← Retour

Théodore de Neuhoff, Roi de Corse

16px
100%

The Project Gutenberg eBook of Théodore de Neuhoff, Roi de Corse

This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook.

Title: Théodore de Neuhoff, Roi de Corse

Author: A. Le Glay

Release date: December 12, 2017 [eBook #56173]
Most recently updated: October 23, 2024

Language: French

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK THÉODORE DE NEUHOFF, ROI DE CORSE ***

Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigés. L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée. Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.

Les errata ont été incorporés dans le texte.

MÉMOIRES ET DOCUMENTS HISTORIQUES
PUBLIÉS PAR ORDRE
DE S. A. S. LE PRINCE ALBERT Ier DE MONACO

THÉODORE DE NEUHOFF
ROI DE CORSE

PAR
ANDRÉ LE GLAY
Ouvrage couronné par l'Académie française.

MONACO
IMPRIMERIE DE MONACO
Place de la Visitation

PARIS
LIBRAIRIE Alphonse PICARD ET FILS
82, rue Bonaparte

1907

Portrait de Théodore de NEUHOFF.
D'après une gravure du Cabinet des
Estampes
à la Bibliothèque Nationale de Paris.

COLLECTION
DE
MÉMOIRES ET DOCUMENTS HISTORIQUES
PUBLIÉS
PAR ORDRE DE S. A. S. LE PRINCE ALBERT Ier
PRINCE SOUVERAIN DE MONACO

THÉODORE DE NEUHOFF
ROI DE CORSE
PAR
ANDRÉ LE GLAY
MONACO
IMPRIMERIE DE MONACO
Place de la Visitation
PARIS
LIBRAIRIE Alphonse PICARD ET FILS
82, rue Bonaparte
1907

AVANT-PROPOS

Théodore de Neuhoff n'est pas un aventurier de haute envergure. Les combinaisons qu'il élabore dénotent un homme plus porté à l'intrigue qu'à l'action. Il a de l'imagination; il est ambitieux; il ne voit les choses que par en dessous. Il est insinuant; son intelligence est vive, mais fausse. La bravoure lui manque. Ses plans ont pour base le mensonge et s'écroulent. Il n'a pas l'énergie nécessaire pour les faire réussir. Il se fait proclamer roi de Corse par les insulaires mécontents en leur faisant des promesses; seulement il ne sait pas maintenir la couronne sur sa tête. Il monte une affaire commerciale avec sa royauté. Prudent à l'excès, il fuit quand il faut agir. Il se déguise et se cache. Il a toujours la plume à la main, jamais l'épée. Il conspire: il se faufile auprès de hauts personnages; on se sert de lui pour des entreprises louches; tous les projets avortent. Il est l'homme des antichambres et des cabinets secrets et non des champs de bataille. Quand il faudrait se battre, il négocie. Il sait faire de belles phrases, mais pas le beau geste qui en impose.

Né dans les dernières années du XVIIe siècle, Théodore de Neuhoff a fait ses premières armes à la cour du Régent. Il a été employé par Gœrtz, par Alberoni et par Ripperda. Il a bien la mentalité des aventuriers du XVIIIe siècle, aptes à toutes les besognes, ayant le cerveau toujours en ébullition, mal équilibré. Ce sont les courtiers marrons de la diplomatie occulte qui se fait dans les pièces intimes des princes, en dehors des bureaux officiels. Ils ont des plans ingénieux ou extravagants, toujours dénués de scrupules. Ils se font écouter; on se sert d'eux, on les paye, puis on les rejette. Cette diplomatie s'enchevêtre dans un réseau des négociations obscures et de compromissions.

L'histoire de Théodore de Neuhoff n'offrirait par elle-même qu'un médiocre intérêt, si elle ne montrait aussi un côté curieux des mœurs politiques et diplomatiques du XVIIIe siècle.

J'ai essayé de faire revivre la véritable figure de cet aventurier et de retracer le tableau des intrigues qui se nouèrent autour de son équipée, d'après des documents dont un grand nombre sont inédits et que leur source permet de regarder comme véridiques. Ils sont, pour la plupart, tirés des archives du Ministère des affaires étrangères et des archives d'État de Gênes et de Turin.

A Paris, les correspondances de Gênes, de Corse, de Florence, de Naples, de Rome, de Hollande, d'Angleterre et de Cologne m'ont fourni des renseignements définitifs et complets sur les aventures et les menées de Neuhoff en ces différents pays. Les dépêches des représentants de la France auprès des divers gouvernements nous indiquent les inquiétudes que souleva son débarquement en Corse. Elles nous font assister aux négociations qui se poursuivirent entre Gênes et Versailles pour la première expédition française en Corse. C'est, en quelque sorte, la genèse de l'annexion de l'île à la France.

Les documents puisés à Gênes m'ont permis, non seulement de contrôler les pièces françaises, mais aussi de suivre tous les mouvements de la diplomatie génoise en cette affaire, mouvements tortueux et sombres, parfois dramatiques, souvent amusants. La volumineuse correspondance interceptée par les agents génois dévoile les marchés honteux proposés par les fripons qui gravitaient autour de Neuhoff; elle met à nu les ambitions malsaines que fit naître cette aventure. Les décisions prises par les inquisiteurs d'État, par les différents conseils qui s'occupaient des affaires de Corse précisent les sanctions données aux offres faites à la république pour livrer les secrets de Théodore ou pour le tuer.

J'ai trouvé aux archives d'État de Turin, classée sous ce titre: Carte diverse relative al regno di Teodoro Neuhoff in Corsica, la correspondance autographe des principaux chefs insulaires et ministres du roi de Corse pendant son règne éphémère. Cette correspondance est entièrement inédite. A Turin également, figure une relation de l'arrestation de Théodore de Neuhoff en Hollande. Les cartons Levata truppe straniere; Lettere ministri Toscana contiennent les pièces concernant les offres de service faites par l'aventurier au gouvernement sarde et toutes les négociations qui se nouèrent à cette occasion.

Ce qu'on pourrait appeler la Geste du roi Théodore en Corse, fut écrite par un témoin de sa vie, Sébastien Costa, qui fut son plus intime confident et son grand chancelier. Un historien, M. Théodore J. Bent, a traduit en anglais et publié dans The historical review [1], des extraits du journal de Costa; il en avait pris connaissance à Bastia sur le manuscrit original qui se trouve en la possession d'une famille descendant du fidèle partisan de Neuhoff.

La Société des sciences historiques et naturelles de la Corse qui, sous l'intelligente direction de M. l'abbé Letteron, a réuni tant de documents intéressants pour l'histoire de l'île, n'a pas, malheureusement, publié ce document si important. Je suis donc contraint d'emprunter à la version de M. Théodore J. Bent les citations que je fais de ce récit, dont l'authenticité et la véracité n'ont jamais été mises en doute, que je sache.

Les Mémoires de Rostini, traduits et publiés par M. l'abbé Letteron (Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse), confirment bien des faits contenus dans les extraits du journal de Costa donnés par l'historien anglais. J'y ai puisé en outre des renseignements utiles et quelques détails curieux.

M. l'abbé Letteron a publié, également dans le même Bulletin, deux recueils qui m'ont grandement servi. Le premier: Correspondance des agents de France à Gênes avec le ministère depuis le commencement de l'année 1730 jusqu'à la fin de 1741. Le second: Pièces et documents divers pour servir à l'histoire de la Corse pendant les années 1737-1739, est tiré de la Correspondance de Corse aux archives du Ministère des affaires étrangères et des archives du ministère de la guerre.

Je citerai encore parmi les publications de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse que j'ai consultées: les Mémoires du Père Bonfiglio Guelfucci, dont le texte a été revu par MM. P.-L. Lucciana, et Théodore Ier, roi de Corse, de Varnhagen, traduit de l'allemand par M. Pierre Farinole. Ce dernier ouvrage, un peu trop partial, contient des faits qu'il ne faut accepter qu'avec réserve.

J'ai complètement laissé de côté les Mémoires pour servir à l'histoire de Corse, publiés à Londres en 1768 par le colonel Frédéric, qui disait être le fils de Théodore de Neuhoff. Les historiens qui, de nos jours, se sont occupés de l'aventurier ont trop facilement accepté les dires de cet individu; Frédéric ne fut sans doute jamais colonel, mais ce qu'il y a de bien certain c'est qu'il n'était pas le fils du roi de Corse. Je donne dans l'appendice une note sur ce personnage, en révélant sa véritable identité, d'après des documents tirés des archives d'État de Gênes.

Un livre publié à La Haye en 1738, c'est-à-dire deux ans après le débarquement du baron de Neuhoff en Corse, sous le titre: Histoire des révolutions de l'île de Corse et de l'élévation de Théodore Ier sur le trône de cet État, tirée des mémoires tant secrets que publics, contient des détails dont j'ai pu contrôler la véracité au moyen des rapports français et génois. L'ouvrage de Jaussin, apothicaire de l'armée française d'expédition, intitulé: Mémoires historiques militaires et politiques sur les principaux événements arrivés dans l'île et royaume de Corse depuis le commencement de l'année 1738 jusques à la fin de l'année 1741 (Lausanne, 1758), peut être consulté avec fruit, non seulement en ce qui concerne l'expédition française en 1738, mais aussi sur quelques-unes des intrigues de Théodore.

Je citerai encore parmi les ouvrages du XVIIIe siècle qui traitent de l'histoire de la Corse: un livre publié à Londres en 1743 intitulé: The history of Theodore I, king of Corsica.... et qui contient des particularités intéressantes et très vraisemblables sur les antécédents de Théodore de Neuhoff; l'Histoire des révolutions de Corse, par l'abbé de Germanes (Paris, 1776); l'Histoire de l'isle de Corse, par Pommereul (Berne, 1779); Istoria del regno di Corsica, par Cambiagi (1771); l'Histoire de l'île de Corse, éditée à Nancy en 1749 et attribuée à François-Antoine Chevrier. Le livre de Bosswel, An account of Corsica, paru à Londres en 1768 et traduit en italien sous le titre Relazione della Corsica, renferme peu de détails sur l'aventurier.

D'autres ouvrages de la même époque, sur la Corse, rapportent des faits identiques, mais qui demandent à être sérieusement contrôlés. Le nombre de ces livres, dont quelques-uns sont rédigés en forme de pamphlet, permet d'affirmer que l'aventure du baron de Neuhoff intéressa ou amusa ses contemporains. Tout en ne négligeant pas les manifestations de l'opinion publique sous leurs diverses formes, je me suis principalement attaché à rechercher la vérité parfois un peu embrouillée, en m'appuyant sur les documents d'archives. Il y a, en effet, à côté des intrigues du personnage, divers épisodes d'histoire diplomatique qu'il était intéressant de mettre au jour.

M. Antonio Battistella, dans son livre Ritagli e scampoli (Voghera, 1890), a consacré une étude bien documentée sur Théodore de Neuhoff: Re Teodoro di Corsica. Ce travail, un peu restreint, a été fait principalement d'après des papiers des archives de Gênes. Mais cet historien n'a pas consulté tous les dossiers, d'ailleurs très nombreux, qui se trouvent à Gênes.

L'ouvrage de M. Percy Fitzgerald: Theodore of Corsica, m'a fourni des renseignements précieux sur les dernières années du baron de Neuhoff à Londres.

L'étude de M. Giuseppe Roberti: Carlo-Emmanuelle III e la Corsica al tempo della guerra di successione austriaca, m'a donné d'utiles indications sur les intrigues de l'aventurier à la cour de Sardaigne; j'ai pu compléter le tableau avec les documents des archives d'État de Turin.

Quelques notices, forcément très succinctes sur le même individu, ont paru dans diverses publications périodiques. L'article le plus récent est dû à M. Paul Gaulot (Un Roi de Corse au XVIIIe siècle. Supplément littéraire du Figaro, du 17 novembre 1906).

Quelques reproductions de gravures: portraits ou pamphlets, un fac-similé d'écriture, une planche de monnaies d'après des moulages, complètent les documents que j'ai pu recueillir sur Théodore de Neuhoff.

S. A. S. le Prince Albert Ier de Monaco a daigné accueillir cet ouvrage pour inaugurer la nouvelle Collection de mémoires et documents publiés par Son ordre. Je souhaiterais que cette étude ne fût pas jugée trop indigne de cet honneur. Je prie Son Altesse Sérénissime de vouloir bien agréer l'hommage de ma plus respectueuse gratitude.

Mon ami, M. Gustave Saige, le regretté conservateur des archives du Palais de Monaco, a été enlevé avant d'avoir vu l'achèvement typographique de ce livre qu'il avait présenté au Prince. M. Saige fut pour moi, non seulement un ami affectueux, mais encore un guide sûr et éclairé. C'est avec un profond serrement de cœur que je donne ici à sa mémoire pieusement conservée, le souvenir ému de ma reconnaissance.

J'ai trouvé auprès de son successeur, M. L.-H. Labande, le plus amical accueil. Il a dirigé la plus grande partie de l'impression de cet ouvrage auquel il a pris un bienveillant intérêt. Je suis heureux de lui dire ici combien j'ai été touché de ses attentions et de ses conseils.

M. Louis Farges, chef de la section historique au Ministère des affaires étrangères, a guidé mes recherches avec une cordiale obligeance. Il a droit à ma reconnaissance et je ne saurais manquer à l'agréable devoir de la lui témoigner.

J'ai rencontré auprès de MM. les directeurs des archives d'État de Gênes et de Turin, et de leurs attachés, une complaisance qui a singulièrement facilité ma tâche. Qu'ils me permettent de leur exprimer tous mes remerciements.

Chargement de la publicité...