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Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours (Volume 4/8)

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CURIOSITÉS DE SAINT-NICOLAS-DES-CHAMPS.

TABLEAUX ET SCULPTURES.

Sur le maître-autel, une Assomption peinte par Vouet, et deux anges sculptés par Sarrazin.

Deux médaillons sur les portes des deux côtés de l'autel, représentant saint Nicolas et saint Jean, par Robin.

Dans la chapelle de la Communion, saint Charles Borromée donnant la communion aux pestiférés, par Godefroy. Cette chapelle avoit été décorée, quelques années avant la révolution, par Boullan, architecte.

SÉPULTURES.

Plusieurs personnes distinguées par leur savoir et leurs talents avoient été inhumées dans cette église, entre autres:

Guillaume Budé, savant illustre, mort en 1540;

Théophile Viau, poète françois, mort en 1626;

Pierre Gassendi, astronome, mort en 1655;

Henri et Adrien de Valois, savants antiquaires, morts en 1676 et 1692;

François Milet, connu sous le nom de Francisque, fameux peintre de paysage, mort en 1680;

Magdeleine de Scudéri, célèbre dans le dix-septième siècle par ses productions littéraires, morte en 1701, etc.

Les chapelles de Brief, d'Ormesson et de Montmort contenoient des monuments consacrés à la mémoire de divers membres de ces familles.

Il y avoit dans cette église une confrérie sous le nom de Notre-Dame de Miséricorde, dont les membres faisoient vœu d'exercer continuellement des actes de charité envers les pauvres malades de la paroisse.

La dévotion à saint Nicolas y avoit introduit autrefois un usage assez bizarre: les registres du parlement nous apprennent que, sous le règne de François Ier, les enfants de chœur de Notre-Dame célébroient la fête de ce saint en se donnant en spectacle au milieu des rues qui conduisoient à son église, et qu'ils s'y rendoient ainsi, faisant mille postures ridicules et débitant des facéties par le chemin. Sauval marque que des excès commis en 1525 par des gens mal intentionnés qui se mêlèrent parmi eux attirèrent les plaintes de la cour; que sur ses réclamations le chapitre jugea à propos d'y mettre ordre, et qu'on s'en tint par la suite à un salut que ces enfants alloient chanter à cette église, accompagnés des chantres et des chapelains[64].

CIRCONSCRIPTION.

Pour faire le tour de la partie principale de cette circonscription, il falloit, partant de l'église par le côté gauche de la rue Saint-Martin, aller jusqu'à la rue Grenier-Saint-Lazare. La paroisse avoit les deux côtés de cette rue, puis les deux côtés de la rue Michel-le-Comte et de la rue Sainte-Avoie jusqu'à l'hôtel de Beauvilliers inclusivement. Elle avoit également les deux côtés de la rue de Braque, le côté gauche de la rue du Chaume et de celles du Grand-Chantier et d'Anjou; les rues de Poitou, de Limoges, de Boucherat en entier, et le côté gauche de la rue des Filles-du-Calvaire. Au bout de cette dernière rue on tournoit à gauche pour prendre le boulevart jusqu'à la porte Saint-Martin, et l'on suivoit le côté gauche de la rue qui porte le même nom jusqu'à l'église, point de départ.

Ses écarts étoient nombreux. Elle possédoit trois groupes de maisons séparées du corps de la paroisse par le territoire de Saint-Merri, et quelques autres petites portions dans d'autres rues. Ces diverses portions étoient disséminées dans les rues Beaubourg, des Ménétriers, des Étuves, de la Corroyerie, Maubué, aux Ouës, Quincampoix et Saint-Denis.

LE PRIEURÉ ROYAL DE SAINT-MARTIN-DES-CHAMPS.

On ne peut révoquer en doute ni l'antiquité ni la célébrité du culte de saint Martin. Les historiens contemporains attestent que, peu de temps après sa mort, son tombeau devint le pélerinage le plus fréquenté du royaume. Nos rois de la première race voyoient en lui le saint tutélaire de la France, et le protecteur de leur couronne. Ils faisoient porter sa chape au milieu des batailles, la regardant comme un bouclier qui les mettoit à couvert des traits de l'ennemi, et c'étoit sur cette relique que se prononçoient les sermens solennels alors en usage. On vit dans presque toutes les villes, s'élever des églises sous son invocation; d'où l'on peut conclure que Paris ne fut pas la dernière à honorer un si grand saint, et qu'au sixième siècle, ou du moins au commencement du septième, il y avoit dans cette capitale une église ou une chapelle bâtie sous son nom. Mais les historiens sont loin d'être d'accord entre eux à ce sujet. Ils parlent d'un monastère ou abbaye de Saint-Martin, sans nous apprendre quand ni par qui cette basilique fut fondée. On ignore même le lieu où elle étoit située. Les uns la placent au midi, les autres au nord; ceux-ci croient qu'elle s'élevoit près de la porte septentrionale, ceux-là à l'endroit même où sont encore aujourd'hui les restes du prieuré de Saint-Martin-des-Champs; et ces opinions opposées, que soutiennent des savans distingués par leur profonde érudition, sont appuyées de témoignages qui leur donnent également un air de vérité. Sans prétendre rien décider, nous allons exposer ce qui nous a paru être le plus vrai, ou du moins le plus vraisemblable, après avoir examiné les longues discussions des auteurs qui ont traité ce point obscur des antiquités de Paris.

Les deux principales opinions qui ont partagé les historiens du prieuré de Saint-Martin-des-Champs sont fondées sur deux passages de Grégoire de Tours, dans lesquels il fait mention du lieu où, de son temps, saint Martin étoit honoré. Dans l'un il dit, que Domnole, abbé de Saint-Laurent, ayant appris que le roi Clotaire vouloit le mettre sur le siége épiscopal d'Avignon, vint à la basilique de Saint-Martin, où ce prince faisoit sa prière[65]. Dans l'autre, parlant de l'incendie qui consuma une partie de la ville de Paris en 586, il ajoute, que le feu s'étendit jusqu'à un oratoire qu'on avoit bâti près de la porte en l'honneur de saint Martin, lequel avoit autrefois guéri un lépreux en cet endroit[66].

Ceux qui placent le monastère de Saint-Martin au nord de la ville, croient le reconnoître dans la basilique dont parle Grégoire de Tours. Dans cette hypothèse, elle étoit voisine de celle de Saint-Laurent, dont Domnole étoit abbé, et cette proximité leur semble une probabilité de plus, puisqu'il est dit que ce saint moine vint y trouver Clotaire. Cependant une telle explication de ce texte a été justement contestée.

En effet, cet historien ne dit point que Clotaire fût alors à Paris. Cette ville n'étoit point dans son partage en 559, époque où se passa cet événement; il ne régna seul sur les François qu'en 560. Il paroît plus vraisemblable de croire qu'il parle en cet endroit de la basilique de Saint-Martin de Tours, où étoit le tombeau du saint évêque, et où l'on accouroit alors en pélerinage de toutes les parties de la France. De plus, quand ce prélat, dans le cours de son histoire, dit simplement la basilique de Saint-Martin, sans désigner un pays particulier, il veut toujours indiquer celle qui étoit près de sa ville épiscopale. Cette conjecture acquiert presque le caractère d'une preuve, 1o par un passage de la vie de saint Lubin[67], où il est dit qu'un incendie considérable, arrivé en 547, et miraculeusement arrêté par les prières de ce saint, commença du côté de Saint-Laurent; 2o par un autre passage de Grégoire de Tours[68], dans lequel, parlant de l'inondation de 583, il ajoute que cet événement causa plusieurs naufrages entre la ville et l'église Saint-Laurent. S'il y eût eu un monastère, une abbaye ou une basilique de Saint-Martin au lieu même où elle fut depuis élevée, il est probable que cet historien et l'auteur de la vie de saint Lubin en auroient fait mention par préférence à une église qui n'étoit pas aussi remarquable, et dont la situation étoit plus éloignée; d'où l'on peut conclure presque avec certitude qu'à l'époque dont parle Grégoire dans son premier passage, il n'existoit point encore de basilique de Saint-Martin au nord de la ville.

D'autres historiens, s'appuyant du second passage du même auteur, relatif à l'incendie de 586, et dont nous avons rapporté la substance, ont métamorphosé l'oratoire dont il parle en une basilique, et l'ont placé au milieu de la ville: il y a deux erreurs manifestes dans cette assertion. En effet, 1o, cet oratoire, suivant l'historien même, n'étoit qu'une très-petite chapelle couverte de branchage, bâtie depuis peu par un simple particulier, qui vivoit encore à l'époque où il écrivoit, et qui s'y réfugia pour se garantir de l'incendie. 2o. Cet oratoire étoit au nord, car Grégoire de Tours dit expressément que le feu commença par la première maison près de la porte méridionale, et que par la force du vent il s'étendit jusqu'à l'autre porte, où il y avoit un oratoire bâti en l'honneur de saint Martin, parce qu'il avoit guéri un lépreux dans ce lieu même en l'embrassant[69]. Or cette autre porte ne pouvoit être que la porte septentrionale. D'ailleurs les mots urbs et civitas, employés par cet auteur, ne peuvent et ne doivent s'entendre que de la ville, de la cité, et non des faubourgs ouverts du côté du midi.

Il est probable que cette chapelle de Saint-Martin ne subsista pas long-temps[70], et il y a des preuves que, dès le dix-huitième siècle, il y avoit une autre église érigée au nord sous l'invocation du saint évêque de Tours: car il existe une charte de Childebert III, sous la date de 710[71], qui porte formellement que «la foire de Saint-Denis avoit été transférée depuis quelque temps entre les églises de Saint-Laurent et de Saint-Martin;» mais comme rien n'indique le lieu où elle étoit précisément située, chaque auteur a formé encore sur ce sujet des conjectures plus ou moins probables. L'abbé Lebeuf place cette église vers l'endroit où se trouve aujourd'hui Saint-Jacques-de-la-Boucherie[72], et il fonde son opinion sur ce que, dans un acte du dixième siècle, le terrain de Saint-Martin est marqué comme contigu à celui de Saint-Merri et de Saint-George, depuis Saint-Magloire; mais outre qu'un acte du dixième siècle ne peut établir l'état de ce qui existoit au huitième, on ne peut disconvenir qu'à cette dernière époque il y avoit une enceinte dans laquelle Saint-Jacques-de-la-Boucherie et ses environs jusqu'au-delà de Saint-Merri étoient renfermés, et par conséquent à l'abri de la fureur des Normands: or, il y a des preuves sans nombre et sans réplique qu'ils détruisirent l'église de Saint-Martin, et que la ville fut préservée de leur dévastation par l'enceinte septentrionale qui la défendoit de ce côté, d'où il faut nécessairement conclure que la basilique de Saint-Martin étoit bâtie au-delà.

Dans le concours de ces différentes opinions on pourroit avancer avec beaucoup de probabilité que le monastère ou abbaye de Saint-Martin étoit, dès son origine, au lieu où on le voyoit encore avant la révolution. Ce sentiment est fondé sur les titres mêmes qui constatent sa reconstruction. Henry Ier, dans son diplôme de 1060[73], dit «qu'il y avoit devant la porte de la ville de Paris une abbaye en l'honneur de saint Martin, qui avoit été tellement détruite par la rage tyrannique des Normands, qu'il ne sembloit presque pas qu'elle eût existé, quasi non fuerit, omninò deletam.» La charte de Philippe Ier, de l'an 1067[74], présente les mêmes expressions, et dit qu'elle étoit presque réduite à rien, penè ad nihilum redactam. Ces termes nous donnent certainement à entendre que cette abbaye n'existoit plus, mais qu'il en restoit encore des vestiges. Le premier de ces diplômes indique qu'elle étoit située devant la porte, ante parisiacæ urbis portam. Plusieurs auteurs ont conclu que ces expressions signifioient le grand Châtelet; mais ils n'ont pas pensé que, la partie septentrionale de la ville étant environnée d'une enceinte, la porte dont il est fait mention dans ce diplôme devoit être celle qui étoit alors près de Saint-Merri, et qui subsistoit dès le temps du roi Dagobert, puisqu'il est prouvé par des titres authentiques qu'il en fit don à l'abbaye de Saint-Denis[75].

On pourroit peut-être objecter que les mots devant la porte ne conviennent pas au lieu où l'église de Saint-Martin étoit située, lequel étoit à une distance assez éloignée de cette porte et dans la campagne, ce qui fit donner à cette église le surnom de Saint-Martin-des-Champs. À cette objection on répond que c'étoit la seule expression dont on pût se servir pour marquer qu'elle étoit située dans la rue qui conduisoit directement à l'entrée de la ville. On a plusieurs exemples de cette manière de s'exprimer. L'église de Saint-Germain-des-Prés étoit encore plus éloignée de la porte méridionale; cependant Childebert dit qu'il avoit commencé à la faire bâtir in urbe parisiacæ propè muros civitatis; et dans un diplôme de Lothaire et de Louis-le-Fainéant la chapelle de Saint-Magloire est dite haud procul à mænibus; enfin la charte de Philippe Ier, déjà citée, nous apprend que Henri Ier avoit fait réédifier cette abbaye, et elle ne dit pas que ce fût dans un autre endroit, Henricus eam renovare et reædificare studuerat. Il paroît donc très-vraisemblable que ce prince fit reconstruire l'église et le monastère de Saint-Martin au même lieu, ou à peu près, sur lequel l'ancien avoit été bâti; mais on ignore l'année précise de cette reconstruction, et la recherche de cette date a encore beaucoup occupé les savants. Nous ne les suivrons pas dans cette aride discussion, qui ne nous donneroit aucun résultat satisfaisant[76].

Henri Ier avoit choisi des chanoines séculiers pour desservir l'église de Saint-Martin; Philippe Ier leur substitua en 1079 des religieux de Cluni[77]. Ce changement fit perdre à cette église le titre d'abbaye; ce ne fut plus alors qu'un prieuré, qui étoit le second de cet ordre. Cette cession fut approuvée en 1097 par une bulle d'Urbain II. Louis-le-Gros en 1111, et Louis-le-jeune en 1137, confirmèrent aussi tous les priviléges et toutes les possessions des religieux de Saint-Martin; elles sont détaillées dans cette dernière charte qu'on appelle par cette raison la grande charte de Saint-Martin[78].

Cette maison eut d'abord des prieurs réguliers. Au commencement du dix-septième siècle, ils furent changés en prieurs commendataires. Quelques-uns d'entre eux ont été abbés de Cluni, évêques et cardinaux, et ce monastère a produit plusieurs religieux qui ne se sont pas rendus moins recommandables par leur érudition que par leurs vertus.

Ces religieux étoient seigneurs dans leur enclos, et ils y avoient en conséquence un bailliage et une geôle ou prison. Ce bailliage connoissoit de toutes les causes civiles et criminelles dans l'étendue de son ressort. Les appels se relevoient au parlement.

L'église de Saint-Martin ne conservoit que le sanctuaire et le fond de l'ancien édifice bâti dans le onzième siècle. Ce fond, qui se terminoit en rond, étoit appelé carole, par corruption du mot latin choraula, rond-point. Quelques antiquaires, ignorant l'étymologie de ce nom, ont imaginé qu'il tiroit son origine d'une image miraculeuse qui y fut placée du temps de Charles VI[79]; mais l'abbé Lebeuf a prouvé que ce nom de carole existoit dès le quatorzième siècle, et qu'il étoit en usage dans d'autres pays. La tour des grosses cloches étoit aussi du genre de construction en usage sous Henri Ier et sous Philippe; le grand portail paroissoit être également du même temps. Quant au chœur et à la nef, ils étoient d'un style d'architecture bien postérieur. Ces deux parties de l'édifice formoient un grand vaisseau fort large sans piliers, sans ailes et sans voûte; il étoit simplement lambrissé, et paroissoit avoir été élevé vers le règne de Philippe-le-Bel.

Au commencement du dix-huitième siècle, cette église fut réparée, décorée d'une nouvelle façade, et revêtue d'une riche boiserie, dans laquelle on encadra de très-bons tableaux. Les bâtiments religieux furent reconstruits à la même époque sur les dessins d'un architecte nommé Le Tellier. La façade sur le jardin avoit soixante-deux pieds de longueur sur dix de largeur, et environ quarante-cinq pieds de hauteur. Un pavillon de sept toises et demie de face, formant avant-corps au milieu, offroit les armes du roi sculptées dans son fronton; les dimensions des deux ailes présentoient une longueur de vingt-deux toises sur cinq de largeur. C'étoit dans une de ces ailes qu'étoit la bibliothèque.

On admiroit le réfectoire bâti sur les dessins de Montereau, à cause de la légèreté de son architecture gothique, de la hardiesse de la voûte, et de la délicatesse des piliers qui la soutenoient.

CURIOSITÉS DE SAINT-MARTIN-DES-CHAMPS.

TABLEAUX.

Dans la nef de l'église, quatre tableaux de Jouvenet.

  • 1. J.-C. chassant les marchands du temple.
  • 2. La résurrection de Lazare.
  • 3. J.-C. à table chez les Pharisiens.
  • 4. Les apôtres jetant leurs filets[80].

Au-dessus du maître-autel, une Nativité, par Vignon.

Dans le chœur, le Centenier, par Cazes; l'Aveugle-né, par Lemoine; l'entrée de J.-C. dans Jérusalem, par J. B. Vanloo; le Paralytique sur le bord de la Piscine, par Restout père.

Dans la salle du chapitre, une Annonciation, par Cazes; une Adoration des mages, par Oudry; une Présentation au temple, par Carle Vanloo; les Noces de Cana, par Louis-Michel Vanloo.

Dans le réfectoire, J.-C. dans le désert, par Nicolas Poilly; la Vie de saint Benoît, représentée dans onze petits tableaux, par Louis Sylvestre.

La bibliothèque étoit composée d'environ quarante mille volumes, parmi lesquels il y avoit beaucoup de manuscrits. On y voyoit aussi deux très-beaux globes de Coronelli.

TOMBEAUX.

Dans l'église avoient été inhumés: Philippe de Morvilliers, premier président au parlement, et Jeanne du Drac son épouse, fondateurs en cette église d'une chapelle de saint Nicolas[81].

Pierre de Morvilliers, chancelier de France, leur fils, mort en 1476.

Dans la chapelle dite de Saint-Michel, située au midi de l'église Saint-Martin, à la distance de vingt pas, étoient les sépultures de tous ceux qui composoient la famille des Arrodes, anciens bourgeois de Paris du treizième siècle. Ces tombes étoient au nombre de trente-deux, à commencer par celle de Nicolas Arrode, fondateur de cette chapelle[82], et mort en 1252. Les plus nouvelles ne passoient pas le quatorzième siècle, et leurs épitaphes, conservées par dom Marrier, sont remarquables pour l'orthographe.

L'église Saint-Martin possédoit un petit ossement de son patron, et plusieurs autres reliques qui, quoique peu authentiques, jouissoient à Paris d'une grande réputation[83].

LES FILLES DE LA MAGDELEINE.

Voici encore une de ces institutions créées par cet amour de l'ordre et cet esprit de charité que la religion répandoit autrefois à Paris dans toutes les classes de la société. Ce n'étoit pas seulement dans les plus illustres maisons, parmi ceux à qui leur rang et leurs richesses rendoient ces vertus plus faciles, que l'on rencontroit de ces bienfaiteurs de l'humanité souffrante; il n'étoit pas rare de trouver dans les classes les plus obscures des hommes à qui la piété inspiroit de ces généreux desseins que sans elle ils n'eussent jamais eu la force de concevoir et d'exécuter. En 1618, deux filles, engagées dans le libertinage et tombées dans l'abandon et la misère qui en sont les suites ordinaires, trouvèrent le moyen de faire connoître leur situation au sieur Robert Montri, marchand de vin, que sa bienfaisance et la sainteté de ses mœurs rendoient respectable à tout son quartier. En implorant ses secours, elles lui témoignèrent un tel repentir de leurs égarements, un désir si vif de sortir de leur malheureux état et de se convertir, que cet homme charitable, touché de leur affliction, les retira chez lui, et forma dès-lors le projet de procurer une retraite à celles qui voudroient suivre leur exemple. Après s'être assuré par une courte épreuve de la sincérité de leurs résolutions, il engagea la dame Chaillou qui demeuroit près de la porte Saint-Honoré, à se charger de ces deux infortunées; mais cette dame ayant rompu peu de temps après l'engagement qu'elle avoit pris avec lui, Montri fit rentrer ces filles dans sa propre demeure, située près de la Croix-Rouge, et en prit une autre à loyer où il alla s'établir avec sa famille. À peine cet asile eut-il été ouvert que quelques autres filles vinrent se joindre aux premières. Les Bénédictines de l'abbaye Saint-Germain-des-Prés, dans la censive desquelles se trouvoit la maison qu'elles occupoient, leur accordèrent la permission d'avoir une chapelle qui fut bénite, et dans laquelle on dit la première messe le 25 août de la même année 1618.

L'accroissement rapide de cet établissement démontra bientôt combien il étoit utile: il s'agissoit d'en assurer la stabilité en lui procurant des ressources suffisantes, ce qui étoit au-dessus des moyens du pieux fondateur; mais il ne tarda pas à trouver des coopérateurs d'une si bonne œuvre. M. Dupont, curé de Saint-Nicolas-des-Champs, le P. Athanase Molé, capucin, et M. Dufresne, officier aux gardes, entrèrent d'abord dans ses vues et apportèrent les premiers secours; ils furent bientôt heureusement secondés par une main plus puissante. Marguerite-Claude de Gondi, veuve de Florimond d'Halluyn, marquis de Maignelay, se déclara fondatrice du nouvel établissement. Déjà celles qui le composoient, sentant les dangers auxquels les exposoit la liberté qu'elles avoient de sortir et de revoir le monde qu'elles vouloient entièrement quitter, avoient demandé la clôture et l'avoient obtenue: elles abandonnèrent alors la demeure de Montri, et ce fut madame de Maignelay qui acheta, de ses propres deniers, la maison située rue des Fontaines, que ces religieuses ont occupée jusqu'au moment de la révolution. Elle les en rendit propriétaires en les y installant le 29 octobre 1620, et joignit à ce premier bienfait un legs de 101,600 livres, somme très-considérable pour ce temps-là, quoique insuffisante encore pour tous les besoins d'une communauté.

Louis XIII, informé qu'un établissement dont on retiroit des avantages si considérables n'avoit pas encore tous les moyens nécessaires pour se soutenir, voulut aussi être au nombre de ses bienfaiteurs, et lui assigna une somme de 3000 livres, à prendre chaque année sur la recette générale de Paris. Le brevet de ce prince, daté du mois de mai 1625, fut enregistré au bureau des finances le 11 février 1626.

Comme une institution de cette nature ne peut se maintenir que par la sagesse et la prudence de son administration, on jugea qu'il n'étoit pas convenable de la confier à des personnes sans expérience, et dont la ferveur et le repentir ne pouvoient remplacer les talents nécessaires à un ministère aussi difficile et aussi délicat. Il fut donc décidé qu'on chercheroit hors de la maison les personnes à qui seroit remis le soin de la gouverner. Les religieuses de la Visitation de Sainte-Marie acceptèrent cette direction qu'on vint leur offrir; M. de Gondi approuva ce choix le 13 juillet 1629; et le 20 du même mois quatre religieuses de cet ordre furent mises à la tête de la nouvelle communauté.

Le nouvel institut fut approuvé par une bulle d'Urbain VIII, du 15 décembre 1631, et confirmé par des lettres-patentes du 16 novembre 1634, enregistrées au parlement le 30 août 1640, à la chambre des comptes le 24 mars 1662, et au bureau des finances le 29 mars 1678. Pour que rien ne pût en altérer la solidité, les religieuses de la Visitation firent dresser en 1637 des constitutions que M. de Gondi approuva le 7 juillet 1640.

Elles gardèrent pendant plus de quarante ans le pénible emploi dont elles s'étoient volontairement chargées; et ce n'est qu'en 1671 qu'elles témoignèrent le désir d'être remplacées dans l'administration de cette maison. On leur substitua des Bénédictines de l'abbaye de Bival en Normandie, qui cinq ans après (le 31 mars 1677) firent place à des Ursulines de la maison de Sainte-Avoie. Celles-ci montrèrent plus de patience et de courage, et ne se retirèrent qu'après trente ans d'administration, le 18 juillet 1707. Les Ursulines de Saint-Denis, qui vinrent après elles, n'y restèrent que trois ans; à celles-ci succédèrent les Hospitalières de la Miséricorde de Jésus, qui, après un séjour de dix ans dans cette maison, la quittèrent à leur tour le 2 mai 1720.

Enfin ce gouvernement si difficile fut confié aux religieuses de Saint-Michel, qui s'y sont maintenues jusqu'à l'époque de la révolution, d'autant plus admirables dans leur zèle et dans leur dévouement, que toutes celles auxquelles elles succédoient avoient éprouvé que les vertus ordinaires de la vie religieuse ne suffisoient pas pour diriger un établissement de l'espèce de celui-ci, et n'avoient pu triompher d'aussi pénibles épreuves.

Cette communauté étoit distribuée en trois classes.

La première, sous le titre de la Magdeleine, étoit composée de celles dont la ferveur et la piété, après plusieurs épreuves, avoient été reconnues assez solides pour qu'elles pussent être admises à faire des vœux. Celles-ci portoient l'habit de l'ordre de Saint-Augustin.

La seconde, sous le nom de congrégation de Sainte-Marthe, comprenoit celles qui, revenues de leurs égarements, ne montroient pas encore une vocation assez décidée pour qu'on pût les admettre dans la première, ou qui ne pouvoient y entrer à cause des engagements qu'elles avoient contractés dans le monde. Cette classe portoit un habit gris.

Enfin la troisième comprenoit un certain nombre de personnes qui avoient été placées dans la maison contre leur gré pour y faire une pénitence forcée. Cette dernière classe étoit distinguée par un habit noir.

L'église de ce couvent étoit sous l'invocation de la Sainte-Vierge: elle fut bâtie en 1680 et dédiée le 2 septembre 1685[84].

Comme le couvent de la Magdeleine étoit dans la censive du prieuré de Saint-Martin-des-Champs, il lui payoit tous les ans, le jour de Saint-Jean-Baptiste, un cens annuel, et de plus cent sous à chaque mutation de prieur de Saint-Martin-des-Champs, que ces religieuses avoient choisi pour leur homme vivant et mourant[85]; cette dernière redevance étoit établie pour le droit d'indemnité de l'acquisition qu'elles avoient faite de trois maisons, par contrat du 3 septembre 1633.

L'église et la maison n'avoient rien dans leur intérieur qui fût digne d'être remarqué[86].

LA PORTE SAINT-MARTIN.

La porte Saint-Martin, construite peu de temps après celle de Saint-Denis, est comme elle un monument de l'amour et de la reconnoissance de la ville de Paris envers Louis XIV. Elle fut élevée sur les dessins de Pierre Bullet, disciple de François Blondel; mais, quoiqu'elle ne soit pas dépourvue de mérite, elle est loin d'égaler le caractère noble et élégant de l'autre édifice.

La masse générale de cette porte offre, de même que la première, un carré parfait. Sa hauteur est de cinquante-quatre pieds sur une largeur égale, y compris l'attique qui règne au-dessus de l'entablement, lequel a onze pieds de hauteur; son épaisseur est de quinze pieds: elle est percée de trois arcades en plein cintre, une grande et deux petites. Celle du milieu a quinze pieds de largeur sur trente de hauteur; les deux autres huit sur seize; quatre piédroits larges de cinq pieds et demi soutiennent ces portes latérales. Les deux faces et les retours sont ornés de bossages vermiculés, excepté les deux côtés du grand arc qui sont occupés par des bas-reliefs. Le tout est couronné d'un riche entablement dont la saillie est soutenue par des consoles pratiquées dans la frise; au-dessus règne un attique dans toute la largeur du monument.

Les deux bas-reliefs qui ornent la façade du côté de la ville représentent la prise de Besançon et la triple alliance. Ceux qui sont en regard du faubourg offrent la prise de Limbourg, et la défaite des Allemands exprimée par la figure allégorique du dieu Mars repoussant un aigle. Ces sculptures ont été exécutées par quatre artistes, Desjardins, Marsy, Le Hongre et Le Gros.

Aux extrémités de l'attique qui couronne toute cette construction sont placés deux pilastres angulaires saillants, entre lesquels est une grande table enrichie dans sa bordure de moulures et taillée d'ornements. Cette table répétée des deux côtés de la façade contient des inscriptions qui, comme celles de la porte Saint-Denis, sont de la composition de François Blondel[87].

L'usage de vermiculer les pierres étoit très-pratiqué avant Louis XIV, et de son temps quelques architectes avoient encore conservé ce genre d'ornement. L'espèce de richesse qu'il répand sur un édifice nous a toujours semblé de mauvais goût, et présenter, dans son effet, quelque chose de rustique qui convenoit peu surtout à la décoration d'une porte triomphale élevée dans la capitale. Il donne au monument dont nous parlons une sorte de pesanteur qui n'est pas le caractère qu'il doit avoir; et par un contraste qui forme une inconvenance de plus, le grand entablement à consoles qui couronne l'arc et le sépare de l'attique, quoique exécuté avec une grande pureté, est composé de trop petites parties, et chargé de trop d'ornements relativement à la simplicité du reste de l'édifice. Tels sont, selon nous, les défauts de cette construction, qui, sous le rapport de l'harmonie qui règne dans les proportions générales, mérite des éloges.

L'OPÉRA.

Le théâtre dont nous allons parler a subi depuis sa naissance de grandes révolutions. Personne n'ignore qu'il se compose d'une réunion complète de tous les prestiges des beaux-arts. C'est un tableau magique dans lequel la poésie, la musique, la peinture, la sculpture, l'architecture, étalent à l'envi, et souvent déploient dans le même instant toutes leurs richesses, où l'on cherche à s'emparer de tous les sens du spectateur. On essaie aussi d'y toucher le cœur, et d'y intéresser l'esprit; mais c'est une entreprise plus difficile que celle de captiver l'oreille et de séduire les yeux; et peut-être faut-il chercher dans cette surabondance même de jouissances, dans ces prestiges si divers, si multipliés, si éblouissants, la cause du peu d'effet que ce spectacle a produit de tout temps sur les esprits délicats, qui, comme le dit La Bruyère, n'y trouvent assez ordinairement que de la fatigue et de l'ennui, malgré la dépense toute royale que l'on prend plaisir à y prodiguer.

Nous empruntâmes ces faux brillants à l'Italie: c'est là qu'il faut chercher le berceau de l'opéra[88], dont on fit d'abord en France d'informes essais, pour le porter ensuite à un degré de perfection que les inventeurs n'avoient pas même soupçonné. Des deux parties principales qui le composent, le poëme lyrique et les ballets d'action, celle-ci fut la première qui s'introduisit parmi nous. Dès le commencement du seizième siècle, on faisoit entrer dans la composition des fêtes de la cour des danses figurées que l'on entremêloit de récits et de dialogues; mais il n'y avoit dans cet assemblage bizarre ni règles ni invention. Le premier ballet où l'on remarqua quelques traces de bon goût fut celui que l'on dansa en 1581 aux noces du duc de Joyeuse et de mademoiselle de Vaudemont, sœur de la reine. Il avoit été composé par un Italien nommé Balthasarini, devenu valet-de-chambre de Catherine de Médicis, sous le nom de Balthasar de Beaujoyeux.

Quelque temps avant les fêtes de ce mariage, Jean Antoine Baïf, qui étoit à la fois poète et musicien, et qui, à cette époque, passoit pour exceller également dans ces deux arts, avoit déjà essayé d'introduire en France les spectacles qu'il avoit vus dans son enfance à Venise, où il étoit né pendant que son père y étoit ambassadeur. Mais, dans cette alliance qu'il voulut faire de la poésie avec la musique, il se trompa sur le génie de la langue françoise, qui, jusqu'à Malherbe, semble avoir été méconnu de tous nos poètes, et offrit dans ses productions lyriques des vers composés d'ïambes, de dactyles et de spondées, où il prétendit imiter l'harmonie et les formes de la poésie grecque et latine. Toutefois son entreprise eut du succès: le roi Charles IX, qui aimoit la musique, assistoit une fois par semaine aux représentations que Baïf donnoit dans sa propre maison, faubourg Saint-Marcel, et l'avoit autorisé à donner à son spectacle le nom d'Académie de musique, par des lettres-patentes où il s'en étoit déclaré le protecteur et le premier auditeur. Henri III lui continua la même protection; et sous son règne il ne se fit à la cour ni ballets ni mascarades qui ne fussent inventés et dirigés par Baïf, et par son associé Jacques Mauduit, greffier des requêtes, et comme lui poète et musicien.

Après la mort de Baïf, arrivée en 1589, l'académie de musique fut transférée chez Mauduit; mais elle ne s'y soutint que foiblement, et finit par s'éteindre entièrement au milieu des agitations des guerres civiles, qui arrêtèrent tout à coup en France les progrès de tous les beaux-arts.

Depuis cette époque jusqu'au milieu du siècle suivant, on ne voit plus aucune trace de ce spectacle, dont on avoit même presque perdu le souvenir, lorsqu'en 1645 et 1647 le cardinal Mazarin fit venir d'Italie, pour l'amusement du jeune roi, des acteurs qui jouèrent au Petit-Bourbon deux opéras italiens[89]. Cette nouveauté fit un plaisir extrême à toute la cour. On admira la beauté de la musique et des voix, le jeu surprenant des machines, la magnificence des habits et des décorations; et dès ce moment les poètes françois conçurent l'idée d'imiter ces représentations italiennes.

L'Andromède de Corneille, donnée en 1650, fut le premier essai que l'on fit en ce genre. C'étoit une espèce de tragédie à machines, où les personnages chantoient et déclamoient tour à tour. Elle fut aussi jouée sur le théâtre du Petit-Bourbon par la troupe royale; et l'on n'épargna aucune dépense pour que la pompe de cette représentation égalât celle des opéras italiens. Toutefois ce n'étoit point encore tout-à-fait le même spectacle: personne n'osoit hasarder l'union complète de la musique avec des paroles françoises, parce qu'on étoit déjà imbu de ce préjugé que beaucoup de personnes ont conservé jusqu'à présent, que notre langue n'est point propre à être chantée; du reste on manquoit de musiciens et de belles voix. La cour offroit seule, de temps en temps, quelque image des opéras dans les ballets ingénieux que composoit le poète Benserade, divertissements qu'il entremêloit de déclamations et de symphonies, et dans lesquels les princes, les plus grands seigneurs de la cour, et le roi lui-même, ne dédaignoient pas de figurer.

Enfin, en 1659, l'abbé Perrin, successeur de Voiture dans la charge d'introducteur des ambassadeurs auprès de Gaston, duc d'Orléans, entreprit de vaincre ces petites délicatesses qui sembloient mettre un obstacle insurmontable à l'établissement de l'opéra françois. Quoiqu'il fût absolument dépourvu de tout talent pour la poésie et pour le théâtre, il eut la hardiesse de composer une pastorale en cinq actes qu'il fit mettre en musique par Cambert, organiste de Saint-Honoré, et l'un des plus grands musiciens qu'il y eût alors. Quoique l'invention de cet ouvrage fût misérable et que les vers en fussent très-mauvais, il obtint cependant un très-grand succès à Issy, où il fut d'abord représenté dans une maison particulière, et ensuite à Vincennes, où on le joua devant le roi. «Ce fut, dit Saint-Évremont, comme un essai d'opéra qui eut l'agrément de la nouveauté; mais ce qu'il y eut de meilleur encore, c'est qu'on y entendoit des concerts de flûtes, ce que l'on n'avoit point entendu sur aucun théâtre, depuis les Grecs et les Romains.»

Toutefois ce spectacle avoit été représenté sans danses et sans machines, c'est-à-dire qu'il étoit encore dépourvu de la plus grande et de la plus belle partie des agréments de l'opéra italien. L'abbé Perrin, encouragé par le succès qu'il venoit d'obtenir, et surtout par la satisfaction que lui témoigna le cardinal Mazarin[90], étendit ses vues plus loin, et s'étant associé le marquis de Sourdéac, dont la fortune étoit considérable et qui avoit fait une étude approfondie de l'art des machines, il obtint, conjointement avec lui, des lettres-patentes du roi, datées du 28 juin 1669, par lesquelles il leur fut permis d'établir pendant douze années, dans la ville de Paris et dans les autres villes du royaume, des académies de musique, pour chanter en public des pièces de théâtre, à l'imitation de ce qui se pratiquoit en Italie, en Allemagne et en Angleterre. Un certain Champeron, admis dans leur association, fournissoit aux principaux frais de l'entreprise. On fit venir du Languedoc les plus célèbres musiciens que l'on tira des cathédrales, où il y avoit depuis assez long-temps des musiques fondées; Cambert y joignit les meilleures voix qu'il put trouver, et l'on commença aussitôt les répétitions d'un opéra intitulé Pomone, qui étoit encore de la composition de l'abbé Perrin. Pendant ces répétitions on achevoit d'arranger un théâtre que les entrepreneurs avoient fait élever dans un jeu de paume de la rue Mazarine, vis-à-vis la rue Guénégaud[91]. Le 28 mars 1671, l'ouvrage y fut présenté avec beaucoup de magnificence et un très-grand succès. Mais l'intérêt jeta bientôt de la division parmi les associés; le marquis de Sourdéac, sous prétexte des avances qu'il avoit faites, s'empara de la recette, et voulut même expulser entièrement l'abbé Perrin de cette entreprise, en s'associant pour un nouvel opéra avec Gilbert, secrétaire des commandements de la reine de Suède, et son résident en France.

Ce fut alors que Jean-Baptiste Lully, devenu depuis si célèbre et déjà surintendant de la musique du roi, obtint, à la faveur de ces divisions, le privilége de l'administration de l'Opéra. L'abbé Perrin, dégoûté des tracasseries qu'il venoit d'éprouver, lui céda sans beaucoup de regret tous ses droits; et Cambert, déplacé par un rival qui lui étoit de beaucoup supérieur, passa en Angleterre, où il mourut en 1677, surintendant de la musique de Charles II. Les lettres-patentes qu'obtint Lully furent conçues de manière qu'elles le rendoient maître absolu de l'entreprise[92]; et sur-le-champ, pour n'avoir rien à démêler avec les associés de Perrin, dont il avoit conçu une juste méfiance, il refusa de se servir du théâtre de la rue Mazarine, et alla en établir un nouveau dans le jeu de paume du Bel-Air, situé rue de Vaugirard, à peu de distance du palais du Luxembourg. Il s'étoit déjà attaché Quinault pour la composition des poëmes, et pour les machines il engagea un Italien nommé Vigarani, lequel étoit, en ce genre, un des hommes les plus habiles de l'Europe.

L'ouverture de leur théâtre se fit le 15 novembre 1672; et ils continuèrent d'y représenter jusqu'au mois de juillet 1673. Mais la mort de Molière, arrivée le 17 février de cette même année, ayant inspiré au roi le dessein de faire quelques changements dans les théâtres établis à Paris, la salle du Palais-Royal, qui depuis 1661 étoit alternativement occupée par la troupe de cet homme célèbre et par les comédiens italiens, fut accordée à Lully pour les représentations de l'Opéra, ce qui dura jusqu'à sa mort, arrivée en 1687, et continua ensuite sous l'administration de Francine, son gendre, et premier maître-d'hôtel du roi.

Francine en jouit jusqu'en 1712, époque à laquelle sa mauvaise administration le mit dans la nécessité d'abandonner à ses créanciers la direction de l'entreprise. Ceux-ci choisirent parmi eux un régisseur qui dirigea les affaires au nom de Francine, et qui toutefois ne fut pas plus heureux que lui: car il se trouva qu'en 1724 il avoit endetté l'Opéra de plus de 300,000 liv. Le roi prit alors le parti de nommer lui-même un directeur et un caissier comptables envers lui; ce qui dura jusqu'au 1er juin 1730, qu'un arrêt du conseil accorda, pour trente années, le privilége de l'Opéra au sieur Gruer, sous la condition qu'il en acquitteroit toutes les dettes.

Cet engagement, qui sembloit assurer solidement, et pour un terme assez long, les destinées de ce théâtre, ne dura qu'un moment; Gruer fut forcé, au bout d'un an, pour des fautes assez graves, de se démettre de son privilége, qui fut donné au sieur Lecomte, sous-fermier des aides. On voit au bout de trois ans celui-ci solliciter sa retraite pour quelques tracasseries qu'il ne voulut point supporter. À ce dernier administrateur succède un ancien capitaine au régiment de Picardie, nommé Thuret, qui conduit cette entreprise difficile plus heureusement que ses devanciers, et la garde jusqu'en 1744. À cette époque elle tombe entre les mains d'un sieur Berger, ancien receveur des finances, qui, dans l'espace de trois ans et demi, la grève de 450,000 liv. de dettes, ce qui fut reconnu après sa mort, arrivée le 3 novembre 1747.

Fatigué de tant de révolutions, le roi crut y porter remède en remettant la régie de l'Opéra aux sieurs Francœur et Rebel, tous les deux surintendants de sa musique; mais il ne paroît pas que cette direction ait été moins mauvaise que les précédentes: car, le 4 mai de l'année suivante, un sieur de Tresfontaine en obtint de nouveau le privilége, à la charge d'acquitter toutes les dettes contractées par Berger; mais, peu de temps après, ce nouveau contrat fut encore rompu, parce que celui qui l'avoit signé se trouva hors d'état d'en remplir les engagements.

Après tant de fâcheuses catastrophes, la chute totale d'un théâtre que l'on considéroit comme un des plus beaux ornements de la capitale sembloit être inévitable. Pour prévenir un événement qui eût été pour les Parisiens d'alors, comme il seroit encore pour ceux d'aujourd'hui, une véritable calamité, on ne vit d'autre parti à prendre que d'annuler tous les priviléges accordés jusqu'à cette époque, et de charger à perpétuité de cette administration les officiers composant le corps de ville, sous la condition d'en rendre compte au secrétaire d'État ayant le département de la maison de Sa Majesté. Ce nouvel ordre fut établi par un arrêt du conseil du mois d'août 1749.

En conséquence de cet arrêté, le bureau de la ville prit la direction de l'Opéra, et se chargea lui-même de l'administrer, ce qu'il fit jusqu'en 1757. À cette époque, les anciens directeurs, Francœur et Rebel, reparoissent dans cette affaire, et reprennent, comme fermiers de la ville, la régie de ce théâtre, ce qu'ils continuèrent pendant six années seulement, quoique leur bail fût de trente. Mais les conditions en étoient trop onéreuses pour qu'ils pussent l'exécuter jusqu'au bout; et il paroît qu'on en fut frappé, puisqu'ils en obtinrent, sans beaucoup de peine, la résiliation. Depuis leur retraite jusqu'en 1775, on voit plusieurs particuliers[93] prendre successivement leur place, essayer de résoudre le problème impossible de balancer la recette avec la dépense, et se retirer presque aussitôt après avoir commencé ces périlleux essais. L'Opéra étoit cependant bien loin d'avoir la pompe et la richesse qu'on y déploie maintenant.

En 1776 les administrateurs des Menus-Plaisirs imaginèrent qu'ils seroient plus habiles ou plus heureux, et demandèrent à la ville de leur céder cette direction, qu'ils s'empressèrent de lui rendre dès l'année suivante. Après eux vint encore un entrepreneur (le sieur de Visme), qui ne tint aussi qu'une année. Enfin, en 1780, il fut tellement démontré que ce spectacle ne pouvoit se soutenir dans tout son éclat que par la munificence royale, qu'on crut devoir prendre le seul parti qui pût en effet le sauver de sa destruction, lequel étoit de le faire rentrer pour toujours sous la protection puissante du roi. Des directeurs nouveaux furent nommés sous l'inspection immédiate du ministre de l'intérieur, et le trésor public se chargea de l'excédant des dépenses. Ce nouvel ordre s'est maintenu jusqu'à la fin de la monarchie, et pendant ce court espace de temps l'Opéra, dont le déficit n'a cessé d'augmenter, s'est aussi tellement accru en prestiges et en magnificence, qu'il est devenu, sans contredit, le spectacle le plus étonnant de l'Europe.

Ce théâtre avoit éprouvé bien d'autres vicissitudes: en 1763, le feu prit à la salle du Palais-Royal, où il étoit toujours resté depuis qu'il y avoit succédé à la troupe de Molière. L'incendie se communiqua avec la plus extrême violence à la partie du bâtiment qui tenoit au palais, et fit en peu de temps des progrès si considérables que la salle fut consumée avant qu'il eût été possible d'y apporter le moindre secours[94]. Cet accident interrompit les représentations de l'académie royale de musique jusqu'au 24 janvier 1764, que le roi permit à ses membres de s'établir dans la salle des Tuileries, vulgairement nommée salle des machines[95]. Ce fut là qu'ils donnèrent la première représentation de l'opéra de Castor et Pollux.

Ils y restèrent dix ans. Pendant cet intervalle on reconstruisit la façade entière du Palais-Royal[96]; et sur un terrain donné par M. le duc d'Orléans, fut bâtie, aux frais de la ville, une nouvelle salle plus vaste et beaucoup plus riche que la première. Elle avoit été élevée sur les dessins de M. Moreau, à qui l'on devoit aussi la nouvelle façade; et tous les historiens de Paris ont vanté l'élégance de cette construction, dont la forme arrondie étoit à peu près la même que celle qu'on emploie aujourd'hui. Elle devoit en effet, quels que fussent ses défauts, paroître un chef-d'œuvre à côté de l'ancienne, bâtie dans le dix-septième siècle, et à une époque où l'on n'apportoit ni soin ni expérience dans la disposition de semblables édifices.

L'ouverture s'en fit le 26 janvier 1770; et le 21 juin 1781 un nouvel incendie, aussi violent que le premier, consuma en quelques heures ce riche monument. Le goût du public pour ce genre de spectacle étoit alors plus vif que jamais, et l'idée d'en être privé pendant un long intervalle de temps répandit, au milieu d'une population dont les frivolités étoient alors la plus grande affaire, une sorte de consternation qu'on jugea à propos de faire cesser le plus promptement possible. Des ordres furent donnés pour que l'on construisît à l'instant même, et avec tous les moyens qui seroient de nature à en accélérer l'édification, une salle provisoire où l'académie royale de musique pût continuer ses représentations, en attendant qu'il plût au roi de désigner la place qu'il vouloit qu'elle occupât. On choisit à cet effet un emplacement situé entre le boulevart Saint-Martin et la rue de Bondi; et l'architecte chargé de cette entreprise, M. Le Noir, y mit une telle activité, que, dans l'espace de soixante-quinze jours, la nouvelle salle fut composée, bâtie, décorée, et qu'on put en faire l'ouverture.

Cet édifice, entièrement construit en charpente et élevé en si peu de temps, n'en étoit pas moins, tant pour la solidité de sa construction que pour l'élégance de son ensemble, un des monuments les plus remarquables en ce genre qu'il y eût alors à Paris.

Sa principale façade sur le boulevart a quatre-vingt-seize pieds de long sur cinquante-quatre de haut, non compris l'attique, qui s'élève encore de douze pieds au-dessus. Cet attique, percé de cinq croisées et surmonté d'un comble, est posé à l'aplomb de l'avant-corps, qui a environ douze pieds de saillie sur les arrière-corps. L'ordonnance de cette façade est composée d'un soubassement appareillé en refends horizontaux et verticaux sur l'avant-corps seulement. Huit cariatides, adossées aux piliers qui forment les portes d'entrée, en font la décoration; sur cette première ordonnance sont posées huit colonnes ioniques accouplées, et dont la corniche architravée se termine à une niche carrée, dans laquelle toutes ces parties d'ornements sont renfermées, ainsi que le bas-relief qui les surmonte. Entre les colonnes étoient autrefois placés les bustes de Quinault, de Lully, de Rameau et de Gluck; et, dans les entre-colonnements, des croisées ornées d'archivoltes et de bas-reliefs conduisent au balcon du foyer, lequel est porté par les cariatides. Tout cet avant-corps est terminé par un entablement d'ordre dorique composé, avec colonnes cannelées, et vient finir en plinthe sur les arrière-corps[97].

L'intérieur de la salle offre un cercle parfait, coupé par l'avant-scène. Cette forme, qui se conservoit alors jusqu'aux quatrièmes loges, se terminoit au-dessus par un carré long tronqué dans les angles[98]. L'avant-scène avoit trente-six pieds d'ouverture, le théâtre soixante-douze de profondeur, et quatre-vingt-quatre dans sa largeur totale d'un mur à l'autre. Toute cette composition étoit décorée avec élégance et légèreté.

C'est sur ce théâtre que l'Opéra a commencé à développer cette magnificence de décorations, cette variété de tableaux, ces richesses musicales, en un mot tous ces prestiges de l'art qui lui ont acquis en Europe, et même par-delà les mers, une si haute renommée. À la vérité ses plus grands admirateurs sont contraints d'avouer que les chanteurs du siècle passé crioient pour le moins aussi fort que ceux de nos jours; mais ils soutiennent que, comparés à ceux que nous avons le bonheur de posséder aujourd'hui, les danseurs d'alors ne faisoient que marcher, que les peintres n'étoient que des barbouilleurs, les musiciens que des croque-notes, et qu'en définitive, cette belle institution étant au nombre de celles qui attestent de la manière la plus triomphante les progrès toujours croissants des lumières, de la civilisation et surtout des mœurs, dans la première ville de France, le gouvernement ne sauroit lui donner trop de preuves de sa munificence, et que les millions qu'il dépense tous les ans pour en soutenir l'éclat et la prospérité sont de l'argent admirablement employé[99].

L'ÉGLISE DE SAINT-LAURENT.

On ignore par qui et dans quel temps cette église a été bâtie; on n'a pas même la certitude qu'elle ait toujours été située dans l'endroit où nous la voyons aujourd'hui; cependant on ne peut douter qu'elle ne soit une des plus anciennes basiliques de Paris; cette antiquité est prouvée par le témoignage de Grégoire de Tours, qui nous apprend qu'elle existoit déjà au commencement du sixième siècle, et que c'étoit alors une abbaye. En effet, cet auteur dit[100] que, du temps de Clotaire, Domnole, abbé du monastère de Saint-Laurent, fut le successeur immédiat de saint Innocent, évêque du Mans, lequel mourut en 543; et dans un autre endroit[101], que l'inondation de l'année 583 fut si considérable, qu'il arriva de fréquents naufrages entre la ville et l'église de Saint-Laurent.

Nous ne devons pas dissimuler que quelques auteurs, dont le nom est célèbre dans la critique littéraire, ont regardé comme suspect et ajouté par un faussaire le chapitre où Grégoire de Tours a parlé de la basilique de Saint-Laurent. Cette opinion, adoptée par le P. Lecointe, le P. Papebroch[102], a été attaquée et réfutée par dom Thierri Ruinart, dom Mabillon, M. Le Courvoisier et le P. Boudonnet, savants dont l'autorité suffit au moins pour contre-balancer celle des précédents. Mais quand on supposeroit, ce qui n'est pas facile à prouver, que le chapitre 9 du sixième livre de Grégoire de Tours a été interpolé dans les temps postérieurs, cela ne prouveroit pas que les faits rapportés par l'auteur fussent contraires à la vérité: du moins trouvons-nous son témoignage, relativement à l'existence de la basilique de Saint-Laurent, confirmé par celui de l'auteur de la Vie de saint Lubin. Nous avons déjà eu l'occasion de citer le passage[103] dans lequel, parlant d'un violent incendie miraculeusement éteint par les prières de ce saint évêque, cet auteur dit que «le feu, venant du côté de Saint-Laurent, avoit déjà gagné les maisons qui étoient sur le pont: A parte Basilicæ B. Laurentii, noctu edax ignis exiliens;» et tous les historiens s'accordent à dire que cet incendie arriva en 547. Voilà donc encore une preuve de l'existence d'une basilique de Saint-Laurent dans le sixième siècle.

Adrien de Valois[104] et dom Duplessis, sans contester l'authenticité des passages de Grégoire de Tours, en ont inféré que l'église de Saint-Laurent ne pouvoit être située au nord de la Cité. Ils se sont fondés, pour soutenir cette opinion, sur la distance qui devoit se trouver, à cette époque, entre la ville et Saint-Laurent. «Si l'église de Saint-Laurent, disent-ils, eût été la même que celle qui subsiste aujourd'hui, il est impossible qu'il n'y eût pas déjà entre la ville et le faubourg plusieurs monuments remarquables, que l'historien eût probablement cités de préférence.» De plus, cet endroit leur semble trop éloigné de la rivière pour qu'il soit vraisemblable que tout le terrain intermédiaire eût pu être inondé au point d'occasionner des naufrages[105]; d'où ils tirent cette conclusion, qu'il est plus probable que la basilique dont parle Grégoire de Tours étoit bâtie sur la rive méridionale. D'après cette supposition, appuyée de conjectures extrêmement hasardées, dom Duplessis ne craint pas d'avancer que cette église de Saint-Laurent, étant abbatiale, ne pouvoit être autre que l'église de Saint-Severin, qui existe encore aujourd'hui; et la raison qu'il en donne, c'est que dans un diplôme de Henri Ier on la trouve désignée avec trois autres, dont quelques-unes avoient le titre d'abbaye.

On objecte à ce système, 1o que le sol de Paris n'étoit pas alors, à beaucoup près, aussi élevé qu'il l'est aujourd'hui; que cependant depuis, et malgré cette élévation successive, la Seine, dans ses débordements, a souvent inondé les marais au milieu desquels l'église de Saint-Laurent est située; que dans ces temps reculés il n'y avoit ni fossés qui pussent absorber une partie des eaux, ni quais pour rétrécir le lit de la rivière, et par conséquent qu'il est extrêmement probable que le terrain qui se trouve au-delà des portes Saint-Martin et Saint-Denis pouvoit être facilement inondé; 2o que, lorsque Grégoire de Tours parle de la basilique de Saint-Laurent, il ne dit pas que les eaux se fussent étendues jusqu'au pied de ses murs, mais qu'il se contente de l'indiquer comme un des endroits les plus remarquables du faubourg où l'inondation avoit étendu ses ravages; et l'on peut ajouter que, si, dès ce temps-là, il y avoit une muraille au nord de la ville, comme il n'est guère possible d'en douter, cet historien ne pouvoit pas citer les monuments renfermés dans son enceinte, parce qu'ils étoient en quelque sorte à l'abri de l'inondation ou en état d'y résister plus long-temps que de simples maisonnettes, telles qu'étoient alors celles des faubourgs; 3o que le terme de naufrage, dont se sert Grégoire de Tours, ne doit pas se prendre à la lettre, mais dans un sens plus étendu, qui comprend le renversement des jardins, la chute des murs et des maisons, en un mot tous les désastres qu'occasionne la crue subite des eaux, désastres qui sans doute auroient été beaucoup plus considérables, et peints d'une manière plus animée et plus frappante, si le monastère de Saint-Laurent eût été situé sur le terrain qu'occupe aujourd'hui Saint-Severin; 4o dans le diplôme que l'on cite, Henri Ier donne à Imbert, évêque de Paris, les églises de Saint-Étienne, de Saint-Julien, de Saint-Severin, solitaire, et de Saint-Bache, dont quelques-unes avoient été abbayes: mais il est remarquable qu'il ne spécifie pas que ce titre eût été donné à Saint-Severin; et nous ferons voir, à l'article de cette église, qu'il n'est guère vraisemblable que, sous le règne de Childebert et de Clotaire, elle fût l'église d'un monastère.

Nous convenons cependant que les expressions de l'auteur de la Vie de saint Lubin, que nous venons de citer, en prouvant l'existence de la basilique de Saint-Laurent au sixième siècle, ne fixent pas positivement l'endroit où elle étoit située. Suivant lui, le feu commençoit à brûler les maisons du pont, domos pendulas, quæ per pontem constructæ erant, exurere cœpit. Adrien de Valois, et ceux qui ont adopté son système, ont cru pouvoir appliquer ces termes au Petit-Pont, et y trouver une preuve nouvelle que l'église de Saint-Laurent étoit placée au midi: mais ne peut-on pas également les appliquer au Grand-Pont situé au nord? Telle est l'opinion de dom Bouquet, du P. Dubois, de l'abbé Lebeuf, etc., etc. Aux raisons que nous avons déjà de lui donner la préférence, se joint l'autorité d'un diplôme de Childebert III, cité par dom Mabillon[106]. Par ce titre authentique, dont la date est de 710, il paroît que le marché ou foire de Saint-Denis avoit été transféré depuis quelque temps à Paris, dans un lieu situé entre les églises de Saint-Laurent et de Saint-Martin. Clade intercedente, de ipso vico sancti Dionysii ipse marcadus fuit emutatus, et ad Parisius civitate, inter sancti Martini et sancti Laurentii baselicis, ipse marcadus fuit factus, etc. Cette charte n'avoit pas sans doute échappé aux savantes recherches d'Adrien de Valois, puisque lui-même, pressé par l'évidence de ces preuves, après avoir avancé que l'église de Saint-Laurent étoit située au midi, convient que, dès l'an 650, il y avoit au nord une basilique sous le même nom[107]. Nous croyons avoir démontré, par tout ce que nous venons de dire, et par les autorités que nous avons rapportées, que sous la première race de nos rois il n'a existé qu'une seule église de Saint-Laurent. Cette dernière preuve, reconnue par ceux mêmes qui soutiennent l'opinion contraire, ne permet donc pas de douter un seul instant qu'elle ne fût située au nord de la Cité. Mais en doit-on conclure qu'elle étoit placée précisément où nous la voyons aujourd'hui? c'est sur quoi les avis sont partagés.

L'historien de l'église de Paris, le P. Dubois, et quelques autres, ont pensé que cette basilique a toujours été située dans la place qu'elle occupe encore maintenant. Dubreul, le commissaire Delamare et l'abbé Lebeuf[108] ont cru, au contraire, que la situation primitive de ce monastère étoit un peu plus reculée du côté du faubourg Saint-Denis, à l'endroit où a été bâtie depuis la maison de la congrégation de Saint-Lazare; et cette opinion paroît la plus vraisemblable. On sera porté à l'adopter de préférence, si l'on fait attention que le chemin qui conduit actuellement en ligne droite de Saint-Martin à Saint-Laurent n'existoit pas alors, mais que, commençant en effet à Saint-Martin, il se réunissoit un peu au-dessus de cette église, à la grande chaussée qui conduisoit à Saint-Denis. Cette disposition des lieux ne permet pas de douter que le fondateur de l'abbaye de Saint-Laurent l'aura plutôt fait bâtir le long d'un chemin public très-fréquenté, que dans un marais situé vis-à-vis, et dont le terrain étoit souvent impraticable, tant par la nature et la position du sol que par l'exhaussement de la chaussée. Mais comme dans les premiers siècles de la monarchie l'usage d'enterrer les morts dans les églises ne s'étoit pas encore introduit parmi nous, ne pourroit-on pas penser que le cimetière de l'ancienne abbaye étoit situé au même lieu qu'occupe aujourd'hui Saint-Laurent, et que depuis cette basilique aura pris la place de la chapelle qui, suivant la coutume établie partout, devoit s'élever au milieu de cet enclos consacré? Cette opinion n'est point une conjecture vague et dépourvue d'autorité, elle est appuyée sur la découverte que l'on fit, en creusant la terre entre l'église et le cimetière vers la fin du dix-septième siècle, de plusieurs tombeaux antiques en pierre et en plâtre, dans lesquels on trouva des corps dont les vêtements noirs parurent semblables à des habits de moines; et nous ajouterons que l'abbé Lebeuf et les auteurs dont nous avons cité le témoignage ont fait la remarque importante que le prieuré de Saint-Lazare se trouvoit chargé envers le chapitre de Notre-Dame de certaines redevances qui, dans l'origine, avoient été acquittées par l'abbaye de Saint-Laurent, redevances auxquelles il ne se seroit pas assujetti, si les lieux qu'il occupoit n'avoient pas autrefois fait partie du territoire de cette abbaye.

La situation de ce monastère l'exposoit à toute la fureur des Normands; et l'on ne peut douter qu'il n'ait été, à plusieurs reprises, dévasté par ces barbares: car il n'en restoit presque pas de vestiges à la fin du neuvième siècle. Les religieux qui avoient été forcés de l'abandonner, ou n'existoient plus, ou manquoient des moyens nécessaires pour le rétablir, et jusqu'au douzième siècle nos annales n'en font aucune mention. À cette époque, on voit reparoître l'église de Saint-Laurent: des lettres de Thibaud, évêque de Paris[109], semblent faire entendre qu'en 1149 elle appartenoit au prieuré de Saint-Martin-des-Champs, et l'abbé Lebeuf insinue que ce pouvoit être un don de cet évêque qui avoit été prieur de ce monastère[110].

Il n'est pas bien facile d'assigner l'époque précise où cette église commença à devenir paroissiale. Sauval, Lacaille et Piganiol la placent en 1180, sans en indiquer la preuve; Dubreul, sous Philippe-Auguste, lorsque ce prince ordonna de faire élever l'enceinte achevée pendant son règne; ce qui recule cette époque de dix ans. L'abbé Lebeuf, très-instruit dans ces matières, ne s'explique pas clairement sur cet article; cependant il laisse entrevoir qu'il croit à cette paroisse une plus grande antiquité. Jaillot est du même avis: il ne doute point que cette église n'ait été baptismale dans des temps antérieurs à la clôture de Philippe-Auguste: la distance qu'il y avoit entre elle et la ville, et le nombre considérable d'habitants qui demeuroient sur son territoire, en sont une preuve qu'il est difficile de combattre. Ce fut cette multitude d'habitants, dont le nombre augmentoit tous les jours dans les bourgs environnant Paris, qui donna lieu à l'érection des curés. Dans le concile tenu en 829 dans cette capitale[111], on voit qu'il est défendu aux ecclésiastiques de posséder deux cures à la fois; et celui de 847[112] ordonne aux évêques d'ériger, dans les villes et dans les faubourgs, des titres-cardinaux, c'est-à-dire des paroisses, et d'y préposer des prêtres: or le prieur de Saint-Martin-des-Champs et le curé de Saint-Laurent sont nommés parmi ces prêtres-cardinaux[113].

La nomination de cette cure appartenoit au prieur de Saint-Martin-des-Champs, qui avoit le droit d'envoyer plusieurs religieux de son monastère officier à la paroisse de Saint-Laurent, conjointement avec les chanoines députés de Notre-Dame. Ce droit fut restreint au prieur titulaire seulement, par une déclaration du roi, de l'an 1726; de sorte que, dans ces derniers temps, il n'y avoit plus que les députés de l'église métropolitaine qui y vinssent chanter la grand'messe le 10 août, jour de Saint-Laurent. C'étoit une marque de la supériorité de l'église-mère sur ces paroisses érigées par elle, et de leur dépendance de la cathédrale.

L'église de Saint-Laurent, qui subsistoit au douzième siècle, fut rebâtie au commencement du quinzième, et la dédicace en fut faite le 19 juin 1429 par Jacques du Chatellier, évêque de Paris. On l'augmenta en 1548; elle fut reconstruite en grande partie en 1595; enfin en 1622 on y fit des réparations considérables, et on y ajouta le portail qui existe encore aujourd'hui[114].

CURIOSITÉS ET SÉPULTURES.

Il n'y avoit dans cette église aucun tableau remarquable. Elle possédoit quelques sculptures médiocres de Gilles Guérin, professeur de l'académie royale de peinture et sculpture, mort en 1678, et inhumé sous le jubé. Dans la chapelle de la Visitation avoit été enterrée Louise de Marillac, veuve de M. Legras, fondatrice et première supérieure des filles de la Charité; et dans l'église, Charlotte Gouffier, épouse de François d'Aubusson, duc de la Feuillade; morte en 1623.

La paroisse de Saint-Laurent s'étendoit du côté du nord jusqu'au village de La Chapelle. À l'orient elle comprenoit une partie de la Courtille, et l'hôpital Saint-Louis; d'un autre côté elle revenoit passer à la Villette, dont presque toutes les maisons lui appartenoient. Au midi, elle s'étendoit au-delà des portes Saint-Denis et Saint-Martin, et dans la rue Saint-Denis, son territoire finissoit à la communauté de Saint-Chaumont. Du côté de la porte Saint-Martin, il se prolongeoit à peu près jusqu'aux maisons qui font face à la rue de Montmorenci, ce qui embrassoit les rues Sainte-Apolline, des Deux-Portes, Guérin-Boisseau, une portion de la rue Greneta et de la rue du Grand-Hurleur, du côté où elle touche à celle de Saint-Martin. Saint-Josse et Notre-Dame de Bonne-Nouvelle étoient succursales de Saint-Laurent.

Il y avoit dans cette église une chapelle d'un revenu considérable, fondée en 1431 par Jeanne de Tasseline, veuve de Regnault de Guillonet, écuyer-pannetier de Charles VII. Le chapelain étoit à la nomination du curé[115].

LE COUVENT DES RÉCOLLETS.

Le zèle et la ferveur qui s'étoient ranimés dans l'ordre de Saint-François avoient déjà fait naître deux communautés réformées[116], lorsque vers la fin du seizième siècle il s'en forma une troisième, non moins ardente que les autres à ramener la règle à la sévérité primitive établie par son fondateur. Ceux qui l'embrassèrent prirent le nom de frères mineurs de l'étroite observance de saint François; mais ils étoient plus généralement connus sous celui de Récollets[117].

L'étroite observance des frères mineurs avoit pris naissance en Espagne dès l'an 1484, et de là étoit passée en Italie vers 1525. On voit, par l'histoire des ordres monastiques[118], qu'elle étoit déjà connue en France en 1582: mais elle n'y fut reçue qu'en 1592, et les troubles dans lesquels le royaume étoit alors plongé empêchèrent qu'elle y eût un état fixe et légal avant 1597. Ce fut à Nevers que s'en fit le premier établissement.

Le pape Clément VIII ne se contenta pas d'approuver cette réforme, et de confirmer les bulles de Clément VII et de Grégoire XIII, qui l'avoient autorisée; il donna encore, en 1601, un bref par lequel il invitoit les archevêques et évêques de France à assigner aux PP. Récollets un ou deux couvents dans leurs diocèses. Sur cette invitation du souverain pontife, Henri de Gondi, alors évêque de Paris, leur donna, la même année, la permission de s'y établir. Henri IV les prit sous sa protection, et la piété charitable de deux citoyens obscurs leur procura, dès 1603, un asile dans cette capitale. Jacques Cottard, marchand tapissier, et Anne Grosselin sa femme, leur prêtèrent d'abord une maison dont ils étoient propriétaires au faubourg Saint-Laurent, et leur en firent ensuite, le 4 décembre de la même année, une donation que confirmèrent des lettres-patentes accordées le 6 janvier suivant. Ces religieux y firent aussitôt construire une petite église qui fut consacrée par l'archevêque d'Auch le 19 décembre 1605. Henri IV leur donna en même temps un champ assez vaste et contigu à leur jardin; et quelques années après, les libéralités de plusieurs illustres bienfaiteurs[119] leur fournirent les moyens d'augmenter leurs bâtiments et de faire rebâtir leur église qu'ils trouvoient trop petite. La reine Marie de Médicis, qui s'étoit déclarée fondatrice de ce couvent par ses lettres du 5 janvier 1605, posa la première pierre du nouvel édifice, qui fut dédié le 30 août 1614 sous le titre de l'Annonciation de la Sainte-Vierge.

Les religieux de cet ordre rendoient de grands services à la religion et à l'État, soit en aidant les prêtres séculiers dans les fonctions du saint ministère, soit par les prédications dont ils s'acquittoient avec autant de zèle que de succès[120]. C'étoient ordinairement des Récollets qu'on envoyoit dans les colonies, et qu'on employoit dans les armées en qualité d'aumôniers[121].

CURIOSITÉS DU COUVENT DES RÉCOLLETS.

Ce couvent étoit orné de plusieurs tableaux peints par le frère Luc, religieux de cet ordre.

La bibliothèque étoit composée d'environ trente mille volumes; on y voyoit aussi deux très-beaux globes de Coronelli:

SÉPULTURES.

Dans cette église avoient été inhumés:

Guichard Faure, baron de Thisy, et Magdeleine Brûlart sa femme, morts en 1623 et 1635.

Noël de Bullion, président à mortier au parlement de Paris, mort en 1670.

Françoise de Créqui, épouse de Maximilien de Béthune, duc de Sully, grand-maître de l'artillerie de France, morte en 1657, et Louise de Béthune sa fille, morte en 1679;

Gaston, duc de Roquelaure, mort en 1683.

Antoine-Gaston de Roquelaure, duc et maréchal de France, fils du précédent, mort en 1738.

Marie-Louise de Laval son épouse, morte en 1735.

HÔPITAL
DU SAINT-NOM-DE-JÉSUS.

On ignore quel est le fondateur de cet hôpital, non qu'il soit très-ancien, car son établissement ne date que du milieu du dix-septième siècle; mais parce que ce fondateur, aussi modeste que charitable, voulut accomplir à la lettre le précepte de l'Évangile en cachant aux yeux des hommes les œuvres de sa charité. Le célèbre Vincent-de-Paul fut le seul confident de ce bienfait mystérieux.

Le projet de l'inconnu étoit d'assurer, dans un asile convenable, une retraite paisible à vingt pauvres artisans de chaque sexe que la vieillesse ou les infirmités mettroient hors d'état de gagner leur vie.

Pour remplir ce dessein, Vincent-de-Paul acheta deux maisons contiguës, et un assez grand emplacement dans le faubourg Saint-Laurent, un peu au-dessus de l'église paroissiale; il y fit construire une chapelle et deux corps-de-logis séparés l'un de l'autre, mais tellement disposés que les hommes et les femmes pouvoient entendre la même messe et la lecture qu'on faisoit pendant le repas, sans avoir la faculté de se voir ni de se parler. Il acheta en même temps des outils et fit dresser des métiers, afin d'occuper ces pauvres gens selon leur talent et le degré de leurs forces. L'argent qui lui resta après que toutes ces dispositions eurent été faites fut converti en une rente annuelle au profit de l'établissement.

Cet hospice, fondé par contrat du 29 octobre 1653, approuvé par l'archevêque de Paris le 15 mars 1654, et confirmé par lettres-patentes du mois de novembre de la même année, étoit sous la direction de MM. de Saint-Lazare, qui commettoient un prêtre de leur congrégation pour y dire la messe et y administrer les sacrements: il étoit desservi, quant au temporel, par les sœurs de la Charité.

Les priviléges qui furent accordés à cette maison lors de son établissement furent confirmés par d'autres lettres-patentes du mois de décembre 1720, et par celles de surannation du 11 septembre 1738[122].

HÔPITAL DE SAINT-LOUIS.

Les suites funestes de la contagion dont la ville de Paris fut affligée en 1606 firent sentir la nécessité de prévenir dorénavant la communication rapide de ces désastreuses épidémies, en construisant un hôpital destiné à recevoir et à séparer sur-le-champ de la société tous ceux qui en seroient frappés. On avoit d'abord pensé à préparer pour cet objet l'hôpital du faubourg Saint-Marcel; mais comme on eut bientôt reconnu qu'il étoit trop petit, on choisit un lieu plus commode entre le faubourg du Temple et celui de Saint-Martin, dans lequel il fut résolu qu'on feroit élever un plus vaste édifice. Les administrateurs de l'Hôtel-Dieu furent chargés de l'exécution de ce projet; et pour leur en fournir les moyens, le roi, par son édit du mois de mars 1607, accorda à cet hospice 10 sous sur chaque minot de sel qui se vendroit dans les greniers de Paris pendant quinze ans, et 5 sous à perpétuité après l'expiration de ce terme. Assurés d'un tel secours, ces administrateurs conclurent, le 20 juin de la même année, un marché pour la construction de cet édifice; et l'on mit dans les travaux une telle activité que la première pierre de la chapelle fut posée le 13 juillet suivant[123]. On travailloit en même temps à l'hôpital de la Santé du faubourg Saint-Marcel; tous les deux furent achevés en quatre ans et demi, et la dépense totale monta à 795,000 liv. Celui-ci fut nommé l'hôpital Saint-Louis, non comme l'a dit un auteur (Germain Brice), parce que Louis XIII régnoit alors, mais par un ordre exprès de Henri IV, dont l'intention étoit d'honorer la mémoire de ce saint roi, mort de la peste devant Tunis. L'erreur de cet écrivain est d'autant plus inconcevable que ce fait étoit constaté sur une inscription gravée au-dessus de la porte.

Quoique l'octroi accordé fût considérable, il paroît cependant, par les registres du parlement, qu'il ne se trouva pas suffisant pour subvenir à toutes les dépenses qu'exigeoit une si grande entreprise. Un arrêt du 4 septembre 1609 autorisa en conséquence les administrateurs de l'Hôtel-Dieu à emprunter à rente une somme de soixante mille livres, à mesure que le besoin l'exigeroit, sous la condition qu'ils la rembourseroient, dans la suite, du produit de cet octroi. C'étoit dans la même intention que, dès le mois d'août précédent, le roi avoit adjugé à l'Hôtel-Dieu l'argenterie et les ornements d'église employés au service de la confrérie des changeurs, anciennement établie dans l'église de Saint-Leufroi, et qui avoit cessé d'exister.

Cet hôpital étoit, comme nous l'avons dit, principalement destiné à recevoir les personnes attaquées de maladies contagieuses; mais comme de tels fléaux ne sont heureusement que passagers, on fut quelque temps incertain de savoir quelle destination on lui donneroit dans les longs intervalles qui séparent la courte durée de ces épidémies. Un projet charitable conçu par madame de Bullion indiqua bientôt le parti qu'il étoit possible d'en tirer. Cette dame, touchée de l'état de détresse où se trouvoient une foule de convalescents qui, n'étant plus assez malades pour rester à l'Hôtel-Dieu, n'avoient cependant point encore recouvré les forces nécessaires pour reprendre leurs travaux et pourvoir à leur subsistance, avoit formé le projet de procurer un asile momentané à quelques-uns d'entre eux, et venoit de fonder à cet effet un hospice pour huit personnes sortant de l'hôpital de la Charité. L'exemple étoit assez beau pour n'être pas perdu, et l'on résolut de faire en grand, dans l'hôpital Saint-Louis, ce qu'elle n'avoit pu exécuter qu'en petit. Le cardinal de Mazarin légua, dans cette vue, une somme de 70,000 liv. à l'Hôtel-Dieu; le duc de Mazarin y ajouta 30,000 liv.; les libéralités réunies de quelques autres personnes formèrent une troisième somme de 60,000 liv.; et pour faciliter encore une entreprise aussi utile, on unit à l'Hôtel-Dieu le prieuré de Saint-Julien-le-Pauvre. Malgré de si généreux secours, il s'en falloit cependant encore de beaucoup que ce capital fût suffisant même pour la dépense des bâtiments nécessaires; et il eût été imprudent de les commencer sans savoir comment on pourroit soutenir les charges de ce nouvel établissement. Les administrateurs de l'Hôtel-Dieu demandèrent en conséquence la permission de faire dans l'hôpital Saint-Louis une épreuve de la dépense la plus indispensable, afin de voir s'ils pourroient la soutenir; cette demande leur fut accordée par arrêt du 24 novembre 1676, sous la condition néanmoins que, si la ville se trouvoit affligée de quelque mal contagieux, ils seroient obligés de faire retirer les convalescents de l'hôpital, pour le laisser libre aux malades. L'épreuve fut tentée, et elle eut tout le succès qu'on en pouvoit désirer.

En 1709, la rigueur de l'hiver, et la misère qu'elle occasionna, causèrent différentes maladies, et principalement le scorbut. L'hôpital Saint-Louis fut aussitôt destiné à recevoir tous ceux qui en étoient attaqués; et comme le nombre en étoit très-considérable, on augmenta les bâtiments, on répara les anciens, et on les mit dans l'état où on les voyoit en 1789.

L'architecture d'un hôpital doit avoir un caractère particulier. Les points les plus essentiels pour arriver au but important qu'on se propose dans la construction d'un semblable édifice consistent dans une situation avantageuse, une étendue de terrain suffisant, surtout une distribution bien entendue du plan, qui permette la réunion de toutes les choses nécessaires au service intérieur, et une disposition telle qu'elles puissent toutes, sans confusion, se prêter un mutuel secours. Toute décoration seroit superflue; il suffit qu'à l'extérieur les masses soient grandes, simples et régulières.

Sous ces différens rapports, on peut présenter le plan de l'hôpital Saint-Louis comme un modèle en ce genre, et le meilleur qui existe à Paris.

Autour d'une grande cour de cinquante-deux toises carrées, servant de promenoir commun aux malades, s'élèvent quatre grands corps de bâtiment, contenant au rez-de-chaussée huit salles et huit pavillons. Ces huit salles ont vingt-quatre toises de longueur sur quatre de largeur, et onze pieds d'élévation. Elles sont partagées en deux nefs par un rang de piliers qui soutiennent les voûtes. Les huit pavillons d'entrée ont chacun cinq toises et demie en carré, et sont voûtés à la même hauteur que les deux salles. Deux de ces pavillons renferment des escaliers, deux contiennent des chapelles, deux autres des chauffoirs; les deux derniers servent de vestibule.

Le premier étage a la même étendue et la même distribution que le rez-de-chaussée; les greniers placés au-dessus sont absolument vacants. Au sommet des pavillons on a pratiqué des lanternes pour l'épurement de l'air.

Indépendamment de toutes les précautions particulières, dont aucune n'a été négligée pour la perfection de cet établissement, les dispositions générales sont telles que le grand bâtiment qui contient les malades est totalement isolé par une cour plantée d'arbres, laquelle forme un intervalle de seize toises entre ce bâtiment et un premier mur de clôture.

C'est sur ce mur que sont appuyées toutes les constructions qui forment les logements des personnes attachées au service des malades, les dépôts et les magasins: près de là sont les pompes, les lavoirs, etc.

Derrière cette première clôture règne, dans tout le pourtour, un très-grand espace employé aux jardins, aux cours, aux cuisines, à la boulangerie, au logement des personnes occupées de ces différents services. Elles ne peuvent jamais pénétrer dans la première clôture pour y porter les aliments, et les personnes de l'intérieur ne peuvent la franchir pour les recevoir: l'introduction s'en fait par le moyen d'un tour placé dans un pavillon construit à cet effet.

Ces cours et ces jardins sont entourés d'un second mur de clôture, à vingt toises de distance de la voie publique. Au-delà, et d'un côté seulement, sont deux autres terrains[124] séparés par une cour qui conduit à l'église[125]. Ce dernier bâtiment est construit de manière que les personnes du dehors peuvent entrer dans la nef, et celles de la maison dans le chœur, sans se communiquer.

Ce beau monument, élevé sur les dessins d'un architecte nommé Claude Châtillon, est contenu dans un parallélogramme de cent quatre-vingts toises de longueur sur cent vingt de largeur, ce qui donne une superficie de vingt-un mille six cents toises. Au moment de la révolution, il contenoit mille malades[126].

HÔTELS ANCIENS ET NOUVEAUX.

Hôtel de Châlons.

Cet hôtel, dont nous avons parlé à l'article des religieuses carmélites, existoit dès le commencement du douzième siècle dans la rue Chapon; il appartenoit alors aux archevêques de Reims. On trouve qu'il fut ensuite aliéné et racheté par eux en 1266. Les évêques de Châlons l'achetèrent au commencement du siècle suivant.

Hôtel de Montmorenci, et Maison de Nicolas Flamel.

Cet hôtel étoit situé dans la rue de ce quartier qui jusqu'à ce jour a conservé le nom de rue de Montmorenci. Sauval[127] et ses copistes prétendent que Nicolas Flamel avoit fait bâtir et fondé un hôpital dans cette même rue. Sauval s'est trompé: il est vrai que cet homme charitable possédoit une maison dans cette rue, sur le mur de laquelle il avoit fait sculpter des figures et des caractères, et qu'entre les legs qu'il avoit faits à sa servante, on trouve énoncé: «Le louage par bas de la maison haute où est le puits, en la rue de Montmorenci;» mais il ne dit point que ce fut un hôpital, il ne donne point à entendre que le haut fût occupé par des pauvres et des pélerins; on ne trouve nulle part de trace de cette fondation; et certes il n'eût pu oublier de faire un legs à un hôpital que lui-même auroit fait bâtir, lui qui en avoit fait à tous les hôpitaux.

Maison de la rue Saint-Martin.

Cette maison, située vis-à-vis de l'église des Ménétriers, et rebâtie vers la fin du siècle dernier, offroit au-dessus de sa porte l'inscription suivante, gravée sur une table de marbre.

Summum crede nefas animam præferre pudori, Et propter vitam vivendi perdere causas[128].

«Crois que c'est un grand crime de préférer l'existence à l'honneur, et de perdre, pour conserver ta vie, les vrais motifs que nous avons de vivre.»

Cette inscription excita la curiosité, et fit faire des recherches. On prétendit qu'elle avoit été d'abord habitée par Gabrielle d'Estrées; qu'ensuite elle étoit devenue un réceptacle des plus abominables débauches; que, celui qui y demeuroit ayant péri à la place de Grève du même supplice dont Dieu punit les villes de Sodome et Gomorrhe, cette inscription avoit été mise sur la porte en exécution de l'arrêt qui l'avoit condamné. Cette tradition n'est appuyée d'aucune preuve. Tout ce que l'on a pu découvrir de certain sur cette maison, c'est qu'en 1647 c'étoit un bureau où se faisoient inscrire ceux qui vouloient s'embarquer pour les Indes ou y expédier des marchandises, et dans les actes où il en est fait mention, elle est ainsi indiquée: L'hôtel des Indes orientales pour s'embarquer.

Maison des Fiacres.

Cette maison, qui étoit également située dans la rue Saint-Martin, en face de la rue du Cimetière-Saint-Nicolas, appartenoit dans le dix-septième siècle à un particulier nommé Galland, et avoit alors pour enseigne une image de saint Fiacre[129]. En 1637 elle étoit occupée par Jacques Sauvage, lequel avoit alors l'entreprise des coches publics: il imagina de faire faire pour la ville des carrosses auxquels on donna le nom de fiacres, à cause de l'enseigne de cette maison. Ils ont conservé jusqu'à ce jour ce nom bizarre, qui a même passé aux cochers qui les conduisent, et il n'y a pas d'apparence qu'il soit jamais changé.

Bureau des jurés crieurs.

Ce bureau étoit situé rue Neuve-Saint-Merri, dans une maison où l'on prétend que Catherine de Médicis a demeuré. Cette tradition n'est appuyée d'aucun témoignage authentique; et c'est également sans aucune preuve que l'on a dit que la maison voisine, laquelle a dû faire partie de celle-ci, avoit appartenu à la reine Blanche, mère de saint Louis. Cette opinion n'avoit d'autre fondement qu'une simple fleur de lis sculptée sur le mur extérieur, ce qui certainement ne suffit pas pour prouver que ce fut l'hôtel d'une reine de France. Toutefois on ne peut douter qu'elle n'ait été jadis occupée par des personnes d'un haut rang; car on y voyoit encore, à la fin du siècle dernier, un cabinet orné de peintures, de sculptures et de dorures, qui donnoient l'idée d'une grande magnificence dans l'ancienne décoration de cette maison.

HÔTELS MODERNES.

Les plus remarquables en 1789 étoient:

  • L'hôtel d'Aligre, rue de Bondi.
  • ——de Rosambo, même rue.
  • ——de Boyne, faubourg Saint-Martin.

WAUXHALL D'ÉTÉ.

Cet édifice, construit en 1785, à l'extrémité de la rue de Bondi, près du boulevart, occupoit un emplacement d'un arpent et demi, y compris le jardin. L'intérieur offroit une salle de danse de forme elliptique, décorée avec beaucoup d'élégance, environnée d'un double rang de galeries pour les spectateurs, et se prolongeant dans une dimension de soixante-douze pieds sur cinquante-six de largeur; le plafond, soutenu par des cariatides, avoit cinquante pieds d'élévation, et sous la salle étoit pratiqué un café souterrain. On donnoit dans cet emplacement des fêtes, des feux d'artifice, etc., qui, depuis la révolution, ont été successivement transportés au jardin de Marbeuf et à Tivoli[130].

FONTAINES.

Fontaine Maubué.

Cette fontaine, située au coin de la rue de ce nom et de celle de Saint-Martin, donne de l'eau de l'aquéduc de Belleville.

Fontaine Saint-Martin ou du Verdbois.

Elle fut construite en 1712, sur un emplacement donné à cet effet par les religieux bénédictins de Saint-Martin, près de l'encoignure de la rue du Verdbois. Cette fontaine donne de l'eau du même aquéduc.

Fontaine des Récollets.

Cette fontaine, située dans la rue du Chemin de Pantin, faubourg Saint-Martin, est très ancienne; l'eau qu'elle donne vient de l'aquéduc des Prés-Saint-Gervais.

BARRIÈRES.

L'extrémité septentrionale de ce quartier en offre trois; savoir:

  • La barrière Saint-Martin[131].
  • —— de Pantin[132].
  • —— de la Chopinette.

RUES ET PLACES
DU QUARTIER SAINT-MARTIN.

Rue Bailly. Cette rue, ouverte depuis 1780 dans le marché Saint-Martin, forme un angle avec la rue Henri et celle de Saint-Paxant.

Rue Beaubourg. Elle aboutit à la rue Simon-le-Franc et à la rue Grenier-Saint-Lazare. Son nom lui vient de quelques maisons qui furent bâties en cet endroit vers la fin du onzième siècle, ou au commencement du suivant. Elles formèrent un territoire auquel on donna le nom de Beaubourg, in Pulchro Burgo. Il comprenoit l'espace qui est aujourd'hui renfermé entre les rues Maubué, Grenier-Saint-Lazare, Saint-Martin, Sainte-Avoie; ce qui duroit encore dans le quatorzième siècle, temps auquel toute cette étendue n'étoit désignée que sous le nom général de Biau-Bourc, qu'on a donné privativement depuis à la rue qui traverse cet espace du nord au sud.

Cette rue fut depuis coupée en deux par le mur de l'enceinte ordonnée par Philippe-Auguste. On ouvrit en cet endroit une fausse porte ou poterne désignée dans tous les anciens titres sous le nom de Nicolas Huidelon, et quelquefois, mais mal à propos, Huidron et Hydron. On trouve aussi que, depuis cette porte jusqu'à la rue Transnonain, la rue Beaubourg s'appeloit rue outre la poterne Nicolas Hydron; mais la partie en-deçà de cette porte n'a jamais été nommée cul-de-sac le Grand, comme le prétendent Sauval et l'auteur des Tablettes parisiennes[133]. En effet, cette partie de rue ne pouvoit nullement être regardée comme un cul-de-sac, angiportus. Ce mot signifie une ruelle qui n'a pas d'issue; or la rue Beaubourg, comme nous venons de le dire, aboutissoit à une porte; elle en avoit même reçu le nom de rue de la Poterne et de la Fausse Porte; et c'est ainsi qu'elle est désignée dans la liste des rues du quinzième siècle. D'ailleurs elle avoit des issues dans toutes les rues voisines, dont la plupart existaient déjà à cette époque.

Il y a dans cette rue deux culs-de-sac fort anciens. Le premier et le plus grand est situé entre les rues Geoffroi-l'Angevin et Michel-le-Comte, et s'appelle aujourd'hui cul-de-sac Bertaut. Il est indiqué dans l'accord fait en 1273 entre Philippe-le-Hardi et le chapitre de Saint-Merri, sous le nom de cul-de-sac sans chef: Item quemdam vicum, qui vocatur cul-de-sac sine capite. Il a été ensuite prolongé jusqu'à un cul-de-sac de la rue Geofroi-l'Angevin, qu'on a supprimé depuis, et qui formoit le retour d'équerre de celui-ci. On ne trouve point que, jusqu'au milieu du quatorzième siècle, ce dernier cul-de-sac ait eu un nom particulier; mais en 1342 on le nommoit rue Agnès-aux-Truyes, et en 1386 rue des Truyes. Il conserve ce nom sur le plan de Gomboust, et l'a même porté long-temps depuis; dans le papier terrier de Saint-Merri de 1723, toutes les maisons de ce cul-de-sac sont désignées rue des Truyes, autrement grand cul-de-sac de la rue Beaubourg. Les mêmes énonciations se trouvent dans les terriers de Saint-Martin-des-Champs.

Le second cul-de-sac de cette rue est nommé dans l'inscription cul-de-sac des Anglois. Dans l'accord de 1273, que nous avons cité, il est simplement désigné cul-de-sac-le-Petit sine capite et petit cul-de-sac près la fausse Poterne Nicolas Hydron. Dans des temps postérieurs, et vers l'an 1517, Jean Bertaut fit construire, rue Beaubourg, un jeu de paume qui régnoit le long de ce cul-de-sac, ce qui lui fit donner le nom de cul-de-sac du Tripot-de-Bertaut, nom qu'il portoit encore en 1640. Dans les déclarations des censitaires de Saint-Merri en 1722, on le nomme cul-de-sac de la rue Beaubourg, tenant au jeu de paume appelé Bertaut. Ainsi le nom de ce particulier ayant prévalu dans la dénomination de ce cul-de-sac, il n'est pas surprenant qu'il se trouve dans les titres qui en font mention, sur les plans de Gomboust et sur ceux qui ont été publiés depuis. D'après toutes ces autorités, fondées sur les titres et les anciens plans, il paroît démontré que c'est par une méprise de ceux qui, dans le siècle dernier, ont renouvelé les inscriptions, qu'on a appliqué le nom de Bertaut au premier cul-de-sac dont nous venons de parler, et qu'il appartient incontestablement au dernier, appelé mal à propos cul-de-sac des Anglois.

Rue Saint-Benoît. C'est une des rues ouvertes depuis 1765 dans le marché Saint-Martin. Elle est fermée dans sa partie septentrionale, et donne de l'autre côté dans la rue Royale.

Rue de Bondi. Cette rue commençoit à la rue du Faubourg-Saint-Martin, et aboutissoit autrefois à une voirie de laquelle elle avoit pris d'abord le nom de chemin de la voirie. On la nomma ensuite rue des Fossés-Saint-Martin, et depuis elle fut prolongée jusqu'à la barrière du Temple, sous le nom de rue Basse-Saint-Martin, parce qu'elle est en effet plus basse que le boulevart le long duquel elle est située. C'est ainsi qu'elle est désignée dans un arrêt du conseil du 7 août 1769. Le roi en rendit un second le 17 mars 1770, par lequel il ordonna qu'elle seroit continuée en ligne droite, parallèlement à la grande allée du Rempart, jusqu'à la rue du Faubourg-du-Temple. Cette rue ayant été alignée en conséquence de cet ordre, le nom de rue Basse-Saint-Martin fut changé en celui de Bondi, par l'effet d'un troisième arrêt du conseil, du mois de décembre 1771[134].

Rue de Breteuil. Cette rue, ouverte depuis 1765 dans le marché Saint-Martin, donne d'un côté dans la rue Royale, et vient finir de l'autre, par un retour d'équerre, dans le passage qui borne ce marché au nord; elle est fermée à cette extrémité.

Rue Brise-Miche. Cette rue, qui aboutit au cloître Saint-Merri et dans la rue Neuve-Saint-Merri, n'a été ouverte qu'au commencement du quinzième siècle. Jusqu'à cette époque il n'y avoit là qu'une seule rue représentée aujourd'hui par la rue Taille-Pain. Elle aboutissoit à la rue Neuve-Saint-Merri, étoit fermée par une porte à chacune de ses extrémités, et portoit le nom de rue Baillehoë, nom qui étoit déjà altéré: car on a trouvé dans les archives de Saint-Merri un acte du 8 octobre 1207, dans lequel on lit très-distinctement vicus de Bay-le-Hœu; et, dans l'énonciation de la censive de Saint-Martin-des-Champs, en 1540[135], on indique la Villette Saint-Ladre au lieu dit Bailleheu, autrement Chaumont, ce qui fait conjecturer que ces deux endroits devoient leur nom à un particulier.

Il y avoit dans cette rue un petit cul-de-sac qui fut prolongé et ouvert du côté du cloître. On donna dans le quinzième siècle le nom de Brise-Miche à cette nouvelle rue, et le nom de Baillehoë fut conservé à la partie qui étoit du côté de la rue de Saint-Merri. Il fut également affecté à l'entrée de la rue Taille-Pain, comme on peut le voir sur le plan manuscrit de la censive de Saint-Merri, fait en 1512[136].

Sauval a conjecturé que le nom de Brise-Miche pouvoit venir de quelques-uns des devanciers d'Étienne Brise-Miche, curé de Besons, qui mourut en 1515. Comme il n'appuie cette conjecture sur aucune autorité, nous trouvons plus vraisemblable l'étymologie donnée par Jaillot, qui suppose que les noms Brise-Pain, Tranche-Pain, Taille-Pain, et Brise-Miche[137] ont été donnés à cet endroit, parce qu'on y faisoit la division et la distribution des pains de chapitre, que l'usage étoit de donner aux chanoines de la collégiale de Saint-Merri.

Rue du Carême-Prenant. Elle va de l'hôpital Saint-Louis à la rue du Faubourg-du-Temple. Il paroît, par les plans de Gomboust, La Caille et autres, qu'elle commençoit autrefois à la rue du Faubourg-Saint-Laurent, et que la rue des Récollets en faisoit alors partie. Cette rue doit son nom au territoire sur lequel elle a été ouverte. À la fin du quatorzième siècle on appeloit cet endroit la Courtille Jacqueline d'Épernon[138]; et, en 1417, la Courtille Barbette[139]. On trouve dans les archives de Saint-Merri un titre de 1455, qui énonce le clos Jacqueline d'Épernon, autrement dit Carême-Prenant, et la Courtille tenant au chemin qui conduit à Saint-Maur. Elle est indiquée rue de Carême-Prenant dans le terrier du roi, de 1540.

Rue des Petits-Champs. Elle traverse de la rue Beaubourg dans celle de Saint-Martin. Il en est fait mention sous ce nom dans l'accord de Philippe-le-Hardi avec le chapitre de Saint-Merri, en 1273. Vicus de Parvis Campis.

Rue Chapon. Elle aboutit à la rue Transnonain et à celle du Temple. On l'appeloit anciennement vicus Roberti Begonis, et Beguonis sive Caponis, comme l'indiquoient les terriers de Saint-Martin de 1293 et de 1300. On la trouve sur quelques plans prolongée mal à propos jusqu'à la rue Saint-Martin; car la rue du Cimetière-Saint-Nicolas, qui en est la continuation, existoit sous ce nom dès 1220. L'auteur du supplément aux Antiquités de Paris de Dubreul, a voulu, de son autorité privée, ennoblir le nom de cette rue; il l'appelle rue du Coq[140]. Dès 1313 elle étoit connue sous celui qu'elle porte aujourd'hui.

Rue du Combat. Cette rue, qui commence à la rue du Faubourg-Saint-Laurent, et se prolonge jusqu'à la barrière de Pantin, étoit encore un chemin sans nom dans le siècle dernier. Elle prit celui qu'elle porte aujourd'hui, quelques années avant la révolution, et le dut au spectacle connu sous le nom de combat du taureau, spectacle qui subsiste encore, et qui n'est fréquenté que par la dernière classe du peuple. On la nomme aujourd'hui rue de la Butte Saint-Chaumont.

Rue de la Corroyerie. Elle aboutit à la rue Beaubourg et à celle de Saint-Martin. Cette rue s'appeloit au treizième siècle rue de la Plâtrière. Cependant le censier de Saint-Martin-des-Champs, de 1300, indique d'abord vicus Plastrariæ, et quelques lignes après vicus Correarii; ce qui sembleroit marquer deux rues différentes. Quoi qu'il en soit, on voit, par un registre de la chambre des comptes[141], qu'on la nommoit rue de la Plâtrière en 1313 et en 1482. Dans la liste du quinzième siècle, elle est désignée sous le nom de la Plastaye. Elle avoit déjà pris le nom de Conroirie en 1500, quoique Sauval lui donne une origine plus moderne d'un siècle. Sur les plans de Gomboust, de Bullet et autres, elle est indiquée sous le nom de Courroyerie, et mal à propos sous celui de Courrerie dans les tables de La Caille et de Valleyre.

Il y a dans cette rue un cul-de-sac qu'on appelle cul-de-sac Boudroirie. Sauval et ceux qui l'ont suivi ont été induits en erreur par la dénomination de ce cul-de-sac, lorsqu'ils ont dit qu'en 1300 cette rue s'appeloit de la Baudraërie, et depuis Baudroirie; ils ont confondu cette rue avec celle du Poirier, ainsi nommée alors, ou avec la rue Maubué, à laquelle on a quelquefois donné ce nom par extension.

Rue Cour-au-Vilain. (Voyez rue Montmorenci.)

Rue Cour-du-More. Cette rue, qui traverse de la rue Beaubourg dans celle de Saint-Martin, doit sans doute son nom à une cour qu'on aura percée et prolongée. On l'appeloit, suivant le rôle de 1313, rue Jehan Palée, et ensuite Palée. Elle est encore désignée sous ce nom dans une déclaration des religieuses de Montmartre, du 3 juillet 1551. Cependant, dès le commencement du quatorzième siècle, la proximité de l'église de Saint-Julien, à laquelle elle est contiguë, lui avoit fait donner le nom de ruelle ou rue Saint-Julien, sous lequel elle est indiquée dans le compte des confiscations de 1421, et dans Corrozet. On l'a aussi nommée rue de la Poterne ou de la Fausse Poterne, parce qu'elle aboutissoit dans la rue Beaubourg, à peu de distance de la poterne ou fausse porte de Nicolas Huidelon. Depuis on lui a donné le nom de Cour-du-More et de rue du More qu'elle portoit dès 1606, suivant plusieurs titres des archives de Saint-Merri. On la trouve aussi, en 1640, indiquée Cour-de-More, dite des Anglois. Jaillot pense que c'est sans fondement qu'on a gravé sur plusieurs anciens plans Cour des Morts, étymologie que l'abbé Lebeuf a suivie.

Rue de la Croix. Elle aboutit d'un côté à la rue Phelipeaux, et de l'autre au coin des rues Neuve-Saint-Laurent et du Verdbois. Ce nom lui vient d'un canton de la Courtille-Saint-Martin, hors les murs, qui s'appeloit la Croix-Neuve en 1546; et dans le terrier de cette année, cette rue est effectivement indiquée sous le nom de la Croix-Neuve. La dénomination de ce canton, suivant toute apparence, étoit due à une croix qu'on y avoit élevée ou rétablie depuis peu. On sait que c'étoit l'usage ordinaire de placer des croix à la sortie des villes, à l'entrée des principaux chemins et dans les carrefours.

Rue des Étuves. Elle traverse de la rue Saint-Martin à la rue Beaubourg. Son nom lui vient des étuves aux femmes, situées dans la rue Beaubourg, au coin de celle-ci. Ces étuves avoient pour enseigne le lion d'argent, et il en est fait mention dans des lettres de Philippe-le-Bel, de 1313. Il est même certain qu'elles existoient avant ce temps-là, puisque déjà Guillot énonce cette rue sous le même nom: en 1578 elles subsistoient encore. On l'a quelquefois appelée rue des Vielles-Étuves. Au milieu du treizième siècle, on la nommoit rue Geofroi-des-Bains, vicus Gaufridis, ou Gaudefridi de balneolis sive stupharum[142].

Rue des Fontaines. Cette rue donne d'un bout dans la rue du Temple, et de l'autre dans celle de la Croix. Dès le commencement du quinzième siècle, elle étoit connue sous ce nom qu'elle a toujours conservé depuis. Quelques auteurs la nomment des Madelonettes, à cause du couvent des filles de la Madeleine, qui en étoit voisin; mais cette dénomination étoit entièrement populaire.

Rue Frepillon. Elle fait la continuation de la rue de la Croix, et aboutit au cul-de-sac de Rome et à la rue au Maire. Elle doit son nom à celui d'une famille qui demeuroit dans cette rue au treizième siècle. Dans un acte de 1269, elle est nommée vicus Ferpillonis; rue Ferpillon en 1282; vicus Ferpillionis dans le terrier de Saint-Martin-des-Champs, de 1300. Depuis ce temps ce nom a été altéré par le peuple ou par les copistes, et l'on a écrit Ferpeillon, Serpillon, Frepillon, Fripilon, etc.

Rue Geoffroi-l'Angevin. Elle traverse de la rue Beaubourg à celle de Sainte-Avoie. Dès le milieu du treizième siècle elle portoit ce nom, et l'a toujours conservé depuis, à quelques variations près, introduites dans l'orthographe ou dans la prononciation. Ainsi on la trouve écrite Géfroi-l'Angevin en 1278 et 1287, et Giéfroi-l'Angevin dans Guillot[143].

Rue Grange-aux-Belles. Cette rue, ouverte depuis 1780, commence à la rue des Marais en face de la rue de Lancry, et traverse la rue de Carême-Prenant et celle des Récollets jusqu'à celle de l'Hôpital-Saint-Louis.

Rue des Gravilliers. Elle donne d'un bout dans la rue Transnonain et de l'autre dans celle du Temple. Son véritable nom est rue Gravelier, ou du Gravelier, vicus Gravelarii, qu'elle portoit en 1250[144]. On l'a appelée depuis rue des Graveliers. Elle conservoit ce nom jusqu'à la rue Saint-Martin, comme on peut le voir sur plusieurs anciens plans.

Rue Henri. Cette rue, ouverte dans le marché Saint-Martin depuis 1765, donne d'un côté rue Bailly, de l'autre rue Royale. Le nom qu'elle porte lui a sans doute été donné en l'honneur de Henri Ier, qui rebâtit le monastère de Saint-Martin.

Rue Saint-Hugues. Elle a été ouverte dans le même temps que la précédente et dans la même direction. Elle est seulement située un peu plus à l'orient du marché.

Rue Jean Robert. Elle fait la continuation de la rue des Gravilliers, dont elle portoit le nom, ainsi que nous venons de le dire, et aboutit à la rue Saint-Martin. Celui qu'elle porte actuellement ne lui a été donné qu'au commencement du siècle dernier.

Rue Grenier-Saint-Lazare. Elle commence à la rue Saint-Martin, et aboutit au coin des rues Transnonain et Beaubourg, vis-à-vis la rue Michel-le-Comte. L'usage des siècles passés l'avoit fait appeler rue Grenier-Saint-Ladre: c'est ainsi qu'on nommoit alors Saint-Lazare. Toutefois le premier nom avoit été altéré; car anciennement on disoit Garnier-Saint-Lazare, vicus Garnerii de sancto Lazaro. C'étoit le nom d'une famille connue à la fin du douzième siècle, et la rue qui le porte étoit déjà habitée au milieu du siècle suivant.

Au coin de cette rue, et un peu en-deçà, étoit la porte Saint-Martin de l'enceinte de Philippe-Auguste.

Rue de Lancry. Cette rue, ouverte depuis 1780, traverse de la rue de Bondi dans celle des Marais, en face de la rue Grange-aux-Belles.

Rue Neuve-Saint-Laurent. Elle aboutit à la rue du Temple, à l'angle de celles de la Croix et du Pont-aux-Biches. On l'a ouverte sur la culture de Saint-Martin, et elle étoit connue dès le quinzième siècle sous ce nom qu'elle a toujours conservé depuis. Dans un terrier de 1546, elle est appelée rue Neuve-Saint-Laurent, dite du Verdbois.

Rue du Faubourg-Saint-Laurent. Elle fait la continuation du Faubourg-Saint-Martin, depuis l'égout jusqu'au chemin qui conduit au village de la Chapelle. Sur quelques plans on trouve l'extrémité de ce faubourg désignée sous le nom de Faubourg-de-Gloire.

Il y a dans cette rue un cul-de-sac, un peu au-dessus de l'hospice des Récollets, nommé le cul-de-sac de Saint-Michel. Ce nom lui vient probablement d'une enseigne.

Rue de l'Hôpital-Saint-Louis. Elle est située à l'extrémité de la rue des Récollets, et aboutit à la rue Saint-Maur ou du chemin de Saint-Denis. Elle doit ce nom à l'hôpital Saint-Louis qui en est voisin.

Rue au Maire. Elle commence à la rue Saint-Nicolas et aboutit à la rue Frepillon et au petit cul-de-sac du puits de Rome. Le nom de cette rue n'a varié que dans l'orthographe. On disoit rue au Maire dès le treizième siècle, et au Mayre en 1450 et 1560: c'étoit son véritable nom, vicus Majoris sancti Martini. On l'a défigurée depuis en écrivant Omer, Aumaire, Aumère et Aumaire, comme on le voit sur plusieurs plans et dans les nomenclatures. Ce nom lui vient du maire ou juge de la justice de Saint-Martin-des-Champs, qui avoit son domicile affecté dans cette rue, et y tenoit sa juridiction. Elle se prolongeoit autrefois jusqu'à la rue du Temple. Sur un plan manuscrit de 1546, cette dernière partie est désignée sous le nom de rue de Rome.

Il y a dans cette rue un petit cul-de-sac nommé cul-de-sac du Puits de Rome. Ce nom lui vient de l'enseigne d'une maison qui étoit ainsi appelée. Auparavant on la nommoit rue aux Cordiers et des Cordiers. Les titres de Saint-Martin, de 1382 et de 1386, énoncent une maison rue aux Cordiers y séant delez de la rue au Maire, et une autre faisant le coin de la rue Frepillon et de la rue des Cordiers.

Rue Saint-Marcou. Cette rue, ouverte depuis 1765, dans le marché Saint-Martin, est située à l'orient de la rue Saint-Hugues, et dans la même direction.

Rue Saint-Martin. Cette rue, qui commence au coin des rues de la Verrerie et des Lombards, et vient finir à la porte Saint-Martin, doit son nom au prieuré de Saint-Martin-des-Champs qui y étoit situé. Dans les anciens titres, on trouve désignée, sous les noms de rue Saint-Merri et de l'Archet-Saint-Merri, la partie de la rue Saint-Martin comprise entre la rue Neuve-Saint-Merri et celle de la Verrerie. Nous avons déjà fait connoître l'origine de cette dénomination; cependant, dans un petit terrier latin de Saint-Martin-des-Champs, dont l'écriture est au moins du treizième siècle, cette partie de la rue est déjà désignée par son nom actuel, vicus sancti Martini juxta portam sancti Mederici. Et, dans le même terrier, toute la rue Saint-Martin est énoncée extra et intra muros[145]. On la trouve également indiquée, dans toute son étendue actuelle, sous le même nom de vicus sancti Martini de Campis, dans le cartulaire de Saint-Maur, en 1231 et en 1247[146]. On a ouvert dans cette rue un passage qui donne à travers une maison, dans le marché Saint-Jacques-de-la-Boucherie.

Rue du Faubourg-Saint-Martin. Cette rue doit également son nom à l'abbaye de Saint-Martin. Elle commence à la porte Saint-Martin, et finit à l'endroit où commence celle du Faubourg-Saint-Laurent.

Il y a dans cette rue un cul-de-sac nommé des Égouts, à cause des eaux qui se rendent dans cet endroit.

Marché Saint-Martin. Ce marché qui se tenoit autrefois dans la rue Saint-Martin, où il causoit beaucoup d'incommodité au public, fut transporté, en 1765, dans le territoire du prieuré, sur un espace d'environ cinq cents toises, qui en fut séparé à cet effet. On y arrive par les rues Frepillon, au Maire et Saint-Martin.

Rue du Marché-Saint-Martin. Elle commence rue Frepillon, et finit au marché qui lui a donné son nom. Ouverte en même temps que ce marché fut construit, elle n'a reçu sa dénomination que depuis 1780.

Rue Neuve-Saint-Martin. Elle commence à la rue Saint-Martin et finit à la rue Notre-Dame-de-Nazareth, au coin de celle du Pont-aux-Biches. Cette rue tire son nom du territoire sur lequel elle est située, lequel s'appeloit autrefois la Pissote de Saint-Martin[147]. Elle portoit sa dénomination actuelle dès le commencement du quinzième siècle. On l'appeloit aussi rue du Mûrier; et, dans un procès-verbal de 1638, on lit la rue du Mûrier, dite rue Neuve-Saint-Martin.

Rue des Marais du Faubourg-Saint-Martin. Elle traverse de la rue du Faubourg-Saint-Martin à celle du Faubourg-du-Temple, et tire son nom des marais ou jardins sur lesquels elle a été ouverte.

Rue Maubué. Elle aboutit d'un côté à la rue Saint-Martin, et de l'autre au coin de la rue du Poirier, vis-à-vis la rue Simon-le-Franc, dont elle fait la continuation. Elle étoit connue sous le nom qu'elle porte, dès le commencement du quatorzième siècle. On la trouve aussi en 1357 sous celui de la Fontaine Maubué, à cause de la fontaine qu'on a fait construire au coin de cette rue, et qui fut rebâtie à neuf en 1734. Suivant les censiers de Saint-Merri, on la nommoit aussi rue de la Baudroirie dans les quatorzième et quinzième siècles, parce qu'elle faisoit le retour d'équerre de la rue du Poirier, qui portoit alors ce nom.

Rue Saint-Maur. Elle commence à la rue du Faubourg-du-Temple, et fait la continuation du chemin de Saint-Denis, dont on lui donne quelquefois le nom par extension; elle a pris celui qu'elle porte du lieu où elle est bâtie, indiqué dans tous les titres anciens sous la dénomination de Chemin de Saint-Maur.

Rue des Ménétriers[148]. Elle aboutit à la rue Saint-Martin et à la rue Beaubourg. Cette rue ne doit pas son nom, comme on pourroit le penser, à l'église de Saint-Julien des Ménétriers, qui n'en est pas éloignée, mais aux joueurs de vielle qui demeuroient dans cet endroit. On trouve dans le grand pastoral de Notre-Dame un acte du mois de mai 1225[149], un chapitre intitulé vicus Viellatorum, dans lequel est énoncée une maison sise in vico des Jugleours; et, dans un terrier de Saint-Martin-des-Champs, du treizième siècle, cette rue est nommée vicus Joculatorum. Au commencement du quinzième siècle, on disoit rue des Menestrels. Elle étoit connue en 1482 sous celui de Ménétriers.

Rue du Cloître-Saint-Merri. Elle aboutit dans la rue Saint-Martin et dans celle de la Verrerie. Ce cloître comprenoit autrefois les rues Taille-Pain et Brise-Miche, et étoit fermé à toutes ses issues. À l'entrée, du côté de la rue Saint-Martin, il y avoit une porte et une barrière, et cet endroit en avoit pris le nom de la Barre-Saint-Merri. Ce nom pouvoit aussi venir de la juridiction temporelle que les chanoines de Saint-Merri faisoient exercer dans cette enceinte: car leur auditoire et les prisons du chapitre y étoient situés, et c'étoit là qu'on tenoit encore, dans les derniers temps, les assemblées capitulaires. La partie de ce cloître qui donne dans la rue de la Verrerie a reçu depuis le nom de rue des Consuls, nom qu'elle doit au tribunal qui, jusqu'à ces derniers temps, y a tenu ses séances.

Rue Neuve-Saint-Merri. Elle commence à la rue Saint-Martin, et finit à la rue Barre-du-Bec, vis-à-vis celle de Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie. Cette rue étoit déjà bâtie au commencement du treizième siècle, et peu après la nouvelle enceinte ordonnée par Philippe-Auguste[150]. On lui donna le surnom de Neuve, non-seulement parce qu'elle étoit nouvellement bâtie, mais encore pour la distinguer de la rue de la Verrerie, qu'on appeloit, en 1284[151], rue Saint-Merri dans sa partie occidentale. Elle est indiquée sous son nom actuel dans l'accord fait entre Philippe-le-Hardi et le chapitre Saint-Merri, en 1273, et l'a toujours conservé depuis.

À l'extrémité de cette rue est un cul-de-sac appelé du Bœuf. Dans les actes les plus anciens des archives de Saint-Merri il est nommé de Bec-Oye; dans les titres subséquents de Beuf et Oë, de Beuf et Oué, enfin, cul-de-sac de la rue Saint-Merri.

Rue Meslai. Elle traverse de la rue Saint-Martin à celle du Temple. Au commencement du dernier siècle, il n'y avoit encore dans cette rue que quelques maisons bâties du côté de la rue du Temple. La principale étoit l'hôtel Meslai, dont, par la suite, la rue a pris le nom: car alors elle s'appeloit rue des Remparts. Du côté de la rue Saint-Martin étoit une butte sur laquelle étoient placés trois moulins. On abattit cette butte; on aligna la rue qu'on y ouvrit, avec celle de Sainte-Apolline, et elle fut nommée d'abord rue Sainte-Apolline ou de Bourbon. En 1726, cette rue ayant été continuée et couverte de maisons des deux côtés, elle prit le nom de rue Meslai dans toute son étendue.

Il y a dans cette rue un cul-de-sac nommé de la Planchette. C'étoit le commencement d'une rue ouverte en 1680, et qu'on n'a pas continuée. Dans un compte de 1423, rapporté par Sauval, on trouve l'indication d'une maison rue Saint-Martin, devant la Planchette; et dans un contrat de vente du 15 octobre 1614, consigné dans les archives de l'archevêché, on fait mention d'une maison rue Saint-Martin, où pendoit pour enseigne la Planchette. On conjecture que ce nom pouvoit venir de la planche établie sur l'égout, qui passoit à découvert en cet endroit depuis la rue du Temple jusqu'à celle de Saint-Martin.

Rue Michel-le-Comte. Elle donne d'un bout dans la rue Beaubourg, vis-à-vis la rue Grenier-Saint-Lazare, dont elle fait la continuation, et de l'autre dans la rue du Temple, au coin de celle de Sainte-Avoie. Dès le milieu du treizième siècle, elle portoit ce nom, vicus Michaelis comitis, et n'en a pas changé depuis.

Rue de Montmorenci. Elle commence à la rue Saint-Martin et finit à celle du Temple. Cette rue se bornoit ci-devant à la rue Transnonain, et sa prolongation s'appeloit Cour-au-Villain, et par corruption Court-au-Villain; mais, à la requête des habitants, le roi rendit un arrêt en son conseil, au mois de mars 1768, par lequel il supprima le nom de Cour-au-Villain, et ordonna qu'elle seroit appelée de Montmorenci dans toute son étendue. On la nommoit anciennement rue au seigneur de Montmorenci, parce que son hôtel y étoit situé. C'est sous ce nom qu'elle est indiquée dans les censiers de Saint-Martin-des-Champs du quatorzième siècle. Sauval dit qu'elle étoit habitée dès 1297.

Rue des Morts. Cette rue étoit autrefois un chemin sans nom, qui donnoit d'un bout dans la rue Saint-Maur, de l'autre dans celle du Faubourg-Saint-Laurent. Elle n'a reçu que depuis 1780 le nom qu'elle porte, et peut-être le doit-elle au cimetière des protestans situé à son extrémité orientale.

Rue des Moulins. C'est une ruelle ou chemin qui conduisoit autrefois de la rue Saint-Maur aux moulins qui sont sur la butte de Chaumont, et c'est de là qu'elle avoit tiré son nom. Elle est indiquée sur quelques plans sous le titre de ruelle des Cavées, nom qu'elle avoit pris d'un clos nommé Cavon, sur lequel elle a été ouverte. Il est fait mention de ce clos dans les titres de Saint-Martin.

Rue Notre-Dame-de-Nazareth. Elle donne d'un bout dans la rue du Pont-aux-Biches, et de l'autre dans celle du Temple. C'est une continuation de la rue Neuve-Saint-Martin, dont elle portoit autrefois le nom. Celui qu'on lui a donné depuis vient des religieux du tiers-ordre de Saint-François, connus sous le nom des Pères de Notre-Dame-de-Nazareth, lesquels possédoient une maison dans son voisinage; elle n'a pu, par conséquent, le porter que depuis 1630.

Rue du Cimetière-Saint-Nicolas. Elle commence à la rue Saint-Martin et finit à la rue Transnonain. Cette rue, ouverte en 1220, conduisoit à l'emplacement que les religieux de Saint-Martin avoient cédé à la paroisse de Saint-Nicolas, pour y établir son cimetière. Elle en prit dès lors le nom qu'elle a toujours conservé depuis.

Rue Neuve-Saint-Nicolas. Cette rue, sans nom avant 1780, donne d'un bout dans celle du Faubourg-Saint-Martin, de l'autre dans la rue Sanson.

Rue Saint-Paxant. Cette rue, ouverte depuis 1765 dans le marché Saint-Martin, et dans la même direction que la rue Saint-Marcou, mais plus à l'orient, doit son nom à saint Paxant, dont le prieuré de Saint-Martin possédoit les reliques, et célébroit annuellement la fête.

Rue Phelipeaux. Elle aboutit dans la rue du Temple et au coin des rues Frepillon et de la Croix. Son véritable nom est Frépaut. Elle le portoit en 1397. On l'a depuis altéré et défiguré. Elle est nommée sur différents plans Frapaut, Fripaux, Frépaux, Frippau, Phelipot, Philipot. On a enfin adouci ce nom en l'appelant rue Phelipeaux, et ce changement a prévalu.

Rue Pierre-Aulard. Elle commence à la rue Saint-Merri, et, retournant en équerre, aboutit à la rue du Poirier. Elle formoit autrefois deux rues distinctes, et désignées, dans les anciens titres, sous différents noms. La partie qui donne dans la rue Saint-Merri s'appeloit en 1273 vicus Aufridi de Gressibus, et au siècle suivant la rue Espaulart. L'autre partie, aboutissant dans la rue du Poirier, étoit nommée vicus Petri Oliart. Elles sont toutes deux distinguées dans le rôle de taxe de 1313. Ce nom ne tarda pas à changer. Elle est indiquée dans un acte de 1303 sous le nom de Pierre Allard. Guillot écrit Pierre o lard, d'autres au lard et Aulart. En 1500 cette rue n'étoit plus distinguée de la rue Espaulart, et depuis on la trouve toujours sous le nom qu'elle porte aujourd'hui.

Rue du Poirier. Elle traverse de la rue Neuve-Saint-Merri à la rue Maubué. Cette rue s'appeloit autrefois de la Petite-Bouclerie, Parva Bouclearia[152]. Elle porte ce nom dans un acte de 1302. Guillot l'appelle aussi la Bouclerie. À ce nom succéda celui de la Baudroirie, qu'elle portoit encore en 1512, et même en 1597, quoique avant cette dernière époque on lui eût donné, d'après une enseigne, le nom de rue du Poirier.

Rue du Pont-aux-Biches. Elle fait la continuation de la rue de la Croix jusqu'au coin des rues Notre-Dame-de-Nazareth et Neuve-Saint-Martin. Ce nom lui vient d'un petit pont construit sur l'égout pour faciliter la communication des deux rues auxquelles elle aboutit, et d'une enseigne représentant des biches.

Vis-à-vis l'extrémité de cette rue est un petit cul-de-sac qui porte le même nom; il a été aussi appelé cul-de-sac de la Chiffonnerie par ceux qui donnoient ce nom à la rue Neuve-Saint-Martin.

Rue des Récollets. Elle commence à la rue du Faubourg-Saint-Laurent, et finit à celle du Carême-Prenant, vis-à-vis l'hôpital Saint-Louis. Ce n'étoit autrefois qu'une ruelle à laquelle on a donné le nom des religieux dont elle côtoyoit l'enclos.

Rue du Renard. Elle traverse de la rue Neuve-Saint-Merri dans celle de la Verrerie. Elle s'appeloit anciennement la Cour Robert de Paris, ou la Cour Robert. On trouve, dans les archives de Saint-Merri, des titres où elle est énoncée sous ce nom en 1185, ainsi que dans l'accord de 1273 et dans d'autres actes. Guillot lui donne le même nom. Corrozet l'appelle rue du Regnard qui prêche.

Rue Royale. Cette rue, qui traverse le marché Saint-Martin de l'orient au couchant, a été ouverte dès l'origine de ce marché, mais n'a reçu le nom qu'elle porte que depuis 1780.

Rue Sanson. Cette rue, ouverte depuis 1780, donne d'un côté dans la rue de Bondi, sur le boulevart, de l'autre dans celle des Marais.

Rue Simon-le-Franc. Elle aboutit à la rue Sainte-Avoie et à la rue Maubué qui en fait la continuation. Cette rue est très-ancienne. Sauval parle d'un Simon Franque, mort avant 1211. Ce qu'il y a de certain, c'est que, suivant les cartulaires de Saint-Maur et de Saint-Éloi, il y avoit une rue portant ce nom dès 1237. Elle l'a toujours conservé jusqu'à ce jour.

Rue Taille-Pain. Elle aboutit au cloître de Saint-Merri et à la rue Brise-Miche, avec laquelle on l'a souvent confondue, ainsi que nous l'avons remarqué à l'article de cette dernière rue. Sur un plan manuscrit de 1512, elle est nommée Brise-Pain; dans le retour d'équerre, Baillehoë; et Brise-Miche depuis la rue Neuve-Saint-Merri jusqu'au cloître. Le nom de Brise-Pain a été successivement changé en celui de Mâche-Pain, Tranche-Pain, Planche-Pain; enfin Taille-Pain qui lui est resté.

Rue Transnonain. Elle aboutit à la rue au Maire, et au coin des rues Grenier-Saint-Lazare et Michel-le-Comte. Le premier nom que cette rue ait porté est celui de Châlons. Elle le devoit à l'hôtel des évêques de Châlons, qui y étoit situé: on le lui donnoit encore en 1323 et en 1379; mais, depuis la rue Chapon jusqu'à la rue au Maire, on la nommoit Trace-Nonain. La mauvaise réputation des femmes qui demeuroient dans la rue Chapon fit donner à celle-ci, par le bas-peuple, des noms peu décents auxquels a succédé celui qu'elle porte aujourd'hui.

Rue de la Verrerie. La partie de cette rue qui dépend de ce quartier commence à la rue Saint-Martin, et finit au coin de la rue Barre-du-Bec. Nous avons observé précédemment qu'en cet endroit on l'appeloit rue Saint-Merri. On ignore quand elle a quitté ce nom pour prendre dans sa totalité celui de la Verrerie, que portoit l'autre partie; mais il est certain qu'elle étoit ainsi désignée dès 1380[153].

Rue des Vertus. Elle traverse de la rue des Gravilliers à la rue Phelipeaux. On n'a de renseignements ni sur l'origine ni sur l'étymologie du nom de cette rue. Jaillot la trouve indiquée pour la première fois dans un papier-censier de Saint-Martin, en 1546.

Rue du Verdbois. Elle commence à la rue Saint-Martin, et finit au Pont-aux-Biches. Il paroît qu'anciennement on ne la distinguoit pas de la rue Neuve-Saint-Laurent, dont elle fait la continuation; car dans le censier de Saint-Martin, de 1546, cité ci-dessus, on lit rue Neuve-Saint-Laurent, dite du Verdbois. Comme cet endroit étoit en marais et en jardinages, il est assez vraisemblable que le nom de Verdbois qu'on lui a donné vient des arbres qui environnoient de ce côté l'enclos du prieuré Saint-Martin avant qu'on eût percé la rue. Quelques plans la désignent sous le nom du Gaillard-Bois.

Rue des Vinaigriers. Elle commence à la rue Saint-Martin, et, se divisant ensuite en deux branches, elle aboutit à la rue de Carême-Prenant et à celle des Marais-Saint-Martin. Ce n'est qu'une ruelle ou chemin serpentant, dont le commencement est désigné sur la plupart des plans sous le nom de rue de Carême-Prenant. Elle doit celui qu'elle porte à un champ appelé des Vinaigriers, qu'elle côtoie, et dont elle suit les irrégularités. Sur un plan de 1654, elle est nommée ruelle de l'Héritier.

MONUMENTS NOUVEAUX
ET RÉPARATIONS FAITES AUX ANCIENS MONUMENTS DEPUIS 1789.

L'église Saint-Merri. Cette église est décorée d'un nouveau tableau représentant saint Charles Borromée qui donne la communion aux pestiférés, par Colleton. Ce tableau lui a été donné par la ville en 1819. Auprès de ce tableau ont été placées deux statues, l'une de saint Jean, l'autre de saint Sébastien.

L'église Saint-Nicolas-des-Champs. La chapelle de la Vierge a été ornée d'un tableau nouveau représentant le Repos en Égypte, par Caminade, et donné par la ville en 1817. Ce tableau est d'une bonne exécution. Dans une des chapelles à droite de la nef est un autre tableau dont le sujet est saint Bruno enlevé au Ciel par deux anges.

L'église de Saint-Laurent. Cette église possède un tableau donné de même par la ville en 1817; il représente ce saint diacre revêtu des habits sacerdotaux et au moment où les bourreaux vont le saisir pour le traîner au supplice. C'est un bon tableau.

L'église Saint-Martin-des-Champs. Nous avons dit que cette église et tous les bâtiments qui en dépendoient sont maintenant occupés par le Conservatoire des arts et métiers. La portion du jardin qui a été conservée est fermée par une grille au niveau des bâtiments; sur l'autre on a construit un nouveau marché.

L'hôpital Saint-Louis. Cet hôpital a été augmenté de plusieurs salles que l'on a construites à l'angle de la rue Saint-Louis et à celui de la rue Carême-Prenant. Au-dessus de la porte d'entrée est une inscription qui porte ces mots: Traitements externes et Consultations gratuites.

Nouveau Marché Saint-Martin. Ce marché, établi, comme nous venons de le dire, sur la plus grande portion du jardin de l'abbaye Saint-Martin-des-Champs, se compose de deux corps de bâtiments percés d'arcades et recouverts en tuiles. Ces bâtiments, liés ensemble par deux grilles de fer, sont situés au nord et au midi; contre la grille du levant s'élèvent deux pavillons avec porches ornés de deux colonnes et de deux piliers: l'un sert de corps-de-garde, et l'autre de bureau.

Le Château-d'Eau du boulevart de Bondi. Cette fontaine, achevée en 1811, s'élève sur l'esplanade qui est entre la porte Saint-Martin et la rue du Faubourg-du-Temple, et forme un point de partage, d'où les eaux du canal de l'Ourcq vont alimenter les fontaines du quartier. C'est en raison de cette destination qu'on lui a donné le nom de Château-d'eau, bien que l'aspect de ce monument ne justifie pas complètement une telle dénomination.

Au milieu d'un bassin circulaire s'élèvent en gradins trois autres bassins concentriques qui servent de base à une double coupe en fonte de fer, composée d'un piédouche et de deux patères inégales, séparées l'une de l'autre par un fût. Au bas de cette coupe, et au niveau de la cuvette supérieure, quatre socles carrés supportent chacun deux lions de fer qui jettent de l'eau par la gueule. Les eaux s'échappent en bouillons au centre de la vasque la plus élevée, s'étalent dans leur chute et forment cinq nappes qui recouvrent presque toutes les surfaces du monument. Plus bas, du côté de la rue de Bondi, deux niches carrées, pratiquées dans le soubassement, servent de fontaines particulières aux habitants du quartier.

On a critiqué ce monument dont l'aspect général est assez agréable, dont la position est heureusement choisie. Il paroît imité de la fameuse fontaine des lions de l'Alhambra; mais il est loin de présenter un aussi bel effet, non-seulement parce que l'artiste a jugé à propos de représenter les huit lions couchés, ce qui forme des masses trop écrasées, mais encore parce qu'il les a accouplés au lieu de les placer isolément autour des bassins supérieurs. Cette disposition interrompt trop la continuité des chutes d'eau: il est hors de doute que la subdivision des quatre masses auroit fait prédominer davantage la double vasque dont l'effet est un peu mesquin au milieu de ces lourds accessoires; et ce qui rend cette imperfection encore plus choquante, c'est que ces lions sont d'un dessin dépourvu de caractère et d'une exécution au-dessous du médiocre.

Fontaine du marché Saint-Martin. Elle se compose d'un faisceau d'arbres et de roseaux groupés ensemble qu'entourent trois enfants, dont l'un porte un chevreuil et sonne du cor, l'autre soutient une corne d'abondance chargée de fruits; le troisième jette un filet. Le faisceau est surmonté d'une coupe d'où l'eau se répand en nappes dans un bassin circulaire. Les enfants, d'une proportion au-dessus de nature, sont d'un beau dessin, et le monument en entier, coulé en bronze, est d'un bel effet, d'un excellent goût, et digne de figurer d'une manière plus honorable qu'au milieu d'un marché d'une aussi médiocre étendue. Du côté du Conservatoire, et vers la grille qui sépare le jardin du marché, sont adossées deux pierres en forme de cippe, ornées de masques en bronze qui vomissent l'eau dans un bassin demi-circulaire.

Fontaine de l'ancien marché Saint-Martin. Ce n'est encore qu'un simple piédestal qui paroît attendre une statue. Il fournit de l'eau de trois côtés.

RUES NOUVELLES.

Rue Berthoud. Elle commence à la rue Montgolfier et aboutit dans celle de Vaucanson.

Rue Borda. Elle donne d'un bout au milieu du Marché Saint-Martin, de l'autre dans celle de la Croix.

Rue du Buisson Saint-Louis. Elle commence dans la rue Saint-Maur et vient finir à la barrière de la Chopinette.

Rue de la Chopinette. Elle commence comme la précédente dans la rue Saint-Maur, et vient finir à la barrière du même nom.

Rue Conté. Elle commence dans la rue de Vaucanson, longe le marché au midi, et vient aboutir dans la rue Montgolfier.

Rue Neuve-Sainte-Élizabeth. Elle donne d'un côté dans la rue des Fontaines, de l'autre dans la rue Neuve-Saint-Laurent.

Rue Montgolfier. Elle commence au bout de la rue Conté, longe le marché au levant, et vient finir à l'angle de la rue Berthoud.

Rue du Chemin de Pantin. Elle donne d'un bout dans la rue du Faubourg-Saint-Martin, et de l'autre aboutit à la barrière de ce nom.

Rue Vaucanson. Elle borde au nord le marché Saint-Martin, traverse la rue Conté, et aboutit à celle du Verdbois.

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