneur de Saint-Mandé, qui donna à cet effet des sommes assez considérables, et accorda trente arpents à l'abbaye dans l'étendue de sa seigneurie. Cette église fut dédiée sous le titre de N. S., de la Sainte-Vierge et de saint Antoine. C'étoit un monument gothique assez estimé[688]. On en remarquoit surtout le chevet, à cause de la délicatesse de sa construction, et de la belle clarté que répandoit dans l'intérieur du vaisseau le double rang de ses vitraux. La nef étoit accompagnée de deux bas-côtés, au-dessus desquels s'élevoient de petites arcades vitrées, et des galeries où se plaçoient les pensionnaires pendant l'office divin. Le sanctuaire avoit été réparé quelques années avant la révolution, sur les dessins de M. Lenoir Le Romain; le chœur des religieuses occupoit une partie de la nef.

Les bâtiments du monastère, déjà reconstruits au commencement du siècle dernier, avoient été édifiés de nouveau à l'époque où l'on répara l'église, et sous la conduite du même architecte[689]; ils étoient vastes et magnifiques. L'abbesse jouissoit du titre de dame du faubourg Saint-Antoine.

CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE SAINT-ANTOINE.

TOMBEAUX.

Dans l'église avoient été inhumées Jeanne et Bonne de France, filles du roi Charles V, mortes toutes les deux en 1360; on y voyoit leurs statues en marbre blanc, placées sur un tombeau en marbre noir. (Elles ont été brisées en 1793.)

Au milieu du chœur, près de la grille, étoit la tombe de madame de Bourbon, avant-dernière abbesse de cette communauté, morte en 1760.

Dans le mur du pilier, à droite en entrant, on voyoit une table de marbre dont l'inscription annonçoit que les cœurs du maréchal de Clérambault et de dame Bouthillier de Chavigni son épouse y étoient renfermés. Le maréchal étoit mort en 1665, et sa femme en 1722. Le corps de la maréchale étoit inhumé dans l'église intérieure de l'abbaye[690].

LA MANUFACTURE ROYALE
DES GLACES.

Cette manufacture est située à l'entrée de la rue de Reuilli. Les lettres-patentes du 1er août 1634, enregistrées le 21 du même mois, nous apprennent à peu près l'époque de son établissement[691]. Elle dut ses progrès à la protection éclatante de M. Colbert, qui poursuivoit en cela le noble projet qu'il avoit conçu d'affranchir la France de tous les tributs qu'elle payoit à l'industrie des nations étrangères. En effet, avant cet établissement, les plus belles glaces se tiroient de Venise, et le besoin continuel qu'on en avoit faisoit sortir du royaume des sommes considérables. En peu de temps la manufacture de Paris parvint non-seulement à rivaliser avec celles de cette ville, mais même à les surpasser pour le volume et pour la beauté des glaces. On imagina des procédés nouveaux pour les fondre et pour les couler[692], et de cette manière on parvint à en fabriquer d'une grandeur extraordinaire. Le moyen qu'on emploie pour les polir fut inventé par Rivière Dufresny, qui, pour récompense de son invention, obtint un privilége exclusif, qu'il vendit ensuite à la manufacture.

Les ateliers de cette manufacture, où l'on emploie un nombre considérable d'ouvriers, méritent d'être visités[693].

LES FILLES DE LA TRINITÉ.

Cette communauté, connue aussi sous le nom de Mathurines, doit son établissement à une dame nommée Susanne Farrabat, qui, ayant eu le bonheur de reconnoître les erreurs du calvinisme, dans lequel elle avoit été élevée, et celui de les faire abjurer en même temps à sa mère et à deux de ses nièces, conçut avec elles le projet de se consacrer entièrement à l'éducation des jeunes filles. Ces dames ayant fait adopter la même résolution à deux demoiselles auxquelles elles montroient à travailler, ces six personnes formèrent entre elles une société à laquelle madame Voisin, épouse de M. Voisin, alors conseiller d'État, et depuis chancelier de France, procura la protection de M. le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, et les permissions nécessaires pour former un établissement. Celui-ci se fit d'abord en 1703[694], près le cloître Saint-Marcel. Peu de temps après, il fut transféré au faubourg Saint-Jacques, dans le voisinage de l'Observatoire. Enfin les accroissements considérables que venoit de recevoir le faubourg Saint-Antoine firent penser aux filles de la Trinité qu'elles seroient plus utiles dans ce quartier. Elles obtinrent, en conséquence, dès l'année 1707, la permission de s'y transporter, et s'établirent d'abord dans une maison qu'elles avoient louée dans la grande rue du faubourg. Mais, en 1713, mademoiselle Fréard de Chantelou leur céda une maison qu'elle possédoit dans la petite rue de Reuilli, et c'est là qu'elles sont restées jusqu'au moment de la révolution, consacrant tous leurs moments à l'éducation gratuite des pauvres filles, qui sont en très-grand nombre dans ce quartier[695].

LES CHANOINESSES RÉGULIÈRES
DE
NOTRE-DAME-DE-LA-VICTOIRE.

Ces religieuses, connues sous le titre de Notre-Dame de la Victoire de Lépante et de Saint-Joseph, sont redevables de leur établissement à Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, et à M. Tubeuf, surintendant des finances de la reine. Ce fut celui-ci qui en conçut le premier le dessein, et qui détermina le prélat à écrire, en 1640, à l'abbesse de Saint-Étienne de Reims, qu'il désiroit établir à Paris des religieuses de son ordre. Sur cet avis, cette abbesse se rendit la même année dans la capitale, amenant avec elle six religieuses, qui furent aussitôt placées à Picpus, où M. Tubeuf avoit acheté une maison et un enclos de sept arpents. Elles obtinrent de l'archevêque la permission d'élire une prieure triennale, et leur premier choix tomba sur madame Susanne Tubeuf, sœur de leur fondateur. Du reste, celui-ci pourvut à tous les besoins de cette maison, et lui procura, en 1647, des lettres-patentes qui confirmoient son établissement.

Ces chanoinesses étoient sous le titre de Notre-Dame de la Victoire, parce qu'elles avoient ajouté à leur règle l'obligation de célébrer, le 7 octobre de chaque année, la victoire remportée sur les Turcs à Lépante, à pareil jour, en l'an 1571.

Leur église n'avoit rien de remarquable[696].

CURIOSITÉS.

SÉPULTURES.

Marguerite-Louise d'Orléans, grande-duchesse de Toscane, fille de Jean Gaston de France et de Marguerite de Lorraine, avoit été inhumée dans le cloître de ces religieuses en 1721.

LES PÉNITENTS RÉFORMÉS
DU TIERS-ORDRE DE SAINT-FRANÇOIS,
VULGAIREMENT NOMMÉS PICPUS.

Le tiers-ordre, ainsi appelé parce qu'il fut le troisième que saint François d'Assise institua en 1221, avoit été formé en faveur des personnes des deux sexes qui, sans s'assujettir à aucuns vœux, désiroient mener une vie chrétienne et pénitente. Dans la suite il devint régulier, et fut approuvé et confirmé sous ces deux formes, par Clément VIII, en 1603, et par un bref de Paul V, du 22 avril 1613.

Vers l'an 1594, le P. Vincent Mussart introduisit dans le tiers-ordre une réforme qui donna lieu à l'établissement de soixante monastères que ces religieux avoient encore en France avant la révolution, dont la maison de Paris étoit le chef-lieu, et auxquels elle avoit communiqué le nom de Picpus. Leur premier établissement se fit en 1594, à Franconville près de Beaumont, diocèse de Beauvais, et non à Franconville près Saint-Denis, comme l'ont avancé presque tous nos historiens[697]. En 1600 ou 1601, ayant désiré s'établir à Paris, madame Jeanne de Saulx, veuve de M. René de Rochechouart, comte de Mortemart, chevalier des ordres du roi, leur donna le terrain et les bâtiments qu'ils occupoient encore au moment de la révolution[698]. Les pénitents du tiers-ordre obtinrent, la même année, le consentement de l'évêque de Paris, lequel fut aussitôt ratifié par des lettres-patentes, confirmées par celles de Louis XIII, du 31 juillet 1621, enregistrées le 21 août suivant, et par celles de Louis XIV, du mois d'octobre 1701.

La première pierre de l'église que les Picpus firent élever à la place de leur chapelle fut posée par Louis XIII, le 13 mars 1611, faveur qui procura à leur maison le titre de fondation royale.

Il y avoit dans ce couvent une salle où se rendoient les ambassadeurs des puissances catholiques le jour de leur entrée, et dans laquelle ils recevoient les compliments des princes et princesses de la maison royale.

CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DE PICPUS.

SCULPTURES ET TABLEAUX.

Sur le maître-autel, une Adoration des rois et deux anges de grandeur naturelle, qu'on croyoit sculptés par Germain Pilon.

Sur les confessionnaux de la nef, six statues grandes comme nature, parmi lesquelles on remarquoit un Ecce Homo, de Germain Pilon; un Christ prêchant, du même auteur, et une Vierge du frère Blaise, religieux de cette maison.

Dans le réfectoire, le Serpent d'airain, peint par Le Brun; quelques statues de terre cuite représentant les instituteurs des ordres religieux, par deux frères convers de cette maison.

SÉPULTURES.

Plusieurs personnes illustres avoient été inhumées dans cette église, savoir:

Dans la chapelle de la Vierge, sous une tombe de marbre noir, Antoine Le Clerc de La Forest, l'un des descendants de Jean Le Clerc, chancelier de France, mort en 1628.

Gui-Aldonce, dit le chevalier Chabot, frère de Henri Chabot, duc de Rohan, mort en 1646; il n'avoit ni tombe ni épitaphe.

Judith de Mesmes, marquise de Soyecour, morte en 1659; aussi sans tombe et sans épitaphe.

Le maréchal de Choiseul, mort en 1711.

Dans le chœur de l'église étoient les sépultures de plusieurs seigneurs et dames de la famille de Mortemart.

De madame de Damas-Thianges, veuve de Louis Conti-Sforce, duc de Segui, dame d'honneur de la duchesse d'Orléans, morte en 1730.

De Claude-François, comte de Bussi-Lamet, mort en 1730.

Les entrailles du cardinal du Perron, mort en 1618, avoient été inhumées dans le même lieu.

Dans un caveau sous la chapelle Saint-Joseph, étoient déposés les corps de huit seigneurs ou dames de la maison d'Aumont, depuis 1615 jusqu'en 1666.

Dans la chapelle des Mortemart, le cœur de Joseph-François de la Croix, marquis de Castries, gouverneur de Montpellier, etc., mort en 1728.

La bibliothéque de ce couvent étoit considérable, et son enclos très-spacieux[699].

ARC DE TRIOMPHE
DE LA BARRIÈRE DU TRÔNE.

À l'extrémité du faubourg Saint-Antoine étoit une place circulaire et entourée d'arbres, qu'on appeloit le Trône. Ce nom lui avoit été donné parce qu'en 1660 la ville y avoit fait élever un trône magnifique, sur lequel Louis XIV et Marie-Thérèse d'Autriche se placèrent le 26 août de la même année, et reçurent l'hommage et le serment de fidélité de leurs sujets. Pour consacrer la mémoire de cette grande solennité, et pour donner en même temps à ce prince un témoignage d'amour et de reconnoissance, les officiers municipaux résolurent de faire élever sur cette même place un arc de triomphe qui surpassât en grandeur et en magnificence les plus beaux qui nous soient restés de l'antiquité. Tous les artistes furent appelés à ce concours mémorable, dans lequel Charles Perrault eut encore la gloire de l'emporter sur tous ses rivaux. Son plan ayant été accepté par la ville, la première pierre en fut posée le 6 août 1670, et les constructions s'élevèrent rapidement jusqu'aux piédestaux des colonnes. Diverses circonstances en ayant arrêté les travaux, on voulut cependant juger de l'effet général de ce monument, et l'ordre fut donné de l'exécuter en plâtre sur les constructions déjà commencées. Il fut, assure-t-on, généralement approuvé des connoisseurs, malgré les nombreux ennemis de l'architecte. «Cependant, dit Jacques Blondel, le roi parut si peu sensible à tout ce qu'on faisoit pour lui dans cette circonstance, que la ville ne jugea pas à propos de pousser plus loin les marques d'un zèle qui étoit si froidement accueilli. Ce prince étant mort, le duc d'Orléans, régent du royaume, y prit encore moins d'intérêt; de sorte qu'en 1716 on se détermina à raser cet édifice, qui d'ailleurs tomboit en ruine; et, sous l'administration du duc de Bourbon, on acheva de le détruire jusqu'aux fondements.»

On peut juger, par le dessin que nous en offrons ici, que cet arc de triomphe étoit digne de l'architecte célèbre auquel nous devons le péristyle du Louvre. On y retrouve la même élégance, la même richesse et le même système de composition. Il avoit 146 pieds de largeur, sans compter la saillie des colonnes des faces latérales, sur cent cinquante pieds de hauteur y compris l'amortissement. Son ordonnance étoit composée d'un ordre de colonnes corinthiennes groupées deux à deux, et dans la même proportion que celles que Perrault avoit employées dans son péristyle, c'est-à-dire qu'elles étoient élevées d'un module de plus que l'ordre ne le requiert, afin d'y répandre plus d'élégance. La hauteur de l'arcade étoit à sa largeur dans la proportion de deux à un, suivant les principes rigoureux de l'architecture; cependant on a observé qu'en raison de la plus grande dimension des colonnes, il auroit fallu peut-être lui donner aussi un peu plus d'élévation. Les portes latérales, larges seulement de quinze pieds, et dans le même rapport que la grande arcade, étoient renfermées dans des niches carrées, couronnées de tables saillantes et rentrantes, que l'on avoit enrichies de sculptures en bas-reliefs. Entre chaque groupe de colonnes, des médaillons attachés sur le nu du mur, avec des rubans de sculpture, offroient les principales actions, les exploits et les conquêtes de Louis XIV.

Sur l'entablement corinthien régnoit un socle de toute la hauteur de la corniche, et sur ce socle étoient placés des esclaves et des trophées. À plomb du nu du mur s'élevoit une espèce d'attique, dont la hauteur, ainsi que celle des socles, égaloit la moitié de l'élévation des colonnes, et cet attique, ainsi reculé, laissoit une place convenable pour la saillie des groupes. Sur l'espace qu'il occupoit au-dessus du grand entrecolonnement devoit être gravée une inscription dans une table rentrante; et dans de pareilles tables au-dessus des portes latérales étoient des bas-reliefs qui désignoient les principales batailles de Louis XIV, ainsi que l'a pratiqué François Blondel à la porte Saint-Denis et aux portes Saint-Antoine et Saint-Bernard.

Enfin cet attique, dans toute la largeur du principal avant-corps, étoit surmonté d'un grand amortissement, orné des armes du roi; et cet amortissement supportoit le piédestal d'une statue équestre de ce prince, laquelle terminoit majestueusement cette magnifique composition[700].

HÔTELS.

ANCIENS HÔTELS DÉTRUITS.

Hôtel de Rieux (Vieille rue du Temple).

Il étoit situé dans cette rue, au coin de celle des Blancs-Manteaux. Le maréchal Jean II de Rieux et Pierre de Rieux de Rochefort son fils, également maréchal de France, l'occupoient à la fin du quatorzième et au commencement du quinzième siècle. Il fut confisqué sur ce dernier par les Anglais en 1421, passa depuis successivement à plusieurs particuliers, et enfin dans le siècle dernier à M. Amelot de Biseuil. Cet hôtel a été remplacé par une maison particulière.

L'assassinat du duc d'Orléans, frère de Charles VI, fut commis justement vis-à-vis de cet hôtel, et son corps y fut d'abord déposé.

Hôtel Barbette.

Cet hôtel, sur lequel a été percée la rue qui porte aujourd'hui son nom, étoit très-vaste, et accompagné d'une culture qui portoit la même dénomination, et qui l'avoit donnée à une fausse porte située dans la Vieille rue du Temple, un peu au-dessus des Blancs-Manteaux. La famille Barbette, à qui il appartenoit dans le principe, étoit très-connue vers le milieu du treizième siècle[701]; et l'on trouve qu'en 1306, sous le règne de Philippe-le-Bel, le peuple, mécontent de l'altération et de la diminution des espèces ordonnée par ce prince, et persuadé que c'étoit Étienne Barbette, alors maître des monnoies, qui lui en avoit donné le conseil, se porta en foule à son hôtel, en força les portes et le pilla. Jean de Montaigu, en étant devenu depuis propriétaire, le vendit en 1403 à Isabelle de Bavière, femme de Charles VI, qui en fit son petit séjour[702]. Cet hôtel passa ensuite dans la maison de Brezé, et ce fut à titre de femme de Louis de Brezé, comte de Maulevrier, grand-sénéchal de Normandie, qu'il appartint à Diane de Poitiers, depuis duchesse de Valentinois. Il fut vendu et démoli après la mort de son mari, arrivée en 1561.

Hôtel du Petit-Musc (rue Saint-Antoine).

Louis Ier, duc de Bourbon, ayant acheté cet hôtel en 1312, y joignit un autre logis nommé la maison du Pont-Perrin, et Charles V acheta ensuite ces deux édifices réunis, pour en agrandir l'hôtel Saint-Paul. Son successeur le fit rebâtir, et alors il prit le nom d'hôtel d'Étampes, dit l'hôtel Neuf. Il a été depuis démembré: les religieuses de la Visitation en occupèrent une partie, et l'autre forma l'hôtel d'Ormesson, dont nous ne tarderons pas à parler[703].

Hôtel de Cossé-Brissac (même rue).

Cet hôtel étoit situé sur le terrain qu'occupe aujourd'hui l'église des Filles-de-Sainte-Marie. Sauval l'a confondu avec l'hôtel de Boisi, ci-devant du Petit-Musc[704].

Hôtel de la Reine (entre la rue du Petit-Musc et celle de Beautreillis).

Cet hôtel, connu dans le principe sous le nom de la Pissote, prit ensuite les noms d'hôtel de la Reine et de Beautreillis. Louis XI le donna, en 1463, à Charles de Melun, bailli de Sens, et son lieutenant à Paris. Il devoit passer à sa postérité; mais cette clause n'eut pas son exécution: car on trouve qu'en 1490 Charles VIII en fit présent à Antoine de Chabannes, grand-maître-d'hôtel de France; Louis XII en confirma depuis la propriété à son fils[705].

Hôtel des comtes d'Angoulême (rue de l'Égout-Sainte-Catherine).

On n'a aucun détail sur cet hôtel; tout ce qu'on en sait, c'est qu'il étoit situé dans cette rue, et que François Ier, étant parvenu à la couronne, le joignit au palais des Tournelles. Charles IX en ordonna la démolition et la vente en 1565.

Hôtel du duc d'Orléans.

On ne sait également de cet hôtel rien autre chose que sa situation, laquelle étoit très-proche de l'enceinte de la ville, et sur un terrain qui depuis a fait partie des jardins de l'Arsenal.

Maison de plaisance de Henri II (rue de la Roquette).

Jaillot dit avoir lu dans un mémoire imprimé que Henri II et Henri IV avoient leur maison de plaisance à la Grande-Roquette, au lieu même où étoient les Hospitalières. Nos historiens n'en font pas mention; mais il est certain que Henri II y a demeuré, car nous avons des lettres de ce prince du 29 août 1568, données à la Roquette[706], pour informer «des pilleries, voleries et autres torts faits à ceux de la religion prétendue réformée.»

Château de Reuilli (rue du bas de Reuilli).

Cet ancien château avoit donné son nom à la rue où il étoit situé; et D. Mabillon, s'appuyant sur un passage de Frédégaire[707], prétend que dans l'emplacement qu'il occupoit étoit jadis une maison de plaisance qui avoit appartenu à nos rois de la première race, et que ce fut là que Dagobert Ier épousa et répudia ensuite Gomatrude pour contracter un nouveau mariage avec Nanthilde. Quoi qu'il en soit de cette opinion qui a trouvé des contradicteurs, on ne doute pas qu'en effet Reuilli, que les anciens historiens appellent Romiliacum, ne fût un château appartenant aux rois Mérovingiens. Il est probable qu'il n'avoit point été aliéné, ou du moins que s'il a pu l'être il étoit rentré dans le domaine de la couronne, car on voit qu'en 1352 le roi Jean promit d'en faire la vente à Humbert, patriarche d'Alexandrie, ancien dauphin de Viennois.

HÔTELS EXISTANTS EN 1789.

Hôtel d'Estrées (rue Barbette).

Il fut construit par François-Annibal d'Estrées, maréchal de France, et quoiqu'il ait depuis changé plusieurs fois de maître, il en a toujours conservé le nom.

Hôtel Pelletier (entre la rue des Rosiers et celle du Roi-de-Sicile).

Cet hôtel avoit été bâti pour Antoine Coiffier de Ruzé, dit le maréchal d'Effiat, surintendant des finances en 1626. Après sa mort, ses héritiers le vendirent à Claude Le Pelletier, d'abord prévôt des marchands, puis contrôleur-général des finances et ministre d'État. Il n'est point sorti de cette famille jusqu'à la fin de la monarchie.

Hôtel d'Argenson (même rue).

Il appartenoit au garde des sceaux d'Argenson, et avoit son entrée par un cul-de-sac qui en a pris le nom et qui existe encore.

Hôtel d'Albret (rue des Francs-Bourgeois).

Cet hôtel, le plus considérable de ceux qui sont situés dans cette rue, fut construit au milieu du seizième siècle, sur cinq places de la culture Sainte-Catherine, lesquelles furent acquises par le connétable Anne de Montmorenci. Après un assez grand nombre de révolutions qu'il seroit fastidieux de rapporter, il fut porté dans la maison d'Albret par le mariage de Magdeleine de Guénégaud avec César-Phébus d'Albret, comte de Miossans et maréchal de France. Après sa mort, ses héritiers le vendirent à Jean Brunet de Chailli, garde du trésor royal; et son dernier propriétaire fut M. du Tillet, président honoraire au parlement.

Dans cette même rue demeuroit Michel Le Tellier, chancelier sous Louis XIV.

Hôtel de Lorraine ou d'Herbouville (rue Pavée).

Cet hôtel, connu d'abord sous les noms d'hôtel de Savoisi et de Lorraine, est célèbre dans l'histoire du règne de Charles VI. Il appartenoit alors à Charles de Savoisi, chambellan et favori de ce prince. Le 13 ou le 14 juillet 1404, l'université étant allée en procession à Sainte-Catherine-du-Val-des-Écoliers, il survint entre ses suppôts et les domestiques de ce seigneur une querelle qui dégénéra bientôt en une rixe scandaleuse et sanglante, dont les suites nous apprennent jusqu'à quel point cette compagnie poussoit, dans ces temps-là, l'abus de son pouvoir et de ses priviléges. Non contente de porter ses plaintes au prévôt de Paris, à la reine, aux ducs d'Orléans et de Bourgogne, au parlement, elle n'eut pas même la patience d'attendre la satisfaction qu'elle demandoit, et ordonna sur-le-champ de fermer les classes et de cesser les prédications. Cette violence eut tout l'effet qu'elle en pouvoit espérer dans un siècle où le respect qu'on lui portoit alloit jusqu'à la superstition la plus ridicule. Sur sa requête, le parlement de Paris ordonna, dès le 19 du même mois, que M. de Savoisi seroit arrêté, c'est-à-dire qu'il auroit la ville pour prison, avec défense d'en sortir, sous peine de confiscation de tous ses biens, et d'être réputé coupable des excès commis dans la journée du 14. Le 22 août suivant, le roi rendit son arrêt, par lequel il ordonna «que la maison de Charles Savoisi seroit démolie le 26, aux frais des matériaux, dont le surplus seroit donné à l'église Sainte-Catherine, et qu'il feroit assiette de 100 liv. parisis de rente amortie pour fondation de chapelles.» Il fut en outre condamné en 1000 liv. envers les blessés, et pareille somme envers l'université, moyennant quoi on lui donne main levée de sa personne; et pour le jugement des coupables, le roi les renvoie par-devant les juges ordinaires, et veut qu'ils soient très-bien punis selon leurs démérites.

En conséquence, trois domestiques de M. de Savoisi firent amende honorable devant les églises de Sainte-Geneviève, de Sainte-Catherine et de Saint-Severin, furent fouettés ensuite aux carrefours de la ville, et bannis pour trois ans. La partie de l'arrêt qui regardoit ce gentilhomme ne fut pas exécutée avec moins de rigueur, malgré les prières du roi, qui s'intéressoit à ce que sa maison fût du moins respectée[708]; l'université fut inflexible: la démolition s'en fit même avec une solennité nouvelle, au son des trompettes; elle fut rasée jusqu'à terre, et les historiens ajoutent même que Savoisi fut banni.

Ce fut en vain que deux ans après ce favori obtint de Charles VI la permission de rétablir son hôtel; l'université s'y opposa avec plus de fureur que jamais, et l'autorité du roi fut encore obligée de céder à cette corporation redoutable. Enfin il fallut cent douze ans d'intervalle pour satisfaire sa vengeance et adoucir son animosité, encore n'accorda-t-elle la permission de rétablir cet édifice que sous la condition expresse qu'il y seroit placé une inscription contenant l'arrêt rendu contre Savoisi, et la grâce spéciale qu'elle vouloit bien accorder[709].

Il y a quelques incertitudes sur le personnage qui fit rebâtir cet hôtel. Les traditions les plus sûres nous apprennent que ce fut le trésorier Morlet[710]. Il passa ensuite à la famille des Savari, dont il prit le nom. Il le portoit en 1533, et c'est là que le duc de Norfolck, ambassadeur d'Angleterre, fut logé pendant le séjour qu'il fit à Paris dans le courant de cette année. Dix ans après, le 1er juin 1543, l'amiral de Chabot y mourut. On ignore à quel titre il lui appartenoit; mais en 1545 sa veuve le vendit au sieur de Bellassise, trésorier de l'extraordinaire des guerres, des mains duquel il passa dans celles du duc de Lorraine. Les princes de cette maison l'embellirent, le décorèrent et lui donnèrent leur nom, qu'il conserva même après avoir été acquis par les familles Desmarets et d'Herbouville.

Hôtel de Lamoignon (même rue).

Cet hôtel avoit été bâti, de même que l'hôtel d'Albret, au milieu du seizième siècle, et sur cinq places de la culture Sainte-Catherine, que les chanoines de cette maison ainsi que ceux de Saint-Victor avoient eu la permission d'aliéner en 1545. Acquises d'abord par MM. Claude de Tudert et Simon Gallet, la propriété en passa, en 1555, à M. Robert de Beauvais. À cette époque on avoit déjà joint à ce terrain une grande maison avec cour, jardin, et étables à pourceaux, qui avoit appartenu aux religieux de Saint-Antoine, et à laquelle on donnoit le nom de Porcherie de Saint-Antoine. Elle passa ensuite à la famille de Pisseleu et à plusieurs autres particuliers jusqu'en 1581, que le duc d'Angoulême en fit l'acquisition. On trouve qu'il étoit occupé, en 1622, par l'un de ses héritiers, M. Charles de Valois, comte d'Alez, et qu'il fut enfin vendu, en 1684, à M. Chrétien de Lamoignon, qui le transmit à ses descendants. D. Félibien[711] a confondu cet hôtel avec celui des comtes d'Angoulême dont nous avons déjà parlé.

Hôtel Saint-Paul ou de la Force (rue du Roi-de-Sicile).

Cet hôtel fut bâti, suivant les apparences, par Charles, frère de saint Louis, comte d'Anjou et de Provence, et depuis appelé aux royaumes de Naples et de Sicile; il en est du moins le premier possesseur dont l'histoire fasse mention. Son fils, héritier de cette demeure, la donna, en 1292, à Charles de Valois et d'Alençon, fils de Philippe-le-Hardi; et les comtes d'Alençon continuèrent d'en jouir jusqu'au règne de Charles VI. Ce prince, qui aimoit passionnément les exercices de chevalerie alors en usage, ayant remarqué que cet hôtel n'étoit séparé que par l'enceinte de Philippe-Auguste des lices de la culture Sainte-Catherine, jugea qu'il seroit commode pour lui d'avoir une semblable maison dans laquelle il pourroit ou se reposer ou se préparer aux joutes et aux tournois qui se donnoient fréquemment en cet endroit. Il la fit en conséquence demander à Pierre d'Alençon, qui la lui céda par deux actes de 1389 et 1390[712], dont le second contenoit un abandon pur et simple. Le roi la donna aussitôt à Robert et Charles de Bausson, sans doute sous certaines réserves qui toutefois ne sont point mentionnées par les historiens.

Cet hôtel appartint depuis aux rois de Navarre, et aux comtes de Tancarville. Le cardinal de Meudon en étant devenu propriétaire, le fit rebâtir en 1559; mais il ne fut achevé que par René de Birague[713], aussi cardinal et chancelier de France. Après sa mort, arrivée en 1583, cet hôtel, acquis d'abord par le maréchal de Roquelaure, fut bientôt revendu par lui à M. François d'Orléans-Longueville, comte de Saint-Paul, ce qui lui fit donner le nom d'hôtel Saint-Paul, qu'il a conservé jusqu'au milieu du siècle dernier, quoiqu'il ait appartenu depuis à M. de Chavigni, ministre et secrétaire d'État, sous le nom duquel il est indiqué dans quelques anciens plans. Étant passé ensuite à M. de La Force par son mariage avec la petite-fille de M. de Chavigni, il prit enfin le nom de ce seigneur, et l'a conservé jusqu'à nos jours.

À la fin du règne de Louis XIV, cet édifice fut partagé en deux parties, dont l'une formoit l'hôtel de Brienne, et avoit son entrée dans la rue Pavée; l'autre, qui conserva son entrée dans celle du Roi-de-Sicile, fut acquise, en 1715, par les frères Pâris, deux financiers fameux qui y firent de grands embellissements. En 1731 cette portion de l'hôtel de La Force changea encore de propriétaire. On trouve que MM. Pâris le vendirent à la demoiselle Toupel, de qui M. d'Argenson l'acheta le 12 septembre 1754, pour le compte de l'École Militaire; acquisition que confirma un édit du mois d'août 1760.

Nous avons fait connoître plus haut la dernière destination de cet hôtel[714].

Hôtel de Carnavalet (rue Culture-Sainte-Catherine).

Cet hôtel, qui mériteroit la célébrité dont il jouit, seulement pour avoir été quelque temps habité par l'illustre madame de Sévigné et par la comtesse de Grignan sa fille, est digne en outre, sous le rapport de l'art, de fixer l'attention des curieux autant peut-être qu'aucun autre monument de Paris.

Cet édifice, commencé par Bullant, continué par Ducerceau, ne fut achevé que dans le dix-septième siècle par François Mansard. Il se compose d'abord d'un bâtiment sur la rue, lequel n'est élevé que d'un seul étage au-dessus du rez-de-chaussée. Il a cinq croisées de face, et présente deux pavillons en avant-corps placés à ses deux extrémités, et couronnés de frontons. Le rez-de-chaussée, orné de refends vermiculés, forme le soubassement d'un ordre de pilastres ioniques accouplés qui décore le premier étage. La porte est en plate-bande dans une niche cintrée, et surmontée d'une corniche en forme de fronton. On ne peut se dissimuler que toute l'architecture de cet hôtel, si l'on en excepte cette porte, exécutée par le premier architecte, ne soit d'un effet très-médiocre, et peu digne des éloges qu'elle a reçus de tous les historiens de Paris[715].

Mais ce qui lui assure une réputation à jamais durable, ce sont les sculptures dont il a été décoré par le célèbre Jean Goujon, et dont plusieurs doivent être mises au nombre des ouvrages les plus charmants qui soient sortis de son ciseau. Toutefois les divers écrivains qui ont fait des descriptions de Paris, même en payant à ces chefs-d'œuvre le tribut d'admiration qu'ils méritent, ont donné une preuve nouvelle de leur inexactitude, et surtout de leur ignorance dans tout ce qui tient aux arts du dessin.

Le plus grand nombre de ces écrivains ne se sont pas aperçus que ces excellentes sculptures étoient mêlées avec d'autres faites long-temps après, et d'une exécution bien inférieure; et, se figurant qu'elles étoient toutes de la même main, ils les ont toutes confondues dans le même éloge.

Quelques-uns, qui même ont écrit de nos jours, ayant voulu se donner un air plus savant, ont cherché à reconnoître les ouvrages de Jean Goujon parmi ceux de ses successeurs; mais, par une bévue pire peut-être que l'ignorance des premiers, ils lui ont justement attribué ce qu'il y avoit de plus médiocre parmi ces dernières sculptures.

Nous espérons être plus heureux dans l'examen que nous allons en faire, et distinguer, pour la première fois, ce qui appartient réellement à ce grand sculpteur.

À l'extérieur, les deux enfants qui sont groupés dans l'écusson, les ornements qui le soutiennent, la petite figure ailée placée sur la clef, le lion et le léopard entourés de trophées que l'on voit aux deux côtés de la porte, sont bien certainement de la main de Jean Goujon. Les deux figures représentant la Force et la Vigilance, posées sur les trumeaux du premier étage, et la Minerve qui s'élève au-dessus, non-seulement n'ont point été faites par lui, mais doivent être considérées comme de très-mauvais ouvrages, d'un style mesquin et d'une exécution grossière[716].

Au pourtour de la cour, sur les trumeaux des faces du premier étage, s'élèvent encore douze figures colossales en bas-relief. À la première inspection il est facile de reconnoître que les quatre qui sont placées dans le fond, et qui représentent les saisons, peuvent être seules attribuées à Jean Goujon; mais ce que n'ont point dit ceux qui ont décrit cet hôtel, et ce qu'il étoit toutefois important de faire connoître, c'est qu'elles sont inférieures aux autres sous tous les rapports. Quoiqu'elles rappellent bien certainement le style de ce maître, on y découvre une sorte d'exagération de sa manière, qui pourroit faire penser qu'elles ont été exécutées après sa mort sur de simples croquis de sa main, non encore arrêtés.

Enfin ce dont aucun auteur n'a fait mention, et ce qui mérite cependant plus d'attention que tout le reste, ce sont trois petites figures sculptées en bas-relief sur le fronton intérieur du portail, dont deux sont couchées, et tiennent à la main une branche de laurier et une palme; la troisième, debout au milieu, et posée sur un globe, est armée d'un arc et d'une flèche. Non-seulement ces figures sont de Jean Goujon, mais on peut dire qu'elles surpassent toutes les autres, et qu'elles égalent ce qui nous reste de plus pur et de plus gracieux de cet artiste excellent.

Cet hôtel avoit été commencé vers le milieu du seizième siècle pour le président de Ligneries. Il fut vendu en 1678 à Françoise de La Baume, dame de Carnavalet, dont il prit le nom qu'il porte encore aujourd'hui, quoiqu'il ait depuis changé très-souvent de propriétaire.

Hôtel Turgot, ci-devant de Sulli (rue Saint-Antoine).

Jaillot dit avoir trouvé dans les titres originaux qui concernent l'hôtel de Sulli, que, le 15 avril 1624, le sieur Mesme Gallet acquit deux maisons qui appartenoient à M. Louis Huaut de Montmagni et autres; qu'il y fit construire cet hôtel qu'il n'acheva pas, parce que le terrain sur lequel la façade étoit bâtie ne lui appartenoit qu'en partie; et que sa fortune s'étant trouvée dérangée, cette propriété fut saisie et vendue par décret en 1627. Plusieurs propriétaires qui se succédèrent accrurent depuis cet édifice de plusieurs maisons qu'ils achetèrent dans le voisinage, et le dernier, M. du Vigean, fit construire l'entrée de l'hôtel en 1629. Il fut cédé en cet état, par échange, à M. Maximilien de Béthune, duc de Sulli, qui l'agrandit encore par l'acquisition d'une maison, laquelle forma le petit hôtel de Sulli. Le grand hôtel fut depuis acquis, en 1752, par M. Turgot de Saint-Clair, qui lui donna le nom qu'il a porté jusqu'au commencement de la révolution.

Hôtel de Beauvais (même rue).

Cet hôtel doit son nom à M. Pierre de Beauvais, conseiller ordinaire du roi, qui le fit bâtir. L'histoire en fait mention, parce que l'épouse de M. de Beauvais, première femme de chambre d'Anne d'Autriche, eut l'honneur d'y recevoir cette reine, la reine d'Angleterre, les dames de la cour et le cardinal Mazarin, le 26 août 1660, jour de l'entrée solennelle de Louis XIV et de Marie-Thérèse d'Autriche.

Hôtel de Guémené.

Cet hôtel, situé à l'extrémité du cul-de-sac auquel il a donné son nom, a son entrée principale sur la place Royale, et avoit appartenu, dans le principe, à la famille de Lavardin. Il passa ensuite dans la maison de Rohan, et dans la branche de Rohan-Guémené.

Hôtels de la place Royale.

Tous les édifices qui composent cette place étoient occupés, comme nous l'avons déjà dit, par les gens les plus qualifiés de la cour et de la ville; et plusieurs de ces hôtels avoient, comme celui de Guémené, une sortie sur les rues adjacentes. Nous croyons qu'on verra avec quelque intérêt les noms des principaux habitants de cette place vers le milieu du siècle dernier.

  • M. le duc de Richelieu.
  • M. d'Ormesson père.
  • M. d'Ormesson, avocat général.
  • M. le prince de Talmon.
  • Madame la marquise de Menoux.
  • M. le marquis de Tessé.
  • Mademoiselle du Châtelet.
  • M. l'évêque de Verdun.
  • M. de Gagny.
  • Madame la comtesse d'Armalay.
  • M. le marquis de Beausang.
  • M. de Nicolaï.
  • M. de Creil.
  • M. le comte de Chabot.
  • M. d'Ormesson du Charet.
  • M. le comte de Chabane.
  • M. le président d'Etiaux.

Hôtel d'Ormesson (rue Saint-Antoine).

Il est bâti sur une portion du terrain occupé autrefois par l'hôtel du Petit-Musc.

Hôtel royal de l'Arquebuse (au coin de la rue de la Roquette et de celle de Contrescarpe).

Dans cet endroit étoit un jardin sur la porte duquel on lisoit cette inscription: Hôtel royal de l'Arquebuse. C'étoit le lieu destiné jadis aux exercices de la compagnie royale des chevaliers de l'arbalète et de l'arquebuse de Paris[717]. On ignore l'origine de cette société ou confrérie d'arbalétriers, qu'il ne faut pas confondre avec les compagnies de bourgeois qui formèrent depuis la garde de la ville. Celle-ci, beaucoup plus ancienne, jouissoit, dès le règne de Louis-le-Gros, de plusieurs priviléges, et son objet étoit de servir le roi quand il le requéroit, et de défendre Paris contre les ennemis du dehors. Nous apprenons que saint Louis ne dédaigna pas de régler lui-même ses exercices, et fixa le nombre des chevaliers à cent quatre-vingts. Il fut depuis porté à deux cents par des lettres-patentes de Charles, dauphin (depuis Charles V). Ce prince, étant devenu roi, montra l'affection qu'il avoit pour ce corps, et l'importance qu'il y attachoit, par une ordonnance rendue en 1369, dans laquelle il défend les jeux de hasard, et excite la jeunesse à se livrer à de nobles exercices, tels que l'arc et l'arbalète, capables de fortifier le corps et de le rendre propre à supporter les fatigues de la guerre. Depuis cette époque, cette compagnie n'a cessé de voir augmenter et confirmer ses priviléges par tous les rois qui ont succédé à Charles V, jusqu'à Louis XV inclusivement.

Nos historiens ne font point mention des lieux anciennement destinés aux exercices de ces chevaliers de l'arquebuse. Le premier qu'on ait pu découvrir étoit situé près des murs de l'enceinte de Philippe-Auguste, et dans l'endroit où est aujourd'hui la rue des Francs-Bourgeois. Ils y furent établis, en 1379, par Charles V, et l'on trouve que, dès 1390, on les avoit transférés entre les rues Saint-Denis et Mauconseil. En 1604, sous le règne de Henri IV, ils occupoient un espace dans le bastion situé entre les portes du Temple et de Saint-Antoine. Enfin, en vertu de lettres-patentes données en 1671, cet établissement fut transporté dans le lieu que nous venons d'indiquer, et depuis n'en a point changé[718].

Les brevets des chevaliers de l'arquebuse étoient signés du gouverneur de Paris, colonel de cette compagnie royale. Dans les cas urgents, ils étoient tenus de faire le service comme les troupes réglées; et tous les dimanches, à partir du premier dimanche de mai jusqu'au jour de saint Denis inclusivement, ils se rassembloient pour leurs exercices, et distribuoient des prix composés de jetons d'argent frappés au coin de la compagnie. Le corps de ville assistoit un jour de l'année à cet exercice, et distribuoit lui-même trois prix aux vainqueurs.

Hôtel Montalembert (rue de la Roquette).

C'étoit une grande maison, agrandie et embellie dans le dix-huitième siècle par le comte de Clermont, qui en fit sa demeure. Elle prit depuis le nom qu'elle a porté jusqu'en 1789, et le dut sans doute à son nouveau propriétaire.

Hôtel de Mortagne (rue de Charonne).

Cette maison, connue depuis long-temps sous ce nom, fut habitée dans le siècle dernier par le célèbre mécanicien M. de Vaucanson. Cet artiste ayant légué au roi les pièces mécaniques de son invention, qui composoient son cabinet, Louis XVI, alors régnant, résolut de faire l'acquisition de la maison où tous ces objets étoient rassemblés, et d'y former un établissement de mécanique que son intention étoit de rendre public, et d'enrichir de tout ce que l'Europe pouvoit offrir de plus intéressant en ce genre. Cet établissement, déjà commencé et dirigé par un membre de l'académie des sciences, M. de Vandermonde, fut détruit par la révolution, avant d'avoir acquis toute la perfection dont il étoit susceptible.

Maison de Mont-Louis.

Elle étoit située dans la rue de la Folie-Regnaut: on donnoit autrefois et assez souvent le nom de Folie à une maison de campagne destinée seulement à être un lieu de plaisir ou de délassement. Telle étoit la Folie-Regnaut, maison de campagne dont le premier propriétaire fut un épicier nommé Regnaut, qui l'avoit fait bâtir. Il y avoit dans ce manoir un corps-de-logis, des cours, des jardins, des étables, une chapelle; le tout contenant environ six arpents. Quelques maisons bâties successivement, en cet endroit, qu'on appeloit alors le Champ-l'Évêque, parce qu'il étoit situé dans sa censive, formèrent une espèce de hameau qui prit le nom du petit château que ces maisons avoisinoient. On voit dans les archives de l'archevêché qu'en 1427 l'évêque de Paris y avoit son pressoir, lequel étoit contigu à celui du chapitre et à la maison de Regnaut l'épicier. En 1626 les jésuites de la maison professe achetèrent cette maison, y joignirent plusieurs portions de terres environnantes, qu'ils acquirent successivement, et donnèrent à ce nouvel établissement le nom de Mont-Louis. La maison le porta dès l'année suivante; et dans quelques actes elle est appelée Mont-Saint-Louis.

Une erreur populaire avoit répandu assez généralement l'opinion que cette maison n'avoit été appelée Mont-Louis que parce que Louis XIV en avoit fait don au P. La Chaise son confesseur: or il est constant qu'il y avoit plus de cinquante ans que les jésuites possédoient cette maison lorsqu'il fut nommé à cette fonction importante, puisque cela n'arriva qu'en 1675. Toutefois cette opinion avoit tellement prévalu qu'on l'appeloit encore, dans le siècle dernier, maison du P. La Chaise, et que le cimetière établi dans son enclos porte encore aujourd'hui le nom de ce père[719].

Il est vrai qu'il avoit payé de ses propres deniers quelques portions de terrain qui y étoient enclavées; et c'est là sans doute ce qui a donné lieu à cette petite anecdote entièrement dénuée de fondement.

La maison de Mont-Louis fut vendue, lors de l'expulsion des jésuites, le 31 août 1763, et revendue le 16 décembre 1771[720].

Le jardin de Reuilli.

On avoit donné ce nom à une maison située dans la rue de la Planchette. Cette maison, très-belle, très-vaste, et accompagnée d'un jardin planté avec autant de goût que de magnificence, avoit pris d'abord le nom de Rambouillet, qui étoit celui du particulier qui l'avoit fait bâtir, et elle le portoit dès 1676. On la trouve aussi quelquefois indiquée sous celui des Quatre Pavillons. C'étoit là que se rendoient les ambassadeurs des puissances étrangères non catholiques, le jour destiné à leur entrée solennelle. Cette habitation fut acquise en 1720 par une personne qui, préférant l'utile à l'agréable, ne laissa subsister que le logement du jardinier, changea les bocages en vergers, et les parterres en marais potagers.

FONTAINES.

Fontaine de Birague ou de Sainte-Catherine.

Cette fontaine, ainsi nommée parce qu'elle fut achevée en 1579 par la munificence de René de Birague, cardinal et chancelier de France, est située sur une place, nommée alors Cimetière des Anglois, que depuis Louis XIII donna aux Jésuites, afin de rendre plus commode et plus agréable l'entrée de leur église et de leur maison professe. Lors de cette première construction, on grava sur une table de marbre les inscriptions suivantes:

Henrico III,
Franciæ et Poloniæ rege Christianissimo.
Renat. Birag.
Sanctæ Romanæ ecclesiæ presbyt. cardin.
Et Franc. cancellar. illustriss.
Benefició Claudii d'Aubray, præfecto
Marcator. Johann. Le Comte;
Renat. Baudert; Johann. Gedoyn;
Petr. Laisné, tribunis plebis
Curantibus.
Anno Redemptionis
M. D. LXXIX.

Hanc deduxit aquam duplicem Biragus in usum;
Serviat ut domino; serviat ut populo.

Publica sed quanta privatis commoda, tanto
Præstat amore domûs, publicus urbis amor.

Renat. Birag. Franc. Cancell.
Publ. comm.

M. D. LXXXII.

Cette fontaine fut refaite sous la prévôté de Nicolas Bailleul, et l'on y grava alors cette inscription:

Siccatos lances, et ademptum fontis honorem
Officio ædiles restituêre suo.


Ob reditum aquarum. 1627.

Enfin on la rebâtit pour la dernière fois en 1707, et cette construction, plus élégante que les autres, subsiste encore aujourd'hui. Elle a la forme d'une espèce de tour à cinq pans, ornée, sur chaque face, de pilastres, de frontons, de tables renfoncées, et recouverte d'une calotte sphérique appareillée en pierres que surmonte un clocheton; le tout d'un style assez agréable. Les tables et les frontons sont enrichis de sculptures et d'inscriptions en vers latins.

Ire face.

Prætor et ædiles fontem hunc posuêre, beati
Sceptrum si Lodoix, dum fluet unda, regat.

IIe.

Ante habuit raros, habet urbs nunc mille canales
Ditior, hos sumptus oppida longa bibant.

IIIe.

Ebibe quem fundit purum Catharina liquorem,
Fontem at virginem, non nisi puris, adi.

IVe.

Naïas exesis male tuta recesserat antris;
Sed notam sequitur, vix reparata, viam.

Ve.

Civibus hinc ut volvat opes, nova munera, largas
Nympha, supernè fons, desinit in fluvium.

Son eau, qui lui vient de la pompe construite sur le pont Notre-Dame, se distribue ensuite dans plusieurs quartiers, et principalement dans le faubourg Saint-Antoine.

Fontaine royale.

Cette fontaine, construite entre les années 1687 et 1692, dans la rue Saint-Louis, auprès de la place dont elle a pris le nom, est ornée de sculptures représentant deux tritons. Son eau vient de l'aquéduc de Belleville.

Fontaine des Tournelles.

Cette fontaine, située au coin de la rue de ce nom et de celle Saint-Antoine, fut construite en 1671. Elle donne de l'eau de la Seine.

Fontaine des Mousquetaires.

Construite en 1719, rue de Charenton, faubourg Saint-Antoine. Son eau vient aussi de la Seine.

Fontaine de l'Abbaye Saint-Antoine.

Située dans la grande rue du faubourg de ce nom, au coin de la rue de Montreuil. Elle tire également son eau de la Seine.

Fontaine de Charonne.

Placée à l'entrée de la rue de ce nom; la Seine lui fournit son eau.

Fontaine de Basfroi.

Elle est située à l'angle de la rue du même nom, et tire son eau de la même source.

BOULEVARTS ANCIENS.

Il est inutile de répéter que cette promenade, qui embrasse dans son circuit et coupe en deux parties tout le côté septentrional de Paris, à été formée sur l'emplacement de ses dernières murailles, dont elle retrace assez exactement l'enceinte. Elle est composée d'un grande allée pavée pour le passage des voitures, de deux contre-allées plantées d'arbres, et sert de communication entre la ville, proprement dite, et les faubourgs qui la terminent. Quoiqu'elle n'ait rien de très-remarquable, ni par la beauté de ses ombrages, ni par la nouveauté de leur disposition, les jolies maisons, les cafés, les salles de spectacle, les monuments, les jardins élégants qui la bordent dans toute sa longueur, en font un des aspects les plus brillants et les plus variés de Paris.

Les boulevarts anciens commencent à la porte Saint-Honoré, et, renfermant tous les quartiers que nous venons de décrire, leurs faubourgs exceptés, viennent finir à la porte Saint-Antoine. Dans ce long espace qu'ils parcourent, leur nom change plusieurs fois et dans l'ordre suivant:

  • Depuis la rue Saint-Honoré jusqu'à celle des Capucines, boulevart de la Magdeleine.
  • Depuis cette dernière rue jusqu'à celle du Mont-Blanc (ci-devant de la Chaussée-d'Antin), boulevart des Capucines.
  • De la rue du Mont-Blanc à celle de Richelieu, boulevart des Italiens.
  • De cette dernière rue jusqu'à celle de Montmartre, boulevart Montmartre.
  • De la rue Montmartre jusqu'à la rue Poissonnière, boulevart Poissonnière.
  • De la rue Poissonnière jusqu'à celle de Saint-Denis, boulevart de Bonne-Nouvelle.
  • De cette dernière rue jusqu'à la rue Saint-Martin, boulevart Saint-Denis.
  • De la rue Saint-Martin jusqu'à la rue du Temple, boulevart Saint-Martin.
  • De la rue du Temple jusqu'à celle des Filles du Calvaire, boulevart du Temple.
  • De ce dernier point jusqu'à la rue du Pont-aux-Choux, boulevart des Filles du Calvaire.
  • De la rue du Pont-aux-Choux jusqu'à la rue Saint-Antoine, boulevart Saint-Antoine[721].

BARRIÈRES.

On en compte douze dans le vaste territoire qu'embrasse ce quartier, depuis son extrémité septentrionale jusqu'à la rivière, savoir:

  • 1.   Barrière des Amandiers.
  • 2.   —— de la Folie-Regnaut[722].
  • 3.   —— des Rats[723].
  • 4.   —— de Charonne[724].
  • 5.   —— de Montreuil.
  • 6.   —— du Trône.
  • 7.   —— Saint-Mandé[725].
  • 8.   —— de Picpus.
  • 9.   —— de Reuilli.
  • 10. —— de Charenton.
  • 11. —— de Berci.
  • 12. —— de la Rapée.

RUES ET PLACES
DU QUARTIER SAINT-ANTOINE.

Rue d'Aligre. Cette rue, percée depuis 1780, donne d'un côté dans la rue de Charenton, de l'autre sur le marché Beauvau.

Rue des Amandiers. Elle fait la Continuation de la rue du Chemin-Vert, dont on lui a quelquefois donné le nom, et aboutit à la campagne et à la rue des Murs de la Roquette. Le terrain sur lequel elle fut percée s'appeloit encore, dans le siècle dernier, les Amandiers. Peut-être y avoit-il en cet endroit une certaine quantité d'arbres de cette espèce, ce qui lui en aura fait donner le nom.

Rue Amelot. Cette rue donne d'un côté sur le boulevart, au coin de la rue Daval, de l'autre à l'entrée du faubourg Saint-Antoine. Elle a été ouverte depuis 1780.

Rue Saint-André. Elle aboutit d'un côté à la rue des Rats, et de l'autre à celle de la Folie-Regnaut. On n'a nul renseignement sur l'origine de son nom.

Rue Saint-Antoine. Elle commence à la porte Baudoyer, et finit à la porte Saint-Antoine. Jaillot croit qu'elle doit ce nom à l'abbaye située dans le faubourg, à laquelle elle conduit, plutôt qu'à la maison du Petit-Saint-Antoine, ce qui étoit l'opinion de l'abbé Lebeuf[726]. Le premier nom que cette rue ait porté est celui de rue de la Porte Baudéer, vicus Portæ Baldeerii: on l'appeloit ainsi au commencement du treizième siècle; mais il faut observer que c'étoit seulement dans la partie voisine de cette porte; plus loin on la nommoit rue de l'Aigle, vicus de Aquilâ. Elle devoit ce nom à une maison qui portoit vraisemblablement un aigle dans son enseigne. Les cartulaires de Saint-Éloi et de Saint-Maur en font souvent mention, ainsi que du four banal que le prieuré de Saint-Éloi avoit dans cette rue, presque au coin de la rue de Joui: domus Aquilæ in vico Baldaeri, 1227. En 1230 elle est ainsi désignée, domus Aquilæ sita apud portam Bauderii; on y trouve aussi la rue indiquée sous le même nom de vicus de Aquilâ per quem itur apud Sanctum Antonium, juin 1244[727]. Ainsi la rue de l'Aigle faisoit la continuation de la rue de la porte Baudéer. Or, comme la censive de Saint-Éloi ne s'étendoit pas en-deçà de la rue des Barres, il est aisé d'en conclure que la rue de l'Aigle n'étoit ainsi nommée que depuis celle-ci jusqu'à la porte Saint-Antoine de l'enceinte de Philippe-Auguste. Le Cartulaire de Saint-Germain-l'Auxerrois[728] fait mention de cet endroit à l'an 1289, et le nomme terra quæ dicitur de Aquilâ versus portam Sancti Antonii. Enfin, depuis cette porte jusqu'à celle qui fut depuis construite sous le même nom, au règne de Charles VI, la rue Saint-Antoine portoit celui de rue du Pont-Perrin[729]: la place qui est à l'extrémité de cette rue, près de l'emplacement de la Bastille, se nomme place Saint-Antoine.

Rue du Faubourg-Saint-Antoine. Elle commence à la porte Saint-Antoine, et finit à l'endroit dit le Trône. On l'appeloit anciennement la chaussée Saint-Antoine, et ce nom elle le portoit encore en 1632[730].

Rue des Fossés-Saint-Antoine. Elle règne le long des Fossés depuis la rue du faubourg jusqu'à la rivière; on la nomme aussi rue de la Contrescarpe.

Rue des Ballets. Elle aboutit à la rue Saint-Antoine et à celle du Roi-de-Sicile. Sauval[731] a pensé que la famille des Baillet avoit pu donner son nom à cette rue, et que le peuple l'aura corrompu en l'appelant rue des Ballets au lieu de rue des Baillet; mais il n'en donne aucune preuve. Guillot et le rôle de taxe de 1313 n'en parlent point. La liste du quinzième siècle et le censier de l'archevêché de 1495 en font mention sous le nom de rue des Ballays; et celui de Saint-Éloi, en 1613, énonce une maison au coin de la rue des Balloys, acquise par la ville, pour agrandir cette rue. Cette orthographe détruit l'étymologie que Sauval en a donnée.

Rue Barbette. Elle aboutit d'un côté à la Vieille rue du Temple, et de l'autre à celle des Trois-Pavillons. Elle tire son nom de l'hôtel Barbette, dont nous avons déjà parlé, et sur l'emplacement duquel elle a été ouverte.

Rue de Basfroi. Elle fait la continuation de la rue de Popincourt, et traverse de la rue de la Roquette dans celle de Charonne. Nous n'avons rien pu découvrir sur l'étymologie du nom de cette rue, qu'on appelle et qu'on écrit communément Basfroid. Le plus ancien titre qui en fasse mention est un bail à cens du 15 novembre 1393[732], d'un arpent et demi et sept perches de vignes au lieu dit Baffer, sur le chemin Saint-Antoine. Les déclarations passées au terrier du roi en 1540[733] énoncent le terroir de Basfert, Baffer, ou Baffroi; et dans un ancien compte[734] on lit: Le chantier du Grand-Basfroi et celui de Popincourt, dit le-Petit-Basfroi.

Place et marché Beauvau. Cette place et ce marché, situés entre la rue Saint-Antoine et celle de Charenton, communiquent à ces deux rues par diverses autres rues transversales.

Rue Beauvau. Cette rue, ouverte depuis 1780, donne d'un côté rue de Charenton, de l'autre sur le marché Beauvau.

Rue de Bercy. Elle fait la continuation de la rue de la Rapée, et aboutit hors la ville au château de Berci, dont elle a tiré son nom.

Rue Saint-Bernard. Elle traverse de la rue de Charonne dans celle du faubourg Saint-Antoine. On pense qu'elle a reçu le nom de ce saint parce que l'abbaye Saint-Antoine en suivoit la règle[735].

Rue des Boulets. Elle va de la barrière Saint-Antoine à celle de Charonne, et fait la continuation des rues de la Muette et du Trône. Quelques nomenclateurs l'appellent rue des Boules, mais mal à propos. Elle doit ce nom au territoire où elle est située, que d'anciennes déclarations du seizième siècle indiquent ainsi: Lieu dit les Boulets, anciennement les Basses-Vignolles. Cette rue porte la même dénomination sur le plan de Jouvin, publié en 1676, et sur tous ceux qu'on a faits depuis.

Rue des Buttes. Cette rue, ou plutôt ce chemin n'étoit presque pas connu avant l'enceinte élevée sous Louis XVI, parce que la plus grande partie des plans de Paris ne s'étendoient pas jusque là. Elle traverse de la grande rue de Reuilly dans celle de Picpus.

Rue Caron. Cette rue, ouverte en même temps que le marché Sainte-Catherine, donne d'un côté sur ce marché, de l'autre dans la rue de Jarentes.

Rue Culture-Sainte-Catherine. Elle aboutit d'un côté à la rue Saint-Antoine, et de l'autre à celle du Parc-Royal. Nous avons déjà fait observer qu'elle doit ce nom au terrain cultivé des chanoines de Sainte-Catherine-du-Val-des-Écoliers, sur lequel elle fut ouverte. On la nommoit d'abord simplement rue Sainte-Catherine, comme on peut le voir sur le plan de d'Heuland et dans Corrozet; et Robert l'appelle encore de même, quoiqu'avant le milieu du siècle passé on la désignât déjà sous le nom de la Couture et Culture Sainte-Catherine, et qu'elle porte cette dénomination sur le plan de Gomboust et sur les autres plans postérieurs. Boisseau, sur le sien, en fait deux rues: celle qu'il appelle de la Couture prend depuis la rue Saint-Antoine jusqu'à celle des Francs-Bourgeois, et depuis celle-ci jusqu'à la rue du Parc-Royal il la nomme rue du Val[736].

Rue Neuve-Sainte-Catherine. Elle aboutit d'un côté à la rue Culture-Sainte-Catherine, et de l'autre à la rue Saint-Louis et à celle de l'Égout. Son nom est dû au terrain du prieuré sur lequel elle a été ouverte.

Rue de l'Égout Sainte-Catherine. Elle va de la rue Saint-Antoine aux rues Saint-Louis et Neuve Sainte-Catherine. Elle est ainsi nommée à cause d'un égout qui passoit sur le terrain de Sainte-Catherine, près de l'endroit où cette rue a été ouverte. On l'appeloit, en 1590, ruelle des Égouts, et rue des Égouts en 1606[737]. On l'a nommée depuis rue de l'Égout couvert. Nous avons déjà parlé de l'égout du pont Perrin, qui régnoit le long de la rue Saint-Antoine. En 1417 il fut ordonné de le détourner et de le joindre à celui qui portoit les eaux et les immondices au grand égout du Temple.

On le fit donc passer sur le terrain de la culture Sainte-Catherine, dans la longueur de 625 toises, jusqu'à l'endroit où finit aujourd'hui la rue de Boucherat: il ne fut couvert qu'au commencement du siècle dernier.

Marché Sainte-Catherine. Il a été ouvert, comme nous l'avons déjà dit, vers la fin du siècle dernier, sur l'emplacement de l'église du même nom.

Rue des Chantiers. La plupart de nos plans ne la distinguent pas de la rue Traversière, dont elle fait la continuation depuis la rue de la Râpée jusqu'à la rivière. Ces deux rues ne doivent pas cependant être confondues, celle-ci n'ayant été ouverte qu'à la fin du dix-septième siècle. On voit, par les anciens plans, qu'on la nommoit alors, ainsi que la rue Traversière, rue du Cler-Chantier. Sur d'autres plans elle est appelée rue de la Planchette et rue Pavée. Elle doit son dernier nom aux chantiers auxquels elle aboutissoit. Nous ferons observer en passant que le terrain où elle est située fait partie de celui qu'on appeloit anciennement le Champ au Plâtre, et qu'on nommoit encore dans le siècle dernier Port au Plâtre, dans la partie qui borde la rivière, depuis le bastion de l'Arsenal jusqu'à Saint-Bonnet.

Rue des Charbonniers. Elle aboutit d'un côté à la rue de Charenton et de l'autre au port au plâtre. Les anciens plans l'indiquent sous le nom de rue du Port-au-Plâtre, et rue Clochepin. Nous ignorons à quelle occasion elle a quitté ces anciennes dénominations pour prendre celle qu'elle porte encore aujourd'hui[738].

Rue de Charenton. Elle commence au fossé de la porte Saint-Antoine, et aboutit au coin de la petite rue de Reuilli et de celle de Rambouillet. Son nom provient du bourg de Charenton, où elle conduit.

Rue de Charonne. Elle aboutit à la rue du Faubourg-Saint-Antoine et à la barrière qui portoit jadis la même dénomination. Cette rue tire aussi son nom du village où elle conduit[739].

Rue du Chemin-Vert. Elle aboutit d'un côté à la rue de la Contrescarpe, et de l'autre à celle des Amandiers, au coin de la rue de Popincourt. Ce n'étoit encore, au milieu du seizième siècle, qu'un chemin qu'on appeloit Vert, à cause des herbes dont il étoit bordé, et des marais potagers au travers desquels il passoit. En 1667 on le nommoit simplement ruelle qui va à Popincourt[740]. Il est indiqué dans le censier de Saint-Éloi, sous le nom de ruelle des Neuf-Arpents, parce qu'il avoit été ouvert sur un terrain nommé la culture Saint-Éloi, lequel contenoit neuf arpents. Cette culture étoit divisée en deux parties, et bornée par les rues de Mesnil-Montant, de Popincourt, de la Contrescarpe et du Chemin-Vert. Cette dernière est nommée rue Verte dans des actes de 1718, quoiqu'elle fût connue, dès le siècle passé, sous le nom qu'elle porte, comme on peut le voir sur quelques plans de ce temps-là.

Rue Cloche-Perce. Elle traverse de la rue Saint-Antoine dans celle du Roi-de-Sicile[741]. Le procès-verbal de 1636 la nomme rue de la Cloche-Percée. C'étoit le nom d'une enseigne qu'on a changé en celui de Cloche-Perce, et c'est ainsi qu'elle est écrite sur tous les plans. Si on lui a donné ensuite, vers 1660, le nom de rue de la Grosse Margot, comme le dit Sauval[742], à cause de l'enseigne d'un cabaret, ce nom, adopté par le bas peuple, n'a pas fait fortune, car on ne le trouve ni dans aucun acte ni sur aucun plan. Nous ignorons quelle pouvoit être la rue de Pute-y-Muce dont parle Guillot. Mais sa marche nous fait conjecturer qu'il pouvoit y avoir alors une rue ou ruelle qui ne subsiste plus depuis long-temps, et qui traversoit de la rue Cloche-Perce dans celle de Tiron.

Rue Neuve-du-Colombier. Cette rue, ouverte sur le marché Sainte-Catherine, et à la même époque que ce marché, donne de l'autre bout dans la rue Saint-Antoine.

Rue de la Contrescarpe[743]. Cette rue nouvelle, percée depuis 1780, donne d'un côté à l'extrémité des rues Daval et de Lappe, de l'autre à la petite rue Saint-Pierre.

Rue de Cotte. Cette rue, ouverte depuis 1780, donne d'un côté rue du Faubourg-Saint-Antoine, de l'autre sur le marché Beauvau.

Rue Daval. Elle donne d'un côté sur le boulevart, de l'autre dans la rue de la Contrescarpe. Cette rue a été percée depuis 1780.

Rue de l'Écharpe. Elle commence à la rue Saint-Louis, et aboutit à la place Royale. On l'appela d'abord rue de Henri IV, parce que cette place fut commencée sous le règne de ce prince. Une enseigne lui fit donner le nom de rue de l'Écharpe Blanche. Elle le portoit dès 1636. Depuis, on a dit simplement rue de l'Écharpe.

Rue des Écouffes. Elle aboutit d'un côté à la rue des Rosiers, et de l'autre à celle du Roi-de-Sicile. Cette rue est ancienne; son nom n'a varié que dans la façon de l'écrire ou de le prononcer. On disoit, en 1233 et en 1254, rue de l'Écofle; en 1300 de l'Escoufle; en 1313 des Escoufles; en 1430, des Escofles, et au siècle suivant, des Escloffes, enfin des Écouffes. Un topographe du siècle passé a jugé à propos de la nommer rue des Écossois, quoiqu'elle n'ait jamais été appelée ainsi.

Rue de la Vallée de Fécan. Elle fait la continuation de la rue de la Planchette, et conduit au chemin de Charenton. Son nom est dû au terrain sur lequel elle est située. On l'appeloit le bas de Fécant au quinzième siècle, et c'est ainsi que ce terrain est nommé dans un titre nouvel, du 16 février 1498[744]. Dans une déclaration rendue au terrier du roi en 1540, il est fait mention d'une vigne hors la porte Saint-Antoine, au val de Fesquant, lieu dit Beauregard[745].

Rue du Foin. Elle va de la rue Saint-Louis à celle de la Chaussée-des-Minimes. Elle s'étendoit même autrefois jusqu'à la maison des Hospitalières. Nous ne trouvons point qu'elle ait eu d'autre nom. Il est assez vraisemblable qu'elle doit celui qu'elle porte à un terrain en pâturage qui faisoit partie du parc des Tournelles, sur lequel elle fut ouverte sous le règne de Henri IV.

Rue de la Folie-Regnaut[746]. Elle aboutit d'un côté à la barrière qui porte ce nom, de l'autre à la rue des Murs-de-la-Roquette. Cette dénomination vient d'une maison de plaisance qui appartenoit à Regnaut l'épicier.

Rue des Francs-Bourgeois. Elle va de la Vieille rue du Temple à celle Sainte-Catherine[747]. Elle se nommoit d'abord rue des Poulies, et conserva ce nom jusqu'au moment de la construction d'un hôpital qui fut fondé dans cette rue en 1334, suivant dom Félibien[748], et vers l'an 1350, suivant Sauval[749], par Jean Roussel et Alix sa femme. Cet hôpital se composoit de vingt-quatre chambres contiguës, dans lesquelles on retiroit des pauvres. En 1415, Pierre Le Mazurier et sa femme, fille de Jean Roussel, donnèrent cet hôpital au grand-prieur de France, avec 70 livres de rente, sous la condition de loger deux pauvres dans chaque chambre. Ce fut cet asile qui fit donner à cette rue le nom de Francs-Bourgeois, ceux qui demeuroient dans cet hôpital étant, par leur pauvreté, francs, c'est-à-dire exempts de toutes taxes et impositions.

Rue de Jarentes. Ouverte en même temps que le marché Sainte-Catherine, elle le traverse et va aboutir d'un côté rue de l'Égout-Sainte-Catherine, de l'autre rue Culture-Sainte-Catherine.

Rue Jean-Beausire. Elle commence à la rue Saint-Antoine, vis-à-vis la Bastille, et, formant un retour d'équerre, aboutit au boulevart. Boisseau, sur son plan, la nomme rue du Rempart. Au quatorzième siècle, elle s'appeloit rue d'Espagne[750]. On trouve bien au siècle suivant une rue Jean-Beausire; mais ce nom étoit donné à celle qu'on a depuis appelée rue des Tournelles. Il fut appliqué à celle-ci dès 1538[751].

Rue des Juifs. Elle traverse de la rue du Roi-de-Sicile dans celle des Rosiers. Dom Félibien a suivi exactement ce que le commissaire Delamare avoit écrit sur le rappel des Juifs en 1198[752]. Ces auteurs disent qu'après cette époque les Juifs se logèrent dans différents quartiers qu'ils indiquent; et ils mettent de ce nombre la rue dont il s'agit. Ce fait peut être vrai, et il y a grande apparence que le nom des Juifs qu'elle porte ne vient que de ceux qui l'ont habitée; mais nous n'avons pu découvrir si elle existoit alors, et sous quel nom. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il n'en est point fait mention dans Guillot, ni dans les rôles de taxes de 1300 et de 1313, ni même dans la liste du milieu du quinzième siècle. Corroset est, si nous ne nous trompons point, le premier qui l'ait désignée sous ce nom, lequel se trouve sur tous les plans postérieurs. Nous pensons donc avec Jaillot qu'elle ne l'a pris que sous le règne de Louis XII[753].

Rue de Lappe. Elle va de la rue de la Roquette à celle de Charonne. On lit dans un registre des ensaisinements de Saint-Éloi[754], que le 22 décembre 1635, les chanoinesses régulières de Saint-Augustin (les Filles Angloises de Notre-Dame de Sion) acquirent de Bertrand Ferrier, marchand épicier, «cinq arpents de terre hors la porte Saint-Antoine, sur le chemin de Charonne, au lieu dit l'eau qui dort, tenant d'une part à Girard de Lappe, maître jardinier, d'autre au chemin tendant de Paris à la Roquette, etc., à présent clos de murs, fors du côté dudit Girard de Lappe.» C'est donc de ce jardinier que la rue dont il s'agit a pris son nom. Piganiol a tort d'écrire rue de la Lape[755].

Rue Saint-Louis. La partie de cette rue comprise dans ce quartier commence au coin des rues Neuve-Sainte-Catherine et de l'Écharpe, et finit à celles du Parc-Royal et Neuve-Saint-Gilles. Nous avons déjà remarqué qu'elle s'appeloit rue de l'Égout couvert, rue Neuve-Saint-Louis, et Grande rue Saint-Louis.

Rue Sainte-Marguerite. Elle va de la rue du Faubourg-Saint-Antoine à celle de Charonne. Son nom est dû à l'église paroissiale de Sainte-Marguerite, dont elle est voisine.

Rue des Minimes. Elle aboutit d'un côté à la rue Saint-Louis, et de l'autre à celle des Tournelles. On l'a nommée ainsi à cause des religieux qui s'y sont établis.

Rue de la Chaussée-des-Minimes. Elle aboutit d'un côté à l'un des pavillons de la place Royale, et de l'autre à l'église des Minimes. C'est de cette situation qu'elle a pris le nom qu'on lui donne aujourd'hui. Cette rue fut percée sous le règne de Henri IV, et appelée rue du Parc-Royal. En 1637 on la nomma rue du Parc-des-Tournelles, parce qu'elle fut ouverte alors sur le parc du palais des Tournelles[756].

Rue de Mongallet. Elle aboutit d'un côté à la rue de Reuilli, et de l'autre à celles de la Planchette et de la Vallée-de-Fécan. On la nommoit dans l'origine rue du Bas-Reuilli.

Rue de Montreuil. Elle conduit du faubourg Saint-Antoine au petit village de Montreuil, dont on lui a donné le nom. Ce chemin est ancien, car il est fait mention de Montreuil dès le commencement du douzième siècle[757].

Rue Moreau. Elle conduit de la rue de Charenton à celle de la Rapée. On la nomme aussi ruelle des Filles-Angloises, parce qu'elle régnoit en partie le long du couvent de ces religieuses.

Rue de la Muette. Cette rue, qui aboutit aux barrières de la Croix-Faubin et de la Roquette, doit son nom au territoire où elle est située. Le lieu dit la Muette est énoncé dans la déclaration des censitaires du grand chambrier de France, en 1540.

Rue du Pas-de-la-Mule. Elle aboutit d'un côté à la place Royale, et de l'autre au boulevart. Il paroît par plusieurs titres que le premier nom qu'on lui donna fut celui de rue Royale, que portoient également les autres rues par lesquelles on entroit dans cette place. Elle prit ensuite celui de Petite rue Royale. Cette rue fut ouverte en 1604, selon Le Maire[758]; cependant elle est indiquée dès 1603 sous le nom de rue du Pas-de-la-Mule. Elle aboutissoit alors, et même long-temps après, à la rue des Tournelles; mais par arrêt du conseil du 15 juillet 1673, il fut ordonné qu'elle seroit prolongée jusqu'au boulevart, ce qui fut exécuté, comme on peut le voir sur le plan de Bullet, publié en 1676. Cependant les plans de Nollin et du sieur De Fer, qui sont postérieurs de plus de vingt ans, la nomment encore rue Royale. Nous n'avons pu rien découvrir sur l'étymologie du nom de Pas-de-la-Mule qu'on lui a donné.

Rue Necker. Cette rue, ouverte en même temps que le marché Sainte-Catherine, donne d'un côté dans la rue de Jarentes, de l'autre dans celle d'Ormesson.

Rue Saint-Nicolas. Elle traverse de la rue du Faubourg-Saint-Antoine dans celle de Charenton. Sur un plan de 1676 elle est déjà indiquée sous ce nom, qu'elle doit à une enseigne.

Rue Le Noir. Cette rue, percée depuis 1780, donne d'un côté rue du Faubourg-Saint-Antoine, de l'autre sur le marché Beauvau.

Rue d'Ormesson. Cette rue, percée et bâtie en même temps que le marché Sainte-Catherine, donne d'un côté rue de la Culture-Sainte-Catherine, de l'autre dans celle de l'Égout-de-Sainte-Catherine, en traversant ledit marché.

Rue Pavée. Elle aboutit d'un côté à la rue des Francs-Bourgeois, et de l'autre à celle du Roi-de-Sicile. Sauval dit qu'en 1406 on l'appeloit rue du Petit-Marais, et depuis rue de Marivas, de Marivaux et du Petit-Marivaux. Corrozet la nomme rue du Petit-Marivaux, et il est certain qu'on l'appeloit ainsi en 1235[759]. Cependant la liste du quinzième siècle fait mention d'une rue Pavée qui nous paroît être celle-ci. Elle est désignée sur tous les plans sous ce dernier nom.

Rue des Trois-Pavillons. Elle aboutit d'un côté à la rue du Parc-Royal, et de l'autre à celle des Francs-Bourgeois. Anciennement ce n'étoit qu'un chemin qui coupoit le terrain de Sainte-Catherine. En 1545 on l'appeloit rue de la Culture-Sainte-Catherine. Elle se prolongeoit alors le long de l'hôtel d'Albret, jusqu'au retour de la rue des Rosiers, qu'on a depuis appelée rue des Juifs, et dans cette partie elle se nommoit rue des Valets. Cette dernière rue, ainsi que celle de la Lamproie, dont il subsiste encore une partie sous le nom de cul-de-sac Coquerel, furent bouchées en 1604.

Sauval dit que cette rue fut pratiquée dans l'hôtel Barbette[760]. Cela n'est pas exact. Nous venons d'observer qu'elle existoit en 1545, et cet hôtel ne fut vendu qu'en 1561. La source de son erreur vient sans doute du nom que cette rue portoit encore au dix-septième siècle. On l'appeloit rue Diane, à cause de Diane de Poitiers de Valentinois. Elle occupoit l'hôtel Barbette, dont les jardins s'étendoient jusqu'à la rue dont nous parlons. Piganiol[761], en adoptant l'opinion de Sauval, ajoute que dans la suite on l'a nommée des Trois-Pavillons, sans qu'on en sache la raison. Jaillot a été plus heureux que lui dans ses recherches, car il a trouvé qu'elle devoit ce nom à la maison des Trois-Pavillons, appartenant à dame Anne Châtelain. Elle étoit située au coin de la rue des Francs-Bourgeois et de celle-ci, et composée de trois pavillons qui lui en firent donner le nom dès la fin du seizième siècle, le même auteur l'ayant trouvée indiquée, en 1598, sous celui des Trois-Pavillons, ou de Diane[762].

Rue Païenne. Elle fait la continuation de la rue Pavée, et aboutit aux rues du Parc-Royal et des Francs-Bourgeois. De Chuyes la nomme rue Payelle; le Tableau des rues de Paris par Valleyre, rue Parelle, et l'éditeur de Du Breul, en 1639, rue de Guienne. On voit cependant, par le procès-verbal de 1636, que dès lors elle s'appeloit Païenne, nom qu'elle a toujours conservé depuis. Henri II ayant demandé à la ville, en 1547, les granges pour l'artillerie qui avoient été prêtées à François Ier en 1533, et d'aviser à ce qu'elle vouloit pour son dédommagement[763], elle délibéra, le 10 mars 1550, d'acheter une grange et une partie de terrain de la culture Sainte-Catherine. Elle y fit construire ensuite un nouvel arsenal, lequel étoit situé au coin de cette rue et de celle du Parc-Royal. Cet emplacement a été occupé depuis par un hôtel.

Rue de Picpus. Elle va de la barrière du Trône à celle de Picpus, à laquelle elle a donné son nom, lequel vient de celui du petit village qu'elle traverse. Dès 1540 on trouve indiqués le terroir et la ruelle de Piquepusse. Ce nom n'a varié que dans la manière de l'écrire; car on lit dans les différents actes Picpus, Piquepus, Picpuce, Picpusse et Piquepusse. Nous n'avons rien découvert sur l'étymologie de ce nom, qui est plus ancien que l'abbé Lebeuf ne l'indique. Jaillot pense que ce fut en cet endroit qu'on éleva, en 1191, une croix, qui fut nommée la Croix Benoiste, et depuis la Croix Brisée. Dubreul rapporte l'événement à l'occasion duquel cette croix fut érigée, lequel ne vaut pas la peine d'être répété, n'étant autre chose qu'une pieuse tradition absolument destituée de toute authenticité[764].

Rue Saint-Pierre. C'est le nom que l'on donne maintenant au chemin qui règne le long du boulevart et du fossé depuis la rue de Mesnil-Montant jusqu'à la rivière. On le nommoit autrefois rue de la Contrescarpe[765].

Petite rue Saint-Pierre. C'est une petite rue ouverte depuis 1780, qui donne d'un côté rue Contrescarpe, et de l'autre sur le boulevart.

Ire Rue de la Planchette. Cette rue, qui aboutit d'un côté à la rue de Charenton, et de l'autre à celle des Terres-Fortes, fut ouverte, au milieu du dix-septième siècle, au travers de plusieurs chantiers de bois flotté. On ne lui donna d'abord aucun nom, mais on la trouve indiquée sous celui qu'elle porte dans un contrat de vente de 1660[766]; cependant elle n'étoit encore marquée sur aucun plan. Celui de Roussel, publié en 1731, est le premier dans lequel on la trouve. Le commissaire Du Brillet fait mention d'une rue de la Planchette ou des Charbonniers. Cette dernière est connue, et nous en avons parlé ci-dessus; mais sa position ne convient ni à cette rue-ci ni à la suivante.

IIe Rue de la Planchette. On appelle ainsi la continuation de la rue de Charenton, depuis les coins de la petite rue de Reuilli et de celle de Rambouillet, jusqu'à la Vallée de Fécan. Elle est mentionnée dans des actes de 1540, sous le nom de chemin de Charenton et de rue de la Planchette allant de Paris à Charenton[767].

Rue de Popincourt. Elle traverse de la rue de Mesnil-Montant à celle de la Roquette. L'auteur des Tablettes Parisiennes la coupe en deux sur son plan, et donne le nom de Pincourt à la partie qui commence à la rue du Chemin-Vert, et aboutit à celle de la Roquette. L'abbé de La Grive avoit fait la même faute. Il est vrai que le peuple appeloit autrefois cette rue Pincourt dans toute son étendue; mais c'est par aphérèse du nom de Popincourt. Elle le doit à Jean de Popincourt, premier président du parlement sous Charles VI, dont la maison de plaisance étoit située en cet endroit[768]. On en bâtit successivement aux environs plusieurs autres, qui formèrent un petit hameau. Il prit le nom de Popincourt, et, vers la fin du règne de Louis XIII, fut réuni au faubourg Saint-Antoine.

Rue du Bas-Popincourt. Elle fait la continuation de la rue du Chemin-Saint-Denis, et aboutit à la rue des Amandiers. On a altéré ou abrégé son nom, comme celui de la précédente; c'est pourquoi on la trouve presque partout indiquée sous le nom de rue du Bas-Pincourt.

Rue de Rambouillet. Cette rue, qui va des rues de Charenton et de la Planchette à celle de la Rapée, doit son nom à un particulier[769].

Rue de la Rapée. Elle commence à la rue des Fossés-Saint-Antoine, et finit à la barrière du même nom, à l'extrémité de la rue de Rambouillet. Ce nom est dû à une maison, ainsi appelée parce qu'elle avoit été bâtie par M. de La Rapée, commissaire-général des troupes. C'est depuis long-temps une guinguette très-fréquentée.

Rue des Rats. Elle va de la rue des murs de la Roquette à celle de Saint-André. Tous nos plans, et les nomenclatures, la nomment rue de l'Air, ou de Lair. Nous ne savons d'où lui vient ce dernier nom, ni celui des Rats qu'on y a substitué depuis 1731.

Rue de Reuilli. Elle commence à la rue du Faubourg-Saint-Antoine, près de l'Abbaye, et finit au chemin de Charenton. Nous avons déjà donné l'étymologie de ce nom, qui étoit celui d'un territoire remarquable par sa grande antiquité, et par un palais de nos rois dont nous avons également fait mention[770].

Rue du Bas-Reuilli, qu'on appelle aussi quelquefois petite rue de Reuilli. Nous avons déjà remarqué qu'on avoit donné le même nom à la rue Mongallet. Celle-ci aboutit à la rue de Reuilli et à celle de la Planchette. Le château de Reuilli, auquel elle doit son nom, y étoit situé[771].

Rue du Roi-de-Sicile. Elle aboutit d'un côté à la Vieille rue du Temple, et de l'autre à celle des Ballets. Il n'est pas douteux qu'elle ne doive son nom à Charles, comte d'Anjou et de Provence, frère de Saint-Louis, appelé aux royaumes de Naples et de Sicile, qui avoit son hôtel dans cette rue.

Rue de la Roquette. Elle commence à l'esplanade de la porte Saint-Antoine, et aboutissoit jadis à la maison hospitalière qui y étoit située. Son nom lui vient du terrain sur lequel elle a été ouverte. Dans le Terrier du roi de 1540, et dans les titres de l'archevêché, ce lieu est appelé la Rochette[772].

Rue des Murs de la Roquette[773]. On donnoit ce nom au chemin qui règne autour des murs de l'enclos des Hospitalières, depuis l'entrée de leur maison jusqu'à la rue des Amandiers. Dans la nomenclature des rues de Paris, de Valleyre, elle est nommée rue des Canettes. Nous ne l'avons pas trouvée indiquée ailleurs sous cette dénomination.

Rue des Rosiers. Elle aboutit d'un côté à la Vieille rue du Temple, et de l'autre à celle des Juifs. Elle portoit ce nom dès 1233[774], et nous ne voyons pas qu'elle en ait changé; mais nous conjecturons qu'elle faisoit alors un retour d'équerre, et qu'elle aboutissoit à la rue du Roi-de-Sicile. Cette dernière partie forme aujourd'hui la rue des Juifs[775].

Rue Royale[776]. Elle commence à la rue Saint-Antoine, et finit à la place Royale, dont elle a tiré son nom, ainsi que les autres qui aboutissoient à cette place. Pour la distinguer, on la nomme rue du Pavillon du Roi. Elle est indiquée ainsi sur le plan de Boisseau.

Rue Saint-Sébastien. Elle aboutit d'un côté au chemin de la Contrescarpe, et de l'autre à la rue de Popincourt. Au siècle dernier, on l'appeloit rue Saint-Étienne. Elle est ainsi désignée sur les plans de Jouvin, de Fer, etc., et même sur celui que publia de Lisle en 1715; mais en 1718 on la trouve sous sa dénomination actuelle. Ces deux noms viennent de deux enseignes[777].

Vieille rue du Temple. Nous avons déjà parlé de cette rue. (Voyez quartier du Temple.) La partie qui dépend du quartier Saint-Antoine commence à la rue Saint-Antoine, et finit au coin des rues de la Perle et des Quatre-Fils. L'auteur des Tablettes Parisiennes[778] dit qu'en 1300 elle s'appeloit simplement rue du Temple. Il est vrai que Guillot ne la nomme pas autrement, et que l'abbé Lebeuf[779] dit qu'elle n'a pas changé de nom; mais Jaillot croit qu'ils se sont trompés, et que la rue du Temple a toujours été distinguée de celle-ci.

Rue des Terres-Fortes. Elle aboutit d'un côté à la rue des Fossés-Saint-Antoine, et de l'autre à la rue Moreau. Elle s'appeloit auparavant rue des Marais, parce qu'elle étoit environnée de marais potagers. Sur les plans de MM. de La Grive et Robert, elle est nommée rue du Fumier. Ils l'ont confondue avec une ruelle qui portoit ce nom, et qui étoit parallèle à celle-ci. Cette ruelle ne subsiste plus.

Rue Tiron. Elle traverse de la rue Saint-Antoine dans celle du Roi-de-Sicile. Corrozet l'appelle rue Jean-de-Tizon. Un grand nombre d'autres la nomment simplement rue Tison. Cependant dès le treizième siècle elle se nommoit de Tiron. Elle devait ce nom à une grande maison qu'on y avoit bâtie, dont l'entrée subsistoit encore vers la fin du siècle dernier, et qui avoit appartenu à l'abbaye de Tiron.

Rue des Tournelles. Elle aboutit d'un côté à la rue Saint-Antoine, et de l'autre à la rue Neuve-Saint-Gilles. Nous voyons, par les plans manuscrits de Sainte-Catherine du Val-des-Écoliers, qu'on l'appeloit dans le principe rue Jean-Beausire, comme nous l'avons remarqué à l'article de la rue qui porte ce nom. Mais on la trouve indiquée, dès 1546, sous sa nouvelle dénomination dans plusieurs titres des archives de Sainte-Opportune. Elle la devoit au palais des Tournelles.

Rue Traversière. Elle est ainsi nommée parce qu'elle traverse de la rue du Faubourg-Saint-Antoine à celle de Charenton. Elle se prolonge même sous ce nom jusqu'à celle de la Rapée, et jusqu'au chemin qui règne le long de la rivière dans cette dernière partie. On la trouve indiquée sur quelques plans sous le nom de rue des Chantiers, sous ceux du Cler-Chantier, et de rue Pavée, entre les rues de Charenton et de la Rapée.

Rue du Trône. Elle fait la continuation de la rue des Boulets, depuis la rue de Montreuil jusqu'à celle du Faubourg-Saint-Antoine. Son nom est dû à la place du Trône dont nous avons parlé, et à laquelle elle conduit[781].

Rue Trouvée. Cette rue, percée depuis 1780, donne d'un côté rue de Charenton, de l'autre sur le marché Beauvau.

QUAIS.

Quai de la Rapée. On donne ce nom à tout l'espace qui s'étend le long de la rivière, depuis la rue des Fossés-Saint-Antoine jusqu'à la barrière de la Rapée. Il est destiné à l'arrivage de diverses marchandises, telles que vins, charbon de terre, bois flotté, etc.

MONUMENTS NOUVEAUX
ET RÉPARATIONS FAITES AUX ANCIENS MONUMENTS DEPUIS 1789.

Église Sainte-Marguerite. On a déposé dans cette église, et derrière le maître-autel, le tombeau élevé à son épouse par Girardon, monument qui se voyoit autrefois dans l'église de Saint-Landri, et qui depuis la révolution avoit été transporté au musée des Petits-Augustins[781].

Cette même église possède plusieurs tableaux modernes qui lui ont été donnés par la ville en 1817, 1819 et 1822.

Dans une chapelle à gauche, sainte Marguerite, par Vafflard. Au-dessus du maître-autel, saint Ambroise sauvant un prêtre des fureurs du peuple, par le même. Dans le chœur un portement de croix, par ***.

Séminaire de Saint-Ambroise. Il est situé à peu de distance de l'église et dans la rue de Popincourt.

Fontaine de la place Royale. Cette fontaine, établie pendant la révolution à la place qu'occupoit la statue de Louis XIII, se composoit de plusieurs tuyaux formant une gerbe dont l'eau retomboit dans un bassin circulaire. Elle n'existe plus, et cet espace est maintenant occupé par l'atelier où se fait la nouvelle statue qu'on élève à ce monarque.

Fontaine de l'Éléphant (place de la Bastille). L'atelier où l'on exécute le modèle de cette fontaine existe toujours. Rien n'indique que l'on y travaille maintenant.

Fontaine de Popincourt. Cette fontaine a la forme d'un cippe terminé par des enroulements, au milieu desquels s'élève un pélican nourrissant ses petits. La face principale est ornée d'un bas-relief représentant une femme, sans doute la Charité, qui allaite un enfant, et donne à boire à plusieurs autres qui sont groupés autour d'elle; l'eau tombe par un tuyau dans une cuvette oblongue.

Marché des Blancs-Manteaux. Ce marché a été construit dans la Vieille rue du Temple, en face de la rue des Blancs-Manteaux. C'est un carré long, couvert en tuiles, et percé sur deux faces de trois arcades, deux petites et une grande.

Pont-du-Jardin-du-Roi. Ce pont se compose de quatre piliers et de deux fortes culées qui supportent cinq arches de fer de fonte surbaissées, sur lesquelles repose la charpente; chaque poutre est ornée à ses extrémités d'une gueule de lion en fonte; et sur cette charpente est étendu un plancher que recouvrent une feuille de plomb, un lit de gravier et un pavé. Des deux côtés règne un trottoir garni d'appuis de fer et de huit réverbères. Ce pont, que l'on avoit construit avec l'intention de le rendre assez solide pour supporter le passage des charrettes les plus chargées, a déjà éprouvé de nombreuses fractures par les secousses multipliées qu'il a reçues, le fer fondu n'ayant pas l'élasticité qui seule auroit pu y opposer une résistance suffisante; et sa carcasse ne subsiste que par la précaution que l'on a prise d'en lier toutes les parties par des bandes de fer forgé. Cet accident a fait abandonner cette invention moderne; et nous lui devons le magnifique pont des Invalides, que l'on avoit eu d'abord le projet de construire aussi en fer fondu.

Le pont du Jardin-du-Roi s'est nommé, pendant la révolution, pont d'Austerlitz. Il est accompagné d'un chemin de halage.

Cimetière du Père La Chaise. Ce cimetière, le plus vaste de Paris, a été formé dans l'enclos de la maison de Mont-Louis, dite du Père La Chaise, puis successivement agrandi de plusieurs portions du terrain environnant. C'est à notre avis le spectacle le plus curieux et en même temps le plus déplorable que présente cette grande ville, et nulle description n'en pourroit donner une juste idée. La révolution qui depuis si long-temps désole la terre des vivants reparoît tout entière dans cette demeure des morts; au milieu du silence des tombeaux, les pierres élèvent la voix et retracent toutes les passions qui fermentent dans la société, et ce désordre effrayant des esprits qui, pour la première fois depuis l'existence du monde, la menace d'une entière dissolution. Là s'élève comme une ville composée de monuments funèbres, où les rangs sont confondus, non pas seulement dans la même poussière, mais encore dans le même orgueil: le dernier artisan y a les honneurs de l'épitaphe; des marchands y bâtissent des mausolées qui le disputent à ceux des ducs et des princes; les familles des banquiers s'y font faire des caveaux comme faisoient autrefois les Châtillon et les Montmorenci; à côté du médaillon d'un magistrat s'élève la statue d'une courtisane ou d'un histrion, dont le marbre raconte les talents et les vertus. Dans ce nombre infini d'inscriptions funéraires, dont cette enceinte est comme pavée, reparoissent les attachements terrestres dans toute leur misère, c'est-à-dire sans espérance et sans résignation; elles présentent quelquefois des diffamations et des confidences scandaleuses; de toutes parts des éloges qui ressemblent à des apothéoses. Ces inscriptions nous apprennent que là sont confondues toutes les religions; souvent même elles expriment l'indifférence religieuse dans ce qu'elle a de plus révoltant, et en cherchant bien, on y trouveroit jusqu'à la profession de foi du matérialiste et de l'athée[782]. On rencontre presque à chaque pas de ces pierres sépulcrales couvertes de fleurs sans cesse renouvelées, sans que cette offrande puérile, faite à de froids débris, soit accompagnée de la prière que demandent les âmes des trépassés: ainsi faisoient les païens, et il n'y manque plus que leurs libations. Enfin, d'espace en espace, la croix y distingue les tombes des chrétiens qui ont fait bénir les places qu'ils y occupent; et bientôt sans doute il n'y en aura plus pour eux, parce qu'il ne restera plus un seul coin de cette terre qui n'ait été profané.

Congrégation de Sainte-Clotilde. C'est un vaste bâtiment situé dans la rue de Reuilli, vers la barrière. La porte d'entrée, ornée de deux colonnes, est surmontée d'un écusson aux armes de France au-dessous duquel on lit cette inscription:

«Institution de Jeunes Demoiselles, sous la protection du Roi et de LL. AA. RR. le duc et la duchesse d'Angoulême, dirigée par les dames de la Congrégation de Sainte-Clotilde.»

Abattoir de Mesnil-Montant. Il est situé entre la rue Saint-Maur et celle de Popincourt, vers la rue des Amandiers. L'avenue qui en borde la façade se nomme avenue Parmentier.—(Voyez à la fin de l'ouvrage l'article Abattoirs.)

RUES NOUVELLES.

Rue de la Boucherie. Cette rue nouvelle, percée vis-à-vis le marché des Blancs-Manteaux, a pour entrée une arcade qui correspond à celles de ce marché. Sur les deux jambages de cette arcade sont deux têtes de bœuf qui vomissent de l'eau dans un bassin demi-circulaire.

Rue de la Chaussée. Cette rue, percée sur le terrain des Minimes, donne d'un côté dans la rue Saint-Gilles, de l'autre dans celle des Minimes.

Rue des hospitalières Saint-Gervais. Elle commence dans celle des Rosiers, et vient aboutir à celle des Francs-Bourgeois, séparant ainsi le marché des Blancs-Manteaux de la Boucherie.

Ruelle des Jardiniers. Elle aboutit d'un côté à la rue de la Planchette, de l'autre aux murs de la ville.

Rue Saint-Jules. Elle a été percée à l'endroit où la rue Saint-Antoine se rencontre avec celle de Montreuil, elle aboutit à l'une et à l'autre.

Rue des Morts. Elle commence à la rue des Amandiers, vis-à-vis celle de Saint-Maur, et vient se terminer à la rue de la Roquette.

Rue des Moulins. Elle donne d'un côté dans la rue de Picpus, de l'autre dans la grande rue de Reuilli, en face de la barrière.

Rue des Ormeaux. Cette rue a été ouverte à la barrière du Trône et parallèlement à l'avenue des Ormes.

PASSAGES.

Sur une partie du territoire des Filles-Saint-Gervais, Vieille rue du Temple, on a ouvert trois passages, l'un qui donne rue des Rosiers, l'autre rue des Francs-Bourgeois, le troisième dans la Vieille rue du Temple.

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