Un Misanthrope à la Cour de Louis XIV: Montausier, sa vie et son temps
III.
Déclaration du marquis de Montausier au sujet de sa conversion.
«Il doit y avoir un juge toujours subsistant, visible et infaillible pour décider des disputes, éclaircir les doutes, fixer les incertitudes en matière de foy; ce juge ne peut être que l'Église, c'est-à-dire que le concours des premiers pasteurs de l'église de Jésus-Christ unis à leur chef. La nécessité de ce chef est si constante, que dans la nouvelle réforme même, où l'on enseigne que l'esprit particulier est la règle de la foy, on a agi contradictoirement à ce dogme absurde, en établissant des synodes et des consistoires pour décider des controverses en matière de foy. C'est sans raison, et contre leur propre conscience, que les protestants soutiennent que l'Église catholique et romaine d'aujourd'hui n'est pas, du moins quant à l'essentiel, cette même Église que Jésus-Christ établit sur des fondements inébranlables à tous les efforts de l'enfer; cette même Église à laquelle il donna pour chef Pierre, dont les successeurs devoient comme lui confirmer leurs frères dans la foy; cette même Église enfin aux premiers pasteurs de laquelle il promit d'être avec eux jusqu'à la consommation des siècles. Un simple raisonnement tranche toutes les difficultés sur cet article. Si l'Église catholique et romaine est corrompue, comme le disent les novateurs pour justifier leur séparation, il faut convenir qu'elle l'est depuis le IVe siècle; mais quel étrange paradoxe n'est ce pas de dire qu'une religion sainte, établie par un Dieu, et à laquelle Dieu a promis une assistance éternelle, en ait été abandonnée, malgré ses promesses, et se soit corrompuë si près de sa source! Il aura donc fallu quatorze siècles au Tout-Puissant pour produire des réformateurs tels que Luther et Calvin, et, en attendant la perfection d'un si excellent ouvrage, il aura laissé les hommes dans les abominations de Babylone! Il y a plus, ces trois siècles de l'Église tant vantés par les nouveaux réformateurs sont entièrement contre eux. Malgré l'obscurité répandue dans les écrits des Pères qui nous ont transmis la foy qu'ils tenoient eux-mêmes des apôtres, on y voit clairement établis les dogmes qu'enseigne encore aujourd'hui l'Église catholique et romaine. D'où il faut conclure que les réformateurs et leurs partisans sont dans le plus épouvantable aveuglement, ou que la religion de Jésus-Christ a été corrompue dès son origine, et qu'un million de martyrs dont on admire le courage ont versé leur sang pour la défense d'une doctrine erronée.»