Théodore de Neuhoff, Roi de Corse
26 mars 1736.
Étant plus que persuadé que vous me continuez toujours une part dans votre cher souvenir, je n'ai pu manquer à vous notifier de ma main propre ce que vous aurez peut-être déjà appris par les avis publics, qu'après mille révolutions, persécutions et maladies mortelles dans mes voyages, non seulement il m'a réussi, avec l'assistance divine, de me tirer des pièges tendus par mes envieux, mais de me voir en état de reconnaître mes bienfaiteurs et amis et d'être et de me voir proclamé Roi et Père de ces fidèles habitants de cette île et royaume de Corsica, lesquels j'ai cherché d'assister au péril de ma vie contre le tyrannique gouvernement des Génois. Comme mes intérêts et avancements vous doivent être chers par la bonne mémoire que vous conservez, je suis sûr, de feu ma chère mère, votre épouse, j'ose me flatter que cet établissement vous sera agréable, vous assurant, Monsieur, que de mon côté, je n'ambitionne autre que de me trouver en situation à pouvoir vous témoigner par des marques essentielles la reconnaissance parfaite, que je vous conserve pour toutes les bontés paternelles que vous avez eues pour moi; et je m'estimerais heureux si vous vouliez prendre la résolution de me venir trouver dans ce bon climat avec ma chère sœur, son mari et toute la famille, vous assurant que je partagerai avec vous mon sort, lequel ayant un peu de repos à pouvoir mettre à exécution certains projets, ne peut être que très avantageux pour moi et pour tous ceux qui m'appartiennent. Mais, comme encore pour le présent, je ne puis jouir de ce repos nécessaire, ayant les ennemis à déloger des deux endroits, priez Dieu pour moi et me continuez votre chère bienveillance.
Soyez assuré je serai pour toujours tout à vous sans aucune réserve.
Le Baron de Neuhoff,
élu Roi de Corsica avec mon nom:
Teodoro il primo.
P. S.—Faites-moi savoir en réponse à celle-ci si vous ou M. de la Grange pourriez vous rendre à Paris pour remettre au Roi mon instance à m'honorer de son royal appui dans mon nouvel établissement, et, en ce cas, j'enverrais une personne accréditée pour connaître ses intentions. J'aurais besoin de deux vaisseaux de guerre que je payerais par mois pour serrer le port de Bastia, capitale du royaume, pendant que par terre je saurai bien vite obliger les Génois de me la remettre. Servez-moi de bon père en cette affaire et ne perdez de temps pour employer vos amis à y parvenir. Il serait en mon pouvoir de satisfaire à bien des frais et dépenses, mais les pertes souffertes et les frais exorbitants que j'ai eus, m'ont mis, pour le présent, en arrière, et n'ai-je le repos nécessaire pour refaire ce qui pourrait me mettre à l'abri d'avoir besoin de secours. Je dois envoyer des sommes considérables à Tunis, en Afrique, pour mes munitions de guerre et le rachat des esclaves corses, que je suis convenu en personne, mais comme inconnu, de racheter, et ai le bonheur d'induire cette Régence à une paix de vingt années avec le royaume de Corse. Ne m'abandonnez pas, et assistez-moi de vos bons conseils; donnez-moi de vos nouvelles au plus tôt, et l'un ou l'autre rendez-vous à Paris pour solliciter mes vues.
Archives d'État de Gênes, archives secrètes: Francia, mazzo 45. Anni 1734-37.
II.
LETTRE ÉCRITE DE METZ PAR M. MARNEAU A M. LE C...
26 avril 1736.
Monsieur,
Vous avez connu M. de Trévoux, mais je ne pense pas que vous ayez entendu parler du baron de Neuhoff, son frère, tous deux enfants du premier lit de feu ma femme. Ce jeune homme, après être sorti de page de Madame, entra dans le régiment de Navarre, qu'il quitta pour entrer dans celui de Courcillon, où il a servi jusqu'à la paix de Baden, et passa ensuite au service de M. l'Électeur de Bavière; ayant eu quelques affaires dans ce pays-là, il alla en Espagne, où il épousa une fille d'honneur de la Reine régnante, et fut fait colonel d'infanterie. Soit dégoût, soit envie de courir le monde, il quitta l'Espagne, laissa sa femme à Paris, où elle est morte; et depuis cinq ou six ans, je n'ai plus entendu parler de lui jusqu'à ce moment que je viens de recevoir cette lettre dont j'ai l'honneur de vous adresser copie, par laquelle il me fait part qu'il a été proclamé roi de Corse.
Quoique je lui connaisse de l'esprit, du savoir, et très intrigant, parlant même une infinité de langues, je ne donne point dans une pareille vision, et je ne saurais croire qu'un étranger, sans secours de lui-même, ni d'ailleurs, ait été en état de se former un pareil établissement.
Je ne regarde donc ce prétendu roi que comme un aventurier, qui n'a rien à perdre et qui n'écoute que sa témérité. Que cette nouvelle cependant soit vraie ou fausse, je crois être obligé de vous en faire part pour en faire usage à la cour, si vous croyez que cet événement puisse être de quelque utilité à l'État; en tout cas, l'avis n'interrompra que pour un moment vos occupations sérieuses pour vous faire rire d'une scène aussi comique que celle de penser qu'il peut y avoir un jour un roi, frère de ma fille; et vous pensez bien que ma famille et moi ne sommes pas tentés d'aller chercher des espérances de fortune sous un trône aussi chancelant. Je m'en tiendrai à l'ambition que j'ai toujours eue de vous prouver mon zèle et l'attachement respectueux avec lequel j'ai l'honneur d'être, Monsieur,
Votre très humble
et très obéissant serviteur.
MARNEAU.
Archives d'État de Gênes, archives secrètes: Francia, mazzo 45. Anni 1734-37.
III.
DÉPÊCHE DU COMTE BORRÉ DE LA CHAVANNE [870]
AU ROI DE SARDAIGNE.
La Haye, le 12 juin 1736.
........ Répondant à l'article qui regarde la république de Gênes, j'aurai l'honneur de Lui dire que m'étant informé, pour satisfaire à Ses ordres, de deux des principaux députés des États, si elle avait fait ici quelque démarche pour obtenir des défenses aux bâtiments hollandais d'aborder en Corse et à tous les sujets de cette république de donner aux révoltés aucune sorte de secours, ils m'ont assuré n'avoir point encore ouï parler de pareille chose; ils se sont de plus engagés, aussitôt qu'on ferait là-dessus la moindre demande, de m'en informer et de me prévenir de la résolution qui se pourrait prendre en conséquence. La conversation étant par là naturellement tombée sur l'état où se trouve la Corse, ils m'ont marqué être fort étonnés de la dépense considérable que faisait le nouveau chef des révoltés [871], que cela leur faisait juger qu'il devait être soutenu sans doute par quelque puissance considérable et que leurs soupçons à cet égard ne pouvaient tomber que sur l'Espagne; mais que de quelque façon que l'affaire tournât, le peu de relations que leur commerce avait avec cette île la lui rendait si indifférente qu'assurément ils ne chercheraient pas à s'en mêler. Je me serais prévalu de cette occasion pour voir M. le Pensionnaire, s'il ne s'était trouvé à la campagne.
Archives d'État de Turin: Mazzo Olanda. Lettere ministri. Mazzo 33.
IV.
DÉPÊCHE DU COMTE BORRÉ DE LA CHAVANNE
AU ROI DE SARDAIGNE.
La Haye, 7 mai 1737.
........Les affaires du baron de Neuhoff ne sont pas encore en fort bon état; elles ont été au point de se terminer par les soins et les efforts généreux de plusieurs personnes qui s'étaient intéressées pour lui; mais outre les créanciers avec lesquels l'on avait convenu, il s'en est présenté deux autres pour sept à huit mille florins, qui ont tout rompu et ont été cause qu'il a été traduit aux prisons publiques de la ville, attendu que la dépense trop considérable qu'il faisait à l'auberge le mettait toujours plus hors d'état de satisfaire ses dettes. Cette affaire a d'abord un peu ralenti le zèle de ceux qui voulaient lui faire faveur; mais la chose s'est pourtant un peu raccommodée et l'on travaille encore fortement à le tirer d'embarras, ce que le magistrat de la ville favorise aussi par les raisons que j'en ai dit. Il est bien certain que quelques efforts que puisse faire la république de Gênes, l'on ne lui livrera jamais. Les magistrats n'oseraient l'entreprendre; le peuple d'Amsterdam, qui veut que leur ville soit, à tout égard, un pays de liberté, ne le souffrirait absolument pas. Il est actuellement malade et avec une grosse fièvre qui fait craindre pour sa vie.
Archives d'État de Turin: Mazzo Olanda. Lettere ministri. Mazzo 33.
V.
DÉPÊCHE DU COMTE BORRÉ DE LA CHAVANNE
AU ROI DE SARDAIGNE.
La Haye, 14 mai 1737.
........Le baron de Neuhoff a finalement été mis en liberté, il y a aujourd'hui huit jours, ainsi que je l'avais annoncé. Il lui a fallu faire pour cela une cession de biens en présence des bourgmestres et de tous ses créanciers, à qui il a authentiquement déclaré n'en posséder aucun et d'être totalement hors d'état de les satisfaire, s'obligeant pourtant de les payer aussitôt qu'il en aurait les moyens. L'on a adouci, autant qu'il a été possible, la rigueur de cet acte et de cette déclaration qu'il a faite l'épée au côté, debout, dans une contenance décente et Mrs les bourgmestres, par égard pour lui, ne se sont point assis contre l'usage ordinaire. L'on lui a fait dire de sortir incessamment des États de la république. Quelqu'un m'a cependant assuré qu'il était dans cette ville et s'y tenait caché. Depuis qu'il a été élargi, un nouveau créancier de Paris s'est encore présenté pour la somme de quatre-vingt mille livres de France. Il est certain que la crainte que l'on a eue que la république de Gênes ne le demandât, est ce qui a le plus contribué à le tirer d'embarras.
Archives d'État de Turin: Mazzo Olanda. Lettere ministri. Mazzo 33.
VI.
EXTRAIT D'UNE LETTRE D'AMSTERDAM
COMMUNIQUÉE PAR DE LA VILLE A AMELOT, LE 14 MAI.
12 mai 1737.
Je vous ai déjà marqué l'élargissement du baron de Neuhoff. Voici à peu près les circonstances de ce qui s'est passé à cet égard.
Mardi dernier, 7 courant, il fut enfin élargi de la prison civile dans le temps que le public s'y attendait le moins et que ses ennemis publiaient qu'il n'en sortirait jamais. On peut même dire qu'il est sorti par la belle porte. Les créanciers, après avoir fait beaucoup les mauvais, ont été obligés de se contenter de ce que l'on appelle une caution juratoire de la part du baron de Neuhoff, c'est-à-dire qu'il a promis sous serment de les payer aussitôt qu'il serait en état et que pour cet effet, il a élu domicile à Amsterdam, où l'on portera les citations de tous les créanciers des pays étrangers qui auront quelque chose à prétendre sur lui. Pour ceux qu'il a en ce pays-ci, on s'est accommodé avec eux d'autant plus facilement que l'arrêt ou prise de corps qu'ils avaient obtenu du grand-officier contre lui, n'était pas dans les formes requises, soit parce qu'ils n'avaient point de sentence des échevins qui les y autorisât, soit parce que les dettes du sieur de Neuhoff n'étaient point d'une nature à comporter la prise de corps, et qu'il ne les a jamais niées ni refusé de les payer, mais qu'il a seulement demandé du temps et la liberté pour pouvoir agir.
Plusieurs personnes, en ce pays-ci, se sont donné de grands mouvements pour le tirer du mauvais pas où il s'était engagé mal à propos. M. le comte de Golowkin [872] a passé huit jours dans cette ville, et a eu plusieurs conférences particulières avec M. Dedieu, échevin président et qui a été ci-devant ministre de Leurs Hautes Puissances auprès de la Czarine. Ces Messieurs ont beaucoup contribué à son élargissement, lorsqu'il a été conduit de la chambre particulière où il était prisonnier dans celle des échevins. Il a comparu dans celle-ci avec le chapeau, l'épée, la canne et les gants. Il s'est tenu debout et Mrs les Échevins en ont fait de même, ce qui est peut-être sans exemple dans ce pays-ci. Il est vrai aussi qu'on n'y avait apparemment jamais vu un cas de cette espèce.
De là, le baron a trouvé, à la porte la moins fréquentée de la maison de ville, un carrosse dans lequel il est monté et est allé descendre dans une maison de confiance, où ceux qui ont agi pour lui ont été le voir.
Depuis trois jours, il a changé de demeure et personne ne sait où il est actuellement. Plusieurs le croient parti et je suis de leur avis.
Archives du Ministère des affaires étrangères: Correspondance de Hollande, vol. 423.
VII.
COPIE D'UNE LETTRE D'AMSTERDAM COMMUNIQUÉE AVEC LA
DÉPÊCHE DE FÉNELON A AMELOT, DU 29 OCTOBRE.
23 octobre 1737.
La présente est pour avoir l'honneur de vous dire qu'il est arrivé ici avant-hier un envoyé du seigneur Théodore, lequel a fait le voyage avec lui jusqu'à l'île de Corse, où ils sont arrivés le 29 du mois passé. Ce député n'y a demeuré qu'un jour et est venu en poste, puisqu'il n'a été que vingt-et-un jours en chemin. L'ayant questionné sur plusieurs circonstances, j'ai remarqué, au travers de la réserve qui lui est sans doute recommandée, qu'il est chargé de plusieurs commissions pour M. Dedieu, ainsi que pour quelques-unes de nos principales bourses, où je l'ai trouvé en conférence. Il doit, s'il le peut, faire recrue de garçons boulangers et autres gens de métier. Les retours en denrées ne doivent pas s'attendre sitôt, n'y ayant aucun navire dans ce port, mais que ce serait dès qu'on en pourrait trouver. Le seigneur Théodore n'a écrit aucune lettre par la difficulté de passer avec, à cause du rigoureux examen qu'il faut subir. Il paraît que les secours de la France n'inquiètent nullement ce chef de parti et qu'il attend son événement de pied ferme, suivant le rapport qui m'en a été fait.
Archives du Ministère des affaires étrangères: Correspondance de Hollande, vol. 424.
VIII.
DÉPÊCHE DE FÉNELON A AMELOT.
La Haye, 29 octobre 1737.
Je joins ici la copie d'une lettre qui a été écrite d'Amsterdam et qui m'a été confiée. Ce qui est dit de M. Dedieu, qui a été fourni par la ville d'Amsterdam pour premier commissaire aux conférences d'Anvers, et pour qui l'agent arrivé de Corse avait une commission, et bien d'autres particularités qui se peuvent joindre ont assurément de quoi donner de forts indices que l'Angleterre s'est intéressée pour procurer les facilités que le baron de Neuhoff a trouvées, non seulement pour se tirer des mains de ses créanciers qui l'avaient fait arrêter à Amsterdam, mais encore pour s'y pourvoir de tout ce qu'il en a tiré en munitions, armes, etc., et qui ont suivi ou devancé son retour en Corse. L'Angleterre n'aura pas pris cet intérêt sans vue. (En chiffres): Celle de prendre le contre-pied de nous dans une affaire qu'elle croirait propre à nous mettre moins bien avec l'Espagne serait remarquable.
Archives du Ministère des affaires étrangères: Correspondance de Hollande, vol. 424.
IX.
LES ÉTATS-GÉNÉRAUX DE HOLLANDE A LA RÉPUBLIQUE DE GÊNES.
La Haye, 23 novembre 1737.
Au Sérénissime Duc et aux Très Excellents Seigneurs
les Sénateurs de la Sérénissime République de Gênes.
Sérénissime Duc et Très Excellents Seigneurs,
Pendant que Nous prenons connaissance des plaintes et représentations, que les ministres de Votre République ont faites depuis quelque temps de ce que les sujets de la nôtre fourniraient des armes et autres marchandises de contrebande aux mécontents de l'île de Corse, et pendant que Nous sommes occupés à délibérer là dessus, Nous apprenons avec beaucoup de déplaisir par les relations qui nous viennent de Livourne et d'autres lieux, le tort que souffrent Nos sujets dans leur navigation et dans leur commerce, par les insinuations accompagnées des menaces des ministres et consuls Génois, par lesquelles les marchands sont détournés de charger dans les navires de Nos sujets, et qui mettent un grand obstacle à leur libre navigation et commerce, comme il est arrivé bien particulièrement à l'égard de deux vaisseaux nommés la Maria-Jacoba et l'Agatha, après qu'ils sont entrés dans le port de Livourne. Votre Sérénité et Vos Excellences comprendront aisément que Nous ne saurions regarder avec indifférence le grand préjudice et le tort que Nos sujets trafiquant dans la Méditerranée, à Livourne et en d'autres endroits, souffrent par ces insinuations et menaces, et moins encore par les dénonciations des patrons de quelques barques génoises disant avoir ordre de Votre Sérénité et Vos Excellences de visiter les vaisseaux de Nos sujets et de les arrêter, sous prétexte qu'ils seraient destinés pour l'île de Corse, pour y faire la contrebande avec les mécontents. Ce préjudice a été particulièrement causé, ainsi que Nous l'apprenons avec chagrin, aux vaisseaux susdits, la Maria-Jacoba et l'Agatha, dont le premier a été obligé de sortir à vide du port de Livourne, pour aller charger au Levant, puisque personne à Livourne n'a voulu lui confier ses effets; et l'autre a été nécessité de reprendre sa route vers Hambourg, personne aussi, autant que Nous en sommes instruits, ayant voulu mettre de marchandises à son bord de peur qu'il serait arrêté et détenu. Nous ne pouvons considérer ces sortes de vexations que comme tout à fait ruineuses à la navigation et au commerce de Nos sujets, et comme contraire à la justice et au droit des gens, suivant lequel il n'est pas permis d'arrêter, visiter et de persécuter les vaisseaux d'autrui en pleine mer. Le prétexte dont on s'est servi, comme si ces deux vaisseaux auraient été destinés pour aller en Corse et auraient été chargés de contrebande, ne peut être regardé que comme destitué de tout fondement, car outre que le transport de contrebande, où il n'y a point des traités ni engagements, est sujet à bien des explications et de modifications, il se trouve casuellement, à l'égard de ces deux vaisseaux, que les maîtres n'en sont nullement coupables et, en tout cas, n'en sont nullement convaincus. Que pour ce qui regarde le vaisseau la Maria-Jacoba, maître Corneille Roos, il sort entièrement à sa décharge, ce que Votre Sérénité et Vos Excellences ne peuvent pas ignorer, que le général de l'Empereur, comte de Wachtendonck, qui commande à Livourne, après avoir le tout bien examiné, l'a mis en liberté avec permission de poursuivre son voyage, et que, de plus, le maître de ce vaisseau n'est point allé en Corse, mais a déchargé ses marchandises à Livourne et après a poursuivi son voyage vers le Levant. Qu'à l'égard du deuxième vaisseau, l'Agatha, maître Gustave Berents, quelque grand que soit le bruit qu'on en fasse, il est certain qu'on ne saurait alléguer, bien moins prouver qu'il aurait été destiné d'aller en Corse, ou qu'il ait eu à son bord des effets pour le compte des mécontents de cette île; il paraît au contraire que ce maître n'a point pris sa course vers l'île de Corse, mais est entré dans le port de Livourne et que là il a débarqué les passagers et a déchargé les marchandises qu'il avait sur son vaisseau, cherchant après cela nouvelle charge pour la porter à Hambourg.
Cependant, nous avons reçu par M. Hop, Notre envoyé extraordinaire à la cour de la Grande-Bretagne, une lettre à lui écrite par le secrétaire Gastaldi, avec la copie d'une prétendue relation de ce qui se serait passé à cet égard, sans que ni l'une ni l'autre Nous ait paru satisfactoire. Nous trouvons bien que, par rapport au vaisseau la Maria-Jacoba, on pose en fait que Notre consul à Livourne, Bouver, aurait été persuadé lui-même que la destination de ce vaisseau n'aurait pas été bonne et qu'il aurait mis à terre cinquante morceaux ou pains de plomb et quatre caisses de pierres à fusil, mais outre que, pour toute preuve, il n'y a que le simple dire du secrétaire Gastaldi, qui n'en peut rien savoir que par la simple relation qui lui en a été envoyée, tout cela est détruit en partie par l'expérience du contraire que le général Wachtendonck en a fait et par le relâchement du vaisseau qu'il a ordonné, et en partie parce que ce vaisseau a effectivement mis et laissé à terre ses marchandises, pour ne rien dire de ce qu'une si petite quantité de plomb et pierres à fusil ne serait pas assez considérable pour donner du confort aux Corses, ni pour faire entreprendre à un maître de vaisseau un voyage aussi périlleux. Quant au vaisseau l'Agatha, maître Gustave Berents, il semble bien qu'il aurait eu à son bord quelques passagers, une plus grande quantité de poudre, de mousquets, de canons et pistolets et autres choses, mais qu'il n'y a pas la moindre preuve qu'avec cette charge il aurait été destiné en Corse, excepté qu'un seul des passagers en aurait dit quelque chose. Avec quoi, il est fort à noter, pour la décharge du maître dudit vaisseau, qu'il paraît par la relation et papiers sus mentionnés, en premier lieu, que de tous ces passagers et de toute cette charge rien n'est entré dans ledit vaisseau quand il est sorti des ports de ces pays, mais que le tout y a été embarqué à Lisbonne, et, en second lieu, que ce même vaisseau, parti de Lisbonne, ayant été par une rencontre inopinée conduit à Oran, le gouverneur espagnol n'a rien trouvé qui fût à la charge du maître et ainsi l'a laissé en liberté, et, en troisième lieu, que le maître de ce vaisseau n'a point pris sa route pour aller à l'île de Corse, mais est allé à Livourne et que là il a mis à terre toute sa charge, tant passagers que marchandises, laissant le tout à la disposition des intéressés. Il résulte de ce que nous venons d'alléguer clairement et évidemment qu'en cas que le maître de ce vaisseau en ceci se serait laissé séduire, ce qui pourtant ne paraît point, le mal n'aurait pas eu sa source dans ces pays, mais à Lisbonne, ce qui encore ne pourrait pas être mis à la charge dudit maître de vaisseau, tant qu'on ne peut prouver, comme on ne le prouve point, qu'il aurait été informé d'un mauvais dessein, étant vrai au contraire qu'on ne peut point imputer à crime à un maître de vaisseau qu'étant entré dans un port libre, il y prend à son bord, pour rendre son voyage plus profitable, une augmentation de sa charge, soit de passagers, soit de marchandises non défendues. Nous devons ajouter à ceci, qu'ayant fait une due perquisition du cas du susdit vaisseau l'Agatha, Nous avons trouvé qu'il est sorti de Nos ports, sans qu'il ait eu à son bord plus de monde que le nécessaire et l'ordinaire et que, quant aux passagers et aux marchandises à qui on donne le nom des contrebandes, qu'ils ont été pris à son bord à Lisbonne et que le maître du vaisseau n'a rien su de leur prétendue destination. Votre Sérénité et Vos Excellences verront par là que c'est à tort qu'on forme des soupçons contre Nous et Nos sujets, comme s'ils se laisseraient induire à donner de l'assistance aux Corses mécontents. Cette idée erroneuse étant autant moins fondée que déjà, par Notre résolution du 5 juillet 1736, Nous avons déclaré que des pareilles entreprises seraient tout à fait contraires à Notre intention et que Nous étions portés à empêcher, autant qu'il Nous serait possible, qu'on n'envoyât aucune assistance aux Corses mécontents d'aucun endroit dépendant de Notre domination, de quoi aussi Nous avons averti Nos amirautés par Nos résolutions du 15 septembre et 22 octobre de l'an passé 1736. Nous avons bien pris en considération et délibéré s'il conviendrait de défendre par placard le transport des marchandises de contrebande en Corse, mais Nous en avons été détournés par le mauvais usage que les sujets de Votre République font de Nos résolutions du 5 juillet, 15 septembre et 22 octobre de l'an 1736, et que Nous prévoyons qu'un tel placard ne produirait aucun autre effet que de colorer les détentions des vaisseaux de Nos sujets et de les rendre plus fréquentes; au moins de l'exemple cité du vaisseau l'Agatha résulte cette vérité qu'un placard de la nature que celui dont Nous venons de parler, ne saurait être d'aucun effet, tant que les mêmes défenses ne seront pas faites dans les autres royaumes et États, et tant que les passagers ou marchandises en d'autres pays auront la faculté de tromper sous divers prétextes les maîtres des vaisseaux qui sont ignorants. Nous ne pouvons dissimuler que le procédé à l'égard des vaisseaux de Nos sujets, Nous est d'autant plus sensible qu'il paraît qu'on les prend seuls en butte et qu'on laisse passer d'autres sans y prendre garde.
Quand il plaira à Votre Sérénité et à Vos Excellences de faire les réflexions nécessaires sur ce que Nous venons de leur exposer, nous espérons qu'Elles voudront bien donner des ordres précis à Leurs Ministres et à Leurs sujets partout où il appartient, pour que soigneusement ils prennent garde de ne faire rien qui puisse troubler les sujets de Notre république ni leurs vaisseaux, dans le libre exercice de leur navigation et commerce, afin que Nous ne soyons pas obligés de délibérer ultérieurement sur la manière de prévenir ces troubles si préjudiciables au commerce de Nos sujets. Nous attendons ce remède de l'amitié et de l'équité de Votre Sérénité et Vos Excellences, et en l'attendant, Nous prions Dieu, Sérénissime Duc et Très Excellents Seigneurs, de Vous avoir en Sa sainte et digne garde.
A La Haye, le 23 novembre 1737.
De Votre Sérénité et Vos Excellences
Très affectionnés amis à vous faire service.
LES ÉTATS-GÉNÉRAUX
DES PROVINCES UNIES DES PAYS-BAS.
Archives d'État de Gênes, archives secrètes: Filza 1/2121 (1737-1738).
X.
DÉPÊCHE DE PUISIEUX A AMELOT.
Naples, le 7 janvier 1738.
Il y a dans ce port, depuis environ un mois, un bâtiment hollandais, nommé Jan Ramboulde. Il est chargé de munitions de guerre qu'il a prises en Zélande et qui sont destinées pour la Corse..... Je fus informé hier que le capitaine de ce bâtiment, appelé Antoine Bevers, de Flessingue, devait partir incessamment pour la Corse. Après m'être assuré plus particulièrement de ce fait, je me déterminai à envoyer prier le consul de Hollande de passer chez moi. Je lui représentai qu'il devait empêcher ledit bâtiment d'aller porter des secours aux ennemis d'une puissance avec laquelle les États Généraux n'étaient point en guerre, qu'il devait, d'ailleurs, savoir l'intérêt que le Roi prenait dans cette affaire et que j'osais l'assurer que ses maîtres ne désapprouveraient pas les égards qu'il aurait pour mes représentations en cette occasion. L'ambiguïté de la réponse de ce consul m'ayant laissé dans l'incertitude sur le parti qu'il prendrait, j'ai écrit à M. de Campredon, à Gênes, pour le prévenir sur le départ de ce bâtiment hollandais. J'en ai aussi dit deux mots à M. de Montalègre, qui m'a répondu que les munitions de guerre embarquées sur ce bâtiment n'ayant point été achetées dans les États de Sa Majesté Sicilienne et que le Roi n'ayant point déclaré la guerre aux Corses, le roi des Deux-Siciles ne pouvait prendre sur lui de l'arrêter. Il m'a promis cependant de parler au consul de Hollande et d'intimider quelques Corses qui sont à la suite de ce bâtiment. Je ne puis douter que cette cour n'ait favorisé les Corses dans plusieurs occasions, non dans l'intention de les entretenir dans la révolte, mais parce qu'à la faveur des troubles de cette île, les officiers au service de Sa Majesté Sicilienne ont trouvé de grandes facilités à y faire des recrues.
Archives du Ministère des affaires étrangères: Correspondance de Naples, vol. 35.
XI.
NOUVEAU CONTRAT ENTRE LE PATRON DU BÂTIMENT ZÉLANDAIS,
YONG-ROMBOUT, ET LES MINISTRES DE THÉODORE Ier [873].
TRADUCTION DE L'ITALIEN.
Naples, 20 janvier 1738.
Nous soussignés, capitaine et pilote du bâtiment, nommé Yong-Rombout, d'une part, et les ministres de Théodore Ier, roi de Corse, de l'autre, promettons moyennant l'assistance divine, d'exécuter ponctuellement le contenu des articles suivants, sans exception aucune, à moins que la nécessité nous force au contraire.
1o Le susdit capitaine Antoine Bevers sera obligé de faire voile avec son vaisseau et les passagers qui seront dessus, à l'île de Corse, et, moyennant l'assistance divine, jeter l'ancre à Porto-Vecchio; mais il devra d'abord prendre langue à Aleria avec sa chaloupe et y faire les signaux convenus; lÉdit capitaine s'obligeant, en outre, de faire toutes sortes de diligences et ce qui dépendra de lui pour y exécuter le débarquement ainsi qu'il est d'usage en semblables conjectures. Cependant, si ce bâtiment était attaqué et que malgré tous ses efforts, il ne pût résister et fût battu ou qu'il lui arrivât quelque autre accident,—ce qu'à Dieu ne plaise—le patron sera tenu de faire voile vers Malte, ou autre port plus commode, pour y porter ses passagers, et il laissera les marchandises où il jugera le plus à propos. Bien entendu que le capitaine, en semblable cas, ne prendra de résolutions qu'autant qu'il y sera contraint par la nécessité.
2o Les seigneurs ministres susdits seront tenus de s'embarquer sur lÉdit vaisseau et d'être fidèles au capitaine pendant le voyage, dans quelques conjonctures que ce soit, et aider lÉdit capitaine en lui donnant des marques de leur bienveillance.
3o Les susdits seigneurs ministres seront obligés de fournir vingt hommes, y compris le pilote qui aura connaissance des ports de la Corse, lesquels hommes défendront le bâtiment au cas qu'il soit attaqué, et serviront à la manœuvre, et ces hommes seront commandés par le seigneur Dominique Rivarola.
4o Lesdits seigneurs ministres fourniront les vivres à ces hommes; cependant le capitaine aura soin, outre cela, d'en faire encore pour son voyage.
5o Le seigneur Rivarola et les autres ministres feront leurs diligences pour que ces vingt hommes soient embarqués au plus tôt, le bâtiment étant prêt et n'attendant que cela pour lever l'ancre; et aussitôt qu'ils seront à bord, lÉdit capitaine sera tenu de faire voile.
6o Le bâtiment étant arrivé en Corse, le seigneur Rivarola et les autres ministres seront tenus de lui fournir son chargement conformément au contrat fait en Zélande.
7o A l'arrivée du bâtiment, l'on fera en sorte de débarquer des canons et d'en dresser une batterie à terre pour défendre lÉdit vaisseau contre les bâtiments génois qui pourront l'attaquer et pour faciliter le déchargement de ses marchandises.
8o Les autres munitions seront aussi débarquées sans aucun retard. L'on devra embarquer, en même temps, à proportion, les marchandises qui seront prises en échange de ces munitions et l'on continuera de cette manière jusqu'à l'entier déchargement des unes et au total embarquement des autres.
9o Nous promettons d'adhérer exactement aux points ci-dessus et de les observer constamment et fidèlement autant que nous le pourrons pour l'avantage, comme il est dit, du roi Théodore.
En foi de quoi signé, fait à bord dudit bâtiment, le 20 janvier 1738.
Archives du Ministère des affaires étrangères: Correspondance de Gênes, vol. 101.
XII.
CONTRAT DE NOLISSEMENT DE BATIMENT FAIT A FLESSINGUE
PAR LES REPRÉSENTANTS DU ROI THÉODORE.
TRADUCTION DE L'ITALIEN.
[1738.]
Nous soussignés, en vertu des pouvoirs de Sa Majesté Théodore Ier, roi de Corse, reconnaissons avoir nolisé des sieurs Splenter, Van Doorn et Abraham Louxissen, le vaisseau nommé Yong-Rombout de dix-huit canons de 3l et quatre bossen avec vingt-quatre koppen, commandé par le capitaine Antoine Bevers, moyennant la somme de seize cents florins de Hollande par mois en lui assurant quatre mois fixes et plus, voulant le payer à proportion du temps à commencer du jour que lÉdit vaisseau sera entièrement chargé, et ce pour faire un voyage en Corse et sur la route où devra se faire le déchargement. Et au cas que le noliseur voulût aller à Lisbonne, ou dans quelque autre port libre, il lui sera permis à condition qu'il n'y restera que quatorze jours et pourra ensuite charger en retour de l'huile, de la cire, des cuirs et autres marchandises, sans que lÉdit vaisseau soit obligé à d'autres voyages, et encore moins de faire aucun transport, contre quelque nation du monde que ce soit. Il lui sera libre au contraire de retourner sans aucun retard à Flessingue, pour y décharger les marchandises qu'il aura embarquées, indépendamment desquelles le fret convenu sera payé aux propriétaires dudit bâtiment. Il est convenu particulièrement que ni le pilote ni le capitaine ne pourront charger aucune marchandise pour leur compte, sous peine de confiscation au profit du roi; et au cas que quelques passagers s'embarquent sur ce bâtiment et mangent et logent dans la chambre du capitaine, ils payeront un florin de Hollande par jour, et les autres passagers sept sols de Hollande seulement, sans qu'on puisse exiger rien de plus pour leur passage. En foi de quoi, nous soussignés obligeons nos corps et nos biens, nous soumettant aux lois de la justice et aux ordonnances du pays.
Signé: VALENTINO TADEI, FRANCESCO DE AGATA, SPLENTER, VAN DOORN et ABRAHAM LOUXISSEN.
Archives du Ministère des affaires étrangères: Correspondance de Gênes, vol. 101.
XIII.
LETTRE DU BARON DE NEUHOFF A M. SAINT-MARTIN.
COPIE COMMUNIQUÉE AVEC LA DÉPÊCHE DU DUC DE SAINT-AIGNAN,
AMBASSADEUR DE FRANCE A ROME, DU 18 OCTOBRE 1738.
16 mai 1738.
La part que je vois, Monsieur, que vous prenez à ce qui me regarde et les offres obligeantes de service que vous me faîtes par une lettre du 29 du passé, me sont des plus sensibles et agréables. En revanche, je vous offre de vous rendre tous les bons offices qui dépendent de moi et si vous continuez dans la résolution de vous attacher à moi et de m'accompagner dans mon retour, vous pouvez, sans perdre de temps, vous rendre à Middelbourg, en Zélande, chez le sieur Joh. Dicler Schuler, marchand dans ladite ville, lequel vous dirigera à me venir trouver; même si vous me pourriez procurer quelque bon officier d'artillerie, ou autre, il peut hardiment venir, que je le recevrai et pourvoirai à toute satisfaction, et comptez que ni vous ni d'autres n'auront jamais lieu de se reprocher de s'être attachés à moi et que je suis sincèrement
Votre bon ami.
Archives du Ministère des affaires étrangères: Correspondance de Hollande, vol. 427.
XIV.
RÉSOLUTIONS DE L. H. P.
LES SEIGNEURS ÉTATS-GÉNÉRAUX DES PROVINCES-UNIES DES PAYS-BAS.
20 septembre 1738.
Ayant été délibéré par résomption sur deux lettres du consul Lesbergen [874], du 21 janvier et 11 février de cette année, écrites de Naples à L. H. P. comme aussi sur une troisième lettre du même consul du 31 mai dernier et aussi arrivée depuis, et ayant été pris en considération que L. H. P. ne se sont jamais mêlées des affaires et des entreprises des Corses contre la république de Gênes, et au contraire que par leurs résolutions du 5 juillet et 15 septembre 1736, elles ont mandé aux collèges des amirautés respectives d'avoir attention qu'aucune munition ou autres outils de guerre ne partissent d'ici pour la Corse, il a été trouvé bon et arrêté qu'il sera mandé audit Consul que L. H. P. ne sauraient approuver qu'il se soit donné tant de mouvement au sujet du navire le Jeune Rombout, capitaine Antoine Bevers et autres de même nature et que lui, consul, fera bien de ne plus se mêler de cette affaire ou autres semblables, que précisément autant qu'il sera nécessaire pour la protection des navires des Provinces-Unies qui n'auront point contrevenu aux précédentes résolutions de L. H. P. du 5 juillet et 15 septembre 1736.
Archives du Ministère des affaires étrangères: Correspondance de Hollande, vol. 427.
XV.
DÉPÊCHE DE PUISIEUX A AMELOT.
Naples, 11 novembre 1738.
........ Cet aventurier [Théodore] fréta au mois d'avril dernier trois vaisseaux à Amsterdam. Divers négociants de cette ville abusés par ses promesses firent une société entre eux pour lui fournir des munitions de guerre. Il s'engagea, de son côté, à payer à Malaga et à Alicante (où l'on convint qu'il relâcherait avant d'aller en Corse) la valeur desdites munitions. Les négociants, pour sûreté du traité, firent choix d'un capitaine sûr et expérimenté, auquel ils confièrent le commandement des trois navires. Le capitaine, en conséquence de ses instructions, relâcha dans sa route à Malaga, puis à Alicante. Le baron de Neuhoff n'ayant pu remplir dans aucun de ces deux ports les engagements portés dans sa convention, tâcha de persuader au capitaine de continuer son voyage, l'assurant qu'il ne serait pas plus tôt abordé en Corse que ces insulaires lui enverraient de terre des denrées, en retour des marchandises qu'il y débarquerait. Le capitaine, sur cette espérance, continua sa route. Arrivé en Corse, il débarqua quelques munitions, mais ne voyant rien venir en retour, et s'apercevant, d'ailleurs, que les rebelles montraient peu d'empressement pour leur nouveau souverain, il fit cesser le débarquement et ayant tenu conseil avec son équipage sur le parti qu'il avait à prendre, il se détermina enfin, trompé une seconde fois par les promesses de cet aventurier, à faire voile vers ce port avec ses trois navires, où il a été arrêté cinq jours après son arrivée et mis en prison à la réquisition du consul de Hollande, qui ne veut pas l'en laisser sortir qu'il n'ait consenti de retourner en Corse. (En chiffres). Instruit de tout ceci par quelques matelots hollandais, j'avais fait dire adroitement à ce capitaine que je lui conseillais de signer tout ce que l'on exigerait de lui dans la prison, et que lorsqu'il serait à la mer, il pourrait prendre, s'il le voulait, la route de quelqu'un de nos ports, conseil qu'il aurait peut-être été à portée d'exécuter si M. l'envoyé de Gênes, qui n'a pas encore toute la prudence d'un ministre consommé, n'avait tenu indiscrètement quelques discours, qui ont mis le consul de Hollande et Théodore en méfiance contre le capitaine.
Archives du Ministère des affaires étrangères: Correspondance de Naples, vol. 36.
XVI.
NOTE SUR LES CORRESPONDANTS DE THÉODORE.
Janvier 1740.
Direction des lettres que Théodore écrit à Rome, savoir:
Il se sert quelquefois de l'adresse de Mme Marie-Constance Cavalieri, religieuse au couvent des Saints-Dominique et Sixte.
Souvent, il les adresse au comte Fedi, à la Porte du Peuple; quelquefois au comte Orsini; rarement au docteur Gaffori, qui demeure à San Gio. Fiorentini. Il s'est servi, en dernier lieu du banquier Quarantolo, associé du marquis Noués.
Quelquefois aussi les envoie-t-il en droiture aux dames Fonseca, religieuses au même couvent des Saints-Dominique et Sixte.
Ses correspondants à Rome portent leurs lettres chez le comte Fedi ou chez le comte Orsini, qui font divers plis selon la qualité des lettres et les mettent sous quatre enveloppes; la première est pour le sieur Valentini; la seconde est pour le baron de Stos; la troisième pour le consul anglais de Venise et la quatrième est pour le baron Étienne Romberg qui est lui-même.
Ses correspondants de Rome sont: les comtes Fedi et Orsini; les dames Fonseca; Mailliani, marchand drapier près Saint-Eustache; un allemand nommé Joseph à Campidolio, qui a été au service de S. A. de Bavière; le docteur Gaffori; un capucin, faiseur d'or no 64 (?); un abbé nommé Punciani, ministre de la maison Fonseca à la Minerve et distributeur du sel; le maître de chambre de M. l'ambassadeur de Malte, nommé Ludovico Sancty (?), vers la Trinité du Mont. Celui-ci, à ce que l'on peut conjecturer, n'agit pas par lui-même, car, non seulement il a aidé le cousin de Théodore d'armes et d'argent quand il était à Rome, mais encore le neveu du même ambassadeur lui fit deux visites secrètes et, à son départ pour la Corse, le maître de chambre l'accompagna jusqu'à Ostia et lui donna deux signaux pour pouvoir reconnaître ceux qui seraient envoyés de sa part. Ces signaux consistaient en un petit carré de papier où son nom est écrit en lettres qui imitent le moule, et un cachet de cire rouge appliqué au-dessous représentant un cupidon monté sur un lion. Un nommé Raimondi, chevalier de Saint-Sylvestre et peintre, est aussi correspondant.
Ceux de Naples sont le consul de Hollande, Valembergh; Mme la princesse de la Rochette et un officier irlandais nommé Georges, qui est dans le château Sainte-Magdeleine, du côté des Carmes.
A Livourne, il n'y a plus que l'ancien capitaine du bagne, nommé Bigani; D. Felice Cervioni et Thomas Santucci d'Alesani.
Archives du Ministère des affaires étrangères: Correspondance de Corse, vol. 2.
XVII.
RELATION DE CE QUI S'EST PASSÉ A AJACCIO, LE 2 MARS 1743,
ENTRE LE VAISSEAU DE GUERRE ESPAGNOL, LE SAINT-ISIDORE
ET LES VAISSEAUX DE GUERRE ANGLAIS [875].
Livourne, le 21 mars 1743.
Par la déclaration unanime des matelots du vaisseau du Roi, le Saint-Isidore, on a appris que le 28 février, le secrétaire de Théodore étant sur une des chaloupes de l'escadre anglaise qui était à dix milles à la vue d'Ajaccio où elle allait, prit terre à Ajaccio et alla parler au gouverneur de ladite place pour reconnaître le camp et les magasins de marine dudit vaisseau le Saint-Isidore, qui étaient à terre, ce qui lui fut accordé d'abord par lÉdit gouverneur avec l'assistance du capitaine Giannetti et son frère, officiers allemands au service de la république et de la garnison d'Ajaccio. Après que cela fut fait, la chaloupe retourna à l'escadre anglaise, qui vint donner fonds la nuit du 1er de ce mois sous le canon d'Ajaccio, consistant en deux vaisseaux de haut bord et une frégate de quarante pièces de canon, auxquels se joignit le lendemain matin un autre vaisseau de ligne, laissant vers le midi le vaisseau le Fulston (le Folkestone), avec dessein de prendre ou brûler le vaisseau espagnol. Ce que le commandant anglais fit connaître, le 2, faisant approcher les deux vaisseaux à une portée de fusil de celui le Saint-Isidore, et faisant dire à M. le chevalier de Lage que s'il tardait à rendre son vaisseau, il ne donnerait quartier ni à lui ni à son équipage. M. de Lage répondit qu'une telle proposition ne se faisait pas à un homme comme lui, qu'il savait son devoir, qu'étant capitaine d'un vaisseau de Sa Majesté Catholique, il devait le défendre, que M. le commandant anglais pourrait faire ce qu'il voudrait, et que lui ferait son devoir. En effet, d'abord que la chaloupe de l'officier anglais fut éloignée du vaisseau le Saint-Isidore, M. de Lage fit décharger toute son artillerie contre les vaisseaux ennemis, entre lesquels celui du commandant étant le plus exposé, il perdit un de ses mâts et fut si maltraité dans le côté, qu'il se trouva d'abord hors d'état de manœuvrer ayant huit pieds d'eau. Le chevalier de Lage, voyant le bon effet qu'avait produit sa première décharge, voulait en faire une seconde, mais s'apercevant que les quatre autres vaisseaux allaient le cribler de coups, et qu'il courrait un risque évident de sacrifier tout l'équipage et laisser à l'ennemi la gloire de prendre ou de brûler son vaisseau, il se détermina à le prévenir, faisant donner feu et ordonnant à l'équipage de se retirer. Il fut obéi et se sauva lui et son équipage à la nage laissant le vaisseau en flammes. Il y eut trente hommes de noyés, entre lesquels neuf espagnols, sans comprendre cinq autres qui furent tués par le canon, les autres étant des déserteurs allemands recrutés en Corse. M. de Lage fut obligé de se retirer la nuit avec son équipage à la montagne, le gouverneur d'Ajaccio lui ayant refusé de lui donner asile dans la place, ainsi qu'il avait fait de le défendre par son artillerie, ni de lui permettre de décharger la sienne à terre. Le commandant anglais fut obligé de rester à Ajaccio, jusqu'au 6, ayant renvoyé le secrétaire de Théodore qui fut témoin avec le vaisseau le Fulston de l'action et on fut détrompé des idées chimériques que Théodore avait données de ses alliés.
Archives du Ministère des affaires étrangères: Correspondance de Gênes, vol. 112.
XVIII.
DÉPÊCHE DU DUC DE NEWCASTLE A GASTALDI, MINISTRE
DE LA RÉPUBLIQUE DE GÊNES A LONDRES.
Whitehall, ce 17me mars 1743.
A Monsieur Gastaldi,
Le Roi m'a ordonné de vous faire savoir, en réponse au mémoire que vous avez présenté à Sa Majesté, du 25 du mois passé, et à la lettre que vous m'avez écrite, en date du 19 du courant, que Sa Majesté n'a aucune connaissance de ce qui y est allégué d'avoir été fait par les commandants de ses vaisseaux en transportant et débarquant Théodore Neuhoff dans l'île de Corse; et que si quelqu'un desdits commandants a tenu une telle conduite, il a agi, non seulement sans l'ordre du Roi, mais contre les intentions de Sa Majesté. Le Roi m'a commandé d'envoyer aux seigneurs commissaires de l'Amirauté copies de votre mémoire et lettres susdites, et de leur ordonner de s'informer, sans perte de temps, si les commandants des vaisseaux du Roi dans la Méditerranée, et notamment les capitaines des vaisseaux dont vous faites mention dans votre mémoire, ont actuellement fait ce qui leur est imputé; et, en ce cas-là, par quel ordre ils l'ont fait, afin que Sa Majesté étant pleinement informée du cas, puisse prendre, à cet égard, les mesures qu'Elle jugera à propos.
J'ai aussi eu ordre du Roi d'écrire dans le même sens au vice-amiral Matthews, commandant la flotte de Sa Majesté dans la mer Méditerranée, et de lui faire savoir au nom de Sa Majesté qu'il doit veiller que pour l'avenir il n'arrive rien de semblable.
Je dois cependant, Monsieur, à cette occasion vous faire observer que bien que les officiers du Roi fussent très coupables, en cas qu'ils eussent agi sans autorité ou contre les ordres de Sa Majesté, le Roi ne peut pourtant que voir avec regret que la conduite de la République de Gênes ait été telle envers les Espagnols, ses ennemis déclarés, qu'elle aurait pu donner un juste sujet de mécontentement à Sa Majesté et à ses alliés.
Je suis, Monsieur,
Votre très humble et
très obéissant serviteur.
NEWCASTLE..
Archives d'État de Gênes, archives secrètes: Filza 41-2050. Corsica 1743.
XIX.
DÉPÊCHE DE LORENZI A AMELOT.
Florence, le 27 avril 1743.
Le baron Théodore est parti de cette ville depuis le 18 pour Pise et comptait, après s'y être arrêté quelques jours, de se rendre à Livourne pour s'embarquer sur le même vaisseau de guerre anglais de quarante pièces de canon, qui l'y avait conduit nommé Folkestone, et commandé par le capitaine Balchen; mais j'ai appris qu'il n'y est pas encore allé et qu'il est encore en quelque endroit qui n'est pas éloigné de Florence et que je n'ai pu encore découvrir. Plusieurs Corses qui s'étaient rassemblés à Livourne de différents endroits se sont embarqués sur le même vaisseau. M. Matthews dit n'avoir consenti que Théodore y retournât parce qu'il était venu dans la Méditerranée sur un vaisseau de guerre de sa nation, et qu'au reste les lettres de sa cour ne lui en avaient jamais parlé, mais qu'il y avait dépêché un courrier avec une lettre qu'il avait reçue de Théodore pour avoir des instructions là-dessus. Le ministre d'Angleterre à Turin assure aussi que sa cour ne lui a jamais rien mandé à ce sujet, et elle a gardé le même silence envers M. Mann, ce qui est assez surprenant, car s'il est vrai que le roi d'Angleterre n'a jamais eu la moindre part aux affaires de Théodore, et qu'il aurait fait examiner la conduite des capitaines dont la même république se plaignait, comme le ministre de M. le grand-duc à Londres mande à ce gouvernement avoir cette cour-là répondu au mémoire présenté par le ministre de Gênes à S. M. Brittanique, il était naturel que ce prince eût donné des ordres au susdit vice-amiral et eût mandé quelque chose en conséquence à ses ministres à Florence et à Turin, d'autant plus que M. le marquis d'Ormea a plusieurs fois questionné ce dernier sur l'intérêt que paraissait prendre l'Angleterre à l'entreprise de Théodore. D'ailleurs, puisque la cour de Londres sait l'opinion que le public a eu lieu de former qu'elle s'intéresse à cette entreprise, et le tort que cette opinion peut lui faire, il paraissait qu'elle devait donner une déclaration authentique du contraire, si elle n'y prenait pas effectivement intérêt. L'on peut à peu près remarquer la même conduite de la cour de Londres dans celle de Vienne, car MM. de Breitwitz et de Richecourt assurent, et à l'égard du premier, j'ai lieu de le croire très certainement, que S. A. R. leur a demandé uniquement de l'informer de ce qui se passerait à ce sujet. Il était cependant naturel que si ce prince ne prenait aucune part à cette entreprise, il eût à la désavouer, au moins à sesdits ministres, surtout après la conférence que M. de Breitwitz a eue avec Théodore et l'édit que celui-ci a publié. Cette conduite de ces deux cours peut faire soupçonner qu'elles attendent quelque événement pour se déclarer, d'autant plus que le même aventurier assure toujours que son entreprise a été concertée avec elles et qu'elles sont convenues de le soutenir. MM. de Richecourt et de Breitwitz ont assuré à une personne de leur confiance qu'ils ne l'ont point vu pendant tout le séjour qu'il a fait en cette ville. Il a dit qu'il y est venu principalement pour pouvoir écrire plus librement; en effet, il a reçu et écrit pendant son séjour ici une prodigieuse quantité de lettres.
Archives du Ministère des affaires étrangères: Correspondance de Florence, vol. 97.
XX.
LETTRE DU BARON DE NEUHOFF.
Le 11 mai 1744.
J'ai reçu mercredi passé sous votre couvert la lettre du baron de Salis en date du 22 passé, à laquelle je vous remets, à cachet volant, la réponse, vous priant, mon très cher Monsieur, de vouloir la lui inclure dans votre paquet après l'avoir lue. Cette tardance de lettres de Turin, jointe aux manquances que l'on me fait dans ces conjonctures, me lève tout repos, d'autant plus que je me trouve contre le mur et miné par ces perfides émissaires, lesquels me détournent et me refroidissent un chacun pour le surplus, par ici, et ayant déjà gagné en Allemagne tous mes amis et correspondants à me retenir même ce qui est à moi, afin de m'ôter les moyens à me pouvoir mouvoir; enfin j'abrège.
Si par ce courrier j'ai la satisfaction de recevoir de vos chères nouvelles, jeudi j'aurai celle de vous faire réponse et suis sans réserve tout à vous.
Ma dernière est du 6 avec la lettre d'Olmeta touchant le prince Rakoczy, lequel à ce que j'ai appris hier d'un Corse venu de Rome, a, depuis deux années, la promesse de France et d'Espagne d'avoir en Corse son refuge avec le caractère de général, et que ceci est notoire à tous les partisans d'Espagne en Corse. A moments, j'attends des nouvelles de là; mais tous mes frais et soins seront tous inutiles, si l'on ne m'assiste sans perte de temps, car, pour être sûr, ils veulent proclamer Don Philippe, si je tarde à marcher; ils sont soutenus en cela à Gênes même. Si cette affaire se fait et qu'ils y débarquent quelque monde, comme ils le font assurer dans le pays, qui les en chassera? Aucune puissance est en état de le faire, les peuples étant variés, ce qu'ils seront certainement si l'on ne me met en état d'y pouvoir aller pour anéantir ces vues-là.
Je ne comprends plus ce silence de vos seigneurs de Londres, desquels je ne vois aucune réponse; d'autres amis d'Hanovre et de La Haye m'assurent de l'appui promis; entre temps, par ici, l'on fait le sourd et l'on m'abandonne; enfin l'on ne fait aucun cas de moi par reconnaissance de mes sincères sentiments d'honneur ou opérations réelles de fidélité et d'un attachement parfait, ce qui m'est bien sensible et m'en ronge l'âme. J'espère que vous aurez eu la bonté de parler à M. le général baron de Breitwitz touchant ce peu de Corses, qui sont dans ces deux compagnies corses suivant le contenu de ma dernière. S'il y a de la résolution, il y a moyen encore d'anéantir les vues des ennemis en faisant un débarquement de sept à huit mille hommes de mes gens, pour faire une diversion, en laissant ces Anglais dans les ports de Corse et même dans le golfe de la Spezzia, et employer mes gens contre l'ennemi même; mais il me faut trois vaisseaux, avec ordre précis de m'obéir. Si puis, l'on continue en Italie être sourd, je dois m'efforcer à faire pour l'avenir le muet, et me retirer du tout, laissant le champ libre à tous mes ennemis. Ci-jointe une liste des Corses dispersés en Italie [876], dont j'ai eu tous les soins, et puis avancer, selon la promesse des officiers, qui les commandent, de me les voir joindre au premier ordre que j'enverrai signé de ma main, et suis très assuré qu'aucun ne restera en arrière quand il s'agira d'être à mes ordres et moi à leur tête.
Archives d'État de Turin: Materie militari. Levata truppe straniere, mazzo 2.
XXI.
LETTRE DU BARON DE NEUHOFF.
Le 14 mai 1744.
Je reçois votre chère lettre du 9 avec celles que vous me renvoyez. Touchant puis au congé des Corses, comme je vous ai parlé dans mes précédentes de le procurer de M. le général baron de Breitwitz, il n'a pas besoin d'ordre pour cela, parce que quand ils demandent leur congé, il leur est accordé toujours, selon la teneur de mon offerte faite à Vienne du temps du baron de Wachtendonck; mais à présent, que je ne veux avoir aucune liaison avec leur capitaine et que je les demande pour être employés pour le service commun, je cherche la licence du général pour pouvoir puis en faire rapport à la cour, laquelle sera charmée certainement que je les emploie au service du roi de Sardaigne. Mais ces résolutions finales tardent bien de Turin; ils croyent et attendent là mon arrivée, ou du moins, un de ma part; mais à ma sensible confusion et mortel chagrin, je me vois hors d'état de pouvoir me mouvoir, ne trouvant pas ni d'amis, ni d'ennemis, avec le gage en main, l'avance nécessaire et dois me voir enfin périr avec mes polices de change endossées toutes à mon ordre argent comptant partout; mais par ici ne sachant de qui me fier, et d'autres étant sourds et charmés de me plonger davantage, m'entretiennent en espérance et puis, en fait, ils me manquent; enfin la maxime est, en certaines affaires, très mauvaise de donner du temps au temps; mais à moi il me convient de m'y soumettre et d'avaler ces pilules.
Si M. l'amiral Matthews est bien informé, il secondera en tout mes vues et me donnera la main à faire la diversion mentionnée et de châtier ces Génois promoteurs de toutes les démarches des Gallispans contre votre nation et de la personne sacrée de Sa Majesté Britannique même; mes fidèles et sincères remontrances se vérifient journalièrement de plus en plus. Dès l'année passée, tout se pouvait prévenir; mais que ne cause la présomption et le mépris dans ce monde!
Le dénommé Maurice-Léopold Kartz, dépêché de Rakoczy, est à Livourne présentement, protégé de M. de Selva, et doit passer en Corse. Enfin j'espère qu'avec ce courrier vous recevrez quelque réponse de Turin pour moi, laquelle j'attends avec la dernière des impatiences. Avertissez, je vous prie, à Londres qu'un tel chevalier Champigny, l'envoyé de l'Électeur de Cologne, est un espion payé depuis sept années de la France; il l'était même, contre moi, payé des Génois; mais à mon arrivée à Cologne, le dit Champigny jugea à propos de se sauver de Bonn de la cour de l'Électeur de Cologne, pour n'être traité par moi et les miens comme il le méritait. Avec sûreté, vous le pouvez dénoncer de ma part et j'en écrirai, l'ordinaire prochain, à mes amis à Bonn et Hanovre, afin qu'ils le fassent savoir à l'Électeur de ma part, comme de ma surprise d'employer un semblable sujet. Si M. l'amiral voulait s'entendre avec moi de bonne foi, nous ferions plus dans un mois pour l'avantage commun, qu'il n'a fait depuis deux années avec les avis de ses consuls tous jacobites sous-main et qui l'informent très mal. Je vous salue de tout mon cœur, et suis sans réserve tout à vous.
En ce moment je reçois votre chère lettre du 12, avec l'incluse du baron de Salis. Jugez, mon cher Monsieur, de mon embarras mortel à ne pouvoir me rendre à Turin ni y envoyer quelqu'un, n'ayant aucun à la main capable pour finir de traiter cette affaire; celui que j'ai désigné n'est pas encore retourné de Corse, où je l'ai envoyé par la voie de Civita-Vecchia avec un petit secours, et pour assister à la consulte générale tenue, et quand il retournera, il sera toujours obligé à une petite quarantaine. J'ai, de plus, la mortification aujourd'hui de recevoir, par trois différentes lettres, une belle excuse sur ma demande d'une avance de cent sequins. Je ne sais enfin où donner de la tête dans ces quartiers et me trouve manquant, subsistant avec l'argent qui me reste à engager. Si M. l'Anglais m'avait fait le plaisir trois mois passés, j'aurais été alors à Turin, et le tout serait frayé et la troupe serait assemblée; enfin je me ronge ici l'âme et me crève de chagrin.
Si vous écrivez à Turin et à M. l'amiral, faites-leur part du contenu de la lettre de M. de Salis et assurez pour sûr que s'il me conduit en Corse, nous chargerons dans les huit jours six à huit mille hommes pour les transporter au golfe de la Spezzia, me faisant fort de m'en rendre maître sans perte d'un homme. M. l'amiral puis y pourra mettre garnison anglaise, et moi j'agirai puis, et le reste de mes gens, au grand bénéfice commun et aux dépens de l'ennemi même. Vous voyez là ce que j'ai déjà écrit au baron de Salis et à Milord Carteret, et mes amis à Londres en sont bien subornés.
Si vous croyez que M. l'Anglais à votre instance se laisse persuader à me faire l'avance de cent sequins, faites-le, je vous prie, et soyez sûr que de Turin j'en remettrai ponctuellement le remboursement, y ayant de bons amis, mais ma présence y est nécessaire.
L'on m'écrit de Rome que cinquante-trois autres Corses déserteurs de Naples y sont arrivés pour me joindre. Excusez ce brouillon, je vous prie. Je suis si accablé de chagrin et de confusion de me voir ainsi, qu'à peine sais-je écrire.
Archives d'État de Turin: Materie militari. Levata truppe straniere, mazzo 2.
XXII.
TRADUCTION D'UNE LETTRE DE M. MANN A M. DE VILLETTES.
Florence, 30 mai 1744.
Monsieur,
Le courrier de Turin m'a remis ce matin en passant la lettre que vous m'avez fait la grâce de m'écrire le 27 de ce mois. Les ordres que M. le marquis d'Ormea a bien voulu donner ne coûteront que très peu de peine aux courriers, puisqu'en allant à Rome et en revenant de cette ville, ils sont obligés de passer dans la rue où je demeure. J'espère que vous approuverez cette manière de continuer notre correspondance. Elle vous épargnera souvent la désagréable fatigue de mettre vos lettres en chiffres, ce qui ne pourrait que vous être fort incommode dans des circonstances où vous avez tant d'affaires sur les bras. Je suis charmé que vous ayez été content du contenu des papiers que je vous ai envoyés, et que M. le marquis d'Ormea les ait jugés dignes de son attention. Je vous prie de présenter mes très humbles respects à Son Excellence et de l'assurer que je me ferai un devoir, en toute occasion, d'obéir aux ordres dont Elle m'honorera, bien persuadé que rien n'est plus capable de m'attirer l'approbation du Roi, mon maître, que de m'employer utilement, si je puis, pour le service de Sa Majesté Sarde, dont les intérêts sont si unis aux siens.
J'ai eu soin de communiquer sur le champ à mon ami cette partie de votre lettre qui regarde l'auteur des propositions [877]. Il m'a promis de lui écrire sans délai, pour l'engager à venir à Florence au cas qu'il se trouve toujours peu éloigné de cette ville, comme il l'était en dernier lieu. Nous n'avions pas jugé à propos, mon ami ni moi, de lui donner la moindre connaissance de l'affaire, jusqu'à ce que nous eussions reçu votre réponse; nous ne différerons plus à présent de l'en informer et nous tâcherons de lui persuader d'aller à Turin. C'est assurément le plus sage parti. On règlera plus de choses, avec lui en personne, en deux jours, qu'on ne ferait dans un mois par lettres, outre qu'en traitant avec lui les ministres du roi de Sardaigne pourront mieux juger de sa capacité et de ce qu'il est en état de faire. Le général Breitwitz, de qui je tiens les propositions, m'a permis de vous dire son nom, mais il souhaite de n'être nommé qu'à M. le marquis d'Ormea, ne se souciant pas que la cour de Vienne ou le grand-duc sachent qu'il se soit mêlé d'aucune affaire sans leur participation, quoiqu'il ne doute pas d'ailleurs que sa conduite ne fût approuvée, s'il jugeait nécessaire de les en informer. La proposition, comme vous l'aurez observé, a été faite autrefois à la reine de Hongrie, par le canal du général Breitwitz; mais elle fut négligée. Par rapport à la paye des officiers et des soldats, le général suppose que la personne comptait qu'elle serait établie sur le pied des autres troupes de la reine; mais il n'est pas possible de rien dire de positif sur cet article, non plus que sur les autres conditions, jusqu'à ce que l'auteur en traite lui-même. Je ne vous ai pas d'abord envoyé l'écrit en original, signé de sa main et scellé du cachet de ses armes, crainte de quelque accident; mais si vous souhaitez de l'avoir, vous n'avez qu'à m'en dire un mot et je vous l'enverrai. Je souhaite ardemment que le succès de cette affaire réponde à l'attente de vos amis.
Je vous ai envoyé par le dernier ordinaire une lettre de mon correspondant secret [878] à M. le marquis d'Ormea. Dans une autre qu'il m'a écrite en m'en envoyant une pour l'amiral, il me dit: «A la fin M. l'amiral a eu ordre de m'assister et de m'appuyer.» Je ne puis rien dire de ce fait jusqu'à ce que l'amiral l'explique. Je suis toujours obligé de répondre au grand nombre de lettres qu'il continue de m'écrire; mais je le fais toujours en termes généraux, en lui disant que je n'ai point reçu d'instructions sur ses affaires, ni aucune réponse de votre part ni de l'amiral; cependant cette méthode ne mettra jamais fin à notre correspondance. Je ne voudrais pas que M. de Salis fût informé que je vous ai dit si librement mon sentiment du personnage, car je vois que nonobstant ce que j'ai écrit avec la même liberté à son fils à sa prière, il pense encore aussi favorablement sur son compte: prévention dont je vous dirai en confidence que son fils est aussi surpris que moi. Il a peut-être des raisons que nous ignorons.
Je vous prie de croire...
Archives d'État de Turin: Materie militari. Levata truppe straniere, mazzo 2.
XXIII.
TRADUCTION D'UNE LETTRE DE M. MANN A M. DE VILLETTES
7 juin 1744.
Monsieur,
J'espère que vous aurez reçu les deux lettres que je vous ai écrites le 2 et le 8 de ce mois. J'ai été obligé d'envoyer la dernière par la poste ordinaire, ne l'ayant reçue qu'après le départ du courrier de Turin. Je dois à présent vous informer que j'ai vu le comte Rivarola, que le général Breitwitz a fait venir à Florence. Il est fort disposé à aller à Turin, pour traiter de la levée des troupes corses. Il se flatte de lever aisément toutes les difficultés qui pourraient se rencontrer dans cette affaire. J'avoue qu'au premier coup d'œil, à voir son âge et sa figure, il ne m'a point paru fort propre à faire réussir une pareille entreprise; mais, après plusieurs conversations que j'ai eues avec lui et par les informations que j'ai prises sur son compte, j'ai trouvé que c'était un homme fort accrédité en Corse et celui de tous les chefs auquel les mécontents de cette île s'adressent le plus volontiers. Il a toujours été opprimé par les Génois, une grande partie de son bien a été confisquée en Corse, où sa femme est encore. Il a mené pendant plusieurs années une vie obscure hors de son île.
Je l'ai questionné touchant les talents qu'il se sentait pour commander le régiment que son nom et son crédit le mettaient en état de lever. A cela, il a naïvement répondu qu'il ne pouvait pas prétendre avoir beaucoup d'expérience pour la conduite des troupes régulières; mais qu'il avait passé toute sa vie les armes à la main et que pour suppléer à ce qui lui manquait il voulait supplier Sa Majesté Sarde de lui donner un major (sur qui roulerait la conduite du régiment) et autant d'officiers qu'on croira nécessaires, pour bien former et discipliner ses compatriotes. Cependant, on ne doit pas oublier, dit-il, que les Corses obéissent plus volontiers à des officiers de leur nation qu'à d'autres; que néanmoins, il sera toujours prêt à se soumettre à tous les ordres que le roi de Sardaigne lui donnera, et qu'il ne doute nullement que le corps de troupes qu'il lèvera ne soit fort utile à Sa Majesté.
Le général Breitwitz, m'écrivant à son sujet de sa maison de campagne, m'en parle dans les termes suivants: «C'est un homme qui a grand crédit en Corse. Il ne tiendra qu'à lui de faire venir la plus grande quantité des Corses qui sont au service de la république de Gênes à celui de Sa Majesté le roi de Sardaigne, ce qui ferait un double effet. Quand on écrira à Vienne pour avoir la permission de rassembler le régiment dans cet état, la cour de Turin pourrait demander au grand-duc les officiers corses et les hommes de cette nation, qui sont à son service; cela serait un petit commencement à former un pied. Je suis persuadé, si la neutralité ne fait quelque obstacle, que S. A. R. fera tout pour Sa Majesté le roi de Sardaigne.»
Je ne sais pas bien ce que le général veut dire quand il parle d'officiers au pluriel, car, après m'en être informé, je n'ai trouvé qu'un seul officier corse dans les deux compagnies de ce nom.
Voici la liste des Corses qui se trouvent dans ces compagnies, qui pour le dire en passant, sont fort inutiles au grand-duc:
- Giuseppe Costa, lieutenant.
 - 49 simples soldats dans la première compagnie.
 - 11 simples soldats dans la seconde
 - ------
 - 61
 
Il est inutile que j'entre dans un détail circonstancié de toutes les conversations que j'ai eues avec le comte Rivarola. Je dois vous avertir, cependant, que comme il ne fait aucune difficulté d'avouer le mauvais état de fortune où l'ont réduit ses malheurs et son long exil, je me suis engagé à lui faire payer les frais de son voyage. La demande m'a paru si raisonnable que j'ai cru devoir y acquiescer, et je vous prie de vous souvenir de cet article. Vous trouverez dans l'écrit ci-inclus quelques informations à son sujet, avant qu'il arrive à Turin; il vous communiquera lui-même d'autres papiers, qui vous convaincront que c'est un homme fort accrédité dans sa patrie. Il n'attend pour partir que l'arrivée de son fils, qui est à Sienne, au séminaire, et les habits qu'il se fait faire, qui, autant que j'en puis juger, ne feront pas une brillante figure. Il m'a dit qu'il voulait se faire faire un habit, avant de se présenter à M. le marquis d'Ormea; j'ai tâché de l'en dissuader, l'assurant que ce ministre ne jugera pas de lui par la façon dont il sera mis. Il espère d'être à Turin sur la fin de la semaine prochaine, environ le 14. Je lui donnerai une courte lettre pour vous pour lui servir d'introduction. Il veut être absolument dirigé par vous. Dans cette lettre et dans le passeport dont je le munirai, je l'appellerai Domenico Santini, nom qu'il souhaite de porter pendant son voyage. Je vous laisse le soin de tout le reste. Je serai bien charmé d'apprendre que l'affaire tourne à la satisfaction de Sa Majesté Sarde et au bien de son service. Je vous prie d'assurer M. le marquis d'Ormea de mes très humbles respects...
J'écrivis hier au soir ce qui précède; j'ai reçu ce matin de bonne heure la lettre dont vous m'avez favorisé avec l'Horace de Pine, pour lequel j'aurai des remerciements à vous faire l'ordinaire prochain, de la part du prince Craon. Je ne suis point du tout surpris de la lettre que Théodore a écrite à M. le marquis d'Ormea, ni de la manière dont ce ministre l'a reçue. J'en reçus une hier au soir du personnage, en réponse à celle que je lui avais écrite, pour accompagner la lettre de M. de Salis (dont je vous ai envoyé une copie). Il est extrêmement piqué de cette lettre, «à laquelle, dit-il, je ne répondrai nullement, ne me mettant en nulle peine pour son contenu si peu digéré, étant d'ailleurs sûr que votre ministère traite cette affaire. Enfin les réponses de Turin en décideront en huit jours, et si l'on y a changé de sentiment, patience! J'en serai pour les frais faits. Mon secrétaire est parti dimanche passé». Voilà la substance de sa lettre. Je vous disais dans ma dernière qu'il avait fait partir son secrétaire, circonstance qui ne peut que déplaire. J'avoue néanmoins qu'il ne me semble pas juste de le laisser dans l'incertitude; car quoique ses propositions soient mal digérées et qu'il ne paraisse pas probable qu'elles puissent mener à rien et quoiqu'il n'y ait peut-être pas beaucoup de fond à faire sur ce qu'il dit des grandes dépenses qu'il prétend avoir faites, je ne saurais approuver qu'on continue à le bercer de vaines espérances. Quant aux affaires de Corse, je sais qu'il a encore un parti considérable dans cette île qui le recevrait avec beaucoup d'empressement, s'il y paraissait avec quelque secours réel. Mais il les a trompés si souvent, qu'ils ne se fient plus à ses promesses. J'apprends cependant que ce parti est résolu de lui rester fidèle encore quelques mois et si après ce temps-là, ils s'aperçoivent qu'il n'est pas réellement soutenu, ils l'abandonneront à coup sûr, sans pourtant se soumettre aux Génois.
On m'a dit que le capitaine Barckley, commandant du vaisseau la Revanche, qui a conduit Théodore en Italie, s'informa fort soigneusement de lui en dernier lieu à Livourne, déclarant que s'il pouvait découvrir où il était, soit en Toscane, soit à Rome, il irait le trouver en personne. Une personne, qui a dit avoir entendu ceci de la bouche de M. Barckley lui-même, l'a écrit à Théodore, qui m'a envoyé la lettre. Je ne puis pas pénétrer le motif qui faisait souhaiter au capitaine Barckley de le voir; mais si son empressement était aussi grand qu'on le dit, j'ai lieu de m'étonner qu'il ne se soit pas adressé à moi, de qui il pouvait attendre d'en avoir des nouvelles.
Le comte Rivarola est à présent chez moi; il m'apprend qu'il a dépêché un homme à son fils, à Sienne, qui n'arrivera ici que mardi au soir; cela me fait craindre qu'ils ne puissent partir d'ici que jeudi matin; ils pourraient bien être à Turin le 15, m'ayant promis de faire toute la diligence possible. Il lui en a déjà coûté quelque chose pour faire venir son fils, ne pouvant pas absolument voyager seul. Il vous prie, Monsieur, de vous en souvenir, ainsi que de la dépense de son voyage à Turin; je me flatte que M. le marquis d'Ormea ne trouvera pas mauvais que je me sois engagé à la lui faire payer.
Je n'ai rien à ajouter que les vœux sincères que je fais pour le succès de l'affaire; j'espère qu'elle répondra à notre attente, d'autant plus qu'on m'a donné les plus fortes assurances de son crédit parmi ses compatriotes qui considèrent beaucoup son nom. A l'égard de sa capacité personnelle et des conditions de son engagement, je m'en repose entièrement sur le discernement des personnes qui traiteront avec lui.
Je vous prie de me croire.....
P.S.—Toute réflexion faite, nous n'avons pas jugé à propos de perdre du temps à attendre l'arrivée du fils du comte Rivarola, et nous lui avons trouvé un autre compagnon de voyage. C'est un nommé Carlo Testori, milanais, secrétaire du commissaire des guerres du grand-duc, jeune homme discret et qui est au fait de tout, ayant été employé pour faire venir secrètement le comte. Son supérieur a bien voulu consentir qu'il fît le voyage. Le comte envoya hier les papiers par un exprès. Il partira demain matin à bonne heure.
Archives d'État de Turin: Materie militari. Levata truppe straniere, mazzo 32.
XXIV.
DÉPÊCHE DE LORENZI A D'ARGENSON.
Florence, le 2 décembre 1745.
L'intrigue ménagée par le roi de Sardaigne contre la Corse a enfin éclaté et j'ai l'honneur de vous en envoyer ci-joint un petit détail. L'on en fut informé ici le 27 par un exprès dépêché au prince pour l'informer de cette affaire. Ce résident d'Angleterre reçut par cette même voie des lettres du commandant de l'escadre de sa nation, et il envoya peu après son secrétaire à M. Viale pour lui dire que lÉdit commandant l'avait chargé de lui déclarer que les prisonniers génois seraient traités comme la république traiterait les deux fils du colonel Rivarola, qui sont depuis longtemps en prison à Gênes. M. Viale lui répondit que n'étant pas ministre il ne pouvait pas recevoir cette déclaration, qu'il aurait été nécessaire d'ailleurs de lui donner par écrit; que cependant par manière de discours, il était bien aise de lui dire qu'il ne voyait pas avec quel fondement l'on voulait mettre sur un pied d'égalité lesdits prisonniers génois avec les deux fils de Rivarola, puisque ceux-ci étaient sujets de la république, détenus en prison pour crimes, et particulièrement celui d'avoir fait des enrôlements dans l'État pour le service étranger contre les lois.
Le baron Théodore a été si fort méprisé des Anglais, qui l'ont trouvé d'un caractère, de cœur et d'esprit bien différent de celui qu'ils lui croyaient, qu'il est revenu à Livourne, d'où il s'est rendu ensuite chez un curé de campagne où il a demeuré d'autres fois... Il paraît que les rebelles ont trouvé tant de facilité à s'emparer de Bastia, à cause que cette place manquait de presque tout ce qui est nécessaire à faire une bonne défense, et que M. Mari n'a pas agi avec la valeur qu'il a montrée lorsqu'il a été attaqué par mer par les Anglais, lorsqu'il a vu qu'il avait à faire par terre aux rebelles, dans la crainte apparemment de tomber entre leurs mains, ce qu'il regardait sans doute comme son dernier malheur. Il est à présumer qu'il va naître en Corse une guerre civile fort cruelle, car le colonel Rivarola y a un grand nombre d'ennemis et l'on assure que les deux puissants chefs de partis, nommés Gaffori et Matra, allaient descendre avec un grand nombre de gens pour le chasser du pays.
Archives du Ministère des affaires étrangères: Correspondance de Florence, vol. 102.
XXV.
EXTRAIT DE LA LETTRE DE L'AMIRAL MEDLEY A S. E. LE MARQUIS DE
GORZEGNO, ÉCRITE DEVANT CARTHAGÈNE, A BORD DU RUSSEL.
19 mars 1749.
.....Les divisions qui se sont élevées entre les chefs corses engagés dans les intérêts de Sa Majesté Sarde m'alarment extrêmement. Je crains fort que les Génois n'en tirent avantage et que par leur argent ou leurs intrigues ils n'en attirent beaucoup dans leur parti, de ceux même qui se sont montrés d'abord les plus animés contre cette république et son gouvernement. Il n'est pas moins à craindre d'un autre côté, que ces dissensions n'apportent beaucoup d'obstacles à nos progrès dans l'île, en empêchant les mécontents de s'unir et d'agir de concert avec nous pour l'exécution des mesures vigoureuses que l'on pourra prendre pour pousser et expulser entièrement les Génois des établissements et des forteresses qu'ils y occupent. On s'est plaint de la conduite du comte Rivarola, et la lettre par laquelle le roi de Sardaigne le rappelle a été envoyée au commodore Townshend, qui a jugé à propos de la retenir jusqu'à son retour en Corse. Mais si le comte ne paraît pas, d'un côté, avoir assez de crédit ni être assez considéré parmi les mécontents, ou qu'il ne soit pas propre à manier les affaires dans l'intérieur de l'île, d'un autre côté j'appréhende que son rappel ne soit un faible remède au mal, à moins qu'il ne soit remplacé par une personne habile et d'autorité et à qui on mette en mains les moyens convenables pour travailler avec fruit. Je prends la liberté d'offrir ces considérations à Votre Excellence, comme dignes de son attention et, comme le commodore Townshend informera de temps en temps M. de Villettes de ses opérations, vous pourrez juger, Monsieur, quelles mesures seront nécessaires pour l'avancement de l'entreprise......
Archives d'État de Turin: Toscana, mazzo 1.
XXVI.
HORACE MANN AU MARQUIS DE GORZEGNO.
Florence, le 7 juin 1746.
....... J'ai été pleinement informé par la lettre de Votre Excellence et par celle de M. Villettes de la résolution de notre cour de renoncer à l'entreprise de la Corse par le peu de probabilité d'y réussir et par la nécessité qu'elle a d'employer ses vaisseaux de guerre ailleurs, et de la déférence que Sa Majesté le Roi de Sardaigne a bien voulu montrer en cette occasion à ces sentiments, nonobstant les motifs qu'il aurait au contraire; ainsi comme il s'agit à présent d'en informer les Corses, et de se servir de tous les moyens possibles pour les soustraire de la vengeance des Génois et que Sa Majesté (par la favorable opinion dont il lui plaît de m'honorer) souhaite que je m'y emploie, je ne manquerai en rien de ce qui dépend de moi pour contribuer à l'exécution de ses ordres et je m'estimerai trop heureux de pouvoir réussir à rendre efficaces les mouvements d'humanité dont Sa Majesté est touchée. Votre Excellence aura vu par mes dernières lettres que la sûreté des mécontents de la Corse m'a tenu fort à cœur et que j'en avais écrit plusieurs fois à M. Townshend. Je lui en ai écrit de nouveau pour lui insinuer tout ce qui me paraît le plus propre, n'ayant pas jugé de devoir prendre aucune démarche sans être informé de ce qu'il pourrait avoir déjà communiqué à ces gens et sans être instruit des moyens qu'il pourra employer à l'avenir après les insinuations que je viens de lui faire. J'ai cru cette précaution très nécessaire pour ne rien précipiter, d'autant plus que j'ai été informé qu'il n'y a rien à craindre à présent, les chefs des mécontents étant en sûreté à San Fiorenzo et par une lettre que j'ai reçue ce matin du comte Rivarola du 22 mai, il me marque qu'il a entre les mains plusieurs prisonniers qu'il souhaiterait de faire passer en Sardaigne. Je ne sais pas s'ils sont tous Corses, mais s'il y en a des principaux ou quelques Génois. C'est précisément la circonstance que j'avais recommandée avec instance à M. Townshend, comme aussi de faire ses efforts pour se saisir de quelques Génois accrédités, comme le moyen le plus efficace pour rendre la république plus traitable par rapport à ceux qui auraient à l'avenir le malheur de tomber entre leurs mains. J'ai donc prévenu les ordres de Votre Excellence par rapport à ce point, et je n'omettrai rien de ce qui dépend de moi, soit par mon conseil à M. Townshend, soit par quelqu'autre moyen qui se présentera pour contribuer à finir cette affaire de la manière la moins désavantageuse pour les mécontents et la plus convenable à la dignité des cours intéressées.
Archives d'État de Turin: Toscana, mazzo 1.
XXVII
DÉPÊCHE DE LORENZI AU COMTE DE MAUREPAS
Florence, le 4 mars 1747.
....... Le nouveau régiment de marine, ayant été achevé de former, prêta le 23 du mois dernier serment de fidélité à M. le grand-duc, qui s'est réservé d'en être colonel, ce qui donne de plus en plus lieu de croire importante sa destination. On prépara audit port les deux barques armées en guerre de S. A. R. pour transporter ce régiment à Porto-Ferraio. Mais on m'assure de fort bonne part qu'il n'y doit être envoyé que pour masquer sa véritable destination. A l'égard de celle-ci, je n'ai jusqu'ici que des avis incertains. Selon quelques-uns, on doit les transporter à Trieste, ce qui serait fort probable, si l'on construit dans ce port les bâtiments dont j'ai eu l'honneur de vous faire mention. D'autres m'ont dit que lesdites deux barques, avec ce régiment, doivent porter le baron Théodore en Corse, ce qui serait conforme au projet de cet aventurier, et dont j'ai eu aussi l'honneur de vous rendre compte. D'autres enfin m'assurent que ce régiment doit aller armer trois vaisseaux de guerre anglais, qu'on dit avoir été achetés par M. le grand-duc, et j'ai d'autant plus lieu de le croire, que, par une autre voie, j'apprends qu'on a fait à Livourne des pavillons aux armes de S. A. R. pour servir à des vaisseaux de guerre. J'ignore l'objet de ces trois vaisseaux, qui pourront être joints par les deux barques sus mentionnées et peut-être encore par deux galères de ce prince; mais on pourrait employer lesdits trois vaisseaux à faire la course contre nous, les Espagnols et les Génois sous le nom d'une compagnie marchande de Vienne, selon le projet, dont j'ai eu l'honneur de vous informer, ou contre la Corse. Il arriva à Florence le soir du 24 du mois dernier le fameux aventurier nommé le chevalier Farinaccio, natif de cette île. Il fut arrêté en entrant dans la ville, en vertu d'un ordre donné plusieurs jours auparavant. L'on n'en sait pas bien le motif, mais quelques-uns prétendent savoir que ç'a été à cause qu'il venait pour tuer le baron Théodore afin de gagner le prix qui est à sa tête. Il est le même qui avait fait des projets aux cours de Vienne et de Turin pour soumettre la Corse à leur pouvoir. Il venait en dernier lieu de Venise.
Archives du Ministère des affaires étrangères: Correspondance de Florence, vol. 105.
XXVIII
LETTRE DU BARON DE NEUHOFF [879].
11 juillet 1750.
Monsieur,
Ci-joint l'adresse du conseiller bien informé de mes affaires et connu de M. le conseiller Green qui voulait me procurer une avance. Tâchez, je vous prie, Monsieur, de les voir le plus tôt possible, comme de procurer l'argent pour payer dans cette maison, du moins une partie, ne voulant avoir patience d'aucun autre moment passé aujourd'hui, cette femme encouragée à m'affronter, et comptez, Monsieur, que vous n'aurez jamais lieu de vous repentir à vous être bien voulu employer pour moi, étant très sincèrement tout à vous.
Th. Bon DE NEUHOFF.
Archives du Ministère des affaires étrangères: Correspondance de Corse, vol. 3.
XXIX.
TRADUCTION DE LA LÉGENDE D'UNE CARICATURE ALLEMANDE
AU SUJET DE THÉODORE DE NEUHOFF .
Le Satyre Corse visionnaire ou le rêve à l'état de veille dont l'image
représente dérisoirement Théodore, premier et dernier en sa personne
pseudo-roi des Corses rebelles.
Hôte bienvenu, absolument inespéré!#a"
Avec quelle joie te recevra-t-on?
En suite de la lettre que tu as écrite,
Tu vas maintenant atteindre le but.
La présence a beaucoup plus de force
Que les écrits ne produisent d'impression
Pour gagner complètement les cœurs;
Tu es un étranger, ainsi que chacun sait,
Mais le voyage dans les eaux calmes
Rend tes sentiments très patriotiques.
Nous, Corses, tombons à genoux"#b
Mais non pour nous courber devant Gênes;
Une nouvelle Majesté est ici#c,
Que l'on doit fêter royalement,
Et lorsque l'antique Rome
Fit Tarquin Roi,
Une couronne de feuillage fut aussi tressée,
Mais, il est vrai, bientôt l'inconstance,
De la ville a banni le roi.
Les grandeurs sont très contestées!
C'est le sort que je crains toujours pour toi,
Parce que ton royaume s'est si vite formé;
A peine pouvais-tu passer pour baron,
Que ton heure comme roi était venue.
A aucune cour, puissance ou couronne
Tu n'as annoncé ton avènement.
Que penseront-elles toutes?
Le droit légitime génois
Te combattra fort encore;
Et qui sait quelle prime il donnera?
Tu es, il est vrai, parfaitement qualifié
Et tu parles beaucoup de jolies langues;
Tu sais aussi comment on ergote
Et peux également bien pérorer;
Un empire exige un trône,
Un sceptre de roi et la couronne;
Il est donné à chacun ce dont il est digne;
Que cela te soit donc octroyé,
Car tu l'as bien mérité!
Mais, mais Monsieur Théodore,
Il me faut te le dire franchement,
Je ne vois pas bien la suite,
Ne dois-je pas la dire puérile?
Dis donc où est écrit
Que la Majesté t'appartienne?
Comment l'as-tu donc acquise?
La ruse, l'intrigue et même le vol
T'ont apporté sur cette île;
Autrement tu aurais perdu ta mise.
Tu peux, il est vrai, ainsi que je l'ai dit,
Parler latin, allemand, français.
L'anglais, l'espagnol ne te font pas défaut.
Mais cela n'empêche point que je te dise mes raisons.
L'île n'est pas un royaume libre,
Elle appartient à la République
Qui y a fait tant de dépenses,
Car de cette terre précédemment inculte,
Elle a fait un état policé
Et y a établi le bon ordre.
Tu peux à toi-même, Monsieur le Baron,
Te dire en langue italienne:
Tu es un nouveau Robinson.
Mais cela n'a pas le sens commun,
Car lui seul était seigneur et chevalier,
Habitait une île sans êtres humains
Et peuplée d'animaux sauvages;
Tandis que tu fais en Corse
Une curie royale, Neuhoff,
Et veux comme souverain régir une multitude.
Ce que disent la Russie de Demetrio
Et Naples de Masagnello
Montre ce que là est la rébellion,
Et comment on en chasse cette peste;
On y guérit rapidement les malades,
Par le sommeil de mort, soudain,
Produit au moyen du glaive.
Ainsi un pays est bientôt libéré
De cette épidémie, de ce fléau;
Tu peux porter cela en ton cœur!
Tu dis il est vrai: Bast! advienne que pourra!
Résider à Bastia.
Est mon but déjà manifesté;
Je ne dois plus me soumettre.
Maintenant la multitude mécontente
Arbore, en pays devenu État,
La tête de maure comme insigne du Royaume#d.
La croix rouge sur écu d'argent,
Doit, de l'île, totalement disparaître.
Pronostique seulement qui peut.
Nous, Corses, avons argent et armes;
Tout cela le Satyre l'entend#f,
Qui maintenant rêvant dort éveillé.
Le roi Théodore premier
Se présente à lui comme dernier.
Tout sera bientôt bouleversé#g
Lorsque la République trouvera aide:
Ainsi sera châtié le valet licencieux,
Et la nouvelle cour sera renversée.
Car ce qui naît en avril,
Rarement a une longue existence,
Et passe comme la parure de feuillage.
Ainsi changent les heures inconstantes.
Qui sait ce qui arrivera d'ici à l'automne?
Je n'ai pas moi d'incertitude quant à mon foyer
Et j'assisterai en riant à l'aventure.
Je m'enquiers curieusement à la poste,
Et alors même qu'il m'en coûterait quatre gros,
Il faut que je m'achète la gazette!
Et précisément il me revient en mémoire
Que l'or et l'argent ne sauraient manquer.
Un travailleur sait parfaitement#h
Qu'il n'a pas à se faire de peine:
On prend des ducats ici et là,
Et on donne en échange les plus belles paroles.
On a voulu les multiplier,
Et, à l'instar du voleur, Mercure s'envole.
On sait donc, non sans raison,
Avec du vent contenter les gens!
Le baron Théodore de Neuhoff débarquant. Les Corses rebelles lui souhaitent la bienvenue et le proclament roi. Le roi nouvellement couronné avec une couronne formée de feuillage. Les armes de Corse. Un d'eux est repoussé qui porte sur l'épaule, au bout d'un bâton, les armes génoises. Satyre sous un chêne (représentant l'inconstance qu'il faut craindre) dormant sur une couche de roses épineuses; il tient à la main une longue-vue largement développée lui permettant de voir l'avenir. Le génie de la Vanité lui soufflant dans la main une bulle de savon. Un singe travailleur cause des explosions et voit écrit dans la fumée le mot: fourberie. Deux singes jouant, à côté d'eux, les cartes mélangées; devant eux, les unes sur les autres, les cartes jouées, dont celle de dessus est le roi vert; un des singes fait le point avec l'as de cœur et attire à lui la mise. Passeport provisoire du Roi chimérique remercié se sauvant.
a. Je suis un des grands d'Espagne,
    Le Chevalier errant sans armes.
b. Pour beaucoup j'étais un lord anglais.
    Maintenant que je suis un roi, la renommée le dira.
c. Moi, pauvre étranger, j'ai voulu égaler les grands.
    En France on se rit de moi comme partout ailleurs.
f.  Le nouveau roi doit partir de la Corse
    Et bientôt répandra d'amers pleurs.
g.  Je viens du Nord, si je suis né prince;
    Comme lieutenant allemand j'ai perdu le service.
h. L'Ordre allemand doit me faire aussi chevalier.
i.    J'ai su partout me conduire parfaitement.
    Il est vrai que je suis issu de nobles en Westphalie;
j. Cependant comme baron étranger je dois lever le pied.
Fait parce qu'un nouveau roi, le baron de Neuhoff, a été proclamé par quelques Corses.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS
A
- ACCINELLI, chroniqueur génois, 10, 12.
 - AFRICAIN (L'), navire, 178, 180, 182, 184, 185, 187, 188, 189, 190, 195, 196, 198, 200.
 - AFRIQUE, 149.
 - AGATA (François de), 159, 160, 166.
 - AGOSTINI (François), 331.
 - AITELLI (Simon), 11, 12, 34.
 - AIX-LA-CHAPELLE, 347, 349, 352.
 - AJACCIO, 102, 117, 208, 273, 275, 277.
 - ALBERONI (Cardinal), 22,23, 24, 25.
 - ALBERTINI (Chanoine), 47.
 - ALBREET (Baron d'), ministre impérial à Lisbonne, 145.
 - ALÉRIA, arr. de Corte, canton de Moita, 1, 2, 3, 37, 41, 43, 44, 45, 47, 50, 68, 70, 121, 136, 174, 175, 232, 261, 346, 364.
 - ALESANI (Auj. Valle-D'Alesani), arr. de Corte, cant. de Valle, 69, 71, 364.
 - — (Couvent d'), 54, 57, 385.
 - ALICANTE, 182, 185, 203.
 - ALFIERI, 4.
 - ALGAJOLA, arr. de Calvi, cant. de Muro, 95, 96.
 - ALGER, 123, 183.
 - ALLEMAGNE, 15, 16, 144, 179, 256, 297, 298, 345, 347, 349.
 - AMBROGGI (Jean-Jacques), 179.
 - AMÉLIE, mère de Théodore de Neuhoff, 16.
 - AMELOT, ministre des affaires étrangères, 169, , 175, 198, 202, 203, 204, 207, 223, 224, 225, 227,228, 250, 263, 264, 278, 279, 283, 285.
 - AMPUGNANI (Auj. San-Gavino d'Ampugnani), arr. de Bastia, cant. de Porta, 68, 93, 98.
 - AMSTERDAM, , 131, 133, 132, 134, 138, 139, 158, 163, 165, 178, 179, 180, 181, 182, 184, 187, 188, 195, 199, 238, 243, 244, 253, 346, 347, 351, 355, 391.
 - ANGELO (d'), vice-consul de France à Bastia, 60, 63.
 - ANGERVILLIERS (d'), ministre de la guerre, 104, 105, 106, 169.
 - ANGES DE LA CONGRÉGATION DE MANTOUE (Couvent des), 290.
 - ANGLETERRE, 21, 27, 35, 64, 109, 152, 153, 239, 256, 265, 271, 280, 283, 284, 285, 291, 295, 304, 313, 314, 324, 332, 333, 335, 336, 339, 357, 358, 359, 365, 369, 370, 371, 376, 390.
 - ANTIBES, arr. de Grasse, chef-l. de canton, 171.
 - ANTOINE Ier, prince de Monaco, 248.
 - APPREMONT (Comtesse d'), 26.
 - ARGENSON (d'), ministre des affaires étrangères, 324, 329.
 - ARNO (Fleuve), 277, 280, 281.
 - ARRIGHI, 49, 50, 53, 54, 55, 74, 83, 96, 97, 210.
 - ARRIGO (Le comte), surnommé Il Bel Mersere, 3.
 - ASCANIO (Le Père), ministre d'Espagne à Florence, 127, 128.
 - ASINAO (Aiguilles de l'), Corse, 119.
 - AUTRICHE, 248, 324, 339, 341.
 - AVIGNON, 233.
 
B
- BAGLIONI, valet de chambre du grand-duc de Toscane, .
 - BAÏA, prov. et circond. de Caserte, 196.
 - BALAGNE (Province de Corse), 8, 49, 54, 74, 82, 95, 97, 98, 99, 102, 109, 211, 213, 214, 268, 273, 276, 325.
 - BALCHEN, capitaine de navire, 273, 274, 277, 280.
 - BALDANZI, prêtre, 290.
 - BALIZONE TEODORINI (Gio-Maria), prêtre, 209.
 - BANC DU ROI, prison pour dettes, à Londres, 363, 365, 366, 371, 376, 380, 386.
 - BARCKLEY, capitaine de navire, 265, 266, 313.
 - BARENTZ (Gustave), capitaine de navire, 140, 142, 143, 147, 148, 152, 153, 154, 155.
 - BASTIA, chef-l. d'arr., 2, 5, 8, 10, 11, 52, 64, 70, 74, 75, 76, 78, 96, 98, 100, 103, 109, 110, 136, 137, 167, 171, 174, 194, 205, 211, 213, 229, 232, 269, 325, 326, 327, 328, 339.
 - BASTILLE (La), à Paris, 26, 28.
 - BAVELLA (Forêt de), Corse, 119.
 - BAVIÈRE, 19, 20.
 - BEAUJEU (Humbert de), 248, 249, 250, 251, 252, 253, 254, 255, 256, 316, 317.
 - BEDFORD (Duc de), 357, 358, 362.
 - BELLE-ISLE (Maréchal de), 365, 366.
 - BEMBO, capitaine génois, 95, 96.
 - BENTINCK (Comte de), plénipotentiaire des États-Généraux au Congrès d'Aix-la-Chapelle, 352, 373.
 - BELEM, Portugal, Estram., 143.
 - BERGHEIM (Baron de), nom pris par Théodore de Neuhoff, 302, 351.
 - BERLENGA (Îles), Portugal, 143.
 - BERNABO, agent de Gênes à Rome, 243, 244, 246.
 - BERSIN, 356.
 - BERTELLI, commandant, 273.
 - BERTOLETTI, 106.
 - BESSEL (Jonias von), 178, 190.
 - BEVERS (Antoine), capitaine de navire, 159, 160, 161, 162, 163.
 - BIAGI (Guido), 390.
 - BIGANI (Ranieri), ancien commandant du bagne à Livourne, 234, 235, 236, 237, 240, 241, 243, 264.
 - —(Mme), 240.
 - — (Mlle), 264.
 - — (Fils), 39.
 - BIGORNO, arr. de Bastia, cant. de Campitello, 214.
 - BOIERI, colonel au service de l'Espagne, 252.
 - BOISSIEUX (Comte de), commandant de l'expédition française en Corse, 171, 172, 173, 174, 175, 184, 194, 195, 205, 206.
 - BOLLER, 193.
 - BOLLET (Tobias-Fredericus), 179.
 - BOLOGNE, 128, 173.
 - BONFIGLIO GUELFUCCI, chroniqueur corse, 4.
 - BONIFACIO, arr. de Sartène, chef-l. de cant., 74, 189, 216.
 - BONIS (Ange de), docteur, 320.
 - BONN-SUR-LE-RHIN, 227.
 - BONNEVAL (Comte de), 36, 42.
 - BOOKMANN, 143, 144, 155, 156, 158, 165.
 - BOON (Lucas), député aux États pour la province de Gueldre, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 154, 155, 156, 158, 160, 165, 166, 177, 197, 238, 243, 244.
 - BORGO, arr. de Bastia, chef-l. de cant., 205.
 - BOTTA (Marquis de), 335, 336.
 - BOUVER (François), consul de Hollande à Livourne, 199.
 - BOYER (Alexandre), patron de tartane, 186.
 - BRADIMENTE MARI (Comte), 330.
 - BRACKWELL (Thomas), 101.
 - BRAVONA (Rivière), Corse, 51.
 - BREITWITZ (Général), commandant des troupes autrichiennes en Toscane, 265, 274, 279, 280, 284, 288, 295, 304, 309, 311, 312.
 - BRESCIA, 307.
 - BORSCHERD (M. et Mme), de Cologne, 349.
 - BRIGNOLE, envoyé extraordinaire de Gênes à Paris, 169, 223.
 - BRUYN, VERNAIS et CLOOTS, marchands droguistes à Lisbonne, 144, 165.
 - BUONGIORNO (Cristoforo), 39, 72, 87, 88, 89, 174.
 - — (Léonard), 36, 37, 38, 39.
 
C
- CAGLIARI (Sardaigne), , 182, 184.
 - CALABRE (Province d'Italie), 128.
 - CALENZANA, arr. de Calvi, chef-l. de canton, 95.
 - CALIFORNIE, 42.
 - CALVI, chef-l. d'arrondissement, 74, 206, 274, 340.
 - CAMPOMORO, arr. de Sartène, cant. d'Olmeto, cne de Fozzano, 209.
 - CAMPREDON, envoyé de France à Gênes, 209, 273.
 - CAP CORSE, 171.
 - CAPONE, 73.
 - CAPUCINS (Fort des), près Bastia, 74, 75.
 - CARAVAGGIO (Marquis de), 287.
 - CARGÈSE, arr. d'Ajaccio, cant. de Piana, 46, 56.
 - CARLOS (Don), infant d'Espagne, 12, 35, 39, 251, 253.
 - CARMEL (Église du), à Florence, 290.
 - CARTHAGÈNE (Espagne), 24.
 - CARTERET (Lord), 281, 282, 297, 298, 304,311, 321, 322, 362, 364.
 - CARTIER (E.), 94.
 - CASACCONI, arr. de Bastia, canton de Campile, 68.
 - CASALMAGGIORE, prov. de Crémone, chef-l. de circond., 176.
 - CASIMIR, roi de Pologne, 370.
 - CASINCA, arr. de Bastia, canton de Vescovato, 68, 175.
 - CASTELLARA (Régiment de), 105.
 - CASTI, poète, 380.
 - CASTINETA, 72.
 - CATON, 369.
 - CAVALIERI (Marie-Constance), religieuse, 234.
 - CECCALDI (André), 9, 14, 32, 34.
 - — (Jérôme), 11, 12.
 - CELESIA, ministre de Gênes à Londres, 386, 387.
 - CERF ROUGE (Le), cabaret à Amsterdam, 133.
 - CERVIONE, arr. de Bastia, chef-l. de canton, 50, 51, 52, 55, 69, 70, 71.
 - CHAMPIGNY, gentilhomme de l'Électeur de Cologne, 223, 234, 225, 226, 227, 228, 229, 242.
 - — (Mme), 225, 226, 227.
 - CHARLES VI, empereur, 7, 8, 9, 10, 11, 13, 30, 32, 157, 169, 171, 249, 251, 253, 254, 256, 257, 272, 278.
 - CHARLES XII, roi de Suède, 20, 22.
 - CHARLES-EMMANUEL III, roi de Sardaigne, 128, 267, 278, 283, 284, 301, 302, 304, 306, 307, 309, 311, 312, 314, 315, 317, 318, 319, 320, 324, 327, 330, 331, 332, 333, 336, 337, 339.
 - CHARLES-QUINT, 370.
 - CHARNY (Comte de), commandant des troupes espagnoles en Italie, 35.
 - CHARTES, agent des Corses, 196.
 - CHAUVELIN, ministre des affaires étrangères, 41, 63, 65, 105.
 - CHIAÏA, 201.
 - CHRISTE ELEISON (Rocher du), Corse, arr. de Corte, cant. de Vezzani, cne de Ghisoni, 112.
 - CIABALDINI, 253.
 - CIGOLI, aux environs de Florence, 280, 290, 291, 295, 298.
 - CINQ-MARS, 20.
 - COLOGNE, 16, 17, 18, 31, 179, 259, 260, 346, 348.
 - COLONNA (Comte Antoine), 136.
 - COLONNA (Joseph), abbé, 236.
 - — Religieux, 298, 299.
 - CONSTANTINOPLE, 36, 154, 199, 317.
 - COOPER, commandant d'escadre anglaise, 325.
 - COPENHAGUE, 260.
 - CORBARA, arr. de Calvi, cant. de l'Île-Rousse, 391.
 - CORNEJO, envoyé d'Espagne à Gênes, 65, 168.
 - CORTE, 49, 84, 97, 98, 129.
 - COSCIONE, arr. d'Ajaccio, cant. de Zicavo, 119, 215, 216.
 - Costa (Jean-Paul), 94.
 - —(Joseph), officier au service de la Toscane, 312.
 - — (Sébastien), 44, 45, 46, 49, 50, 53, 54, 58, 66, 67, 69, 70, 72, 73, 77, 78, 82, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 91, 92, 93, 95, 96, 97, 98, 99, 103, 112, 113, 118, 119, 120, 121, 127, 130, 166, 386.
 - — (Virginie, Mme), 236.
 - — (Neveu), 127.
 - Cottone (Jean-Charles), 112.
 - CRAON (Prince DE), président du Conseil de régence de Toscane, 334, 335.
 - CROCE, prêtre, 269.
 - CURSAY, commandant des troupes françaises en Corse, 367.
 
D
- DANTZIG, 250.
 - DÉCUGIS, 120.
 - DEDIEU (Daniel), ancien président des Échevins d'Amsterdam, , 139, 140, 142, 165, 177.
 - DÉLIVRANCE (Ordre de la), 114, 115, 116, 226, 365, 386, 390.
 - Demoiselle Agathe (La), navire, 140, 141, 142, 143, 144, 146, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 155, 156, 157, 159, 160, 164, 178, 181, 182, 183, 184, 196, 197.
 - DEUX-SICILES, 253.
 - — (Roi des), 127, 134, 162, 202, 264.
 - DICK (Capitaine), 39, 68, 69, 71.
 - DODSLEY (Robert), libraire à Londres, 371, 372.
 - DORIA, ministre de Gênes en France, 11, 278.
 - DOYEN, 225.
 - DRAKSELTS, 317.
 - DRESDE, 226.
 - DROST (Baron de), seigneur de Morsbrock, grand-commandeur de l'Ordre Teutonique, à Cologne, 17, 31, 60, 225, 259.
 - —(Mathieu), 175, 176, 200, 201, 204, 206, 237, 238, 240, 241, 243, 262.
 - DUCHATEL, maréchal de camp, 215.
 - DUFFOUR, 239.
 - DUNKERQUE, 219.
 - DURAZZO (Emmanuel), 169.
 - —(Jacques), abbé, 287.
 
E
- ÉDOUARD III, roi d'Angleterre, 371.
 - ÉLECTEUR DE BAVIÈRE, 19.
 - ÉLECTEUR DE COLOGNE, 227.
 - EMBRUN, 105.
 - ESCURIAL, 23, 24.
 - ESPAGNE, 13, 21, 23, 24, 27, 28, 42, 55, 63, 65, 105, 108, 147, 183, 212, 248, 272, 303, 308, 318.
 - ÉTATS GÉNÉRAUX DE HOLLANDE, 136.
 - ÉTATS PONTIFICAUX, 295.
 - EUROPE, 42, 60, 66, 114, 123, 124, 212, 265, 279, 302.
 - EVERS, 143, 155, 156, 158, 165.
 
F
- FABIANI (Simon), 49, 50, 53, 54, 58, 67, 69, 70, 74, 78, 83, 88, 95, 98, 99, 100, 271.
 - FANDERMIL, 177.
 - FANE, ministre d'Angleterre à Florence, 68, 69, 266.
 - FARINACCI (Le chevalier), 334, 338.
 - FARINOLE, arr. de Bastia, cant. de Saint-Florent, 33.
 - FEDI (Comte), 234.
 - FÉNELON, ambassadeur de France à La Haye, 202, 203, 204.
 - FITZ-ADAM, pseudonyme d'Horace Walpole, 368.
 - FITZGERALD (Percy), 383, 384, 387.
 - Fitz-Hébert (Lord), 383.
 - FLESSINGUE (Zélande), 140.
 - FLEURY (Cardinal), 41, 104, 105, 131, 170, 207, 223, 227, 229, 230, 253, 263.
 - FLORE (La), frégate, 171, 194.
 - FLORENCE, 30, 35, 68, 124, 127, 128, 130, 248, 256, 266, 267, 268, 280, 286, 289, 290, 306, 309, 311, 316, 319, 323, 324, 337, 338, 340, 341, 342.
 - FOGLIA (Joseph), 287, 288.
 - FOLKESTONE (Le), navire, 273, 274, 275, 276, 277, 286.
 - FONSECA (Angélique-Cassandre), sous-prieure du couvent des Saints-Dominique et Sixte à Rome, 29, 130, 166, 176, 200, 207, 233, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 242, 243, 244, 245, 247, 356.
 - — (Françoise-Constance), religieuse, 29, 234, 247, 265, 346, 347.
 - FONTAINEBLEAU, 223.
 - FRANCE, 21, 24, 25, 28, 31, 63, 65, 124, 144, 161, 165, 168, 169, 170, 175, 199, 207, 222, 225, 246, 263, 272, 308, 318, 329, 342, 366.
 - FRANCESCHINI (Marc-Antoine), peintre bolonais, 231.
 - FRANCHI (Capitaine), 75.
 - — (Adrien), 315.
 - — (Benoît) de), inquisiteur d'État à Gênes, 291, 292, 294, 295.
 - FRANÇOIS Ier, roi de France, 229.
 - FRÉDÉRIC (Colonel), soi-disant fils de Théodore de Neuhoff, 21, 383, 384, 385, 386, 387.
 - FRENTZEL (Alexandre), capitaine de navire, 178, 182, 185.
 - FURIANI, arr. et cant. de Bastia, 74.
 - FURNES (Belgique), 221.
 
G
- GAËTE, prov. de Caserte, chef-l. de circond., 162, 201, 202, 237, 245.
 - GAFFORI, 84, 85, 87, 89, 97, 329.
 - GALEN (Bernard de), évêque de Munster, 15, 16, 20.
 - GALLISPANS (Les), troupes franco-espagnoles, 304, 306, 321.
 - GARCHI, 58.
 - GARDES ROYALES (Compagnie des), 105.
 - GARRIC, acteur, 370, 371, 372.
 - GASTALDI, envoyé de Gênes en Angleterre, 130, 222, 279, 356, 357, 358, 359, 361, 362, 367.
 - GAUTIER, 365, 366, 367.
 - GAVI, consul de Gênes à Livourne, 157, 159, 264, 269, 275, 277.
 - GENTILE (Major), 10.
 - GEORGE Ier, roi d'Angleterre, 22.
 - GEORGE II, roi d'Angleterre, 68, 69, 71, 204, 278, 281, 282, 295, 298, 321, 325, 375.
 - GHISONI, arr. de Corte, cant. de Vezzani, 83.
 - GIAFFERI (Louis), 9, 10, 11, 12, 13, 14, 34, 44, 45, 48, 51, 53, 54, 58, 66, 67, 72, 73, 77, 97, 117, 129, 170.
 - GIANNETTI (Les frères), 275.
 - GIAPPICONI, 44, 53, 54, 66, 72, 73, 77, 97.
 - — (Marc-Antoine), 307, 308.
 - GIBRALTAR, 153.
 - GINESTRA (Père), 230, 252.
 - — (Sauveur), 229, 230, 252.
 - GIORDANI, 264.
 - GIOVANNAL (Les), secte corse, 119.
 - GIOVANNI della GROSSA, chroniqueur corse, 3.
 - GIUDICELLI, 113.
 - GIULANI (Jean-Thomas), 170.
 - GIULIO (Francesco), 88.
 - GOERTZ (Baron de), ministre de Charles XII de Suède, 20, 21, 22, 25.
 - GOLDWORTHY, consul d'Angleterre à Livourne, 266, 267, 268.
 - GOLO (Rivière), Corse, 214.
 - GOLOWKIN, ministre de Russie à La Haye, 139.
 - GOMÉ-DELAGRANGE, conseiller au parlement de Metz, beau-frère de Théodore de Neuhoff, 16, 260, 261, 263, 264.
 - GORGONA (Île), dans la Méditerranée, 155.
 - GORZEGNO (Marquis de), ministre de Charles-Emmanuel III, 319, 324, 326, 328, 332, 333.
 - Grand-Christophe (Le), navire, 152, 153.
 - GRAND-TURC, 254.
 - GREGORIO, de Livourne, 106.
 - GRIMALDI (Ansaldo), 296.
 - — (Augustin), 168.
 - — (François-Marie), 246.
 - — (Marquis), envoyé de Gênes à Naples, 162.
 - GROEBEN (Louis de), capitaine prussien, 264, 265.
 - GUAGNO, arr. d'Ajaccio, cant. de Soccia, 193.
 - GUASTALLA, prov. de Reggio-Emilia, chef-l. de circond., 252.
 - GUERNESEY, île anglaise de la Manche, 141.
 - GUICCIARDI, envoyé impérial à Gênes, 66, 169, 252, 253.
 - GUILLAUME, lieutenant réformé, 219, 220, 221, 222, 223.
 - GYLLENBORG (Comte de), ministre de Suède à Londres, 20, 22.