Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours (Volume 4/8)
QUARTIER DE LA GRÈVE.
Ce quartier est borné à l'orient par la rue Geoffroi-l'Asnier et par la vieille rue du Temple exclusivement; au septentrion, par les rues de la Croix-Blanche et de la Verrerie exclusivement; à l'occident, par les rues des Arcis et de Planche-Mibrai inclusivement; et au midi, par les quais Pelletier et de la Grève inclusivement, jusqu'au coin de la rue Geoffroi-l'Asnier.
On y comptoit, en 1789, trente-quatre rues, deux culs-de-sac, deux églises paroissiales, deux chapelles, une communauté de filles, un hôpital, l'Hôtel-de-Ville, deux places, etc.
Ce quartier est, sans contredit, l'un des plus anciens de la partie septentrionale de la ville de Paris; et l'on voit d'abord sur les plans qu'il étoit renfermé dans cette première enceinte élevée avant les murs bâtis par Philippe-Auguste.
Toutefois il reste encore, sur le véritable état des lieux qu'il embrasse aujourd'hui, des incertitudes qu'il est difficile de résoudre, mais qui forcent du moins à douter dans des matières où plusieurs historiens ont prononcé trop affirmativement; par exemple, sur la foi de Sauval et du commissaire Delamare, presque tous ont écrit que l'église de Saint-Gervais, qui fait partie de ce quartier, étoit hors des murs avant l'enceinte de Philippe. Nous l'avions d'abord répété comme eux, et nos plans la représentent d'après cette hypothèse. Jaillot prétend, au contraire, que la porte Baudoyer étoit située près de la rue Geoffroi-l'Asnier[154], et par conséquent que cette basilique étoit, à cette époque, renfermée dans la ville. Les preuves qu'il en donne ne sont point, à la vérité, suffisantes, et ne peuvent même passer que pour de simples conjectures; cependant, comme l'autre opinion n'est pas appuyée sur des raisons meilleures, il en résulte que, jusqu'à ce qu'on ait obtenu des renseignements plus positifs, il n'est pas permis de rien prononcer sur ce point très-obscur des antiquités de Paris.
Il en est de même de l'établissement des Juifs dans ce quartier. En reconnoissant qu'ils y ont effectivement possédé une synagogue, le même auteur a jeté quelques doutes sur l'opinion qui veut qu'ils en aient occupé plusieurs rues, et nous aurons incessamment occasion de faire connoître les raisons qu'il en a données.
Quant aux changements assez nombreux qui se sont opérés pendant une si longue suite de siècles dans l'intérieur de ce quartier, la description des anciens édifices et la nomenclature historique des rues développeront tout ce que les traditions en ont laissé parvenir jusqu'à nous.
PLACE DE GRÈVE.
C'est de sa situation sur le bord de la Seine que cette place a reçu le nom qu'elle porte, nom qu'elle a donné ensuite à tout le quartier. Nous avons déjà dit que c'étoit sur cet emplacement que se tenoit, dans l'origine, le marché de toute la partie septentrionale de la ville de Paris[155]; et ce fut en conséquence de cette ancienne disposition qu'après le transport du marché dans les Champeaux, les bourgeois habitans de la Grève et du Monceau-Saint-Gervais demandèrent à Louis-le-Jeune qu'à l'avenir il ne fût élevé dans cet espace aucun bâtiment. La charte qui leur accorde ce privilége est datée de 1141, et porte qu'ils l'ont obtenu moyennant la somme de 70 liv. une fois payée.
Tous les ans, la veille de la Saint-Jean, les prévôt et échevins de la ville faisoient tirer un feu d'artifice au milieu de cette place. Avant l'invention de la poudre on y allumoit simplement un grand bûcher, auquel plusieurs de nos rois ne dédaignèrent point de mettre eux-mêmes le feu. Cette solennité, pratiquée parmi nous de temps immémorial, remonte, par une suite non interrompue, jusqu'à la plus haute antiquité. L'usage d'allumer des feux et d'illuminer les rues et les places publiques à certains jours de fête, se trouve chez les Romains à toutes les époques, chez les Grecs dès leurs premiers temps; et saint Bernard a remarqué que les Turcs et les Sarrasins allumoient un grand feu à peu près à la même époque que celle de notre feu de la Saint-Jean. On croit trouver l'origine de cette coutume dans les feux sacrés, qui servoient, dans les anciennes religions, à brûler les victimes. La place de Grève étoit encore le lieu où se faisoient les réjouissances les plus remarquables à la naissance de nos princes et dans les autres circonstances heureuses et solennelles.
Par un contraste qui peut paroître singulier, cette place étoit depuis long-temps le théâtre des exécutions publiques[156]. Les historiens ne nous apprennent point positivement à quelle époque on commença à la consacrer à ces tristes cérémonies. La première exécution faite en ce lieu, dont l'histoire fasse mention, est celle de Marguerite Porette, hérétique, laquelle y fut brûlée en 1310; en 1398, deux prêtres y furent dégradés, et ensuite décapités dans le même endroit, suivant Le Laboureur, aux Halles, suivant Juvénal des Ursins. Toutefois il y a des preuves que, dans le siècle suivant, les exécutions des criminels se faisoient encore ordinairement sur la place aux Chats, aux Halles et au marché aux Pourceaux.
On voit, par les registres de la ville[157], que l'étape, ou marché aux vins, fut transférée de la Halle sur cette place par lettres de Charles VI, du mois d'octobre 1413[158]. Cependant il y a lieu de croire qu'on y déposoit déjà du vin avant cette époque, car, dans un recueil d'ordonnances[159], on en trouve une des généraux trésoriers pour le fait de la boite du vin étant en Grève, pour la délivrance du roi Jean, du 16 décembre 1357. On voit dans le même recueil que la place du charbon y étoit établie en 1642.
HOSPICE ET CHAPELLE DES HAUDRIETTES.
Les anciens historiens de Paris ont adopté trop légèrement les fables imaginées sur l'origine de cet hôpital, origine qu'ils reculent jusqu'au règne de saint Louis. Cependant le premier monument authentique où il en soit fait mention est une charte de Philippe-le-Bel[160], donnée à Milly au mois d'avril 1306; par cette charte, ce prince permet à Étienne Haudri son panetier de bâtir sur la place qu'il a nouvellement acquise à la Grève, tenant d'un long à l'hôpital des pauvres qu'il a fondé; et il y a bien de l'apparence que cette fondation avoit été faite depuis peu de temps, puisqu'il n'y avoit point encore de chapelle[161].
Étienne Haudri, fils du précédent, fonda une seconde chapellenie, et Jean son frère en créa deux autres, dont le revenu fut amorti par Philippe-le-Bel en 1309. Le même Jean Haudri et sa femme y fondèrent aussi deux chapelains, ainsi qu'il résulte d'un acte daté du 5 août 1327[162].
Il ne paroît pas que les fondateurs eussent fixé le nombre des femmes veuves qui devoient être reçues dans cet hôpital; et l'historien de l'église de Paris manque d'exactitude en affirmant qu'il avoit été établi pour douze de ces femmes, puisqu'il est certain que l'on en trouve plus ou moins dans ce siècle et dans les suivans. Une bulle de Clément VII, de 1386, nous apprend qu'à cette époque il y en avoit trente-deux; on les appeloit les Bonnes-Femmes de la chapelle des Haudriettes.
Les statuts qui leur furent donnés en 1414 n'indiquent point que cette maison dût être regardée comme un couvent. On n'y parle que d'une maîtresse et de femmes hospitalières vivant en commun; et ce qui prouve que leur engagement n'étoit que conditionnel, c'est qu'il y est déclaré que, dans certains cas, elles seront chassées honteusement. Dans la quittance des droits d'amortissement, qui leur fut donnée le 10 novembre 1521, elles ne sont qualifiées, comme auparavant, que de Maîtresses et Bonnes-Femmes de la chapelle Étienne Haudri. Il paroît cependant, par quelques actes, que la maîtresse prenoit le titre de supérieure, et les hospitalières celui de sœurs.
Il seroit assez difficile d'assigner l'époque où elles contractèrent des vœux, et devinrent réellement religieuses; mais il est certain qu'elles l'étoient, lorsqu'en 1622 elles furent transférées rue Saint-Honoré[163].
L'HÔTEL-DE-VILLE.
Dans la décadence de l'empire romain, les dangers sans cesse renaissants dont le menaçoient les incursions des barbares avoient forcé les empereurs à accorder, particulièrement dans les Gaules, de grands priviléges à ceux de ses habitants qui s'armoient pour la défense de l'État; et bientôt des lois positives distinguèrent les familles militaires de celles des simples citadins[164]. Ceux-ci se partagèrent encore en deux classes: l'une, de propriétaires auxquels étoient exclusivement réservées les charges municipales[165]; l'autre, des non-propriétaires ou plébéiens, dont la condition différoit peu de celle des esclaves.
L'administration intérieure des cités étoit donc confiée à un sénat composé de cette première classe d'habitans propriétaires; et ces sénateurs étoient nommés décurions[166]. Nous apprenons qu'ils avoient le maniement et la dispensation des deniers publics, et qu'ils étoient chargés de l'exaction des vivres (annonæ) et de leur répartition. Dans quelques provinces on choisissoit parmi eux les receveurs publics; dans d'autres on les chargeoit seulement de presser la recette des impôts, et c'étoient eux qui nommoient les receveurs à leurs risques et périls. Ils avoient encore la charge de conduire à leur destination l'argent et les denrées qui provenoient de la levée des tributs; la garde des résidences impériales, leur entretien, étoient aussi confiés à leurs soins, et ils avoient, en qualité de prévôts, celle des bourgades et des greniers publics. C'étoit parmi eux que l'on prenoit les inspecteurs des mines, les inspecteurs et directeurs des travaux publics; devant eux se dressoient tous les actes municipaux, et ils devoient, en toute sorte de cas, se trouver prêts à exécuter les ordres des juges[167]. Tel étoit le décurionat, qui, pour quelques stériles priviléges qu'il portoit avec lui, mettoit effectivement ceux qui y étoient appelés par leur naissance et par leur fortune sous le joug de la plus dure servitude; et les lois établies pour forcer les plus riches habitants à en remplir les fonctions, et pour les empêcher de s'y soustraire, prouvent à quel point cette servitude leur étoit insupportable. Avant de parvenir à la vétérance, un décurion étoit souvent obligé de passer par tous les emplois que nous venons de citer, en commençant par l'exaction des impôts, qui de tous étoit le moins honorable[168]. Cette vétérance ne s'obtenoit qu'après vingt-cinq années d'exercice, et ouvroit alors la voie à tous les honneurs. Enfin, à la tête de ce corps municipal étoient deux magistrats annuels nommés duumvirs, devant lesquels on portoit les faisceaux, et qui offroient ainsi, dans ces villes de province, quelque image de l'ancienne dignité consulaire[169].
On sait que, dans ces derniers moments qui précédèrent la conquête, la dureté, ou pour mieux dire la cruauté du gouvernement romain à l'égard des provinces gauloises qu'il mettoit en quelque sorte au pillage, comme une proie qui alloit lui échapper[170], furent une des causes qui favorisèrent et consolidèrent la conquête qu'en firent les rois francs. Réduites au désespoir, un grand nombre de cités, et entre autres celles des Armoriquains, se livrèrent elles-mêmes aux barbares, cherchant en quelque sorte un refuge auprès de ces grossiers vainqueurs, contre les agents du fisc, pour elles mille fois plus à craindre et plus impitoyables. Leurs nouveaux souverains les reçurent aux mêmes conditions que les empereurs les avoient possédées; c'est-à-dire que, tandis qu'ils accordoient aux familles militaires qui avoient transigé avec eux, et qui s'étoient rangées sous leurs drapeaux, tous les priviléges dont jouissoient leurs fidèles, auxquels elles furent, pour la plupart, entièrement assimilées; les cités, leurs habitants, tout leur territoire, devinrent, de même que sous les empereurs, propriétés de la couronne, et furent au nombre des choses et des corps que les rois partagèrent entre eux[171], et que même ils eurent le droit de donner à qui bon leur sembloit. C'est ainsi que l'administration des villes devint entièrement étrangère au gouvernement militaire des provinces; qu'on les voit souvent entrer dans l'apanage des princes du sang, quelquefois même appartenir à des seigneurs que le monarque avoit voulu récompenser; elles furent constamment régies par d'autres lois; elles eurent des tribunaux qui leur étoient particuliers; elles étoient gouvernées par les propres officiers des rois dont elles relevoient directement[172], à qui elles payoient tribut, dont elles faisoient la principale richesse, et qui les traitoient avec bien plus de douceur qu'elles n'avoient été traitées sous le gouvernement romain. Leurs habitants furent désignés sous le nom générique de provinciaux, et distingués ainsi des nobles ou cantonniers, qui ne quittoient point la campagne et résidoient dans leurs châteaux.
Parmi ces cités, toutes celles qui étoient romaines continuèrent d'être gouvernées par les lois romaines[173]; et, sauf quelques légers changements qu'on y introduisit et qui furent tous à leur avantage, on y retrouve également, deux ordres de citoyens; les uns propriétaires, les autres qui n'avoient point de propriété. Les premiers, sous le nom de sénateurs, exerçoient, comme les anciens décurions, toutes les fonctions municipales[174]; les autres formoient le menu peuple (plebs), et n'avoient d'autre obligation que de payer le tribut, qui ne se levoit pas aussi arbitrairement que sous les empereurs.
Un passage de Grégoire de Tours semble nous indiquer que le commerce étoit la profession la plus ordinaire des bourgeois des cités; que les profits en étoient si considérables qu'en très-peu de temps ils doubloient leurs capitaux, et que c'étoit là ce qui faisoit principalement leur richesse et leur considération[175]. Ce passage nous prouve qu'ils continuèrent de faire, sous les rois francs, ce qu'ils avoient déjà fait sous les Romains: car, pour ce qui regarde Paris, lorsque cette ville eut été enfin subjuguée par les Romains et réduite au rang des villes tributaires, on voit, sous la protection immédiate du proconsul qui étoit seul chargé du gouvernement de la Gaule celtique, s'élever dans ses murs un corps d'officiers subalternes, chargé de rendre la justice en son nom et dans des cas peu importants, dont on pouvoit même appeler encore devant ce magistrat suprême. Ces officiers, qui prenoient le nom de défenseurs de la cité[176], étoient tirés d'une société de nautes, ou commerçants par eau, laquelle étoit elle-même composée des premiers citoyens de la ville. Ces nautes jouissoient d'une grande considération; on les retrouve dans toutes les principales villes de l'empire, et plusieurs étoient même décorés du titre de chevaliers romains[177].
Nous venons de dire que le régime municipal se maintint sous les premiers rois de France à peu près tel qu'il avoit été sous les Romains, et ceci dura jusqu'à ce que l'invasion des Normands et l'usurpation des grands vassaux eussent arraché des mains de ces monarques cette portion si belle de leurs attributions et de leurs propriétés. On sait comment ils la recouvrèrent, lorsque les communes se rétablirent sous la troisième race, et rentrèrent peu à peu sous l'administration du roi, leur protecteur naturel.
Toutefois il ne paroît pas que, sous ce rapport, Paris ait subi d'aussi grandes révolutions que beaucoup d'autres villes. Nous trouvons que le gouvernement municipal ne cessa point de s'y maintenir. Quelques réglements faits par Dagobert en 630, par Charlemagne en 798, et par Charles-le-Chauve en 865, concernant la police de la navigation, ne nous permettent pas de douter que le commerce par eau ne fût alors très-florissant; on trouve aussi une ordonnance de Louis-le-Débonnaire, au sujet de certains droits qu'on levoit pour le roi sur les marchandises qui remontoient la rivière, ordonnance dans laquelle il est dit que ces droits se percevoient dès le temps du roi Pepin, et de toutes ces autorités il résulte que le corps des nautes n'avoit point cessé d'exister sous différents noms; tout semble indiquer que l'administration municipale et la police de la navigation étoient confiées à cette compagnie, qui, regardée dès lors comme municipale, changea son premier nom en celui de hanse, qui signifie union, association. Une charte de Louis VII, dans laquelle il confirme les coutumes et les priviléges dont les marchands de l'eau jouissoient sous Louis VI dit le Gros, prouve que jusqu'à cette époque leur corporation n'avoit point cessé de se maintenir à travers tant de désordres et de bouleversements qui avoient changé la face de la France[178]. Enfin, en 1315, on voit de nouveaux priviléges accordés par Philippe-Auguste au corps des marchands de l'eau hansés de Paris.
Jusque là il n'est point encore parlé de prévôt des marchands et d'échevins; et c'est à tort que quelques écrivains en ont attribué la création à ce dernier roi, car il n'existe pas un seul acte qui puisse servir de fondement à cette opinion[179]. Cependant, dès cette époque, la ville avoit des armoiries qu'elle avoit prises au commencement des croisades[180]. Ce n'étoit pas alors ce gros vaisseau voguant à pleines voiles, qu'on a vu depuis dans son écusson jusqu'au moment de la révolution, mais seulement une nef mise à flot, sur un champ parsemé de fleurs de lis sans nombre. Cet emblème étoit aussi gravé sur son sceau[181].
Le premier titre où il soit parlé des prévôt des marchands et échevins est une ordonnance de police d'Étienne Boilesve, prévôt de Paris, où les échevins sont tour à tour présentés sous cette dénomination, et sous celle de jurés de la confrérie des marchands de Paris. Le chef de ces jurés est également appelé prévôt des marchands dans un arrêt du parlement de la Chandeleur, donné en 1269. Cependant ce nom ne lui étoit pas encore définitivement accordé; car en 1273 on le trouve désigné sous celui de maître des échevins de la ville de Paris, dans un autre arrêt du parlement de la Pentecôte. Enfin, l'année suivante, sous Philippe-le-Hardi, on abandonna entièrement ces anciens titres pour celui que le corps municipal n'a point cessé de porter jusqu'à sa destruction.
L'hôtel-de-ville jouit de tous les priviléges qui lui avoient été successivement accordés par nos rois jusqu'à Charles VI. Ce prince, voulant tirer une vengeance éclatante de la sédition des Maillotins, ne se contenta pas d'ôter aux bourgeois leurs armes, la garde, les chaînes de la ville, il supprima encore la prévôté des marchands, l'échevinage, la juridiction, la police et le greffe; et le premier prévôt de Paris fut chargé de l'administration municipale, à laquelle on voulut bien admettre quelques bourgeois, mais sans en rendre la propriété à la ville. Cet état violent ne fut pas de longue durée. Le roi, s'étant apaisé, rétablit en 1411 le parloir aux bourgeois, et rendit à la ville tous ses priviléges; mais il ne put lui rendre également les titres sur lesquels ils étoient fondés. Il s'étoit commis pendant cette interruption du gouvernement municipal des désordres irréparables dans les archives qui avoient été presque entièrement détruites ou dissipées. Il fallut pour remédier à un tel désastre travailler à une ordonnance générale qui pût servir de règle dans l'administration de la police et de la justice municipale. On tâcha, autant qu'il fut possible, de rassembler les chartes, les titres, les registres égarés: pour éviter les innovations dans le nouveau code, aux preuves par écrit furent réunies les preuves testimoniales, et des assemblées furent formées, dans lesquelles on réunit tous ceux qui pouvoient donner des éclaircissements sur cette matière importante. Ce fut ainsi qu'après trois ans de soins et de recherches on parvint à rétablir l'ancien droit de la ville, lequel fut rédigé dans une ordonnance générale, scellée du grand sceau au mois de février 1415. Cette ordonnance étoit composée de près de 700 articles, parmi lesquels on pouvoit surtout remarquer ceux qui regardoient le commerce par eau, et la juridiction que la ville de Paris a toujours eue sur la rivière de Seine et sur toutes celles qui s'y jettent.
Pendant ces diverses révolutions du corps municipal, nos historiens font mention de quatre endroits dans lesquels il a tenu successivement ses assemblées. Le premier, situé à la vallée de Misère[182], étoit connu sous le nom de maison de la Marchandise. Le second, que l'on nommoit le Parlouer aux bourgeois, étoit dans le voisinage de l'église Saint-Leufroi et du Grand-Châtelet. On voit ensuite les officiers municipaux tenir leurs séances près la porte Saint-Michel, dans de vieilles tours qui appartenoient à la ville; enfin, en 1357, ce corps acheta une grande maison située à la place de Grève. Elle se nommoit, en 1212, la maison de la Grève, et appartenoit alors à Philippe Cluin, chanoine de Notre-Dame, qui la vendit cette année même à Philippe-Auguste[183]. On la nomma ensuite la Maison aux piliers, parce qu'elle étoit dès lors soutenue par un rang de piliers assez semblables à ceux qu'on y voyoit encore avant la révolution. Enfin elle prit le nom de Maison aux Dauphins, parce qu'on en avoit fait don aux deux derniers dauphins de Viennois. Charles de France, à qui elle appartenoit en cette qualité, finit par la donner à Jean d'Auxerre, receveur des gabelles de la prévôté de Paris; et celui-ci la vendit à la ville, par contrat du 7 juillet 1357, moyennant 2880 liv. parisis. Cette demeure étoit bien loin d'être aussi considérable qu'elle l'est aujourd'hui[184]; mais dans la suite des temps la ville ayant fait l'acquisition d'un assez grand nombre de maisons environnantes, il fut décidé, lorsqu'on crut posséder un terrain assez vaste, que les anciennes constructions seroient démolies, et que sur leur emplacement on éleveroit un monument plus digne d'une aussi grande capitale.
Ce fut en 1532 que le projet du nouvel édifice fut définitivement arrêté; et le 15 juillet de l'année suivante la première pierre en fut posée par Pierre Niole, alors prévôt des marchands. Il avoit été conçu d'abord sur un plan gothique, et s'élevoit déjà jusqu'au second étage, lorsqu'on en suspendit tout à coup la construction. On commençoit à se dégoûter en France de ce genre d'architecture; et cette lumière des beaux-arts, qui venoit de renaître en Italie, avoit déjà pénétré jusqu'à nous. Un architecte italien (Dominique Boccadoro, dit Cortone) conçut un projet qu'il présenta, en 1549, au roi Henri II, et qui fut adopté: c'est celui du bâtiment qui subsiste encore aujourd'hui. Toutefois l'inventeur n'eut pas la satisfaction de le voir achever: de même que presque tous les grands monuments de Paris, celui-ci n'a été construit que lentement et à plusieurs reprises; et ce n'est qu'en 1605, sous le célèbre prévôt des marchands, François Miron[185], qu'il fut entièrement achevé. Henri IV régnoit alors; et ce fut ce magistrat qui fit placer la statue équestre de ce monarque, qu'on voyoit avant la révolution dans le cintre qui surmonte la porte d'entrée[186], ainsi qu'une autre statue de bronze représentant Louis XIV. Celle-ci étoit pédestre, de ronde-bosse, et placée sous l'arcade de la cour qui fait face à celle de l'entrée.
Quoique l'Hôtel-de-Ville ne soit pas un monument d'un style très-pur, ni conçu d'après les vrais principes de la bonne architecture, il est cependant extrêmement remarquable, si l'on considère l'époque à laquelle il fut bâti. Il y règne une ordonnance qui annonce le retour au bon goût de l'antiquité. Les entablements, les profils, les chambranles des fenêtres et les détails de sculpture d'ornement répandus tant au dehors qu'au dedans, annoncent une tendance bien marquée vers la régularité des formes et le vrai style de décoration. La cour intérieure, assez spacieuse pour le bâtiment, est environnée de portiques.
C'est avec raison sans doute que l'on regarde aujourd'hui cet édifice comme hors de toute proportion avec les besoins actuels d'une ville aussi immense et aussi opulente que Paris, puisqu'il n'offre pas même d'entrée aux voitures; «mais, comme l'a judicieusement observé un auteur moderne[187], il y auroit de l'injustice à en accuser les hommes d'alors. Paris est plus que doublé, depuis ce temps, en étendue et en population; et le luxe des commodités de la vie s'est accru dans une proportion beaucoup plus grande encore. L'Hôtel-de-Ville n'étoit d'ailleurs destiné jadis qu'à quelques cérémonies annuelles, et il n'étoit, à vrai dire, le centre d'aucune grande administration. Une vaste salle pour les banquets publics étoit la partie la plus importante de ces sortes de bâtiments. C'est encore dans ce système qu'est bâti l'Hôtel-de-Ville d'Amsterdam, l'un des beaux édifices de l'Europe.»
Les prévôt des marchands et échevins tenoient leur juridiction les mercredis et samedis matin. Elle s'étendoit, avant la révolution, sur les rentes de l'Hôtel-de-Ville, sur la police des quais et des ports de la rivière, sur les marchandises qui arrivoient par eau, etc.[188]
CURIOSITÉS DE L'HÔTEL-DE-VILLE EN 1789.
Dans le cintre, la statue de Henri IV, dont nous avons déjà parlé. Elle étoit en bronze doré, et fixée sur un marbre noir qui subsiste encore. Cette statue, qui passoit pour le chef-d'œuvre de Biard, habile sculpteur de ce temps-là, fut dégradée en 1652, dans une émeute populaire, restaurée ensuite avec la plus grande maladresse par Biard le fils, et enfin détruite entièrement pendant la révolution.
Au milieu de la base d'une des arcades qui environnent la cour intérieure, la statue également en bronze de Louis XIV. Elle étoit pédestre et posée sur un piédestal de marbre blanc, chargé de bas-reliefs et d'inscriptions[189]. Dans ce monument, qui passoit pour un des chefs-d'œuvre de Coizevox, le monarque étoit représenté revêtu de l'habit d'un triomphateur romain, appuyé d'une main sur un faisceau d'armes, et étendant l'autre en signe de commandement.
Le long des portiques on voyoit incrustés dans le mur les portraits en médaillons d'un grand nombre de prévôts des marchands, et plus de trente inscriptions composées par André Félibien, lesquelles étoient relatives aux événements les plus glorieux des règnes de Louis XIV et de Louis XV.
Dans les vastes salles de cet édifice étoient plusieurs autres monuments, savoir:
Dans l'antichambre de la salle des gouverneurs, un tableau peint par de Troy le père, à l'occasion de la naissance du duc de Bourgogne, père de Louis XV; entre les croisées, les portraits des gouverneurs, revêtus de leurs habits de cérémonie.
Dans la salle des gouverneurs, 1o sur la cheminée un portrait de Louis XV, donné par ce prince en 1736 à l'Hôtel-de-Ville; 2o un grand tableau de Carle Vanloo, représentant le même monarque qui reçoit sur son trône les actions de grâces des prévôt et échevins de Paris, à l'occasion de la paix de 1739.
Dans la salle dite de la Seine, un tableau dans lequel est représenté Louis XIV accordant des lettres de noblesse au corps de ville.
Dans l'antichambre de la salle des petites audiences, plusieurs tableaux, parmi lesquels on remarquoit celui où Louis XIV reçoit les hommages des échevins, en 1654.
Dans la grande salle, 1o Louis XIV rendant à la ville les lettres de noblesse dont elle avoit été dépouillée, par Louis Boullongne; 2o deux tableaux de Rigaud, représentant des hommages rendus au roi par le corps-de-ville; 3o le mariage du duc de Bourgogne avec Adélaïde de Savoie, par Largillière; 4o la réception de Louis XV à l'Hôtel-de-Ville, après sa maladie de Metz, par Roslin; 5o l'inauguration de la statue de ce monarque, par Vien; 6o la naissance du dauphin, fils de Louis XVI, par Ménageot; 7o deux tableaux de Porbus, dans lesquels on voyoit les échevins aux pieds de Louis XIII, avant et après sa majorité.
Dans la salle d'audience, 1o Henri IV faisant son entrée à Paris, après la réduction de cette ville; 2o l'entrée de Louis XVI à Paris, à l'occasion du rétablissement des parlements en 1774. Ce dernier tableau avoit été peint par Robin.
Dans une autre pièce les douze mois de l'année, par Jean Goujon. Nous n'avons pu nous assurer si ces sculptures existoient encore; mais il est inutile sans doute de dire que presque tous les autres monuments ont été détruits par la rage révolutionnaire.
À l'entrée de la rue de la Mortellerie, au-dessus de l'arcade qui sert d'entrée à la rue du Martroy, est un bâtiment qui servoit autrefois d'arsenal à la ville.
L'HÔPITAL DU SAINT-ESPRIT.
Tous les historiens de la ville de Paris fixent la fondation de cet hôpital à l'année 1362[190], et s'accordent à dire que les malheurs des temps ayant considérablement augmenté le nombre des pauvres orphelins, quelques personnes charitables se réunirent pour leur procurer un asile et des secours. Elles achetèrent à cet effet une maison et une grange à la place de Grève; dans la même année, Jean de Meulent, évêque de Paris, permit la construction, sur cet emplacement, d'un hôpital, et l'érection d'une confrérie qui devoit fournir aux frais de l'établissement. Le pape Urbain V ne tarda pas à l'approuver, et sa bulle fut confirmée par deux autres papes, Grégoire XI et Clément VII. On bâtit la chapelle en 1406; elle fut bénite le 4 août 1415, et dédiée le 15 juillet 1503.
C'est encore dans cette église, le 8 septembre 1413, que fut fondée une confrérie de Notre-Dame de Liesse. Le roi Charles VI et Isabelle de Bavière sa femme en furent les principaux bienfaiteurs; et c'est la cause pour laquelle on voyoit leurs portraits peints sur les vitraux auprès du grand hôtel.
Cet hôpital étoit destiné aux orphelins des deux sexes, nés à Paris en légitime mariage, et dont les pères et mères étoient décédés à l'Hôtel-Dieu. On y recevoit ces enfants jusqu'à l'âge de neuf ans. Ils donnoient en y entrant la somme de 150 liv., qui leur étoit rendue lorsqu'ils en sortoient pour apprendre un métier.
L'administration de cet hôpital fut réunie à celle de l'hôpital général, par lettres-patentes du 23 mai 1679, enregistrées le 18 avril de l'année suivante.
CURIOSITÉS.
Dans l'église de cet hospice étoient quatre tableaux:
Un saint Sébastien, par Lépicier; sainte Geneviève, saint Éloi, saint Nicolas, par Eysen.
La classe des garçons étoit ornée d'un tableau représentant la Vierge protégeant des enfants bleus.
Il étoit situé près de cet hôpital. François Ier, par ses lettres-patentes du 5 novembre 1544, ayant chargé le corps de ville du soin général des pauvres et de l'administration de tout ce qui concerne cette classe souffrante de la société, les magistrats qui le composoient choisirent treize personnes notables qu'elles chargèrent de diriger cette opération importante conjointement avec quatre commissaires nommés par le parlement. Il avoit été décidé d'abord que les directeurs du nouvel établissement tiendroient leurs assemblées dans une salle de l'Hôtel-de-Ville; mais comme, à cette époque, les bâtiments n'en étoient point encore achevés, les officiers municipaux achetèrent une maison dans laquelle ce bureau fut établi et s'est maintenu jusqu'au moment de la révolution[191].
CHAPELLE SAINT-BONT.
Cette chapelle, située dans la rue qui porte son nom, étoit fort ancienne, et la grossièreté de son architecture faisoit reconnoître d'abord cette haute antiquité. On y descendoit par plusieurs marches; et la tour élevée sur le côté méridional du sanctuaire paroissoit avoir été bâtie depuis environ six ou sept cents ans. Quant à l'époque de la fondation entière de l'édifice, il étoit impossible d'en juger autrement que sur les apparences: car il ne reste aucuns documents authentiques ni sur cette origine ni sur le nom du fondateur. La seule chose qui soit certaine, c'est que cette chapelle existoit au douzième siècle sous le nom d'Ecclesia Sancti Boniti[192], qu'elle a toujours conservé depuis.
Cette chapelle n'a jamais été érigée en paroisse; elle servoit seulement à faire l'office de quelques confréries.
L'ÉGLISE SAINT-JEAN.
Cette église n'étoit originairement que la chapelle baptismale de Saint-Gervais. Elle devint paroissiale, comme tant d'autres, par l'augmentation considérable des habitants de la partie septentrionale de la ville, après l'érection de l'enceinte ordonnée par Philippe-Auguste. Pour établir cette nouvelle cure, Pierre de Nemours, évêque de Paris en 1212[193], partagea en deux la paroisse de Saint-Gervais, après avoir obtenu le consentement de l'abbé du Bec-Hellouin et du prieur de Meulent, à qui appartenoit la présentation de la cure de Saint-Gervais, et qui n'autorisèrent cette division qu'en se réservant le droit de présenter le nouveau curé.
Il est donc constant que Saint-Jean étoit un démembrement de la paroisse Saint-Gervais: Cura Sancti Joannis suum sumpsit exordium à curâ Sancti Gervasii, comme le porte l'acte d'érection du mois de janvier 1212. En conséquence l'évêque voulut que le nouveau curé supportât une partie des redevances dues au chapitre de Notre-Dame par le curé de Saint-Gervais, et que le jour des Morts il vînt en procession au cimetière de cette paroisse. Il fut mis, peu de temps après, au nombre des prêtres-cardinaux qui devoient accompagner l'évêque célébrant aux grandes fêtes.
Cette église étoit dans l'origine peu spacieuse. L'accroissement successif et continuel de population, qui avoit déterminé à en faire une paroisse, mit bientôt dans la nécessité de l'agrandir[194]. En 1324, le roi Charles IV, fils de Philippe-le-Bel, accorda des lettres-patentes qui permettoient de démolir plusieurs maisons voisines pour construire sur leur emplacement l'église qui a subsisté jusqu'à la fin du siècle dernier[195]. C'étoit un bâtiment gothique d'une assez belle exécution[196]. Les connoisseurs estimoient surtout la tribune de l'orgue, faite, long-temps après, sous la conduite de Pasquier de Lille, et exécutée par Daily, un des meilleurs appareilleurs de la fin du quinzième siècle. Elle étoit extrêmement surbaissée et toute suspendue en l'air par une arrière-voussure de vingt-quatre pieds d'ouverture. Cette construction, d'une exécution hardie, avoit en outre l'avantage de se raccorder très-ingénieusement avec la forme des piliers de la nef.
Ce monument fut reblanchi et restauré en entier au commencement du siècle dernier (en 1724), et peu de temps après (en 1733) on construisit sur une partie du cimetière[197] une chapelle de la communion qui passoit pour un morceau d'architecture très-estimable. Elle avoit été élevée sur les dessins d'un architecte nommé François Blondel, qui passoit pour avoir du mérite, mais qu'il ne faut cependant pas confondre avec le célèbre auteur de la porte Saint-Denis.
Dans les processions publiques, le clergé de cette paroisse étoit accompagné des religieux de Saint-Benoît, dits les Blancs-Manteaux, des Carmes-Billettes, des Capucins qui avoient remplacé les Haudriettes, et des enfants de l'hôpital du Saint-Esprit. On appeloit ces quatre communautés les Fillettes de Saint-Jean.
CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DE SAINT-JEAN.
Le maître-autel étoit décoré d'une demi-coupole soutenue par huit colonnes de marbre rare, et d'ordre corinthien, avec ornements dorés. Sous cette coupole étoit un groupe de marbre blanc, représentant le baptême de J.-C. par saint Jean. Ces deux figures, grandes comme nature, étoient de Lemoine.
Dans le cœur étoient cinq tableaux de Colin de Vermont:
- 1o. La naissance de saint Jean;
- 2o. Le baptême de J.-C.;
- 3o. La prison de saint Jean;
- 4o. Sa mort;
- 5o. La présentation de sa tête à Hérode;
- La danse d'Hérodiade, par Noël Coypel;
- La prédication de saint Jean, par Lucas;
- La Visitation, par Dumesnil.
- Dans le vestibule de la chapelle de la Communion, la Manne, par Colin de Vermont;
- La Piscine, par Lamy.
SÉPULTURES.
Dans cette église avoient été inhumés Alain Veau, célèbre financier sous les rois François Ier, Henri II, François II et Charles IX;
Jacques Guillemeau, l'un des plus habiles chirurgiens de son temps, élève d'Ambroise Paré.
Louis de Harlay de Beaumont et son épouse.
Claude de Lorraine, chevalier de Malte, général des galères de la religion, abbé du Bec, et connu sous le nom de chevalier d'Aumale;
Claude Le Tonnellier de Breteuil, conseiller d'état;
Jean-Pierre Camus, évêque de Bellay;
Simon Vouet, peintre estimé, et maître de Le Sueur et de Le Brun;
Michel-Antoine Baudran, habile géographe.
Le fameux Gerson, qui fut chancelier de l'université, avoit été curé de Saint-Jean-en-Grève.
CIRCONSCRIPTION.
Cette paroisse n'avoit au midi qu'un assez petit canton, où étoient compris trois carrés de maisons dont la rue du Martroy formoit un côté; la droite de la rue Pernelle, en descendant vers la rivière, formoit le second; elle embrassoit ensuite l'Hôtel-de-Ville, la place de Grève, la rue du Mouton, le côté droit des rues de la Vannerie, de la Coutellerie, et la rue Jean-l'Épine.
Au nord elle avoit plus d'étendue. Elle comprenoit une partie du côté droit de la rue de la Tixeranderie et du Pet-au-Diable, toute la rue des Vieilles-Garnisons, et le côté droit du Cloître; elle reprenoit ensuite les côtés gauches des rues de la Tixeranderie, Regnaut-Lefebvre, et du marché Saint-Jean; une partie de la rue de la Verrerie jusqu'à la rue de la Poterie, dont elle avoit pareillement le côté gauche en descendant; puis les rues des Coquilles, du Coq, des Deux-Portes et des Mauvais-Garçons. Elle avoit quelques maisons dans la rue Barre-du-Bec, les rues entières des Billettes et de Moussy, la plus grande partie des rues Sainte-Croix de la Bretonnerie et du Puits, plus toute la rue de l'Homme-Armé et celle du Plâtre; à l'exception de quelques maisons, la plus grande partie des rues des Blancs-Manteaux et du Chaume. Elle comprenoit en outre tout le carré formé par cette rue du Chaume, par celle de Paradis, la vieille rue du Temple et celle des Quatre-Fils; de plus un second carré formé par la même rue des Quatre-Fils, par celles du Grand-Chantier, d'Anjou, la vieille rue du Temple, avec les rues d'Orléans, du Perche et de Touraine contenues dans ce carré; enfin le côté gauche de la rue du Temple jusqu'à la rue de Bretagne, où elle finissoit.
Quoique la construction de la dernière église de Saint-Jean-en-Grève ait été commencée sous le règne de Charles-le-Bel, cependant le caractère de ses diverses parties indiquoit clairement que, de même que la plupart des monuments de Paris, elle n'avoit été bâtie qu'à différentes reprises, et à des époques extrêmement éloignées les unes des autres. La nef et le chœur furent effectivement achevés en entier sous Charles-le-Bel; leur structure et ce qu'on y avoit conservé des anciens vitraux indiquoient ce temps-là. Il est probable qu'alors cet édifice avoit une forme carrée, et qu'il fut percé depuis pour la construction du sanctuaire, dont la bâtisse et les vitres paroissoient postérieures de plus d'un siècle à celles du chœur et de la nef. Les deux tours et la porte qui donnoit sur la rue sembloient n'être que du quinzième siècle, et les chapelles des ailes étoient des additions, suivant toutes les apparences, encore plus nouvelles. Il est marqué, dans les Miracles de saint Louis, écrits vers l'an 1280, que le sol de cette basilique étoit alors plus bas d'un côté que celui de la rue, et qu'il falloit descendre plusieurs degrés pour y entrer[198].
Il étoit peu d'églises à Paris qui possédassent un aussi grand nombre de reliques que Saint-Jean-en-Grève. L'abbé Lebeuf en a parlé avec beaucoup de détail, et a donné en même temps l'historique de plusieurs chapellenies qui y avoient été fondées[199].
LE MARCHÉ, OU VIEUX CIMETIÈRE SAINT-JEAN.
Lorsqu'on eut renoncé à l'usage salutaire d'enterrer les morts hors des cités, les cimetières furent établis dans des portions de terrain contiguës aux églises. Quelques cercueils antiques, trouvés dans la rue de la Tixeranderie en 1612, prouvent que, dans des temps très-reculés, cet endroit avoit été destiné aux sépultures; et les anciens titres nous fournissent plusieurs preuves qu'il avoit déjà cessé de servir à cet usage vers le commencement du treizième siècle. En effet on voit dans les lettres de Philippe-le-Hardi en faveur de saint Éloi, données en 1280, et citées par le commissaire Delamare[200], que dès lors on appeloit cette place le Vieux Cimetière, platea Veteris Cimeterii; Guillot lui donne le même nom en 1300.
On seroit d'abord porté à croire, à cause de sa proximité de l'église Saint-Jean, que cet ancien cimetière étoit encore employé à cet usage, et auroit pu être annexé à cette église vers l'année 1212, époque où elle fut érigée en paroisse. Cependant on n'en trouve aucune preuve; on voit au contraire que les corps des paroissiens de cette église étoient portés au cimetière Saint-Gervais; et quelques arrêts du seizième siècle font foi que le droit de sépulture dans ce dernier cimetière ayant été contesté au curé de Saint-Jean, il y fut maintenu. Quoiqu'il parût que ses prétentions ne fussent fondées que sur la nécessité et sur l'usage, les juges décidèrent sans doute suivant l'axiome: Possession vaut titre. Peut-être le curé de Saint-Jean auroit-il pu faire valoir la clause des lettres de Pierre de Nemours, portant érection de sa cure, clause qui l'obligeoit d'aller en procession, le jour des Morts, au cimetière Saint-Gervais. Pourquoi cette obligation, si le cimetière n'eût été commun aux deux paroisses? On en peut donc conclure que dès lors le vieux cimetière étoit entièrement abandonné; et en effet, dès l'an 1313, le rôle des taxes nous apprend qu'il étoit converti en un marché qu'on y appelle le marciai Saint-Jean.
Les biens de Pierre de Craon ayant été confisqués[201], et son hôtel, situé à l'extrémité de la rue de la Verrerie, ayant été abattu en 1392, l'église de Saint-Jean obtint de Charles VI l'emplacement sur lequel s'élevoit cet édifice. Dans les lettres d'amortissement, données à ce sujet le 16 mars 1393, il est dit «que le roi a ordonné que cet hôtel fût démoli, et que l'emplacement en fût donné, excepté les vergers et jardins, aux marguilliers de Saint-Jean, pour y faire un cimetière, qui seroit appelé cimetière neuf de Saint-Jean.» Ces lettres furent enregistrées à la chambre des comptes le 21 octobre 1393; et depuis ce temps cet emplacement, qui étoit de 408 toises, fut effectivement destiné à un cimetière que les titres et les plans appellent le cimetière vert. Il existoit encore en 1772, et ce n'est que depuis qu'il a été, comme l'autre, converti en marché.
Quelques historiens de Paris[202] sont tombés dans l'erreur à l'égard de ces deux cimetières. Ils ont confondu le vieux et le nouveau, en disant 1o que l'hôtel de Craon étoit situé rue des Mauvais-Garçons; 2o que de son emplacement on fit un cimetière, et de ce cimetière un marché. On vient de voir, par les titres et autorités cités ci-dessus, que plus de quatre-vingts ans avant la démolition de l'hôtel de Craon, situé rue de la Verrerie et non rue des Mauvais-Garçons, le vieux cimetière ou marché Saint-Jean, depuis long-temps détruit, existoit sous ces deux dénominations.
L'église de Saint-Jean avoit encore, suivant l'ancien usage, un autre cimetière, dans un terrain contigu à ses constructions. C'est sur une partie de l'espace qu'il occupoit que fut construite, comme nous l'avons déjà dit, la chapelle de la communion. Le reste formoit une petite place.
CLOÎTRE SAINT-JEAN.
L'abbé Lebeuf a conjecturé que les comtes de Meulent, ayant donné l'église de Saint-Gervais et la chapelle de Saint-Jean aux religieux de Saint-Nicaise de Meulent, ceux-ci vinrent s'établir à Paris et agrandirent cette chapelle. Il ajoute qu'ils ne l'abandonnèrent que lorsqu'elle fut érigée en cure, et que c'est du séjour qu'ils firent dans cet endroit qu'est venu l'usage de dire cloître Saint-Jean. Jaillot ne trouve cette raison ni décisive ni même suffisante pour établir une pareille conjecture, parce qu'on dit encore aujourd'hui le cloître Notre-Dame, le cloître Saint-Germain-l'Auxerrois, le cloître Saint-Marcel, etc., quoiqu'il n'y ait point eu de religieux dans ces églises. «J'avoue, ajoute-t-il, qu'il y a eu des chanoines qui vivoient en commun, mais c'est dans des temps postérieurs à l'érection de cette paroisse. Je crois donc que le nom de cloître qu'on lui a donné vient de la forme carrée des cloîtres monastiques qu'avoit le territoire de Saint-Jean avant la construction du chevet de cette église.» Cette conjecture semble plus vraisemblable que l'autre.
PLACE BAUDOYER.
Cette place se trouve derrière Saint-Gervais, au commencement de la rue Saint-Antoine, et nous apprenons, dans les anciens titres, qu'une des portes de l'enceinte de Philippe-Auguste, située vis-à-vis la rue Geoffroi-l'Asnier, portoit le même nom. Le devoit-elle à la place, ou la place devoit-elle son nom à la porte? c'est ce qu'il n'est pas facile de découvrir. Il n'est guère plus aisé d'expliquer la véritable étymologie de ce nom barbare: car il en est peu qui aient été écrits avec d'aussi nombreuses altérations. Dans les actes du treizième siècle, on trouve vicus et porta Balderii, Baldaeri, Baudeerii, Baldeorum, Bauderia, Baudia, Baudeti. On l'appeloit en françois porte Baudéer, Baudier, Baudez, Baudais, Baudois, Baudayer et Baudoyer. Nous ne parlerons pas du nom de porte des Bagauds, ou Bagaudes, que quelques écrivains supposent lui avoir été donné parce qu'elle étoit située devant le chemin qui conduit à Saint-Maur-des-Fossés, lieu où l'on prétend que, sous Dioclétien, étoient le camp et le château des Bagaudes, Castrum Bagaudarum. L'abbé Lebeuf a réfuté solidement cette opinion[203], et a prouvé que la tradition qui s'en est conservée n'est fondée que sur des chartes absolument fausses ou du moins très-suspectes. Le même auteur a pensé que la place et la porte pouvoient avoir pris leur nom de Baudacharius (défenseur de Paris), officier ou magistrat dont la charge dans le temps étoit très-importante, et dont le nom se trouve dans le testament d'une dame Hermentrude, de l'an 700. Cette conjecture paroît assez naturelle. On pourroit peut-être objecter que la finale des noms latins terminés en carius se traduit en français par caire; mais il ne faut pas être trop rigoureux sur le latin de ces temps reculés, ni sur les traductions qui en ont été faites. Il est très-possible que de Baudacharius on ait fait par contraction Baudarius; et l'on voit alors combien il a été facile de faire ensuite de Baudarius, Baudaire, Baudaier et Baudier; de ce dernier on a fait Baudoyer, qu'on lit dans une charte de Charles V en 1366; et, quoiqu'on l'ait encore altéré depuis, il a cependant prévalu.
L'ÉGLISE DE SAINT-GERVAIS.
Cette église est, dans la partie septentrionale de Paris, la plus ancienne dont l'histoire fasse mention. On ignore l'époque précise de sa fondation; et même le nom de son fondateur; mais on a des preuves certaines que, dès le sixième siècle de l'ère chrétienne, il y avoit à Paris une église du titre de Saint-Gervais. Fortunat, qui a écrit la vie de Saint-Germain, évêque de cette ville, dit qu'il vint deux fois faire sa prière dans la basilique de Saint-Gervais et de Saint-Protais: in basilicâ Sanctorum Gervasii et Protasii[204]. Or, la dénomination de basilique, comme nous avons déjà eu occasion de le remarquer, ne convenoit qu'aux grandes églises; par conséquent on ne peut douter que celle dont il s'agit ici n'existât déjà quelque temps avant la mort de saint Germain, et personne n'ignore qu'il mourut en 576. Le testament d'Hermentrude, déjà cité, et conservé à l'abbaye de Saint-Denis, fait mention de cette basilique, immédiatement après la cathédrale, en ces termes: Basilicæ Domini Gervasi anolo aureo (Sic. Lege anolom aureom, pour annulum aureum) nomen meum in se habentem scriptum dari præcipio. On ne peut donc douter que, dès le septième siècle, cette église n'eût quelques clercs qui la desservoient. Il est aussi probable que l'édifice qui existoit en ce temps-là étoit à la même place que celui d'aujourd'hui, ou tout au moins aux environs; car souvent, pour agrandir les églises, on les rebâtissoit dans les lieux où avoient été leurs cimetières[205].
De même qu'on ignore l'époque de sa fondation, on ne sait pas non plus quand cette église devint paroissiale. Il y a lieu de croire que Paris s'étant accru de ce côté, on l'érigea en paroisse pour la commodité de ceux qui habitoient la plus grande partie de l'enceinte septentrionale. Trop éloignés du Grand-Pont, ils étoient souvent hors d'état d'aller dans la cité, à cause des inondations et de la rapidité des eaux qui en empêchoient l'accès, ou rendoient le passage dangereux. Ce fut alors que cette église obtint le privilége d'avoir une chapelle baptismale qui, suivant l'ancien usage, fut dédiée sous le nom de Saint-Jean-Baptiste, et devint depuis la paroisse de Saint-Jean-en-Grève, dont nous venons de parler.
Au onzième siècle, l'église de Saint-Gervais et les biens qui en dépendoient appartenoient aux comtes de Meulent, qui, vers ce temps-là, en firent don au prieuré de Saint-Nicaise, qu'ils avoient fondé dans la ville de leur comté. Galeran de Meulent confirma, en 1141, cette donation et toutes celles qui avoient été faites par ses ancêtres. Sa charte nomme spécialement les églises de Saint-Gervais et de Saint-Jean, situées à Paris in vico qui dicitur Greva.
Jaillot dit avoir lu dans un pastoral de Notre-Dame que Guillaume, archidiacre de Paris, donna au chapitre de Notre-Dame, du consentement de l'évêque Galon, tertiam partem altaris Sancti Gervasii Parisiensis. Cet acte est de 1108, étant daté de la première année du règne de Louis-le-Gros, indiction I, et de la quatrième année de l'épiscopat de Galon. Cette donation, en supposant qu'elle soit authentique, ne peut causer aucun embarras: elle prouve seulement que cet archidiacre pouvoit avoir quelques droits dans l'église de Saint-Gervais, sans que cette circonstance soit de nature à détruire ou même à infirmer la validité des actes que nous venons de citer.
Le prieuré de Saint-Nicaise de Meulent ayant été concédé à l'abbaye du Bec-Hellouin, le droit de présentation aux cures de Saint-Gervais et de Saint-Jean, qui en est un démembrement, fut dévolu à l'abbé de ce monastère; néanmoins l'église de Saint-Gervais étoit, sous quelques rapports, dans la dépendance du chapitre de Notre-Dame, auquel le curé devoit certaines redevances; par exemple, on voit qu'en 1230 il étoit tenu de donner aux chanoines un certain nombre de moutons, et qu'en 1484 les enfants de chœur de la cathédrale avoient l'offrande du jour de la fête patronale de Saint-Gervais, et qu'en outre le curé étoit obligé de leur donner des cerises.
Cette église, rebâtie en 1212 et dédiée en 1420, fut considérablement augmentée en 1581. Les voûtes en sont hardies et d'une grande élévation; elles sont traversées par de doubles nervures croisées avec art, et dont plusieurs soutiennent des clefs pendantes, enrichies d'ornements; celle de la chapelle de la Vierge est surtout remarquable par son volume extraordinaire et par son évidement, dont la délicatesse est telle qu'elle lui donne l'apparence d'un petit temple suspendu au sommet de la voûte, dans l'appareil des pierres.
Cependant le merveilleux de ces sortes d'ouvrages est au fond peu de chose, et n'étonne que ceux qui ignorent les procédés de l'art du trait ou de la construction des voûtes. Il s'agit seulement de donner une très-grande saillie aux pierres qui composent le lanternon, autrement la clef de la voûte, et de les évider ensuite à différents degrés, en employant alors les procédés de la sculpture, et déguisant avec art les soutiens des divers ornements de figures ou d'architecture qu'on y fait entrer. Ces prestiges, qui annoncent plus d'adresse et de patience que de jugement et de bon goût, étoient considérés, dans les principes de l'architecture gothique, comme des beautés du premier ordre.
À l'entrée de cette antique construction on éleva, en 1616, un portail d'un style bien différent. La première pierre en fut posée par Louis XIII; et le fameux Desbrosses, architecte du palais du Luxembourg et de la grande salle du palais de justice, en donna le dessin. Il fit dans cette occasion un heureux emploi des ordres de l'architecture romaine, auxquels il donna un caractère mâle et soutenu, et qu'il assembla dans d'excellentes proportions.
Ce portail a joui d'une très-grande célébrité. Son échelle immense, la forte saillie de ses membres opposée à la maigreur du gothique, ou à la délicatesse des petits ordres qu'on employoit dans ces temps voisins de la renaissance de l'art, produisirent, dès l'origine, une forte impression qui n'est point encore entièrement détruite. Son ensemble présente en effet de l'unité, de l'harmonie; les détails dont il est composé sont habilement enchaînés dans sa masse imposante, et l'œil les parcourt sans embarras et sans confusion; cependant un examen plus réfléchi fait découvrir que tout cet appareil si brillant et si riche n'est au fond qu'une décoration postiche, sans liaison avec l'édifice devant lequel elle est placée, sans aucun but d'utilité dans aucune de ses parties, ce qui est absolument contraire à tous les principes de la bonne architecture.
En face de cette église étoit un orme qu'on avoit soin de renouveler de temps en temps, quoiqu'il offusquât le portail et gênât la voie publique. Guillot en fait mention, et l'appelle l'Ourmeciau. Il paroît que c'étoit un ancien usage, qui se conserve encore en quelques endroits, de planter un orme devant les églises et les maisons seigneuriales: c'étoit là que s'assembloient les paysans après l'office; les poètes mêmes ont conservé cette tradition, en plaçant toutes les fêtes de village sous un ormeau. C'étoit encore sous ces arbres que venoient s'asseoir les juges pédanées, qu'on appeloit aussi juges de dessous l'orme; les juges des seigneurs y tenoient également leur juridiction, et les vassaux y venoient payer leurs redevances. Il y a lieu de croire que l'orme de Saint-Gervais n'a eu ni une autre origine ni une autre destination. Dans un compte de 1443, on trouve une déclaration des vignes et terres appartenantes à M. le duc de Guienne, à cause de son hôtel du Pont-Perrin, près la Bastille, dont ceux qui les tiennent sont obligés de payer la rente à l'orme Saint-Gervais, à Paris, le jour de Saint-Remi et à la Saint-Martin d'hiver[206].
On en donne encore une autre explication. Les premiers chrétiens, pour distinguer les tombeaux des martyrs, gravoient sur la pierre de leur tombeau les instruments de leur supplice ou une palme, symbole de la victoire qu'ils avoient remportée; et dans plusieurs endroits l'usage s'introduisit de planter des palmiers ou des ormes devant les basiliques qui portoient le nom des martyrs. C'étoit peut-être pour conserver la mémoire de cet ancien usage que sur la bannière, le banc de l'œuvre, une des portes de cette église, et sur les jetons que ses marguilliers faisoient frapper, on voyoit représenté un orme placé entre les figures de Saint-Gervais et de Saint-Protais.
L'église de Saint-Gervais étoit l'une des plus riches de Paris en belles peintures et autres monuments des arts.
CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DE SAINT-GERVAIS.
TABLEAUX.
Dans la nef: saint Gervais et saint Protais refusant de sacrifier aux idoles, par Le Sueur[207];
Saint Gervais sur le chevalet et fouetté jusqu'à la mort, par Gaulay;
La décollation de saint Protais, par Bourdon[208];
L'apparition de ces deux saints à saint Ambroise, par Philippe de Champagne;
L'invention de leurs reliques, par le même;
La translation de leur corps, par le même[209].
Sur le maître-autel: les Noces de Cana, par un peintre inconnu.
Dans une chapelle: J.-C. mis au tombeau, par Le Sueur;
Un portement de croix, par le même.
Dans la chapelle de la Providence, la multiplication des pains, par Cazes.
Sur les vitraux du chœur, la Samaritaine, le Paralytique et le martyre de saint Laurent, par Jean Cousin.
Sur ceux de la chapelle des Trois-Maries, la vie de sainte Clotilde, par le même.
Sur ceux de la chapelle Saint-Michel, le mont Saint-Michel, où arrivent quantité de pélerins, par Pinaigrier.
Sur ceux de la chapelle Le Camus, le martyre de saint Gervais et saint Protais, par Perrin, d'après les dessins de Le Sueur, etc. etc.[210].
Au maître-autel, les statues de saint Gervais et de saint Protais, par Bourdin.
Sur la porte du chœur, un Christ, par Sarrasin;
Les figures de la Vierge et de saint Jean, par Buirette.
Dans la chapelle de Fourci, un Ecce Homo en pierre, grand comme nature, par Germain Pilon.
TOMBEAUX.
Dans cette église étoient inhumés: Mathieu de Longuejoue, seigneur d'Yverni, évêque de Soissons, et garde des sceaux, mort en 1558;
Pierre de Ruyer, auteur tragique, et membre de l'Académie française, mort en 1658;
Paul Scarron, auteur du Roman Comique, poète burlesque, et le premier mari de Françoise d'Aubigné, depuis madame de Maintenon, mort en 1660;
Marin, sieur de Gomberville, de l'Académie françoise, mort en 1674;
Philippe de Champagne, peintre célèbre, mort en 1674.
Michel Le Tellier, chancelier de France, mort en 1685. Son mausolée, exécuté par deux sculpteurs, Mazeline et Hurtrel, se voyoit dans une chapelle à la droite du chœur[211];
Charles Dufresne, plus connu sous le nom de Du Cange, savant distingué, mort en 1688;
Louis Boucherat, chancelier de France, mort en 1699;
Amelot de La Houssaye, érudit, mort en 1706;
Antoine de La Fosse, auteur tragique, mort en 1708;
Charles Maurice Le Tellier, archevêque, duc de Reims, mort en 1710; il fut inhumé dans le tombeau du chancelier Le Tellier son père.
Claude Le Pelletier, contrôleur-général des finances, mort en 1711;
Claude Voisin, chancelier de France, mort en 1717.
Dans une chapelle, vis-à-vis la porte latérale du chœur, étoit le mausolée de François Feu, curé de cette paroisse, mort en 1761. Il avoit été exécuté en stuc par Feuillet.
CIRCONSCRIPTION.
Le territoire de Saint-Gervais consistoit en plusieurs portions, savoir:
1o. Le carré formé par les rues Pernelle, du Monceau, de Long-Pont et de la Mortellerie, avec les deux petits carrés qui sont au-dessous de cette étendue, et qui bordent le quai; il faut ensuite y comprendre la rue de Long-Pont, la rue du Pourtour, la rue des Barres, le côté occidental de la partie inférieure de la rue Geoffroi-l'Asnier, et le côté méridional de la rue Grenier-sur-l'Eau;
2o. Tout l'assemblage de maisons qui n'étoient séparées du chevet de Saint-Jean que par un petit passage; il falloit suivre ensuite le dedans du cloître Saint-Jean à droite, la rue du Pet-au-Diable du même côté, le côté droit de la rue de la Tixeranderie, et revenir par la place Baudoyer, près du chevet de Saint-Jean, d'où l'on étoit parti;
3o. Quelques maisons à l'entrée de la rue Saint-Antoine, et dans la rue Cloche-Perche.
4o. Un carré de maisons formé par la rue Saint-Antoine, par une partie de la vieille rue du Temple à gauche jusqu'à la rue de Berci qui étoit en entier de cette paroisse, puis par le côté gauche du cimetière Saint-Jean.
5o. La portion la plus considérable de la paroisse de Saint-Gervais commençoit au coin de la rue du Roi de Sicile, le plus avancé dans la vieille rue du Temple; elle comprenoit tout le côté droit de cette même rue du Temple jusqu'aux remparts, puis les deux côtés de la rue Saint-Louis-du-Marais et presque toutes les rues environnantes jusqu'à la rue Neuve-Saint-Gilles, dont elle avoit le côté septentrional. Après quoi, revenant par la rue du Parc-Royal dont elle embrassoit pareillement le côté septentrional, elle reprenoit le côté droit de la rue des Trois-Pavillons, puis les deux côtés de la rue des Juifs; tournant enfin dans la rue du Roi de Sicile, elle en prenoit encore le côté droit jusqu'au point d'où nous sommes partis.
6o. Le territoire de cette paroisse s'étendoit aussi un peu au-delà de la place de Grève; savoir:
De la rue de la Vannerie à la place de Grève, elle avoit les maisons qui commencent à gauche, jusque dans la rue des Arcis, où elle continuoit à gauche; elle renfermoit également les maisons de la rue Planche-Mibrai, jusqu'au milieu du pont Notre-Dame, toujours du même côté; ensuite, le quai Pelletier avec son retour jusqu'au coin de la rue de la Vannerie, point de départ.
On comptoit plus de vingt chapellenies fondées dans cette église depuis le treizième siècle, et trois confréries, au nombre desquelles étoit la fameuse confrérie des Ligueurs, de laquelle nous aurons, par la suite, occasion de parler[212].
Hôpital Saint-Gervais.
Vers le milieu du siècle dernier on voyoit encore, au bout de la rue de la Tixeranderie, la chapelle et les restes d'un hôpital qui y a long-temps subsisté sous le nom de Saint-Gervais. Il avoit été construit par les soins et aux frais d'un maçon nommé Garin, et de son fils; celui-ci étoit prêtre et se nommoit Harcher. Ces deux particuliers destinèrent à cet établissement une maison dont ils étoient propriétaires devant l'église de Saint-Gervais, laquelle maison fut amortie, en 1171, par Robert, comte de Dreux[213]. Les bâtiments de cet hospice tombant en ruines, on les abattit en 1758, et sur leur emplacement on construisit des maisons particulières.
LES FILLES DE LA CONGRÉGATION
DE SAINTE-CROIX.
Cette société, formée d'abord à Roye par les soins d'un vertueux ecclésiastique nommé Guérin, avoit pour objet d'exercer envers les jeunes filles nées de pauvres parents toutes les œuvres spirituelles et temporelles qu'exigent l'instruction chrétienne et l'éducation de leur sexe. Les désordres que la guerre occasionnoit en Picardie ayant forcé les vertueuses personnes qui composoient cette communauté à venir, en 1636, chercher un asile à Paris, le P. Lingendes, jésuite, trouva le moyen d'intéresser en leur faveur Marie Luillier, veuve de Claude Marcel, maître des requêtes, et seigneur de Villeneuve-le-Roi. Cette dame, dont la charité étoit ardente et la dévotion éclairée, conçut d'abord toute l'utilité qu'il étoit possible de tirer d'un semblable établissement pour les mœurs et pour la religion; et, non contente de procurer à ces pieuses institutrices une maison à Brie-Comte-Robert, elle voulut elle-même venir l'habiter avec elles et partager tous leurs travaux. Le 15 février 1640, M. de Gondi, archevêque de Paris, érigea, à sa sollicitation, cette société en congrégation sous le nom de Filles de la Croix, et les réglements qu'il lui donna furent confirmés par la puissance temporelle en 1642 et 1644.
Peu de temps après madame de Villeneuve se retira à Vaugirard avec une partie de ses compagnes, comme le lui permettoient les lettres-patentes qu'elle avoit obtenues; mais ayant voulu outrepasser les statuts qui défendoient aux membres de cette société aucun vœu solennel, et exiger de ces filles qu'elles s'engageassent, en même temps qu'elle, à la vie religieuse, quelques-unes d'entre elles qui ne voulurent pas se soumettre à cette loi nouvelle restèrent à Brie-Comte-Robert, et celles qui consentirent à suivre son exemple l'accompagnèrent peu de temps après à Paris: ainsi se formèrent deux sociétés, l'une dite de la Congrégation de la Croix, l'autre des Filles de la Société de la Croix. C'est à la tête de celle-ci qu'étoit madame de Villeneuve.
Les filles qui composoient la première restèrent encore quelques années à Brie-Comte-Robert, et dans cette retraite elles se bornèrent, suivant leur institut, à vivre en communauté et à exercer envers les jeunes filles les charités et les œuvres spirituelles auxquelles elles s'étoient engagées; mais le séjour à Paris de madame de Villeneuve et de son troupeau ayant fait connoître de quelle utilité pouvoient être de tels établissements dans une si grande capitale, on jugea qu'il étoit utile de les y multiplier, et les sœurs de la Congrégation de la Croix obtinrent de M. de Péréfixe la permission de venir se fixer dans cette ville. Ceci arriva en 1664; et les lettres qu'elles obtinrent à ce sujet furent confirmées par M. de Harlai et par des lettres-patentes du roi en 1686 et 1687. Jusqu'au moment de la révolution, elles ont continué, dans la même maison, rue des Barres, l'exercice de leurs travaux charitables.
La supérieure de cette communauté ne prenoit que le titre de sœur première[214].
HÔTELS.
ANCIENS HÔTELS DÉTRUITS.
Il y avoit autrefois dans ce quartier plusieurs hôtels fameux par leur étendue et par la qualité des personnes qui les habitoient.
Hôtel de Sicile ou d'Anjou.
Il étoit situé dans la rue de la Tixeranderie, où il occupoit tout l'espace qui se trouve entre la rue du Coq et celle des Coquilles jusqu'à la rue de la Verrerie. Sauval dit qu'il s'étendoit jusqu'à celle de la Poterie, ce qu'il ne faut entendre que des dépendances de cet hôtel; car la rue Gentien ou des Coquilles, qui traverse cet emplacement, existoit déjà à cette époque; peut-être son erreur vient-elle de ce qu'il a confondu cet édifice avec un autre hôtel qui portoit le nom du Chantier d'Anjou, et subsistoit encore en 1575[215]. L'hôtel de Sicile fut aussi appelé l'Hôtel du roi Louis, parce qu'il fut habité, à la fin du quatorzième siècle, par Louis II, duc d'Anjou, roi de Naples, de Jérusalem, d'Aragon et de Sicile, petit-fils de Jean, roi de France.
Hôtels de Berri, du connétable de Bourbon, de Faron et d'Auxerre.
Entre la rue du Coq et celle des Deux-Portes étoient situés les hôtels de Jacques de Bourbon, connétable de France sous le roi Jean, et du duc de Berri, fils de ce monarque. Ces deux hôtels furent ensuite réunis et passèrent à Blanche de Navarre, seconde femme de Philippe de Valois. Telle est l'origine du nom d'Hôtel de la reine Blanche, qu'ils portèrent après leur réunion.
Dans le même temps les abbés de Saint-Faron et les comtes d'Auxerre avoient leurs hôtels dans cette rue et dans celle de la Verrerie.
Hôtel du Pet-au-Diable.
Dans la rue du Pet-au-Diable étoient une maison et une ancienne tour carrée, appelées, comme la rue, l'Hôtel du Pet-au-Diable[216]. Cette demeure avoit encore plusieurs autres noms que nous ferons connoître en parlant de la rue. Des titres authentiques nous apprennent que, le 18 août 1379, Raoul de Couci acheta cet hôtel de François Chante-Prime; et l'on y lit qu'il étoit situé au martelet Saint-Jehan. Par un autre acte de 1463, il paroît que cet édifice avoit appartenu à Jean de Béthisi, et ensuite à Jean Thuillier; il passa depuis à M. Jacques de l'Hôpital, seigneur de Sainte-Mesme, et tous les titres du dix-septième siècle le nomment en conséquence l'Hôtel de Sainte-Mesme. M. de Torci en devint ensuite propriétaire par son mariage avec Sylvie de l'Hôpital. Son fils le vendit en 1719, et il fut possédé depuis par différents particuliers.
Hôtel de Chelles.
Dans la rue de Berci les religieuses de Chelles avoient un hôtel où elles se sont quelquefois retirées en temps de guerre; elles le possédoient encore à la fin du dernier siècle, sous le nom de Maison du Mouton.
HÔTELS EXISTANTS EN 1789.
Hôtel de Charni.
Cet hôtel portoit anciennement le nom d'Hôtel des Barres, nom qu'il a donné à la rue dans laquelle il est situé. Il existoit au treizième siècle, et fut amorti, au mois de juin 1364, en faveur des religieux de Saint-Maur-des-Fossés; on l'appeloit alors l'hôtel Saint-Maur, autrement de la Barre.
À la fin du dix-huitième siècle on avoit établi dans cet édifice le bureau de l'administration générale des aides, lequel fut depuis transporté rue de Choiseul, dans le quartier Montmartre.
FONTAINES.
Fontaine de la Grève.
Nous avons déjà parlé de cette fontaine depuis long-temps détruite[217].
Fontaine du cimetière Saint-Jean.
Elle est située place Baudoyer, et n'a rien de remarquable dans son architecture. On ignore l'époque de sa construction.
RUES ET PLACES
DU QUARTIER DE LA GRÈVE.
Rue des Arsis ou Arcis. Elle est située entre les rues Planche-Mibrai et Saint-Martin, depuis la rue de la Vannerie jusqu'à celle de la Verrerie. Sauval dit[218] que dans le douzième siècle elle s'appeloit de Arsionibus, vicus de Assiz; lui-même la nomme rue des Assis. Toutefois les étymologies qu'il en donne ne sont fondées que sur des conjectures faciles à détruire. Dans les anciens titres elle est nommée indifféremment rue des Assis, des Arcis, et des Arsis, mais plus ordinairement de cette dernière manière. On la trouve dans un pastoral de 1254 appelée magnus vicus qui dicitur des Ars[219].
La rue des Arsis fut élargie en 1673, ainsi que la rue Planche-Mibrai[220].
Rue des Barres. Cette rue, qui aboutit d'un côté à la rue Saint-Antoine, et de l'autre au quai de la Grève, doit son nom à l'hôtel des Barres qui y étoit situé; vis-à-vis étoient des moulins qui en 1293 appartenoient aux Templiers. De là vient que la rue a été appelée tantôt ruelle aux Moulins des Barres, tantôt ruelle des Moulins du Temple; mais elle portoit ce nom seulement depuis la rue de la Mortellerie jusqu'à la rivière. La partie située du côté de la rue Saint-Antoine étoit confondue avec celle du Pourtour, alors appelée rue du Cimetière-Saint-Gervais. Vers la fin du quatorzième siècle, on la nomma rue du Chevet-Saint-Gervais, et rue des Barres. Enfin, vers le milieu du seizième siècle, le bout de cette rue, du côté de la rivière, fut appelé rue Malivaux. On lui donnoit ce nom à cause du moulin de Malivaux qui étoit placé sur la rivière, vis-à-vis de son ouverture.
Rue de Berci. Elle aboutit d'un côté à la vieille rue du Temple, et de l'autre au cimetière Saint-Jean. Sur le plan de Saint-Victor, publié par d'Heuland, elle est nommée rue du Hoqueton, et sur celui de Boisseau, rue de la Réale.
Rue Saint-Bont. Elle traverse de la rue Jean-Pain-Mollet dans celle de la Verrerie. Dans les titres du treizième siècle, elle portoit déjà ce nom, vicus sancti Boniti[221]. Elle le doit à la chapelle qui y étoit située, et l'a conservé jusqu'à nos jours.
Rue du Coq. Elle traverse de la rue de la Verrerie dans celle de la Tixeranderie. Le premier nom que cette rue ait porté est celui d'André Malet; elle est ainsi nommée dans un acte de 1243. On voit, dans l'accord de Philippe-le-Hardi avec le chapitre de Saint-Merri en 1273, que cette rue y est énoncée sous le nom de Lambert de Râle ou André Malet. Guillot lui donne ce dernier nom. Dès 1416, elle avoit pris d'une enseigne le nom de rue du Coq.
Rue des Coquilles. Elle va de la rue de la Tixeranderie à celle de la Verrerie. On voit, dans les actes du quatorzième siècle, qu'elle se nommoit ruelle Gentien. Le cartulaire de Saint-Maur[222] fait mention de Pierre Gentien, dont la maison, située dans la rue de la Tixeranderie, vis-à-vis de celle-ci, étoit occupée par les Lombards. On l'a depuis nommée ruelle Jean Gentien; elle prit ensuite celui de Jacques Gentien, et de rue Gentien, vicus Gentianus. À la fin du quinzième siècle[223] on bâtit au coin de cette rue une maison dont la porte et les fenêtres étoient ornées de coquilles, laquelle fut nommée hôtel des Coquilles; et dès lors la rue prit ce nom qui lui est resté. Jaillot croit que c'est cette rue que les anciens titres indiquent sous le nom de vicus Radulphi de S. Laurentio.
Rue de la Coutellerie. Elle aboutit aux rues de la Tixeranderie et de la Vannerie. Sauval dit qu'en 1300 on la nommoit rue aux Commanderesses, et un censier de Saint-Éloi, de 1495, énonce une maison faisant le coin de la rue de la Vannerie et de la rue des Couteliers, dite des Recommandaresses[224]. Cette rue n'étoit connue au treizième siècle que sous le nom de Vieille-Oreille, Veteris Auris. On trouvoit dans les archives de Saint-Maur une foule de titres qui faisoient mention du carrefour, de la rue et du four de Vieille-Oreille. Ce nom, dont aucun historien n'a pu découvrir l'étymologie[225], a été depuis altéré en celui de Guigne-Oreille et de Guillori. Le rôle des taxes de 1513 nous apprend qu'un maréchal nommé Guillori demeuroit au carrefour de cette rue: on trouve aussi un fief qui porte le même nom; et c'est là sans doute ce qui aura engagé à le donner au carrefour. Enfin les couteliers qui vinrent s'établir dans cette rue lui firent perdre son ancien nom pour celui de rue aux Couteliers, et de la Coutellerie, qu'elle portoit dès le règne de Henri II, et qu'elle a toujours porté depuis.
Rue des Mauvais-Garçons. Elle traverse de la rue de la Tixeranderie dans celle de la Verrerie. Tous les anciens titres qui parlent de cette rue prouvent qu'elle s'appeloit rue de Chartron. Ce n'est que dans ceux du seizième siècle qu'elle est indiquée sous le nom de rue de Chartron, dite des Mauvais-Garçons[226].
Rue des Vieilles-Garnisons. Elle se termine d'un bout à la rue de la Tixeranderie, et de l'autre aboutissoit à la place ou cloître Saint-Jean. Cette rue étoit connue au treizième siècle sous le nom de Marteret, Martrai et Martroi-Saint-Jean[227]. Elle commençoit au-delà de l'arcade que l'on voit à la Grève, et passant entre l'église Saint-Jean et l'Hôtel-de-Ville actuel, elle aboutissoit à la rue de la Tixeranderie, comme elle fait à présent. Un compte de la prévôté, de 1448[228], énonce la rue des Garnisons, et le compte de l'ordinaire de Paris, de 1463, l'indique comme une petite ruelle à laquelle il ne donne aucun nom[229]. Sauval en parle sous le nom de ruelle Jehan-Savari. Jaillot croit y reconnoître la rue Simon-Bade dont il est fait mention dans un acte de 1482, lequel indique, rue de la Tixeranderie, une maison faisant le coin de la rue Simon-Bade, tenant au maître qui fut des garnisons. Elle a été appelée du Saint-Esprit, à cause des bâtiments de cet hôpital qui en étoient voisins.
Rue du Monceau-Saint-Gervais[230]. Cette rue, qui fait la continuation de la rue du Martroi, et aboutit à l'église Saint-Gervais, doit son nom au terrain plus élevé que la Grève, sur lequel cette église a été bâtie. On la confondoit à la fin du treizième siècle avec la rue du Pourtour, et on l'appeloit rue entre Saint-Gervais et Saint-Jean, et rue du Cimetière-Saint-Gervais.
Rue Grenier-sur-l'Eau. Elle traverse de la rue Geoffroi-l'Asnier dans celle des Barres. Le véritable nom de cette rue est Garnier-sur-l'Eau. Sauval dit qu'en 1257 on la nommoit André-sur-l'Eau. Guillot et le rôle de 1313 l'appellent Garnier-sur-l'Yauë, qui est le nom d'un bourgeois de Paris[231].
Rue des Haudriettes. Elle aboutit à la rue de la Mortellerie et au quai de la Grève. Cette rue doit son nom à la chapelle qui y étoit située; et il ne paroît pas qu'elle en ait jamais eu d'autre. Quelques plans ne l'indiquent que sous le nom général de ruelle descendant à la Seine.
Rue Jean-de-l'Épine. Elle aboutit à la Grève et à la rue de la Coutellerie. Il paroît qu'elle doit son nom à Jean de l'Épine, dont la maison, suivant un cartulaire de Saint-Maur, de 1284[232], s'ouvroit dans la rue de Vieille-Oreille, et avoit sa sortie dans la place de Grève. Sauval dit, mais sans en donner des preuves, qu'elle s'est appelée autrefois rue de la Tonnellerie et du carrefour Guillori. Elle porte le nom de Philippe-l'Épine dans la liste du quinzième siècle; mais le premier nom a prévalu, et cette rue l'a depuis toujours conservé.
Rue Jean-Pain-Mollet. Elle commence à la rue des Arsis et aboutit au carrefour Guillori, vis-à-vis la rue Jean-de-l'Épine. Sauval seul dit qu'elle s'est nommée rue du Croc[233]. Elle étoit connue dès 1261[234] sous le nom de Jean-Pain-Mollet, qui étoit celui d'un bourgeois de Paris. Il ne paroît pas qu'elle en ait changé depuis.
Rue de la Lanterne. Elle aboutit d'un côté à la rue des Arsis, et de l'autre à la rue Saint-Bont. Dès le milieu du treizième siècle on la connoissoit sous le nom de ruelle de Saint-Bont. Elle est ainsi désignée dans l'accord fait entre Philippe-le-Hardi et le chapitre de Saint-Merri. On ne sait pas précisément à quelle époque elle prit le nom de la Lanterne, qui lui vient probablement d'une enseigne; mais elle le portoit en 1440, comme on peut le voir dans un contrat de vente de cette même année, qui se trouve dans les Archives de l'archevêché. Cependant de Chuyes l'appelle rue de la Dentelle, et l'auteur des Tablettes Parisiennes lui donne le même nom, quoiqu'on ne trouve aucun titre où elle soit indiquée ainsi.
Rue de la Levrette. Elle donne d'un côté dans la rue du Martroi, et de l'autre dans celle de la Mortellerie. Cette rue se prolongeoit autrefois jusqu'au quai de la Grève, sous le nom de rue Pernelle, dont elle conserve encore le nom dans cette extrémité. On voit dans un compte du domaine de 1491[235] qu'elle se nommoit à cette époque ruelle aux Poissons, et Sauval dit qu'en 1552 elle s'appeloit la rue des Trois Poissons[236]. Gomboust, qui publia son plan dans le siècle suivant, la nomme rue Pernelle.
Rue de Longpont. Elle commence vis-à-vis l'église de Saint-Gervais, et aboutit au quai de la Grève. Les religieux de Longpont y avoient sans doute un hospice au treizième siècle, car alors on la nommoit rue aux moines de Longpont. Au commencement du seizième, on l'appeloit rue du Port-Saint-Gervais, autrement de Longpont[237]. Elle a repris ce dernier nom et ne l'a pas quitté.
Rue du Martroi. Elle aboutit d'un côté à la place de Grève, et de l'autre à la rue du Monceau-Saint-Gervais. Nous avons déjà vu qu'on l'appeloit du Marteret, Martrai, et Martroi-Saint-Jean. Le censier de l'évêché de 1372 la nomme le Martelet-Saint-Jean. On la trouve aussi désignée sous le nom du Chevet-Saint-Jean, et de rue Saint-Jean dans plusieurs actes[238] et sur les plans du dix-septième siècle. On lui a ensuite donné le nom de Martroi, que portoit celle qui venoit y aboutir; et depuis ce nom a été altéré de différentes façons. Corozet l'appelle du Martel-Saint-Jean, d'autres du Maltois, Martrois et Martrai. L'étymologie de ce nom n'est pas facile à donner. Sauval[239] le fait dériver du vieux mot Martyretum, diminutif de Martyrium, qui, selon lui, signifie un tombeau, une châsse, un cimetière, une église. En admettant la signification qu'il donne à ce mot, un tel nom auroit plutôt convenu à la rue du Monceau-Saint-Gervais; cependant on ne voit point qu'on le lui ait jamais donné. Borel, dans son Trésor des recherches et antiquités gauloises[240], dit que le mot Martroi vient de Martyrium, qui signifie lieu de supplice. Cette étymologie paroît mieux fondée que celle de Sauval, d'autant plus que cette rue n'a porté ce nom que depuis que la place de Grève, où elle aboutit, a été destinée au supplice des criminels[241].
Rue de la Mortellerie[242]. La partie de cette rue qui est dans ce quartier commence à la Grève et finit au coin de la rue Geoffroi-l'Asnier. Il y a plusieurs opinions relativement à l'étymologie de son nom. Quelques-uns ont cru qu'elle l'avoit pris des meurtres qu'on y commettoit autrefois. Sauval prétend qu'elle le doit à Pierre et à Richard Le Mortelier, qui y demeuroient en 1358[243]; qu'on la nomma à cause d'eux Mortelière, ensuite de la Mortiellerie, et enfin de la Mortellerie. Jaillot pense que ce nom vient des Morteliers, espèce d'ouvriers qui emploient la chaux et le plâtre, et dont il est parlé dans les réglements de la marchandise. Quoi qu'il en soit, si cette rue doit son nom à une famille des Mortelier, elle le portoit long-temps avant l'époque que Sauval lui assigne; car elle est nommée rue de la Mortellerie dans un acte de 1212, et Mortelleria dans un autre de 1264[244], ainsi que dans des lettres de Simon, évêque de Paris en 1289. Guillot et le rôle de 1313 l'appellent aussi la Mortellerie, et il ne paroît pas que ce nom ait varié[245].
Rue du Mouton. Elle aboutit à la rue de la Tixeranderie et à la place de Grève. Son nom est dû à l'enseigne d'une maison qui probablement le devoit elle-même au propriétaire: car, au treizième siècle, Jean Mouton en possédoit deux en cet endroit. Cette maison est appelée domus de ariete, et domus arietis dans le cartulaire de Saint-Maur de 1263[246].
Rue Pernelle. Elle fait la continuation de la rue de la Levrette, et va depuis celle de la Mortellerie jusqu'au quai de la Grève. Sur la plupart des anciens plans, elle n'est pas distinguée de celle de la Levrette. L'abbé Lebeuf l'appelle Peronelle[247]. Elle n'étoit anciennement connue que sous le nom général de ruelle de Seine. Corrozet paroît l'indiquer sous celui de ruelle du Port-au-Blé. La Caille la nomme Pernelle ou Prunier.
Rue du Pet-au-diable[248]. Elle va de la rue de la Tixeranderie au cloître Saint-Jean. La singularité de ce nom a engagé plusieurs auteurs à en chercher la véritable étymologie. Sauval, que les historiens modernes ont copié, dit que[249] ce nom vient d'une ancienne tour carrée qui y étoit située, et qu'on nommoit autrefois la Synagogue, le Martelet-Saint-Jean, le vieux Temple, et l'hôtel du Pet-au-Diable[250], par dérision des Juifs. Cette étymologie nous semble fausse, attendu qu'il ne paroît pas naturel que les Juifs eussent une synagogue dans cet endroit, puisqu'ils en possédoient certainement une dans la rue de la Tacherie, qui en est voisine. On donne au nom de cette rue une autre origine, qui a l'air d'une plaisanterie, et qui cependant pourroit bien être la véritable. On suppose que la maison et la tour dont il s'agit ont été possédées et occupées par un particulier appelé Petau, qui étoit si méchant qu'on le surnomma Diable, et que son nom est resté à la rue. Le poète Villon, dans son Grand Testament, parle d'un roman qui portoit le même nom.
Je lui donne ma librairie
Et le roman du Petau-Diable.
Cette rue n'étoit autrefois qu'une ruelle que l'auteur des Tablettes Parisiennes appelle par inadvertance ruelle Tournai, ayant mal entendu ces deux vers de Guillot, qui dit simplement qu'il tourna dans une ruelle.
..... En une ruelle tournai
Qui de Saint-Jean voie à Porte.
Corrozet et Bonfons indiquent seulement une rue au Chevet-Saint-Jean. Le rôle de 1636 l'appelle rue du Cloître-Saint-Jean; mais de Chuyes, Boisseau, Gomboust, la nomment rue du Pet-au-Diable.
Rue Planche-Mibrai. Elle commence en face du pont Notre-Dame, et aboutit à la rue des Arsis. On disoit simplement, en 1300, le Carrefour de Mibrai, en 1313 les Planches de Mibrai, et en 1319 les Planches dou petit Mibrai. Ce n'étoit alors qu'une ruelle qui conduisoit à la rivière. Il y avoit en cet endroit des moulins et un pont de planches pour y conduire[251]. Quelques-uns ont pensé que le nom de Mibrai venoit de ce que le bras de la rivière qui passoit auprès n'avoit que la moitié de la largeur de la rue. René Macé, moine de Vendôme, dans son poëme manuscrit intitulé le Bon Prince, en donne une étymologie plus juste.
L'empereur vient par la Coutellerie
Jusqu'au Carfour nommé la Vannerie,
Où fut jadis la Planche de Mibray:
Tel nom portoit pour la vague et le bray[252]
Getté de Seyne en une creuse tranche,
Entre le pont que l'on passoit à planche,
Et on l'ôtoit pour être en seureté, etc.
La construction du pont Notre-Dame mit dans la nécessité d'élargir la ruelle de Mibrai[253].
Rue des Plumets. C'est une ruelle qui descend de la rue de la Mortellerie sur le quai de la Grève, entre les rues Pernelle et de Longpont. Elle ne porte aucun nom sur les anciens plans; il paroît que c'est elle que Corrozet indique sous celui de ruelle du Petit-Port-Saint-Gervais.
Rue des Deux-Portes. Elle traverse de la rue de la Tixeranderie dans celle de la Verrerie. Cette rue doit son nom aux portes qui la fermoient anciennement à ses extrémités, et non aux portes d'une ancienne enceinte, comme l'ont pensé quelques auteurs modernes. En 1281 elle se nommoit rue entre deux Portes, et en 1300 rue des Deux-Portes. On la trouve aussi quelquefois sous le nom de rue Galiace ou des Deux-Portes.
Rue de la Poterie. Elle donne d'un bout dans la rue de la Verrerie, et de l'autre au carrefour Guillori. Sauval[254] et quelques autres disent que cette rue s'appeloit autrefois de Vieille-Oreille, et par corruption Guigne-Oreille et Guilleri. Nous avons déjà remarqué qu'on avoit confondu cette rue et d'autres avec le carrefour où elles aboutissent. Le cartulaire de Saint-Maur de 1263 et 1264 indique et distingue le carrefour et les deux rues, in vico qui dicitur Poteria, in vico veteris Auris, in quadrivio veteris Auris. Sauval a avancé que le nom de cette rue étoit dû à Guillaume et Gui Potier, qui avoient leur maison en cet endroit dans le treizième siècle, ainsi qu'on le lit dans le cartulaire cité ci-dessus. Jaillot pense qu'il ne vient ni d'eux ni de leurs ancêtres, attendu qu'on trouve dans les archives de Saint-Martin-des-Champs un acte de donation fait en 1172, dans lequel cette rue est nommée Figularia[255], ce qui prouve qu'elle le tenoit des potiers qui s'y étoient établis long-temps auparavant. Le nom de la rue de la Poterie n'a pas varié depuis: on la nommoit Poteria dès 1228[256].
Rue du Pourtour. On donne ce nom à la continuation de la rue du Monceau-Saint-Gervais jusqu'à la place Baudoyer. On l'appeloit anciennement le Monceau-Saint-Gervais, et en 1300 rue du Cimetière, parce que l'enclos du cimetière s'étendoit alors jusqu'à la place; ce n'est qu'en 1473 qu'on en prit une partie pour y bâtir des maisons. Corrozet la nomme rue Saint-Gervais. Elle fut élargie de sept pieds en 1583, ainsi que l'indiquoit une inscription rapportée par le même auteur.
Rue Renaud-Le-Fèvre. Elle aboutit à la place Baudoyer et au cimetière ou marché Saint-Jean. Ce n'étoit qu'une ruelle au seizième siècle, laquelle n'étoit alors désignée que sous ce nom général de ruelle par laquelle on va au cimetière Saint-Jean, ainsi qu'on le voit dans la déclaration de l'abbaye Saint-Antoine, en 1522. Le nom de cette rue n'a varié depuis que dans l'orthographe, Regnault, Regnaud Le Feure, Le Fèvre. La Caille la nomme Renard-le-Fèvre.
Rue de la Tâcherie. Elle aboutit d'un côté à la rue de la Coutellerie, et de l'autre à la rue Jean-Pain-Mollet. C'étoit anciennement le lieu de la demeure et des écoles ou synagogue des Juifs[257]: aussi n'est-elle désignée, dans les anciens titres, que sous le nom de Juiverie. Dans les lettres de l'official de Paris de 1261, elle est nommée Judæaria sancti Boniti[258]; dans l'accord de Philippe-le-Bel avec le chapitre de Saint-Merri, Judæaria; et vetus Judæaria en 1284, dans le cartulaire de Saint-Maur[259]. Dès 1300 elle avoit pris le nom de la Tâcherie, comme on peut le voir dans Guillot, et il ne paroît pas qu'elle en ait changé depuis[260].
Rue de la Tannerie. Elle va de la rue Planche-Mibrai à la place de Grève. Cette rue portoit ce nom en 1300, puisque Guillot en fait mention. Sauval dit, sans en donner de preuves bien solides, qu'en 1348 elle s'appeloit ruelle de la Planche-aux-Teinturiers, et depuis rue de l'Écorcherie[261].
Rue de la Vieille-Tannerie. Cette rue, qui aboutit de la rue de la Tannerie au bord de la rivière en passant sous le quai, portoit aussi le nom de Simon-Finet, qu'elle vient de reprendre dans la nouvelle nomenclature faite depuis quelques années. Elle le devoit à Simon Finet, dont le père obtint, le 5 juin 1481, la permission de ficher quatre pieux en la rivière de Seine, pour soutenir un quai derrière sa maison, faisant le coin d'une petite ruelle qui va à Seine. (Arch. de l'archevêché.)
Rue des Teinturiers. Elle traverse de la rue de la Vannerie à celle de la Tannerie. Les censiers du quinzième siècle et le compte des Anniversaires de Notre-Dame de 1482 ne la désignent que comme une ruelle qui va de la Tannerie en la Vannerie. Il paroît, par le plan de Gomboust, qu'on lui donnoit un nom qui n'est pas honnête, et qui ne devoit s'appliquer qu'au bout qui donne sur la rivière; car, suivant de Chuyes, cette rue s'appeloit depuis long-temps des Teinturiers, à cause des artisans de cette profession que le voisinage de la rivière avoit engagés à s'y établir. L'autre bout étoit nommé de l'Archet, comme nous l'avons remarqué dans l'article de la rue de la Tannerie. On l'a depuis appelé Navet et des Trois-Bouteilles, à cause d'une enseigne.
Rue de la Tixeranderie[262]. Elle aboutit d'un côté au carrefour Guillori, de l'autre à la place Baudoyer. Le commencement de cette rue, du côté du carrefour jusqu'à la rue du Mouton, se nommoit rue de Vieille-Oreille[263], nom qui, comme nous l'avons remarqué, fut donné à plusieurs des rues qui aboutissoient au carrefour Guillori; le reste s'appeloit de la Tixeranderie, comme on le voit dans un contrat du mois de décembre 1263, inséré dans le Trésor des chartes. Il ne paroît pas qu'elle ait porté d'autre nom que celui-ci, nom qu'elle devoit probablement aux tisserands qui l'habitoient. En 1300 on l'appeloit la Viez-Tisseranderie; on la trouve même indiquée dès 1293 dans un amortissement fait à Saint-Nicolas-du-Louvre[264].
Rue de la Vannerie. Elle va de la rue Planche-Mibrai à la place de Grève. Sauval dit que cette rue s'appeloit en 1269 vicus in Avenariâ, et rue de l'Avoinerie en 1296. Jaillot croit que c'est une faute du copiste, parce que, dit-il, dans une transaction entre le sieur Saint-Germain et le prieur de Saint-Éloi[265], passée au mois de novembre 1162, elle est appelée Vaneria; elle porte le même nom dans l'accord de Philippe-le-Hardi avec le chapitre de Saint-Merri; Guillot et le rôle des taxes de 1313, la nomment la Vannerie. On l'a quelquefois distinguée en Haute et Basse-Vannerie[266].
QUAIS.
Le Port-au-Blé. Il fait la continuation du quai de la Grève jusqu'à la rue Geoffroi-l'Asnier. Son nom indique assez à quel usage il étoit destiné. Cet usage n'a point changé.
Quai de la Grève. Il règne depuis la place à laquelle il doit son nom jusqu'au coin de la rue des Barres. C'étoit autrefois un chemin qui, en 1254, se nommoit vicus Merrenorum, la rue des Merreins[267]. Dès ce temps-là et depuis, jusqu'à nos jours, ce lieu a toujours été destiné à la décharge du charbon, du foin et autres marchandises qui arrivent par eau en cet endroit.
Quai Pelletier ou quai Neuf. Ce quai, qui commence à l'entrée de la rue Planche-Mibrai, a pris son nom de Claude Pelletier, prévôt des marchands, qui le fit construire en 1675 par Pierre Bullet, habile architecte. Auparavant on ne voyoit, depuis la Grève jusqu'au pont Notre-Dame, que quelques vieilles maisons habitées par des tanneurs et des teinturiers, dont les travaux infectoient ce quartier. Il fut ordonné, par arrêt du conseil du 24 février 1673[268], qu'ils iroient s'établir au faubourg Saint-Marcel et à Chaillot; et, par un second arrêt du 17 mars de la même année, le roi ordonna que le quai de Grève seroit continué sur cet emplacement, depuis la première culée du pont Notre-Dame; ce qui fut exécuté en deux années par le magistrat que nous venons de nommer. Tout le trottoir en est porté sur une voussure d'une coupe très-hardie; il se termine à la place de Grève.
MONUMENTS NOUVEAUX
ET RÉPARATIONS FAITES AUX ANCIENS MONUMENTS DEPUIS 1789.
Hôtel-de-Ville. La cour de ce monument a reçu une décoration nouvelle. On y arrive par un double perron; et cette cour, qui forme un carré, est entourée de portiques ornés de colonnes ioniques. On compte de chaque côté sept arcades que surmontent autant de fenêtres cintrées et accompagnées de colonnes corinthiennes. Le couronnement est formé par des fenêtres détachées du toit; qui sont des restes de la construction primitive. L'arcade en face du perron fait saillie, et au milieu de deux colonnes de marbre dont elle est décorée, on a replacé une statue pédestre et en bronze de Louis XIV. Le monarque est appuyé d'une main sur un casque; un lion est à ses pieds. C'est un ouvrage d'un assez beau dessin, mais d'un style maniéré qui rappelle celui du dix-septième siècle.
Dans le cintre de la façade on a rétabli en stuc la statue équestre de Henri IV. Cette sculpture, d'un mauvais dessin, est encore d'une plus mauvaise exécution.
L'église Saint-Jean-en-Grève. Dans ce qui reste encore des bâtiments de cette église, ont été placées les archives et la bibliothèque de la ville. C'est dans une salle de ces bâtiments, que l'on avoit restaurée à cet effet, que fut tenu le grand Sanhédrin.
L'église Saint-Gervais. Dans une des chapelles de cette église on voit un très-beau tableau de Blondel, représentant le martyre de sainte Juliette et celui de son fils Saint-Cyr (donné par la ville en 1819); dans une autre chapelle un Ecce homo, peint par Rouget, qui offre aussi de très-belles parties; dans une troisième chapelle, une sculpture assez médiocre, représentant le même sujet; enfin, dans la chapelle située à droite de celle de la Vierge, une descente de croix moulée, groupe de six figures et d'un très-bel effet.
RUES NOUVELLES.
Rue Frileuse. Elle va de la rue de la Mortellerie sur le quai.
Rue Hyacinthe. Cette rue suit la même direction. Elle est fermée par une porte du côté du quai.
Rue des Trois-Maures. Elle suit la même direction que les deux précédentes[269].