Un Misanthrope à la Cour de Louis XIV: Montausier, sa vie et son temps
NOTES:
[1] En 1652, avant la bataille de Montançais.
[2] Voir à l'Appendice, VIII, un extrait des Mémoires de Jean Rou.
[3] Je puis assurer du moins que dans aucune des bibliothèques de Paris il ne m'a été possible d'obtenir communication de cet ouvrage, qui, du reste, paraît n'être qu'un insignifiant abrégé.
[4] C'est ce que donne à entendre une note marginale du Père Petit, qui, racontant les derniers moments du duc de Montausier, auxquels assistait son petit-fils, le comte de Crussol, dit de ce dernier: qu'il est le duc d'Uzès d'à présent. Or ce jeune homme fut tué à Nerwinde, ce qui permet de conjecturer, avec assez de vraisemblance, que la Vie de Montausier fut composée entre les années 1690 et 1693. Je dois ajouter pourtant que cette supposition est en contradiction flagrante avec la dédicace du Père Petit, où il parle de la duchesse d'Uzès comme d'une personne morte depuis longtemps, bien qu'elle eût vécu jusqu'en 1695.
[5] C'est du moins ce qu'assure Tallemant, que ses relations personnelles avec la famille de Montausier mettaient à même d'être bien informé.
[6] Né en 1607.
[7] «Mme de Brassac étoit une personne fort douce, modeste, et qui sembloit aller son grand chemin; cependant elle savoit le latin, qu'elle avoit appris en le voyant apprendre à ses frères: il est vrai qu'à l'exemple de son mari, elle n'avoit rien lu de ce qu'il y a de beau en cette langue, mais s'étoit amusée à la théologie et un peu aux mathématiques. On dit qu'elle entendoit assez bien Euclide. Elle ne songeoit guère qu'à rêver et à méditer...» (Tallemant.)
[8] Voyez l'article que Bayle, dans son Dictionnaire, a consacré à Pierre du Moulin; voyez aussi une lettre inédite de Balzac insérée dans l'appendice de mon édition des Lettres du comte d'Avaux. Paris, A. Durand, 1858.
[9] «Sensible à tous les malheurs du parti, attentif à tout ce qui flattoit ses prétentions, se mêlant, tout enfant qu'il étoit, dans les conversations et les disputes, il suppléoit par son ardeur à ce qui manquoit à sa connoissance; et, dans un âge où l'on ne sait pas encore sa religion, il défendoit déjà la sienne.»—Fléchier, Oraison funèbre de Montausier.
[10] Ici se présente une divergence grave entre mon récit et celui du P. Petit; voici comment il expose les faits: «Le marquis, que ni les difficultez ni les dangers ne rebutèrent jamais, prit pour guide un cordelier du païs, et déguisé lui-même sous un habit pareil à celui de son compagnon, malgré les chaleurs de l'esté qui sont excessives dans ces climats, et sans égard à la foiblesse que lui avoit laissée sa maladie, il traversa à pied tout le païs ennemi, et se jeta heureusement dans Cazal. Il y fut reçû avec la joye et l'applaudissement qui étoient dûs à une si belle action. Le marquis de Beuvron, qui commandoit la place, ne douta point qu'une valeur pareille ne lui fût d'un grand secours par l'émulation qu'elle alloit inspirer, et ne contribuât à faire échoüer l'entreprise des Espagnols. L'estime et l'amitié qu'il avoit pour Montausier l'engagea à s'en faire accompagner dans toutes les occasions où il y avoit du péril à essuyer et de l'honneur à acquérir. Le marquis répondit toujours parfaitement à la haute idée qu'on avoit conçue de lui; partout il montra une sagesse, une vigilance et une intrépidité qui le faisoient déjà regarder comme un général accompli. De sorte qu'à la mort de Beuvron, qui fut malheureusement tué dans une sortie, les bourgeois, les soldats et les officiers de la garnison, d'un commun accord, élûrent le jeune Montausier pour leur chef, en attendant que la cour de France en eût autrement ordonné. Un choix si extraordinaire ne fit point de jaloux, et ne servit qu'à augmenter l'estime qu'on avoit déjà pour le nouveau commandant. Pendant qu'il remplit un emploi si honorable, chaque journée fut signalée par de nouvelles marques de sa capacité et de son courage. Toujours alerte et infatigable, il ne cessa d'inquiéter les assiégeants par des sorties fréquentes et par des combats presque continuels; il sçut faciliter l'entrée des vivres dans la place, que le général espagnol désespéroit déjà de prendre autrement que par famine; enfin par la défense la plus vigoureuse et la plus opiniâtre qu'on vit jamais, il donna le temps au roy, qui assiégeoit pour lors la Rochelle, de soumettre cette ville révoltée, de venir à la tête de ses armées triomphantes forcer le pas de Suze, et faire ensuite lever aux ennemis le siége de Cazal, après un an entier perdu devant cette place.»—Ce passage me semble au moins fort inexact; en examinant de près les diverses circonstances, il est difficile d'admettre que le marquis de Montausier ait pu pénétrer dans la place de Casal avant la fin de 1629, et mon opinion s'appuie sur celle du P. Griffet, si bien renseigné d'ordinaire. On ne saurait admettre non plus qu'il ait pu servir sous Beuvron, qui fut tué d'un coup de carabine le 1er novembre de cette même année. Beuvron, d'ailleurs, ne put prendre part à la défense qu'en qualité de volontaire, car il était sous le coup d'un mandat d'arrêt et n'osait rentrer en France depuis son duel avec le comte de Bouteville. Il est en outre peu vraisemblable que le duc de Mantoue dont les troupes, aux ordres du marquis de Rivara, formaient presque exclusivement la garnison de Casal, eût donné un commandement important à un homme aussi mal vu du roi Louis XIII, tandis que dès avant la prise de la Rochelle, le cardinal de Richelieu avait envoyé à Casal un de ses affidés, Guron, qui dut prendre le commandement au commencement de l'automne, commandement qu'il exerça jusqu'à l'arrivée de Toiras. En présence de faits aussi clairement établis, on ne sait vraiment où placer cette autorité suprême décernée par les citoyens et les troupes, à un jeune homme qui était venu en Italie sous la conduite de son gouverneur.
[11] Au dire de Tallemant, Montausier eût été guidé dans son aventureuse expédition par une autre passion encore que celle de la gloire: «Étant amoureux d'une dame en Piémont, et la ville où elle étoit ayant été assiégée, il se déguisa en capucin pour y entrer, y entra, et la défendit.»—On peut lire à ce sujet, dans les Historiettes, une anecdote trop peu édifiante pour que je puisse la rapporter ici.
[12] 4 avril.
[13] Suivant le P. Griffet, les Espagnols n'auraient perdu que 50 hommes.
[14] Le 23 mai.
[15] Voir dans Botta les pages éloquentes que cet historien a consacrées au récit du sac de Mantoue; consulter aussi les deux curieuses chroniques de Scipione Capilupi et de Giovanni Mambrino.
[16] Je dois relever encore ici, dans l'ouvrage du jésuite Petit, une erreur des plus graves. Cet auteur renvoie à l'hiver de 1633 à 1634 la présentation du marquis de Salles qui, après la mort affreuse du jeune Rambouillet, «fut plus touché que personne du bon cœur et de l'affliction de la mère et de la fille. Il voulut être des premiers à les complimenter, dans une circonstance où la louange ne pouvoit être qu'au-dessous du mérite, et comme il n'étoit connu ni de l'une ni de l'autre, il se fit introduire auprès d'elles par un ami commun.» Il n'y a à cela qu'une difficulté, c'est que le jeune Rambouillet mourut de la peste au commencement de l'année 1631, pendant que le marquis de Salles se battait à Casal pensant à toute autre chose qu'à des visites de cérémonie. Si, du reste, il en faut croire Tallemant, il eût été question dès 1627 du mariage du marquis de Montausier et de Mlle de Rambouillet: «Ce fut Mme Aubry qui en parla, mais après elle s'avisa de le garder pour elle. En arrivant à la cour, la première connoissance qu'il fit fut celle de cette dame. Un jour qu'elle lui parloit de Mme et de Mlle de Rambouillet: «Hé, madame, lui dit-il, menez-m'y!—Menez-m'y! répondit-elle, allez, Xaintongeois, apprenez à parler, et puis je vous mènerai.» En effet, elle ne l'y voulut mener de trois mois. La guerre appela bientôt après le marquis en Italie.....» (Historiettes, t. III, p. 237.)
[17] Mme de Rambouillet «avoit un garçon bien fait qui mourut de la peste à huit ans. Sa gouvernante alla voir un pestiféré, et au sortir de là fut assez sotte pour baiser cet enfant; elle et lui en moururent. Mme de Rambouillet, Mme de Montausier [Julie] et Mlle Paulet l'assistèrent jusques au dernier soupir.» (Historiettes, t. III, p. 220.)
[18] Voyez la très-curieuse et très-intéressante Vie de saint François de Sales, par M. Hamon, curé de Saint-Sulpice.
[19] Cette dame était déjà veuve à ce qu'il paraît, puisque, au dire du P. Petit, elle offrit à son amant sa fortune et sa main.—Cette anecdote, que j'emprunte à la biographie du jésuite, est bien singulière et les détails en sont assez invraisemblables.
[20] Petit.
[21] «Au retour (de Casal), Mme Aubry, pour avoir un prétexte, fit courir le bruit qu'elle le vouloit marier avec sa fille, aujourd'hui Mme de Noirmoutier, qui, étant encore trop jeune, leur servit de couverture près de quatre ans. Or cette Mme Aubry étoit fort agréable, avoit le teint brun, la taille jolie, et étoit fort propre, mais elle ne pouvoit pas passer pour belle; en récompense, elle ne manquoit point d'esprit, et chantoit si bien, qu'elle ne cédoit qu'à Mlle Paulet. Au reste, inquiète, soupçonneuse, et toute propre à faire enrager un galant comme le marquis, qui étoit naturellement coquet, elle lui donnoit tant de peine, que c'est sur cela que Mme de Rambouillet, comme on le voit dans les lettres de Voiture, nomme son tourment l'enfer d'Anastarax, car elle eut une bizarrerie qui pensa faire perdre patience à son pauvre galant. Un jour qu'elle n'étoit pas comme les autres à l'hôtel de Rambouillet, on fit en badinant certains vers qu'on lui envoya, où il y avoit en un endroit:
Chacun n'a pas le nez si beau,
Voyez celui de Bineau.
Elle alla prendre cela de travers, dit que tout le monde ne pouvoit pas être beau, et défendit au marquis, sur peine de la vie, de mettre le pied à l'hôtel de Rambouillet. Il n'y alloit effectivement qu'en cachette. Ce fut durant cette querelle que le nain de la princesse Julie (on appeloit alors ainsi M. Godeau) lui ôta son épée comme il n'y songeoit pas, et la lui portant à la gorge, lui cria qu'il falloit abandonner le parti de Mme Aubry. Enfin elle en fit tant, que le cavalier la planta là. Le déplaisir qu'elle en eut fut si grand, qu'après avoir fait une confession générale, elle se mit au lit et mourut.» (Tallemant, t. III, 235-8.)
[22] Voyez sur cette mort la lettre 71e de Voiture.
[23] S'il en fallait croire le P. Petit, les Français auraient même commencé leur mouvement de retraite et seraient ensuite revenus sur leurs pas. J'ai adopté la version d'un autre jésuite, le P. Griffet, comme la plus vraisemblable.
[24] 20 juillet.
[25] Tallemant.—Au XVIIe siècle beaucoup de personnes étaient portées à la superstition, et Mme de Rambouillet elle-même regardant un jour dans la main de Montausier, lui dit avec le plus grand sérieux du monde: «Mon Dieu, je ne sais d'où cela me vient, mais le cœur me dit que vous tuerez une femme.» Peut-être en parlant ainsi faisait-elle allusion aux tourments que la jalousie causait à Mme Aubry, et qui, selon Tallemant, ne furent pas étrangers à la mort de cette malheureuse femme.
[26] Le 2 février.
[27] Elle eut lieu le 3 mars.
[28] Le 20 mars.
[29] Voir la correspondance d'Arnaud d'Andilly, lettre CXXVII.
[30] D'après le P. Petit, cette double et insigne récompense aurait été décernée au marquis de Montausier dès le commencement de l'année 1638, alors qu'il n'avait encore rien fait qui justifiât une distinction si marquée. Voici ses paroles que je cite, parce qu'elles sont très-affirmatives et que l'opinion du confident de la famille d'Uzès mérite quelques égards: «...Après que le marquis de Montausier eut fait deux campagnes à la tête de son régiment, le roy, informé de ses services, de son courage et de son habileté, lui en voulut donner une récompense glorieuse. Quoiqu'il eût à peine vingt-huit ans, Sa Majesté le fit maréchal de camp, et bientôt après elle jeta les yeux sur lui pour le gouvernement de la haute Alsace, poste important et difficile en ce temps-là, et qui demandoit une valeur à l'épreuve des plus grands dangers. Les ennemis y tenoient les meilleures places.....» Un peu plus loin, il dit formellement que le siége de Brisach eut lieu dans la première année du gouvernement de Montausier, ce qui semble une contradiction avec ce qu'il a avancé plus haut au sujet des campagnes de 1635 et de 1636, qui auraient valu dès 1637 au marquis le grade de maréchal de camp et de gouverneur d'Alsace.
[32] Voir l'excellente édition qu'en a donnée M. Ch. Livet à la suite de l'ouvrage intitulé: Précieux et Précieuses.
[33] De l'écriture de Jarry.—Ce chef-d'œuvre de Jarry fut adjugé en 1784, à la vente la Vallière, à M. Payne, libraire anglais, au prix énorme de 14,510 fr. M. de Bure, chargé de la vente, ne voulut pas porter lui-même les enchères; de sa part c'eût été retirer le livre. L'admirable volume fut remis immédiatement à Mme de Châtillon, fille unique de M. le duc de la Vallière, et il était précieusement conservé par Mme la duchesse d'Uzès, sa fille. Quant au manuscrit de la Guirlande, format in-8o, aussi de la main de Jarry, nous l'avons vu et admiré dans le cabinet de M. de Bure l'aîné; M. de Bure le père s'en était rendu adjudicataire au prix de 406 fr. C'est d'après ce manuscrit qu'a été faite l'édition de la Guirlande de Julie, imprimée par Didot en 1784. Ce charmant volume, relié en maroquin rouge, est couvert sur les plats des chiffres de Julie d'Angennes, comme le manuscrit principal. (Note de M. Monmerqué.)
[34] Le 16 février.
[35] 27 novembre.
[36] Il arriva le 22 mars.
[37] S'il faut s'en rapporter au témoignage de Voiture, cette marche de Flandre en Alsace n'eût pas été exempte de péril. Voici, du reste, le texte de l'aimable épistolier: «Eh! bon iour, mon compère le brochet [37a]!...... Ie m'estois tousiours bien doutée que les eaux du Rhin ne vous arresteroient pas: et connoissant vostre force, et combien vous aymez à nager en grande eau, i'auois bien creu que celles-là ne vous feroient point peur, et que vous les passeriez aussi glorieusement que vous auez acheué tant d'autres auentures. Ie me resioüis pourtant de ce que cela s'est fait plus heureusement encore que nous ne l'auions espéré, et que sans que vous ni les vostres y ayent perdu vne seule écaille, le seul bruit de vostre nom ait dissipé tout ce qui se deuoit opposer à vous. Quoyque vous ayez esté excellent iusques icy à toutes les sausses où l'on vous a mis, il faut auoüer que la sausse d'Allemagne vous donne vn grand goust, et que les lauriers qui y entrent vous releuent merueilleusement. Les gens de l'empereur qui vous pensoient frire et vous manger auec vn grain de sel, en sont venus à bout comme i'ay le dos: et il y a du plaisir à voir que ceux qui se vantoient de défendre les bords du Rhin, ne sont pas à cette heure asseurez de ceux du Danube. Teste d'vn poisson, comme vous y allez!...» (Lettre CLXIII.)
[37a] C'était le nom du prince au jeu dit des poissons, qui était fort à la mode à l'hôtel de Rambouillet; Voiture s'appelait la Carpe.
[38] Petit, Vie de Montausier.
[39] «(Montausier) dit qu'on peut se sauver dans l'une et l'autre (religion); mais il le fit d'une façon qui sentoit bien l'intérêt.» (Tallem., t. III, p. 245.)
[40] Voir l'Appendice, no III.
[41] Le 13 juillet.
[42] «Il était à l'aile du maréchal de Gramont, qui fut rompue. Le chevalier de Gramont lui cria: «Viens par ici, Pisani; c'est le plus sûr.» Il ne voulut pas apparemment se sauver en si mauvaise compagnie, car le chevalier était fort décrié pour la bravoure; il alla par ailleurs, et rencontra des Cravates qui le massacrèrent.» (Tallemant.)
[43] «Non jamais l'imagination d'un peintre ne sauroit représenter Mars dans la chaleur du combat avec autant de force et d'énergie. Le duc étoit couvert de sueur, de poussière et de fumée; le bras dont il tenoit son épée étoit ensanglanté jusqu'au coude, le feu lui sortoit des yeux, la mort voloit devant lui. Ému du sang dont je le voyois inondé, je lui demandai s'il étoit blessé: Non, non, dit-il, c'est le sang de ces coquins....» (Mémoires de Bussy.)
[44] «Je me souviens que Mme de Montausier, qui n'étoit pas jeunette, fut fort malade en accouchant. On envoya Chavaroche, qui étoit un peu amoureux d'elle il y avoit longtemps, quérir la ceinture Sainte-Marguerite à l'abbaye Saint-Germain. C'étoit en été, à la pointe du jour. De chagrin qu'il avoit, on dit qu'il gronda les moines qu'il trouva encore au lit. «Il vous fait beau voir, disoit-il entre ses dents, d'être encore au lit, et Mme de Montausier est en danger!» Elle eut deux fils tout de suite. L'aîné [44a][44a] mourut à trois ans d'une chute, et l'autre, pour n'avoir jamais voulu prendre une autre nourrice que la sienne, qui perdit son lait. Celui-là eût été le digne fils de son père; car il falloit qu'il fût bien têtu.» (Tallemant, t. III.)—Tallemant se trompe, car le second fils de Mme de Montausier ne vint au monde qu'en 1650. Voir à ce sujet l'Appendice, no IV.
[44a]Voir, à l'appendice no IV, les vers de Condé sur la naissance de cet enfant.
[45] Voir la Vie de Condé, par Désormeaux, t. I, p. 383-4 et l'oraison funèbre de Condé, par Bossuet.
[46] Née en 1647.
[47] Tallemant.
[48] La fougue de son tempérament l'entraînait à des écarts si publics, que le P. Petit lui-même en fait l'aveu d'une manière très-explicite.
[49] La marquise et sa sœur.
[50] Tallemant, t. III, p. 252.
[51] Tallemant.
[52] Elle qui ne sait pas lire et ne le connoît point. (Tallemant.)
[53] Ne diriez-vous point qu'il en a autant en ce pays-là que M. de la Rochefoucauld? Cependant Balzac, qui n'est point paroisse, est à Roussines, son frère aîné; et dans la paroisse d'Asnières, Forgues, son parent, a un fief, et Balzac loge dans un autre, qui est, je pense, à sa sœur. La seigneurie est au chapitre d'Angoulême. Ce fut M. de Montausier qui, avec bien de la peine, en fit déloger les gens de guerre. (Tallemant.)
[54] Cela est faux. (Tallemant.)
[55] La maison étoit alors à son père, et est présentement à l'aîné; c'est la plus commode de la ville. D'abord on alla à l'évêché; mais le logement n'étoit pas si aisé. Ce n'est pas la première fois que la cour a occupé cette maison. (Tallemant.)
[56] Elle ne songea pas à lui. (Tallemant.)
[57] A la vérité elle leur parla comme à des gens qui sont des principaux de la ville. (Tallemant.)
[58] Hugues de Terlon, fils d'un conseiller au parlement de Toulouse, a été ambassadeur en Suède.
[59] M. de Montausier, qui étoit alors à Angoulême, dit que la vérité est que Lyonne pour faire plaisir à Chapelain, son ami, fit faire ce voyage au chevalier de Terlon, et que toute la civilité vint de lui et de M. Servien. Le cardinal n'usa jamais de termes si obligeants pour les princes du sang même. «Si le cardinal avoit fait cela, disoit le marquis, il seroit digne de tout ce que Balzac a écrit depuis contre lui.» Il est bien vrai que le cardinal dit quelque chose d'obligeant, mais tout cela venoit de Lyonne. (Tallemant.)
[60] Véritablement, voilà bien répondre. M. de Montausier dit que M. de Lyonne n'a jamais écrit en ces termes-là à personne. (Tallemant.)
[61] Balzac a envoyé jusqu'à cinq copies de cette lettre, et toutes de la main de Toulet, son copiste, de peur qu'elle ne fût perdue. Son libraire eut le soin de les faire rendre à M. Conrart. Après ces cinq lettres, il en envoya encore une, disant que M. Girard y avoit fait quelques changements. Il n'y avoit que deux syllabes de changées. (Tallemant.)
[62] Il mourut à la fin de mars ou au commencement d'avril 1651.
[63] 17 novembre.
[64] Février et mars.
[65] 17 juin.
[66] Il y a ici une assez grande divergence entre le récit de Balthazar et celui du P. Petit, lequel tirant un voile discret sur les fautes de son héros, met à le disculper une déplorable maladresse. C'est ainsi qu'il ne craint pas d'affirmer contre toute vérité que les troupes de Montausier étaient fort inférieures en nombre à celles de son adversaire, et que voulant faire un mérite au marquis d'une attaque des plus imprudentes, entreprise contre l'avis formel du comte d'Harcourt, il se voit réduit à transformer en victoire une sanglante défaite. Il suffit, d'ailleurs, de jeter un coup d'œil sur sa confuse narration pour en reconnaître toute l'invraisemblance.
[67] «..... Avant que de partir, il eut soin qu'on songeât aussi à transporter les autres blessez, et commanda à M. de Folleville, maréchal de camp, de tenir ferme dans le poste où il étoit avec ce qu'il y avoit de noblesse et de troupes réglées, bien assuré qu'une pareille contenance ôteroit aux révoltez l'envie de revenir une seconde fois à la charge. A peine eut-il fait un quart de lieuë, qu'épuisé de sang et de fatigues, et se sentant défaillir, on fut contraint de le mettre à terre au pied d'un arbre sur une hauteur d'où il pouvoit découvrir les deux armées. De là, il vit avec étonnement que ses gens n'étoient plus où il les avoit laissés, et que quelques cavaliers des ennemis repassoient la rivière; il envoya sçavoir la raison de ce changement, pendant qu'un chirurgien de campagne lui mettoit un méchant appareil, qui ne put pas même arrêter le sang qui couloit de ses blessures. Bientôt on vint lui apprendre que son absence avoit changé toute la face des affaires, que ses troupes malgré leur victoire, appréhendant d'être accablées par le nombre avoient voulu se retirer, mais qu'elles avoient commencé leur retraite en si mauvais ordre que les ennemis qui s'en étoient apperçus, avoient détaché quelques coureurs pour les reconnoistre; qu'à la vuë de ces coureurs, la retraite étoit devenuë une véritable fuite, que les Frondeurs enhardis avoient fait passer la rivière à quelques escadrons pour soutenir leurs coureurs, et qu'enfin le petit nombre avoit défait sans résistance ceux qui les avoient battus peu de temps auparavant. A ces nouvelles qui l'aflligeoient plus que ses propres maux, on jugea à propos de le remettre à cheval, de peur qu'il ne tombât entre les mains des ennemis. Il fit sept lieuës du pays pendant la plus grande chaleur du jour, et arriva sur le soir chez un gentilhomme d'Angoumois où en levant le premier appareil, il connut que la blessure de son bras étoit mortelle. Cela ne l'empêcha pourtant pas d'écrire de sa main à Mme de Montausier, qu'elle ne s'effrayât point de ce qui s'étoit passé, que son mal ne seroit rien, et qu'il se rendroit le lendemain à Angoulême. Sur ces entrefaites, Folleville entra dans sa chambre, et fondant en larmes, il le conjura de lui obtenir le pardon d'une faute dont l'indocilité des troupes avoit été la seule cause. Le marquis étoit outré de douleur; il se vainquit, et épargnant à cet officier infortuné des reproches qui l'auroient réduit au désespoir, il lui répondit simplement qu'en rendant compte à la cour de cette action, il se contenteroit d'exposer le fait sans le charger; qu'il eût cependant à se retirer. Le lendemain il fut mis dans un brancard qu'on lui avoit préparé; et il arriva dans la capitale de son gouvernement, où sa présence rétablit la tranquillité que l'affaire du jour précédent avoit fort troublée.» (Petit, t. Ier, p. 116.)
[68] Ces détails donnés par le P. Petit sur la maladie de Montausier paraissent empreints de la plus grande exagération. Voici, en effet, ce qu'écrivait là-dessus Balzac, à la date du 21 juin, c'est-à-dire quatre jours après le combat de Montançais:
«Monsieur,
Avant que de respondre à vostre lettre, il faut que je commence la mienne par une nouvelle que, sans doute, vous avez déjà suë. Je parle du combat de Montansais, où nostre cher marquis a fait des miracles de bravoure, et fait voir qu'il a véritablement
Pronta man, pensier fermo, animo audace.
Il a esté très-mal secondé, et ses blessures l'ayant empesché d'achever et d'assurer sa victoire, il se mit un tel désordre et une telle espouvante dans ses troupes qu'elles fuiroient encore, si elles n'eussent trouvé Angoulesme pour s'arrester. M. nostre marquis y est à présent, qui n'a point de part à ce déshonneur; et je puis vous dire historiquement, qu'il a fait tout ce qu'eût fait Alexandre en une pareille occasion. Nous espérons bien de ses blessures, et je vous en manderay des nouvelles plus assurées par le premier ordinaire...»
Un mois plus tard il disait encore:
«Monsieur,
Pour respondre d'abord au dernier et plus important article de vostre dernière lettre, je vous apprens que comme nostre marquis n'a nul dessein de devenir hydropique, il n'a nulle disposition à l'hydropisie. La nouvelle de l'enflure est fausse; il dort parfaitement; il a de l'appétit. Il ne lui reste pas la moindre image de sa première émotion; car pour moy, je ne l'ay jamais appellée fièvre. En un mot, on peut dire qu'il est guéry et qu'il n'y a plus que son bras qui soit encore malade: on parle mesme affirmativement de la guérison de ce bras, et non-seulement comme d'une chose certaine, mais comme d'une chose peu éloignée. J'oubliois que nous avons ensemble des conversations de cinq à six heures; que nous lisons des vers latins et françois; que nous mangeons des prunes, des poires et des pesches cruës; que je soupe de ces fruits qu'on luy apporte (moy qui marche et qui n'ay pas le bras cassé) et que luy n'en fait que sa collation, et ne prétend pas pour cela, de renoncer au soupé.»—Ces détails donnés par un témoin oculaire, sont, comme on le voit, aussi précis que possible; il n'est donc pas vrai que Montausier soit resté pendant deux mois entre la vie et la mort et couché sur le dos.
[69] «..... C'est un bon serviteur du roi. Il le fit bien voir en 1652. Pour peu qu'il eût voulu donner de soupçons au cardinal quand M. le prince étoit en Xaintonge, le cardinal l'eût fait tout ce qu'il eût voulu être; mais il ne voulut point escroquer le bâton de maréchal de France, aussi ne l'a-t-il pu avoir quand il l'a demandé. On disoit qu'il avoit dit: «Je ne pense point au brevet; ma femme a de bonnes jambes, elle se tiendra bien debout.» (Tallemant.)—Tallemant écrivait avant 1664.
[70] De cette démarche de Mme de Montausier il serait injuste de conclure qu'elle fût moins désintéressée que son mari; l'anecdote suivante de Tallemant suffirait à prouver le contraire:
«J'ai déjà dit l'amitié qui étoit entre Mme d'Aiguillon et elle; or, quand Mme d'Aiguillon eut le don des coches, elle lui en donna pour cinq ou six mille livres de rente; l'autre ne les vouloit point prendre. «Je n'ai besoin de rien, disoit-elle; si j'étois en nécessité cela seroit bon. Mme d'Aiguillon répondoit:—Ce n'est point un don que je vous fais; c'est simplement vous faire part d'une gratification du roi.» Enfin Mlle de Rambouillet fut condamnée.»
[71] Petit, t. I, p. 125.
[72] «Depuis la mort de M. de Rambouillet, Mme de Montausier a fait de l'appartement de M. son père un appartement magnifique et commode tout ensemble. Quand il fut achevé, elle voulut le dédier, et pour cela, elle y donna à souper à Mme sa mère. Elle, sa sœur de Rambouillet et Mme de Saint-Étienne, qui étoit alors ici religieuse, la servirent à table sans que pas un homme, pas même M. de Montausier, eût le crédit d'y entrer. Mme de Rambouillet fit aussi quelque chose à son appartement, qui n'est pas moins beau ni moins bien pratiqué...» (Tallemant.)
[73] «Assidu au samedi chez Mlle de Scudéry, [Chapelain] néglige tous ceux qui ne cabalent point ou qu'il ne craint pas. Mme de Rambouillet ne le voit guère souvent, non plus que M. Conrart, si M. de Montausier n'est pas à Paris. Ils rendent ce pauvre marquis tout Parnassien; en récompense, Mlle de Rambouillet ne les aime guère, et Mme sa mère les prend bien pour ce qu'ils sont.» (Tallemant.)—Montausier poussait si loin le fanatisme en faveur de la Pucelle, qu'il dit à la Mesnardière, auteur d'une critique assez mordante de ce poëme: «qu'il méritoit la bastonnade.» Ces menaces adressées à son confrère en satire, ne furent pas pour Linière un épouvantail suffisant, et l'on a retenu de lui cette jolie épigramme:
La France attend de Chapelain,
Ce rare et fameux écrivain,
Une merveilleuse Pucelle:
La cabale en dit force bien:
Depuis vingt ans on parle d'elle,
Dans six mois on n'en dira rien.
[74] «... Mlle de Rambouillet lui fit un étrange compliment: «Monsieur, lui dit-elle, j'ai ouï dire que vous me mêliez dans vos contes; je ne le trouve nullement bon, et vous prie de ne parler de moi ni en bien ni en mal.» Pour moi, si elle m'en avoit dit autant, je n'aurois pas mis le pied à l'hôtel de Rambouillet qu'elle n'eût été mariée..... Il ne laissa pas d'y aller et de manger même avec elle à la table de M. de Montausier.» (Tallemant.)
[75] «... Il fait trop le métier de bel-esprit pour un homme de qualité, ou du moins, il le fait trop sérieusement. Il va au samedi [75a] fort souvent. Il a fait des traductions; regardez le bel auteur qu'il a choisi: il a mis Perse en vers françois. Il ne parle quasi que de livres..... Il s'entête et d'assez méchant goût; il aime mieux Claudian que Virgile. Il lui faut du poivre et de l'épice. Cependant... il goûte un poëme qui n'a ni sel ni sauge: c'est la Pucelle, par cela seul qu'elle est de Chapelain. Il a une belle bibliothèque à Angoulême.» (Tallemant.)
[75a] Chez Mlle de Scudéry.
[76] «Cette enfant... a dit de jolies choses dès qu'elle a été sevrée. On amena un renard chez son papa; ce renard étoit à M. de Grasse [76a]. Dès qu'elle l'aperçut, elle mit les mains à son collier; on lui demanda pourquoi: «C'est de peur, dit-elle, que le renard ne me le vole: ils sont si fins dans les fables d'Ésope.»
[76a]Godeau.
«Quelque temps après, on lui disoit: «Tenez, voilà le maître du renard; que vous en semble?—Il me semble, dit-elle, encore plus fin que son renard.» Elle pouvoit avoir six ans quand M. de Grasse lui demanda combien il y avoit que sa grande poupée avoit été sevrée: «Et vous, combien y a-t-il? lui dit-elle, car vous n'êtes guère plus grand.»
«A cause de la petite vérole de sa tante de Rambouillet, on la mit dans une maison là auprès. Une dame l'y fut voir: «Et vos poupées, mademoiselle, lui dit-elle, les avez-vous laissées dans le mauvais air?—Pour les grandes, répondit-elle, madame, je ne les ai pas ôtées, mais pour les petites, je les ai amenées avec moi.» Et à propos de poupées, elle avoit peut-être sept ans quand la petite des Réaux fut la voir. Cette autre est plus jeune de deux ans. Mlle de Montausier la vouloit traiter d'enfant, et lui disoit en lui montrant ses poupées: «Mettons dormir celle-là.—J'entends bien, disoit l'autre, ce que vous voulez dire.—Non, tout de bon, reprenoit-elle, elles dorment effectivement.—Voire! je sais bien que les poupées ne dorment point, répliquoit l'autre.—Je vous assure que si qu'elles dorment, croyez-moi; il n'y a rien de plus vrai.—Elles dorment donc puisque vous le voulez,» dit la petite des Réaux avec un air dépité; et en sortant, elle dit: «Je n'y veux plus retourner, elle me prend pour un enfant.»
«On lui demandoit laquelle étoit la plus belle, de Mme de Longueville ou de Mme de Châtillon, qu'elle appeloit sa belle mère. «Pour la vraie beauté, dit-elle, ma belle mère est la plus belle.»
«Elle disoit à un gentilhomme de son papa: «Je ne veux pas seulement que vous me baisiez en imagination.»
«Elle faisoit souvent un même conte. Mme de Montausier dit: «Fi! fi! où avez-vous appris cela? De qui le tient-elle?—Attendez, dit cet enfant, ne seroit-ce point de ma grand'maman de Montausier?» Cela se trouva vrai.
«Elle disoit qu'elle vouloit faire une comédie: «Mais, ma grand'maman, ajoutoit-elle, il faudra que Corneille y jette un peu les yeux avant que nous la jouions.»
«Un page de son père, qui étoit fort sujet à boire, s'étant enivré, le lendemain elle lui voulut faire des réprimandes: «Voyez-vous, lui disoit-elle, pour ces choses-là, je suis comme mon papa, vous n'y trouverez pas de différence.»
«Ce Mégabaze (c'est M. de Montausier dans Cyrus), quel homme est-ce à votre avis? lui demanda Mme de Rambouillet.—C'est un homme prompt, répondit-elle, mais il n'est rien meilleur au fond; il est comme cela pour faire que les gens soient comme il faut.»
«On lui dit: «Prenez ce bouillon pour l'amour de moi.—Je le prendrai, dit-elle, pour l'amour de moi, et non pour l'amour de vous.»
«Un jour, elle prit un petit siége et se mit auprès du lit de Mme de Rambouillet. «Or çà, ma grand'maman, lui dit-elle, parlons d'affaires d'État à cette heure que j'ai cinq ans.» Il est vrai qu'en ce temps-là on ne parloit que de fronderie.
«M. de Nemours, alors archevêque de Reims, lui disoit qu'il la vouloit épouser. «Monsieur, lui dit-elle, gardez votre archevêché: il vaut mieux que moi.»
«Elle n'avoit pas cinq ans quand on lui voulut faire tenir un enfant. Le curé de Saint-Germain la refusa, disant: «Elle n'a pas sept ans.—Interrogez-la,» lui dit-on. Il l'interrogea devant cent personnes; elle répondit assurément, il la reçut et lui donna bien des louanges.
«Un jour qu'elle étoit couchée avec Mme de Rambouillet, M. de Montausier la voulut tâter: «Arrêtez-vous, mon papa, les hommes ne mettent point la main dans le lit de grand'maman.»
«C'est la consolation de cette grand'maman quand elle demeure toute seule à Paris. A la mort de M. de Rambouillet, elle étoit fort touchée de la voir triste: «Consolez-vous, lui dit-elle, ma grand'maman, Dieu le veut; ne voulez-vous pas ce que Dieu veut.» D'elle-même, elle s'avisa de faire dire des messes pour lui. «Ah! dit sa gouvernante, si votre grand-papa qui vous aimoit tant, savoit cela!—Eh! ne le sait-il pas, dit-elle, lui qui est devant Dieu?»
«..... C'est dommage qu'elle ait les yeux de travers, car elle a la raison bien droite; pour le reste, elle est grande et bien faite. Elle s'est gâtée depuis, et pour l'esprit et pour le corps.» (Tallemant.)
[77] Montausier était alors fort assidu à ces séances où il figurait sous le nom de Menalidus. Voici le portrait que Saumaise fait de lui dans son Dictionnaire des précieuses: «Menalidus joint les choses qui semblent les plus éloignées, car il est vaillant et docte, galant et brave, fier et civil; en un mot, c'est un homme accompli.» (Grand dictionn. historique des précieuses, deuxième partie, p. 121.)
[78] Mai 1659.
[79] Dans une lettre de Mme de Montausier, tirée des manuscrits de Conrart et publiée récemment, on trouve quelques détails sur le passage de Mazarin dans l'Angoumois: «... Six jours après estre arrivée icy, où nous avons eû toute la province à recevoir, nous sommes retournez voir M. le cardinal, qui a passé à cinq lieuës d'icy, il a fallu assembler toute la noblesse pour sa réception, et se tourmenter furieusement par le plus grand chaud du monde; de sorte que je croy, aussi bien que Mlle de Vandy, que je suis bien plus forte que je ne pense; car je me porte fort bien de tout ce tracas. Je ne vous pourray apprendre apparemment que les nouvelles que vous savez déjà, que dom Louis sera le 25 à Irun; que M. le cardinal et luy se verront dans un couvent de minimes, qui est entre ce lieu-là et Saint-Jean-de-Lus, mais pourtant sur les terres de France; que ses nièces demeureront à la Rochelle; et que Mlle Marie est aussi triste pour le moins que le roy.....» (Voir mon édition des Lettres du comte d'Avaux, p. 78.)
[80] Ils accordèrent, en effet, trois millions et demi.
[81] Le 26 août.
[82] Ce fait se trouve confirmé par le billet suivant adressé par Mme de Montausier elle-même au comte et à la comtesse de Maure: «Vrayment je m'en fie bien à vous et en M. le comte de Maure, pour faire valoir vos amis en de telles occasions; et je vous asseure, ma chère sœur, que s'il estoit vray que mon mérite m'eust attiré quelque bonne fortune, j'en aurois vne double joye pour vostre interest à tous deux; car on pourroit espérer de vous voir vn jour les plus grands seigneurs du monde. Je ne saurois dire tout ce que je sens pour les bontez que vous me faites l'honneur de me témoigner l'vn et l'autre, et quoyque j'attende le frisson, car ma fièvre s'est avisée de se mettre en tierce depuis huit jours, je ne puis m'empescher de vous donner cette petite marque de ma reconnoissance en commun. M. de Montausier vous auroit remerciée en son particulier, et M. vostre mary, s'il n'estoit pour le moins aussi languissant que moy. Nous vous asseurons de nos obéissances.
«Iulie Dangennes.»
[83] Petit, I, p. 147.
[84] Ce fait, et bien d'autres que je pourrais citer, suffisent amplement à réfuter des accusations aussi vagues que celle-ci, par exemple, que je trouve dans les Mémoires-anecdotes de Segrais: «Mme de Montausier n'avoit point d'amitié, et elle n'a pas plutôt été à la cour qu'elle ne s'est plus souvenue de personne.» C'est à propos d'elle aussi que la Rochefoucauld écrivait: «Il y a des gens qui paroissent mériter de certains emplois, dont ils font voir eux-mêmes qu'ils sont indignes d'abord qu'ils y sont parvenus.»—La Rochefoucauld avait ses raisons pour ne point aimer les gens irréprochables.
[85] «... Il m'a dit, car il est huguenot à brûler, que naturellement il avoit de l'aversion pour la religion catholique, et que dès seize ans, il cessa de lui même d'aller à la messe et revint à nous, sans pourtant faire d'abjuration ni de reconnoissance, car il ne prétendoit pas nous avoir quittés, et choisissoit plutôt une religion qu'il n'en changeoit.» (Tallemant.)—Godeau avoit néanmoins songé à lui céder l'évêché de Grasse.
[86] «Mlle de Scudéry est plus considérée que jamais; on lui a envoyé quelques présents sans dire de la part de qui ils venoient. On l'a pourtant découvert. Mme de Caen, fille de feue Mme de Montbazon, lui envoya une montre, M. de Montausier de quoi faire une robe, et Mme du Plessis-Guénégaud, le meuble d'une petite salle. On laissoit tout cela de grand matin à la servante.»—Tallemant dit pourtant ailleurs: «Les livres de cette fille se vendent fort bien: elle en tiroit beaucoup.»
[87] Il est surprenant que les historiens insistent aussi peu sur une maladie que le P. Petit prétend avoir été si grave, et qu'il n'en soit fait aucune mention, notamment dans les intéressants volumes que M. H. Martin a consacrés au récit du grand règne.
[88] Dans une lettre de Mlle de Vertus à Mme de Montausier, on trouve les renseignements suivants sur la dernière maladie du duc de Longueville: «Je reçus hier au soir une lettre de Mme de Longueville, qui m'apprend que M. de Longueville est très-mal; son accès a été accompagné d'un très-long et très-profond assoupissement, de perte de connoissance, de resveries, inégalité et intermission de poulx, mouvements convulsifs; enfin rien ne peut estre plus dangereux. M. Brayer craint beaucoup, et l'alloit faire confesser et communier devant que l'autre accès revienne. M. de Longueville ne sçait point ce qui s'est passé en luy. J'ai cru que je vous devois rendre ce compte et que c'est l'intention de Mme de Longueville..... Je n'ai point eu de lettres de Rouen. M*** m'a seulement mandé que M. de Longueville se porte mieux; mais cela m'est suspect, car ce mieux est qu'il a bien reposé, et vous entendez bien que ce n'est pas le sommeil qui lui manque.....
«Ce samedi après midi.
«Comment vous portez-vous, ma pauvre madame? Vous sçavez sans doute que M. de Longueville reçut hier au matin l'extrême-onction.....»
[89] Les deux fragments suivants, que j'emprunte à la correspondance de Mlle de Vertus, ne laissent aucun doute sur les bonnes dispositions de Mme de Longueville à l'égard de Montausier: «[Mme de Longueville] est si abattue et si horriblement accablée qu'elle n'a pas un instant à elle. Ainsi elle ne doute pas que vous ne l'excusiez bien si elle ne vous escrit, et elle vous prie de faire toujours bien cognoistre à Mme et M. de Montausier la satisfaction qu'elle a du choix que le roi a fait de lui pour commander la Normandie. Pour moi, ma bonne madame, je me suis tellement attendue que vous leur ferez savoir mes sentiments là-dessus, parce que vous n'oubliez jamais rien de ce qui peut obliger vos amis et vos servantes, que je n'ai pas pensé à leur rien faire dire. Il me sembloit que c'estoit assez que vous sçussiez ce que j'en pensois; ayez la bonté de leur en escrire un mot, je vous en conjure...»
«Vous demandez comment je suis sur cette affaire de M. de Montausier. Je vous assure qu'elle me paroist à souhait; et quand Mme de Longueville auroit choisi, elle n'auroit pas, selon mon avis, pris autre chose. Pour moi, je regarde la perte de ce gouvernement comme un grand fardeau hors de dessus ses espaules. Tout cela ne vaut rien pour les gens qui ne songent qu'à se sauver, et je pense qu'elle sera bien dans cette pensée, quoique, pour ne pas manquer à MM. ses enfants, elle ait demandé autre chose. Hélas! de la manière dont est M. de Montausier, il ne lui donnera toujours que trop de part au soin de ce gouvernement.»
[90] Mme de Longueville avait été extrêmement froissée de la roideur de Montausier dans diverses circonstances auxquelles elle fait allusion dans les passages suivants de sa correspondance qui se rapportent à différentes époques: «Voilà donc de nouvelles plaintes de M. de Montausier pour la lettre de Montreuil-Bellay. Il peut en dire tout ce qu'il voudra sans courre fortune d'estre dédit; car vraiment, je ne me souviens plus de tout cela; mais apparemment, il l'avoit oublié aussi, puisque nous estions raccommodés. Mais pour la visite, s'il dit en quoi consista le prétendu mauvais traitement, je tascherai de le satisfaire. En vérité, ils mettent les gens au désespoir; car ils relèvent tout ce qu'on fait, et ne content rien de ce qu'ils font. Je ne sçai plus où j'en suis, c'est-à-dire je ne sçai plus ce que je leur dois en conscience. Si vous voulez l'examiner et me le dire, je ferai tout ce que vous voudrez...»
«Pour M. de Montausier, il n'a guères d'invention s'il ne trouve pas celle de ne pas amener son cortège: il n'a qu'à le laisser à une lieue de moi, s'il passe où je suis. Mais il n'y passera pas apparemment. Et de plus, je ne me soucie point de cela, et il n'y a que lui qui s'en doive soucier, parce que cela ne seroit pas bien pour lui, comme cent petites choses qu'il fait, demandant à tous les instants si on faisoit ainsi à M. de Longueville, et croyant que cela est tout égal. Vous jugez bien qu'à moi cela ne me fait rien: ce sont de petites gloires qui ne font tort qu'à lui...»
«Rien n'est pareil à M. de Montausier. Après que non-seulement moi, mais mon fils, lui avons écrit pour qu'il détruisît ses sollicitations sur l'affaire de Fontenai, et qu'il voit clair que cela désoblige au lieu d'obliger, il pousse sa pointe, et ne veut pas faire ce dont on le prie. Jamais il n'y eut un tel travers d'esprit...»
«... L'affaire de Fontenai est finie le plus honnestement du monde de son costé. Après que je lui en eus fait scrupule, il s'est désisté; mais ç'a esté un peu tard, car M. de Montausier a sollicité, puis il a désollicité. Je l'avois prié de ne le point faire; mais, par un travers d'esprit qui ne se peut comprendre, il a poussé sa pointe, et en grondant de toute sa force, il a pourtant fini comme on l'en a prié...»—Les petites querelles qui s'élevaient parfois entre le marquis de Montausier et Mme de Longueville étaient dues le plus ordinairement aux intrigues de leur entourage, et finissaient toujours par des raccommodements fort sincères de part et d'autre.
[91] Petit, I, p. 158.
[92] Tallemant rapporte à propos de cette mort une curieuse anecdote: «En 1663, le jour que la comtesse de Maure mourut, la marquise de Sablé, sa voisine et sa bonne amie, mais non pas au point de l'assister à la mort, car il n'y a personne au monde à qui elle pût rendre ce devoir, envoya Chalais pour en savoir des nouvelles: «Mais, lui dit-elle, gardez-vous bien de me dire qu'elle est passée.» Chalais y va comme elle expirait. Au retour: «Eh bien! Chalais, est-elle aussi mal qu'on peut être? Ne mange-t-elle plus? (La marquise était fort friande.)—Non, répondit Chalais.—Ne parle-t-elle plus?—Encore moins.—N'entend-elle plus?—Point du tout.—Elle est donc morte?—Madame, répondit Chalais, au moins, c'est vous qui l'avez dit, ce n'est pas moi.»
[93] Voir dans Tallemant les curieux détails qu'il donne sur les bizarres habitudes du comte et de la comtesse de Maure. Mlle de Vertus nous a laissé l'oraison funèbre de son amie dans ces quelques lignes d'une lettre adressée à Mme de Sablé: «Cette pauvre comtesse de Maure me fait une grande pitié. Je prie Nostre Seigneur de lui faire miséricorde. Hélas, madame, l'inutilité de la vie met bien souvent en péril autant que de plus grands péchés; car s'il est vrai qu'on est jugé selon ses œuvres, on trouvera quelquefois que de cinquante ans qu'on a vescu, il n'y aura pas une heure qui puisse estre comptée. Je ne parle pas pour elle, quoiqu'il soit vrai que depuis sa mort cela m'ait bien passé par la teste. En vérité, quand on passe sa vie à rien, il est bien ordinaire qu'on ne puisse pas faire quelque chose de bien solide à la mort. La grande innocence console et fait bien espérer.....»
[94] Voici d'après Tallemant, une lettre ironique adressée au duc d'Uzès, beau-père de Julie de Montausier, et où l'on trouve résumés les griefs de l'opinion publique contre ce misérable personnage:
«Monseigneur,
«Le rang que vous tenez parmi les grands de l'État ne me permet pas de donner leurs portraits au public sans les accompagner du vôtre. Je ne prétends pas toucher à la généalogie de la maison de Crussol, dont vous tirez votre origine; il faudroit faire un volume et non pas une lettre: je dirai seulement que vous êtes entre la noblesse le premier duc et pair de France, reconnu le plus paisible et le plus modéré de tous les seigneurs. Vous n'avez jamais rien entrepris par-dessus vos forces; votre ambition a toujours eu des bornes légitimes; ce que beaucoup poursuivent avec passion, vous l'obtenez avec patience; vous êtes demeuré calme dans la tempête, et ne vous êtes jamais oublié dans la bonace. Si vous n'avez pas toujours eu des emplois de guerre, c'est que Leurs Majestés vous ont reconnu trop nécessaire auprès d'elles. Enfin, l'histoire de votre vie est telle, qu'il ne s'en vit jamais de semblable. Celui-là n'est pas ami de son repos qui ne met toute son étude à vous imiter. Pour moi, monseigneur, qui prétends faire un abrégé des actions illustres, pour les laisser à la postérité, j'ai voulu parler des vôtres dans les termes de la vérité avec laquelle je finirai.
«Votre, etc.
«Rangouze.»
—Tallemant nous parle ailleurs de l'ineptie des ducs d'Uzès et de Montbazon.
[95] «... On fut surpris de le voir raisonner si sérieusement, lui qui étoit d'une maison qui avoit toujours été plutôt capable de dire une folie qu'une bonne chose, mais la nature lui avoit accordé quelques bonnes saillies de fois à autre, à quoi elle avoit joint un autre miracle en sa faveur, qui étoit d'être le premier de son nom qui eût passé pour brave. En effet, il n'y avoit rien de si rare dans la maison d'Uzès que de voir des gens qui allassent à la guerre, ce qui a fait dire à la chronique scandaleuse «qu'il falloit qu'il ne fût pas fils de son père.» (Mém. du comte de Rochefort.)
[96] M. Monmerqué donne la date du 16 août qui est évidemment inexacte, puisque le comte de Crussol assistait à la bataille de Raab, qui eut lieu le 1er du même mois, ainsi que le savait fort bien le savant éditeur des Mémoires de Coligni.
[97] On y lisait ces paroles significatives: «Nous ne demandons rien à Votre Sainteté en cette rencontre; elle a témoigné jusqu'ici tant d'aversion à notre personne et à notre couronne, que nous croyons qu'il vaut mieux remettre à sa prudence propre les résolutions sur lesquelles les nôtres se régleront.» (V. Desmarets, Hist. des démêlés avec la cour de Rome.)
[98] «Le marquis représenta au roy avec sa sincérité ordinaire, qu'il ne se croyoit guères propre à la commission, dont il plaisoit à Sa Majesté de le charger, que les Italiens étoient trop fins pour lui, et lui trop simple pour eux, et que ce contraste auroit peut-être des suites désagréables pour les étrangers ou pour lui-même. Le roy ne reçut pas ses excuses et lui dit en plaisantant, qu'à ce compte il n'auroit pas été bon pour les Normans, que cependant il avoit sçû s'accommoder à leur génie, et que l'événement avoit fait voir qu'il étoit propre à tout.» (Petit, p. 162.)
[99] Mme de Motteville cite ensuite à l'appui de ses jugements des faits dont on aimerait à pouvoir contester l'authenticité: «Je ne puis en cet endroit m'empescher de dire vne chose qui peut faire voir combien les gens de la cour, pour l'ordinaire, ont le cœur et l'esprit gastés. Dans ce même moment que la reine m'avoit commandé d'aller parler à la reine sa mère, je rencontrai Mme de Montausier qui estoit ravie de ce dont la reine estoit au désespoir. Elle me dit avec une exclamation de joie: Voyez-vous, madame, la reine mère a fait une action admirable d'avoir voulu voir La Vallière. Voilà le tour d'une très-habile femme et d'une bonne politique. Mais, ajouta cette dame, elle est si faible, que nous ne pouvons pas espérer qu'elle soutienne cette action comme elle le devroit. Véritablement, je fus estonnée de voir dans la comédie de ce monde combien la différence des sentiments fait jouer de différents personnages, et ne voulant pas luy répondre, je la quittay... Le duc de Montausier qui étoit en réputation d'homme d'honneur, me donna quasi en mesme temps vne pareille peine, car en parlant du chagrin que la reine mère avoit eu contre la comtesse de Brancas, il me dit ces mots: Ah! vraiment la reine est bien plaisante d'avoir trouvé mauvais que Mme de Brancas ait eu de la complaisance pour le roy en tenant compagnie à Mlle de La Vallière. Si elle estoit habile et sage, elle devroit estre bien aise que le roy fût amoureux de Mlle de Brancas, car estant fille d'vn homme qui est à elle et son premier domestique, luy, sa femme et sa fille, lui rendroient de bons offices auprès du roy.»
[100] Le P. Petit ne s'en préoccupe pas le moins du monde; voici tout ce qu'il dit au sujet de la nomination de Mme de Montausier: «... Cette place étoit occupée auparavant par la duchesse de Navailles, proche parente de Mme de Montausier; et celle-ci ne se vit qu'avec peine revêtuë des dépouilles d'une personne qui ne lui étoit pas moins attachée par les nœuds de l'amitié que par les liens du sang. Elle n'avoit pas ignoré la disgrâce dont sa parente étoit menacée, et bien loin de songer à profiter de son malheur, elle n'oublia rien pour arrêter le coup, et pour la faire rentrer dans les bonnes grâces du prince. D'ailleurs, elle s'étoit si fort attachée à monseigneur le dauphin, qu'elle ne pouvoit se résoudre à le quitter, préférant au droit de préséance annexé à la charge qu'on lui offroit, la touchante satisfaction de servir pour ainsi dire de mère à un prince destiné à être un jour son roy. Mais ses soins pour réconcilier Mme de Navailles, et ses raisons pour s'exempter de prendre sa place furent inutiles. Le roy vouloit être obéi aussi bien quand il faisoit des grâces que quand il donnoit des ordres...»
[101] Petit.
[102] Mme de Sévigné enregistre cet événement de la manière la plus laconique: «Madame de Grignan est morte.»—La bellissima madre ne se doutait point alors, que la plus jolie fille de France épouserait à quatre années de là le comte de Grignan.
[103] Toute trace de froideur semblait à cette époque avoir disparu entre mesdames de Montausier et de Longueville, ainsi que le prouve ce passage d'une lettre que la princesse écrivait dans les premiers jours de janvier 1666: «... Voilà nostre disné de Mme de Montausier et de moi chez vous un peu retardé par la mort de cette pauvre Mme de Rambouillet. Quoiqu'elle ne fût point au monde pour vous, je ne doute pas que vous ne soyez fâchée qu'elle n'y soit pour les autres. Premièrement pour la famille que vous aimez; mais je dis mesme parce qu'on est bien aise de sentir des gens de ce mérite-là et fâché quand Dieu les retire, quoiqu'on ne profitât point de leur vie ni de leur présence.»
[104] Petit.
[105] «Mme de Montespan s'en alloit demeurer dans la chambre qui estoit l'appartement de Mme de Montausier, proche de celle du roi; et l'on avoit remarqué que l'on avoit ôté une sentinelle que l'on avoit mise jusque-là dans un degré qui avoit communication du logement du roi et de celui de Mme de Montespan... «On me mande, dit la reine, que c'est Mme de Montausier qui conduit cette intrigue, qu'elle me trompe, que le roi ne bougeoit d'avec Mme de Montespan chez elle.» Mme de Montausier dit à la reine: «Puisqu'on a voulu faire savoir à Vostre Majesté que je donne des maîtresses au roi, que ne peut-on faire contre tout le monde?» La reine lui répondit en termes équivoques: «J'en sais plus qu'on ne croit, je ne suis la dupe de personne...» (Mém. de Mademoiselle.) Un peu plus loin Mademoiselle ajoute à propos de l'insulte faite à la duchesse: «Cette affaire fit un grand bruit dans le monde, parce que l'outrage estoit extraordinaire à supporter pour une femme qui jusque-là avoit une bonne réputation. M. de Montausier estoit à Rambouillet; il n'apprit pas cette affaire, on disoit même qu'on la lui avoit cachée; d'autres imaginoient qu'il la savoit, qu'habilement il lui estoit avantageux de l'ignorer. Peu de temps après il fut fait gouverneur de M. le dauphin. Ses envieux et ses ennemis voulurent gloser sur ce choix et en établissoient les raisons. Ceux qui savoient le bon goût du roi, et connoissoient le mérite de M. de Montausier, étoient persuadés que personne de tout le royaume ne s'en acquitteroit si bien que lui.» (Ibid.)—Saint-Simon confirme en ces termes le récit de Mademoiselle: «Ce qui surprit... ce fut la protection que Mme de Montespan trouva auprès de Mme de Montausier au commencement de son éclat avec son mari pour les amours du roi, et de l'asile que le roi lui-même lui donna, en choisissant M. et Mme de Montausier pour retirer Mme de Montespan chez eux au milieu de la cour, et pour l'y garder contre son mari. Il y pénétra pourtant un jour, et voulant arracher sa femme d'entre les bras de Mme de Montausier, qui cria au secours de ses domestiques, il lui dit des choses horribles, et mêla ses reproches des injures les plus atroces.»—Il faut noter comme un fait curieux que tous ceux qui nous rapportent cette anecdote, semblent mettre Montausier hors de cause et protestent du respect que leur inspirent ses vertus et son austérité.
[106] S'il en faut croire pourtant Mme de Longueville, la nomination de Montausier eût été antérieure à l'insulte reçue par sa femme. Voici les paroles de la princesse: «... Que dites-vous du gouvernement de M. le dauphin, et que dites-vous de la mortification qui est venue troubler cette joie, j'entends l'affaire de M. de Montespan? Avez-vous fait des compliments là-dessus à Mme de Montausier? Pour moi, ma pente alloit à ne lui en pas faire, car, à mon sens, il ne faut pas la faire souvenir jamais d'un tel désagrément. Mais pourtant on m'a dit qu'elle prendroit peut-estre mal mon silence: ainsi je lui ai escrit trois lignes de galimatias. Quelqu'un a dit là-dessus une chose que je trouve bien, que c'estoit lui avoir mis de la cendre sur la teste. En effet, c'est les faire souvenir bien durement qu'ils sont hommes, cette nouvelle élévation pouvant fort bien leur en avoir osté la mémoire. Elle a dit que cela faisoit souvenir de ces gens qui triomphoient jadis, qui avoient après leur char des esclaves qui leur disoient des injures. Quelque pompeuse que soit cette comparaison, j'avoue que la première partie ne me consoleroit pas de la dernière, et que de toutes les aventures qui peuvent arriver à une vieille dame d'honneur, voilà la plus humiliante de toutes.»—Ce témoignage impartial, en atténuant les torts de Mme de Montausier, charge singulièrement le roi Louis XIV, qui en nommant Montausier gouverneur, n'eût pas cherché à réhabiliter l'honneur de la duchesse, mais tenté la délicatesse de cette dernière en l'exposant dans toute hypothèse au reproche de faiblesse ou à celui d'ingratitude.
[107] La date de cette entrevue fixée par le P. Petit au 18 septembre est évidemment inexacte, puisque dès le 4 du même mois, Mme de Sévigné annonçait à Bussy la nomination de Montausier.
[108] Petit.
[109] Bussy y donne la plus franche adhésion. Il écrivait le 7 septembre à Mme de Sévigné: «Je suis fort aise que M. de Montausier soit gouverneur de M. le dauphin; il n'y a que moi en France que j'aimasse mieux en cette place que lui. Il est vrai que le roi s'excite tous les jours à faire des grâces à cette maison.»
[110] Petit.
[111] Petit.
[112] Petit, I, p. 147.
[113] Il est aujourd'hui prouvé que Périgny fut sinon l'unique, du moins le principal rédacteur des Mémoires de Louis XIV, et cette circonstance suffit pour expliquer la faveur dont cet homme obscur jouissait à la cour.
[114] Si l'on en croit Huet, il paraît que le premier vœu de Montausier n'avait pas été pour Bossuet. Il rapporte dans ses mémoires latins comme le tenant de Montausier lui-même, qui le lui avait souvent raconté, «qu'à la mort du président de Périgny, le roi le chargea de lui proposer le sujet qu'il jugerait le plus digne de la place de précepteur de monseigneur le dauphin; que M. de Montausier dans la vue de faire tomber le choix du roi sur M. Huet, imagina de lui présenter une liste composée de tous ceux qui la lui avaient demandée et lui avaient exprimé le désir de voir leur nom placé sous les yeux de Sa Majesté. Le nombre des prétendants montait à près de cent, et M. de Montausier les comprit tous sur la liste, sans aucune exception et sans aucune distinction. A la suite de cette première liste, il en avait ajouté une seconde, où il n'avait compris que ceux qui ne lui avaient manifesté ni désir ni prétention, et qu'il jugeait cependant les plus dignes et les plus capables de remplir cette place selon les vues de Sa Majesté. Il faisait valoir leurs titres, leurs vertus et leurs talents, et il finissait son mémoire par ces mots: Si Votre Majesté me demande actuellement mon opinion sur ceux que je crois le plus dignes de fixer son attention, je prendrai la liberté de lui dire avec confiance que parmi ceux qui n'ont formé aucune demande, M. Ménage, M. de Condom et M. Huet, me paraissent mériter la préférence. Je laisse à la sagesse de Votre Majesté le choix de celui des trois qui pourra lui être le plus agréable. Le roi prit la liste de M. de Montausier sans s'expliquer, pour se donner le temps de réfléchir mûrement sur un choix si important. M. de Montausier ajoutait que, d'après cet exposé, il ne devait pas douter que le roi ne se portât de lui-même à nommer M. Huet précepteur de monseigneur le dauphin. Le nom de Ménage était presque inconnu à ce prince. L'évêque de Condom, qui avait consumé jusqu'alors toute sa vie dans des controverses de théologie ou dans l'exercice du ministère évangélique, ne devait point paraître assez familiarisé avec les belles-lettres, dont l'étude allait occuper les premières années de l'éducation de monseigneur le dauphin; et d'après toutes ces considérations, il était d'autant plus vraisemblable que le roi laisserait tomber son choix sur M. Huet, que Sa Majesté avait paru désirer elle-même peu de mois auparavant de le voir associé à l'éducation de monseigneur le dauphin. Mais les choses tournèrent tout autrement; le roi était accoutumé à entendre prêcher M. l'évêque de Condom, il lui était agréable, il était frappé de son mérite, les murs mêmes de son palais retentissaient encore de son éloquence, et il nomma M. de Condom précepteur, mais il nomma en même temps M. Huet sous-précepteur.» (Huetii, Commentarius de rebus ad eum pertinentibus.)
[115] «Si on considère le mérite et la vertu de M. de Montausier, l'esprit et le savoir de M. de Meaux, quelle idée n'aura-t-on pas, et du roi, qui fit élever si dignement son fils, et du dauphin, qu'on croira savant et habile, parce qu'il le devoit être! On ignorera les détails qui nous ont fait connoître l'humeur de M. de Montausier et qui l'ont fait voir plus propre à rebuter un enfant tel que Monseigneur, né doux, paresseux et opiniâtre, qu'à lui inspirer les sentiments qu'il devoit avoir. La manière rude avec laquelle on le forçoit d'étudier, lui donna un si grand dégoût pour les livres, qu'il prit la résolution de n'en jamais ouvrir quand il seroit son maître, et il a tenu parole.» (Souvenirs de Mme de Caylus.)
[116] La vérité de cette assertion est plus que confirmée par les mémoires du valet de chambre Dubois, et les extraits suivants suffiront à donner une idée de ces luttes de chaque jour entre le prince et ses précepteurs: «... En priant Dieu il lui prit une faiblesse; au lieu de le remettre dans son lit, on le pressa de s'habiller. Il eut besoin d'aller à la chaise percée où il lui prit une faiblesse..... il tomba entre mes bras. Nous luy fismes prendre du vin, il revint. Le voyant dans cet estat, je dis à M. de Montausier et à ceux qui estoyent là, que j'allois raccommoder son lit et qu'il falloit l'y remettre. Le lit raccommodé, ils se mocquèrent de moy, et me dirent que je ne cognoissois pas M. le dauphin, et que tout ce que je voyois n'estoit que pour éviter les estudes, et l'y poussèrent et ne luy firent non plus de quartier que les autres jours..... Le 29 (juillet) toute la cour partit pour Versailles, où j'arrivai fort à propos pour les estudes de monseigneur le dauphin. Le 30, estant allé manger, à mon retour, Monseigneur fut à la chaise percée et là me fit l'honneur de me dire: Dubois, pendant vostre absence, M. de Montausier m'a donné un si grand coup de férulle par le bras que je l'ay encore tout engourdy. Il me maltraite si fort qu'il n'y a plus moyen de durer..... Le mardy 4, au matin, à l'estude, M. de Montausier le battit de quatre ou cinq coups de férulles cruelles, au point qu'il estropioit ce cher enfant. L'après-dînée fut encore pire. Point de collation, point de promenade; et le soir, comme la planète cruelle dominoit toujours l'esprit de M. de Montausier, au prier Dieu, où estoit tout le monde à l'ordinaire, ce précieux enfant disoit l'oraison dominicale en françois, il manqua un mot, M. de Montausier se jetta dessus luy à coups de poing de toute sa force, je croyois qu'il l'assommeroit. M. de Joyeuse dit seulement: Eh! monsieur de Montausier? Cela fait, il le fit recommencer, et ce cher enfant fit encore la mesme faute, qui n'estoit rien. M. de Montausier se leva, luy prit les deux mains dans sa droite, le traîna dans le grand cabinet où il faisoit ses estudes, et là luy donna cinq férulles de toute sa force dans chacune de ses belles mains..... M. de Montausier l'avoit tiré de force, au travers de la presse qui estoit dans la chambre, au point que mon camarade de la Chesnardière m'a dit qu'en passant, il l'avoit heurté et qu'il luy avoit fait grand mal..... M. de Crussol, gendre de M. de Montausier, qui avoit esté témoin de ce cruel emportement, et d'autres dirent leur sentiment à M. de Montausier, qui ne dormit point... et le lendemain, ne vit personne, au matin; ayant connu qu'il avoit fait une très-grande faute, il employa tous ceux qui le pouvoient servir, comme MM. de Condom, Millet, Huet, particulièrement M. de Joyeuse, qui persuadèrent sy bien ce précieux enfant, qu'il résolut de n'en rien dire..... Ce quy sauva la vie à ce cher enfant, ce fut un corps piqué de balleines, pour luy tenir la taille ferme, qui para les coups de poing de la force et de la colère de M. de Montausier..... Le 6, monseigneur le dauphin, à la fin de la messe se trouva tout en sueur et se plaignit d'un grand mal de reins et par bonheur il luy prit un dévoiement. Nonobstant, il fallut estudier, quoiqu'on vît qu'il se trouvoit mal.... Le 23, il y eut différent entre Monseigneur et Monsieur de Condom qui me dit par deux fois d'aller chercher M. de Montausier, ce que je n'ay jamais voulu faire. Il rompit un feuillet du thême; Monseigneur le pria de luy montrer, ce qu'il ne voulut pas faire: à peu de temps M. de Montausier arriva: M. de Condom luy ayant dit ce qui s'estoit passé, M. de Montausier luy dit: «Monsieur, vous pouvez tout; pour moy, je ne suis que l'exécuteur des hautes-œuvres.....»
«... Monsieur avoit eu le pain bénit, il en envoya à Monseigneur. Comme il estoit interdit des menaces qu'on venoit de luy faire, il ne répondit pas au gentilhomme et reçut une ou deux férulles... il estoit toujours gourmandé et traité de fripon et de gallopin... Ce dernier jour, M. de Montausier estant party pour Paris, ce cher enfant montra quelque joye. Ils rappelèrent M. de Montausier, qui revint et luy donna trois férulles... Le 17... il y eut un peu d'offense à la dernière leçon... au soir, M. de Montausier luy donna dans son lit deux férulles... Le 29, entrant à l'estude du matin, Monseigneur estant très gay pour l'absence de M. de Montausier, tenoit sa petite chienne, qu'il fit baiser à M. de Condom. Son chapeau tomba dans cette carresse innocente, ce que M. de Condom ne trouva pas bon et luy en garda une dent de lait.» (Mémoires de Dubois, année 1671)
[117] Son biographe, le cardinal de Bausset, assure même qu'à demi éveillé il avait composé ce beau vers grec:
Τοῖς δυστυχοῦσιν ἄχθος πάντα καὶ γόος.
(Tois dystychousin achthos panta kai goos.)
[118] Aux Carmélites du faubourg Saint-Jacques.
[119] Elle eut lieu le 2 janvier.
[120] Fléchier.
[121] Montausier ne fut pas ingrat envers le panégyriste de sa femme. On lit dans le Journal de Dangeau à la date du 1er novembre 1684: «M. de Montausier obtint pour l'abbé Fléchier l'abbaye et le prieuré qu'avoit le P. de Sainte-Maure, son cousin germain. L'abbaye et le prieuré sont l'un et l'autre dans la terre de Montausier; cela peut valoir 6,000 livres de rente...»
[122] Voir, dans l'excellente édition que M. Ludovic Lalanne vient de donner de la correspondance de Bussy, la lettre que le comte écrit à Montausier sur la mort de sa femme et la réponse du duc.
[123] Petit.
[124] Petit.
[125] C'était le système provisoirement adopté par Louis XIV, en attendant la révocation de l'Édit de Nantes.
[126] Montausier travaillait encore à ces notes en 1679; ce que le P. Petit nous dit de la confusion où il les a trouvées, donne à penser que le texte définitif de Montausier avait été égaré et que son biographe ne put en prendre connaissance.
[127] On sait combien alors était générale la manie de ces prétendues clefs, qu'on regardait comme l'indispensable complément des ouvrages même où l'esprit d'allusion satirique était le moins à présumer.
[128] Ce n'est point là pourtant l'avis du P. Petit: «... Les mauvais conseils avoient peu de pouvoir sur l'esprit de Monseigneur. Naturellement ennemi du vice, ce jeune prince n'avoit nulle peine à s'en défendre, et si quelquefois la légèreté de l'âge lui donnoit moins de goût pour les vérités solides ou les exercices sérieux, il sçavoit déjà par raison vaincre ses répugnances, et s'acquittoit sans effort de tout ce qu'on exigeoit de lui. L'estime dont le roy honoroit le duc de Montausier, le lui rendoit respectable; à mesure qu'il avançoit en âge il l'estimoit lui même de plus en plus, il écoutoit ses avis et les suivoit avec une docilité qui avoit quelque chose de bien consolant pour le gouverneur. Il ne faisoit rien sans le consulter, et il ne craignoit rien tant que de s'attirer des reproches de sa part, parce qu'il sçavoit qu'il ne blâmoit jamais que ce qui méritoit d'être blâmé. Par le même principe, il étoit extrêmement sensible à ses loüanges, et le moindre signe de son approbation le flattoit plus que les applaudissements peu sincères des personnes qui formoient sa cour.»—Cette déposition optimiste de l'honnête jésuite est, on le voit, en désaccord flagrant avec le témoignage unanime des contemporains. Dans le passage suivant de ses mémoires, Saint-Simon parle seulement du respect et non de la sympathie que Montausier avait su inspirer à son élève: «Quelque dure qu'ait été son éducation, il avoit conservé de l'amitié et de la considération pour le célèbre évêque de Meaux, et un vrai respect pour la mémoire du duc de Montausier, tant il est vrai que la vertu se fait honorer des hommes malgré leur goût et leur amour de l'indépendance et de la liberté. Monseigneur n'étoit pas même insensible au plaisir de la marquer à tout ce qui étoit de sa famille, et jusqu'aux anciens domestiques qu'il lui avoit connus. C'est peut-être une des choses qui a le plus soutenu d'Antin auprès de lui dans les diverses aventures de sa vie, dont la femme étoit fille de la duchesse d'Uzès, fille unique du duc de Montausier, et qu'il aimoit passionnément. Il le marqua encore à Sainte-Maure, qui, embarrassé dans ses affaires sur le point de se marier, reçut une pension de Monseigneur sans l'avoir demandée, avec ces obligeantes paroles, mais qui faisoient tant d'honneur au prince: «qu'il ne manqueroit jamais au nom et au neveu de M. de Montausier.» Sainte-Maure se montra digne de cette grâce. Son mariage se rompit, et il ne s'est jamais marié. Il remit la pension qui n'étoit donnée qu'en faveur du mariage. Monseigneur la reprit; je ne dirai pas qu'il eût mieux fait de la lui laisser.»
[129] Petit.
[130] Petit.
[131] M. Lécuyer.
[132] Voici les réflexions que suggère au cardinal de Bausset, la double intervention de Montausier et de Bossuet dans cette circonstance: «On a pu remarquer que dans sa lettre à Mme de Saint-Géran, Mme de Maintenon semble placer le duc de Montausier au premier rang pour la fermeté de sa déclaration à Louis XIV, et qu'elle ne nous montre, pour ainsi dire, Bossuet que sur le second plan de ce tableau si intéressant. Son humeur perce d'une manière encore plus sensible dans une autre de ses lettres à Mme de Saint-Géran. «Je vous l'avois bien dit, madame, que M. de Condom joueroit dans toute cette affaire un rôle de dupe. Il a beaucoup d'esprit; mais il n'a pas celui de la cour.» Comment avec autant d'esprit qu'elle en avait elle-même, Mme de Maintenon ne s'est-elle pas aperçue qu'en voulant faire la censure de Bossuet, elle en fait le plus bel éloge? Accuser un évêque tel que lui, de n'avoir pas l'esprit de la cour, c'était lui accorder un titre de plus à l'estime. La fermeté tranchante du duc de Montausier pouvait n'être pas déplacée dans un homme de sa profession, et surtout de son caractère, qui lui avait acquis le droit d'exagérer l'austérité de la vertu; mais la longue expérience de Bossuet, et sa profonde connaissance du cœur humain, lui avaient appris que la douceur, la patience et les exhortations évangéliques sont les véritables armes d'un évêque pour combattre les passions, et qu'elles servent plus souvent à en triompher, que ces décisions brusques et absolues qui obtiennent rarement un si heureux succès. L'événement justifia la sagesse de Bossuet. L'intrépide fermeté du duc de Montausier et la parole que lui avait donnée Louis XIV, n'empêchèrent pas ce prince de reprendre bientôt après les chaînes qui le livrèrent encore à la domination de Mme de Montespan. Bossuet, au contraire, par la rectitude de sa conduite, par ses utiles instructions, et surtout par ce caractère de vertu et de sagesse qui ne l'abandonnait jamais dans les circonstances les plus difficiles et les plus délicates, vit enfin ses vœux couronnés.»—Ils ne le furent, dans tous les cas, que bien tardivement, et c'est à Mme de Maintenon bien plutôt qu'à l'évêque de Meaux que revient l'honneur de la conversion définitive du grand roi.
[133] Montausier était resté dépositaire d'un grand nombre de ses poésies inédites, qui se trouvent probablement aujourd'hui dans les archives du la maison d'Uzès.
[134] «J'avois ouï parler confusément de cette lettre de M. de Montausier; je trouve, comme vous, son procédé digne de lui; vous savez à quel point il me paroît orné de toutes sortes de vertus. On avoit cherché à le tromper; on avoit corrompu son langage; on s'est enfin redressé, et lui aussi; il l'avoue: c'est une sincérité et une honnêteté de l'ancienne chevalerie. Voilà qui est donc fait, ma fille, vous êtes assurée d'avoir ces jeunes demoiselles.» (Mme de Sévigné, lettre du 4 août 1677.)
[135] C'est à tort que le P. Petit renvoie ce fait à l'année 1680.
[136] Petit.
[137] Bausset, Histoire de Bossuet.
[138] «On a nommé huit ou dix hommes de la cour, avec six mille francs de pension, pour être assidus auprès de M. le dauphin: il y en aura tous les jours deux qui le suivront. Le chevalier vous mandera leurs noms: il me semble que j'ai entendu parler de MM. de Chiverni, de Dangeau, de Clermont et de Crussol; je ne sais point encore les autres, ni même si ceux-là sont bien vrais.» (Mme de Sévigné.)
[139] Petit.
[140] «... Le roy accorda à M. de Montausier, le 27e régiment pour M. de Laurière, son neveu, qui étoit capitaine dans le Dauphin.....
«... Il y a une pension de 500 écus pour l'abbé Veillet, précepteur du petit comte de Crussol. M. de Montausier l'avoit ainsi souhaité du roy.» (Extrait du Journal de Dangeau.)—Les faveurs accordées par le roi à Montausier sont de la part du courtisan chroniqueur l'objet de longues énumérations qu'il est inutile de reproduire.
[141] Quant à Mlle de Grignan, sa sœur aînée, elle s'était retirée à Gif dans une abbaye de bénédictines, sans avoir communiqué son dessein à personne.
[142] Coulanges et d'autres personnes de l'entourage de la marquise.
[143] Mère du prétendant Belesbat.
[144] Du mariage Polignac.
[145] «Lundi 27 août 1685. Le soir le roi nous dit à son coucher qu'il avoit permis à M. de Montausier de vendre le gouvernement de Dieppe quoiqu'il ne fut que triennal..... M. de Manneville l'achète 25,000 écus. M. de Montausier a aussi la permission de vendre la lieutenance de roi d'Alsace qu'il a depuis longtemps.» (Journal de Dangeau.)
[146] «Huit ou quinze jours après que cette lettre fut partie, M. Jurieu, qui étoit venu faire un tour à la Haye pour quelques affaires qu'il avoit auprès du prince, s'enquérant de l'état des miennes, me donna occasion de lui montrer cette lettre, laquelle ayant lue: «Elle est très-belle et très-bonne, me dit-il, mais je voudrois que vous ne l'eussiez pas envoyée.—Par quelle raison? lui dis-je.—C'est que vous risquez de perdre cet illustre patron-là.—Oh! repris-je, vous ne le connoissez pas si bien que je fais; je suis sûr qu'il ne m'en aimera que mieux, et j'espère dans quelque temps vous en donner des marques. Je dis dans quelque temps, parce que je crois bien qu'il ne m'écrira pas sitôt, et principalement ne répondra jamais à ceci; mais quand les idées de tout cela seront comme perdues, souvenez-vous qu'il m'écrira tout comme auparavant.» Cela ne manqua pas d'arriver, et l'on en aura bientôt des preuves en son lieu.—Rou fait ici allusion à la lettre que le duc lui adressait de Versailles le 31 mars 1689:
«J'ai reçu, monsieur, la lettre que vous avez pris la peine de m'écrire le 24 de ce mois. Elle me fait voir que vous continuez toujours à avoir de l'amitié pour moi; je vous en suis tout à fait obligé, vous assurant qu'on ne peut en avoir pour vous plus que j'en ai, ni souhaiter davantage que je fais de vous en donner des marques. Je ne saurois assez me réjouir avec vous de la charge que MM. les États généraux vous ont donnée [146a]. Ils ont reconnu votre mérite, et ils ne pouvoient faire choix de personne qui fût plus capable de s'en acquitter mieux que vous. Il ne vous arrivera jamais tant de bonne fortune que je vous en souhaite. C'est de quoi je vous prie, monsieur, d'être bien persuadé, et de l'estime et de la considération particulière que j'ai pour vous.
«Montausier.»
[146a]Rou venait d'être nommé translateur, c'est-à-dire secrétaire des États généraux. Voir là-dessus, dans les Mémoires de Jean Rou, t. I, p. 270, l'intéressante note de M. Waddington.
[147] La cour avait pour lui des égards infinis, et Dangeau ne manque pas de rapporter, comme un fait honorable pour sa famille, que Mme de Dangeau occupait, à Marly, le troisième pavillon de moitié avec Montausier.
[148] «Mlle d'Alerac se fatigue et se ruine pour le carrousel; admirez les différentes occupations des deux sœurs.» (Mme de Sévigné.)—Quelques semaines auparavant, le vendredi 3 mai, Mlle de Grignan avait pris l'habit des grandes carmélites.
[149] Cette fuite causa un vif déplaisir à Mme de Grignan, ainsi que le prouve le passage suivant de Mme de Sévigné: «Vous m'avez dit un mot dans votre autre lettre qui m'a fait sentir ce que fait Mlle d'Alerac; j'en ai compris l'horreur... Mais, en attendant, il me semble que c'est Mlle de Grignan qui doit guérir cet endroit.»
[150] «On avoit résolu de se passer des draps étrangers, et les manufactures de France en avoient fabriqué de rayés. Cela étoit fort vilain, et aussi ne dura pas. Le roi avoit défendu qu'on en portât d'autres, et y étoit fort sévère; d'où vint cette réprimande pour l'habit de Monseigneur, qui n'étoit pas de nos draps; et M. de Montausier, comme ayant été gouverneur de Monseigneur, étoit demeuré premier gentilhomme de sa chambre et maître de la garde-robe, de laquelle il laissoit le soin à sa fille la duchesse d'Uzès.» (Note de Saint-Simon.)
[151] «Mlle d'Alerac est aux feuillantines depuis quelques jours: il y a souvent de la froideur entre Mme d'Uzez et elle; je crois pourtant qu'elle retournera à Versailles avec cette duchesse. La pauvre petite n'est pas heureuse.» (Mme de Sévigné.)
[152] Elle venait d'entrer dans sa vingt-sixième année.
[153] Le 15 février 1690, Mme de Sévigné écrivait à sa fille: «Vous avez vu, par cette lettre de Mme de la Fayette, comme le pauvre M. de Montausier, après avoir été esprit et corps, penche présentement à n'être plus que corps. Cela me paraît fort bien dit.»
[154] Bossuet assista également le duc à ses derniers moments.
[155] Petit.
[156] Fléchier, Oraison funèbre de Montausier.
[157] La duchesse d'Uzès mourut peu de temps après son père, en 1695, après avoir perdu son mari et son fils aîné, tué à Nerwinde le 29 juillet 1693.
[158] Cette anecdote est extraite d'un réquisitoire de l'avocat général Séguier en réponse à un mémoire de Dupaty, dans le procès de trois hommes, condamnés à la roue par arrêt du parlement du 20 octobre 1785. Celles qui suivent sont, pour la plupart, tirées de l'histoire du père Petit.
[159] Julie d'Angennes appartenait par sa mère à la famille romaine des Savelli.
[160] Angélique Paulet. Voir le chapitre que je lui ai consacré dans ma Vie de Voiture. Firmin-Didot. 1858.
[161] Femme de la chambre de la marquise.
[162] Mme de Rambouillet.
[163] Tallemant en fait connaître le motif. (Voyez t. III, p. 248, de l'édition Monmerqué).
[164] Arnauld de Corbeville, l'un des auteurs de la Guirlande de Julie.
[165] Le duc d'Enghien fut obligé de lever le siége de Lérida le 17 juin 1646.
[166] Il eut peu de mois après le brevet d'ambassadeur, et était frère du marquis d'Halifax (George Savile). Il mourut à Paris en octobre ou novembre 1687, universellement regretté. (Note de l'auteur.)
[167] Cette lettre est tirée de la correspondance du chancelier Séguier (Bibliothèque impér.), auquel elle est adressée.
[168] Cette lettre s'adresse probablement à Mme de Sablé. Le portefeuille de Vallant (Biblioth. impér.), d'où je l'ai tirée, en contient deux autres que je supprime à cause de leur peu d'intérêt.
TABLE DES MATIÈRES.
| Pages. | ||
| Avant-propos | V | |
| LIVRE I. 1607-1635. |
||
|---|---|---|
| La maison de Sainte-Maure.—Premières années du marquis de Montausier et du marquis de Salles.—L'école de Sedan.—Montausier part pour l'Italie.—Son frère le rejoint à Casal.—Campagne de 1631.—Relations littéraires du marquis de Salles.—L'hôtel de Rambouillet.—Le marquis de Salles en Lorraine.—Montausier et Mme Aubry.—Le marquis de Salles part pour l'Allemagne.—Guerre de la Valteline.—Mort du marquis de Montausier. | 1 | |
| LIVRE II. 1635-1649. |
||
| Continuation de la guerre d'Allemagne.—Exploits de Montausier.—Il est nommé maréchal de camp et gouverneur de la haute Alsace.—La guirlande de Julie.—Montausier prisonnier en Allemagne.—Il embrasse la religion catholique.—Son mariage.—Montausier à Dunkerque.—Il part pour l'Angoumois.—Sa belle conduite pendant la Fronde. | 42 | |
| LIVRE III. 1649-1660. |
||
| Montausier et Balzac.—Séjour de la cour à Angoulême.—Seconde période de la Fronde.—Campagne de Saintonge et premiers succès de Montausier.—Prise de Saintes et de Taillebourg.—Bataille de Montançais.—Retour de Mazarin.—Montausier s'établit à l'hôtel de Rambouillet.—Sa munificence envers les littérateurs pauvres.—Il apaise les troubles du couvent d'Yères.—Louis XIV en Saintonge.—Traité des Pyrénées.—Maladie de Mlle de Montausier.—Retour de Montausier à Paris. | 80 | |
| LIVRE IV. 1660-1668. |
||
| Mme de Montausier est nommée gouvernante des enfants de France.—Mort de la comtesse de Maure.—Montausier obtient le gouvernement de Normandie.—Mlle de Montausier épouse le comte de Crussol.—Louis XIV accorde à Montausier des lettres de duc et pair.—La duchesse de Montausier succède à Mme de Navailles comme dame d'honneur.—Mort de Mme de Rambouillet.—Campagne de Franche-Comté.—La peste à Rouen. | 120 | |
| LIVRE V. 1668-1674. |
||
| Montausier est nommé gouverneur du dauphin.—Le marquis de Montespan insulte la duchesse de Montausier.—Maladie et mort de la duchesse.—Fléchier.—Travaux de Montausier, de Bossuet et de Huet.—Campagne de Hollande. Montausier présente au Dauphin ses maximes chrétiennes et politiques. | 151 | |
| LIVRE VI. 1674-1690. |
||
| Montausier accusé présente au roi son apologie.—Conduite du duc à l'égard de Mme de Montespan.—Mort de Conrart.—Mlles de Grignan.—Travaux pour l'éducation du dauphin.—Mariage du prince et retraite de Montausier.—Prise de Strasbourg.—Montausier rompt avec son gendre.—Le prince de Condé les réconcilie.—Prise de Philisbourg.—Mariage de Mlle d'Alerac.—Seconde rupture avec le duc d'Uzès.—Mort de Montausier. | 190 | |
| APPENDICE. | ||
| I. | Anecdotes sur le duc de Montausier. | 229 |
| II. | Épître de M. le duc de Montausier, gouverneur de l'Alsace, à Mlles de Rambouillet, de Clermont, de Mézières et Paulet. | 231 |
| III. | Déclaration du marquis de Montausier au sujet de sa conversion. | 239 |
| IV. | Épître de M. le Prince à Mme de Montausier. | 241 |
| V. | Note de Saint-Simon sur le duc et la duchesse de Montausier. | 244 |
| VI. | Apologie du duc de Montausier. | 249 |
| VII. | Fragments du livre des Maximes chrétiennes et politiques. | 259 |
| VIII. | Extrait des Mémoires de Jean Rou. | 266 |
| IX. | Lettres inédites du duc de Montausier. | 279 |
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.
Paris.—Imprimé par E. Thunot et Ce, rue Racine, 26.