Causes amusantes et connues
POUR le sieur ADRIEN PERCHERON, Marchand Epicier en gros à Paris, ancien Marguillier de sa Paroisse; & MARIE- LOUISE VION, son épouse, Appellans, Demandeurs & Défendeurs;
CONTRE SÉBASTIEN MOUTARDIER, Intimé, Défendeur & Demandeur.
ON ne peut pas dire que l'Intimé défere à la Justice un délit bien grave, & qui mérite toute son attention. Le prétendu crime imputé à l'Appellant par l'Intimé, est de l'avoir appellé Fripon.
Peu de gens raisonnables s'allarmeroient aussi fort d'une invective proférée sans fondement. Malheureux un honneur assez délicat pour être blessé d'un trait aussi léger, malheureuse une réputation assez mal affermie pour qu'un pareil coup y fasse une si grande brêche, qu'elle exige une réparation de 3000 livres pour la rétablir.
Mais s'il est vrai qu'il peut y avoir des circonstances qui affoiblissent l'énormité des grands crimes, il est vrai en même-tems qu'il y en a qui anéantissent une faute aussi peu considérable que celle dont il s'agit.
Ces circonstances se réunissent toutes en faveur de l'Appellant. Avant que l'Intimé ait porté sa plainte d'une injure aussi frivole, l'Appellant avoit rendu la sienne d'emportemens & d'excès contre lui & sa famille: injures d'autant plus graves, qu'elles ont été faites à l'Appellant par un homme qui leur est certainement subordonné dans la société civile.
Par quelle fatalité le Juge dont est appel a-t-il adopté une requête d'aussi foible conséquence que celle de l'Intimé, & rejetté une plainte antérieure à la sienne, beaucoup plus juste & plus importante?
C'est cette erreur du premier Juge, qui fait l'objet de l'Appel porté en la Cour, & que les Appellans esperent qu'elle réformera, en leur accordant une satisfaction proportionnée à ce qu'ils ont souffert de la part de l'Intimé.
FAIT.
L'APPELLANT, Marchand Epicier en gros en cette ville de Paris, ancien Marguillier de sa Paroisse, Propriétaire d'une maison où il exerce son commerce depuis cinquante-cinq ans, a loué verbalement deux chambres au sieur Moutardier, moyennant 80 livres par an.
Ce sieur Moutardier (qui est l'Intimé) s'est donné d'abord pour Praticien du Châtelet, &, en cette qualité servant de Recors aux Huissiers dans leurs Exploits. Il ne doit pas prendre cette définition de sa personne pour une injure, il y a d'honnêtes gens par-tout.
Sans abdiquer ces qualités, il a pris, après l'an & jour, en vertu de l'article 173 de la Coutume, la qualité de Bourgeois de Paris. Il n'étoit pas encore regardé comme un Bourgeois bien notable, sans qu'il y ait en cela aucune faute de l'Appellant; il a été imposé à la modique somme de 36 sous, sur le rôle de la capitation.
Cependant voulant s'arranger, il a fait provision pour son hiver d'une voie de bois, qu'il a fait porter dans l'une des deux chambres, dont il est Locataire. Chacun s'applaudissoit d'avoir pour voisin un Bourgeois aisé. On ne sçavoit pas ce qui devoit arriver. Il s'est mis à fendre lui-même la voie de bois. Il est vrai qu'une voie de bois échauffe plus que deux, quand on la fend soi-même; c'est un ménage bien entendu. Mais dans ces occupations, il fendoit la tête à tous ses voisins, sans s'apperçevoir de plus, qu'en mettant ses bûches par morceaux avec une serpe, il mettoit les planchers en pieces avec ses bûches. C'est ce qui fâchoit le Propriétaire.
Aux remontrances polies qui lui étoient faites à ce sujet, il n'a jamais fait d'autre réponse, sinon qu'il étoit le maître chez lui. Heureux raisonnement, s'il eût pu garder chez lui, pour lui tout seul ou ses amis, le tapage qui s'étendoit jusques dans les maisons voisines, qui n'étoient point la même chose que chez lui, quoiqu'il fût la même chose, que les autres Bourgeois ses voisins.
L'Appellant voyant un homme atteint d'une pareille passion, que l'on peut appeller Xyloschizomanie, lui offrit gratis un caveau, où il pût continuer ses exercices, sans importuner d'autres que les rats, hôtes chez les Epiciers, presque aussi incommodes que l'Intimé.
Il accepta la clef; mais triste apparemment de n'y voir point de provision de vin, ce séjour lui déplut: il n'a jamais voulu y transporter sa provision de bois.
Cette bruyante voie de bois, étant enfin réduite en si petits morceaux, qu'il n'y avoit plus moyen de rien fendre, l'Intimé n'est pas demeuré oisif. Les occupations les plus sérieuses se changent en plaisirs, quand on sçait les varier. Il a choisi pour faire chambrée avec lui, un de ses amis de la même profession de Recors. Tous deux se sont saisis réellement & de fait, & ont mis sous leur main les deux chambres. L'Intimé, jeune homme imbu de son Ordonnance, a cru que sans l'assistance d'un de ses confreres, on pourroit arguer de nullité sa procédure.
Deux imaginations valent mieux qu'une. Ces deux amis ont trouvé une ressource contre le froid, sans faire tort à la précieuse voie de bois; ç'a été de tirer des armes pendant la moitié de la journée, & quelquefois jusqu'à une heure du matin, pour s'apprendre la botte de nuit, & à se battre à la lueur des lanternes. Les planchers qui n'étoient pas le pavé de Paris, ni les oreilles des voisins, n'ont rien gagné à ce changement d'occupation.
L'Intimé ayant fait trois mois d'Académie sous son camarade, qui en même-tems faisoit la sienne sous lui, a passé de l'Etat de Bourgeois à celui de Petit-Maître. Il insultoit sans cesse l'Appellant, sa femme & ses enfans, les traitant de fripon d'Epicier, franches canailles, en mots plus francs que le François même. On peut dire que ce Locataire payoit son Terme en d'autres termes, qui pouvoient faire plus qu'une compensation.
A la Saint Remy 1748, l'Appellant, sans importuner la Justice de ses plaintes, résolut de donner congé à ce Locataire; mais l'Appellant qui n'est pas comme lui, le premier homme du monde pour faire des fagots avec une voie de bois, n'est pas non plus aussi habile que lui en affaires. Il crut bonnement que la location n'étant que verbale, il suffisoit que le congé fût de même. Il se contenta de faire mention dans la quittance, qu'il donna à l'Intimé du Terme échu à la Saint Remy, qu'il lui donnoit congé pour celui de Noël suivant, lequel congé avoit été accepté par le Locataire.
Mais ce n'étoit point du tout l'intention de l'Intimé de désemparer au Terme de Noël les deux chambres qu'il occupoit. Il y avoit dans la même maison un Huissier (dont la femme, suivant les apparences, est un des plus forts témoins dans l'information de l'Intimé). Cet Huissier occupoit un appartement de 70 liv. par an; il employoit l'Intimé dans ses expéditions. Il devoit une année de son loyer; il ne vouloit point sortir; l'Intimé ne vouloit point le quitter. Cela signifie qu'ils vouloient demeurer tous deux. L'Appellant & sa famille, au milieu du Sergent & des deux Recors, eût été moins à plaindre d'avoir vingt Créanciers ordinaires déchaînés contre lui, qu'un seul de ces honnêtes gens pour Débiteur.
L'Appellant a néanmoins triomphé de l'Huissier; il l'a obligé de déguerpir, en lui faisant, à la vérité, remise de 70 liv. pour une année de loyer échue. L'Huissier vouloit pour prix de la complaisance qu'il avoit de sortir sans payer, que l'Appellant l'indemnisât des frais de son déménagement. Le transport des meubles n'auroit pas été considérable en lui-même; mais il falloit les porter loin. L'Appellant a obtenu la victoire de ne perdre que ses loyers, & de n'être pas condamné aux frais d'installation dans un nouveau domicile.
Il n'en a pas été de même de l'Intimé. Voyant que l'on faisoit déserter l'Huissier son protecteur, qu'il avoit lui-même son congé bien signé dans sa poche, son humeur s'est encore plus aigrie qu'elle n'étoit. Il ne se passoit aucun jour qu'il ne traitât la femme & les filles de l'Appellant de Gueuses, de Guenippes, &c. On ne lui répondoit rien, on avoit peur de le mettre à son aise [2]. Mais enfin le Dimanche 17 Novembre 1748, comme l'Appellant, croyant que l'Intimé le quitteroit à Noël, avoit mis écriteau pour ses deux chambres, il se présenta deux Particuliers pour les voir. L'Intimé se plaça sur sa porte, leur en interdit l'entrée, & se mit en telle fureur contre la femme & les filles de l'Appellant, que les deux Particuliers se sauverent, croyant ce logement contagieux, & craignant d'être atteints de frénésie, s'ils venoient à l'habiter.
L'Appellant, au retour de la Messe, trouva toute sa maison allarmée de la réception faite par l'Intimé à leurs Hôtes futurs, & des injures dont il l'avoit accablée. Leur conseil se tenoit dans la cour de la maison. L'Intimé y descendit en passant, & fit voir à l'Appellant, qu'il étoit aussi-bien fourni en injures pour homme, qu'en injures pour femme.
L'Intimé prétend, que c'est dans cette querelle (qui venoit de lui, & où il faut observer qu'il n'étoit point dans ses fonctions de Recors), que l'Appellant a succombé à la tentation; que ce mot fatal, que l'Intimé cherchoit depuis long-tems, a été prononcé: mot, qui peut se prendre en divers sens; mot, qui n'est pas à la vérité bien civil, mais qui n'est pas non plus si criminel, surtout si on l'a donné à l'Intimé en sa qualité de Bourgeois de Paris. Un Auteur célebre, dont l'Ouvrage est imprimé depuis long-tems avec permission, donne cette qualification aux Bourgeois de cette Ville, sans qu'aucun d'eux ait jusqu'à présent rendu plainte contre lui [3].
Une semblable parole est de l'argent comptant pour un homme entendant les affaires. L'Intimé sortit dans la rue, fit assembler par ses cris plus de deux cent personnes devant la maison, & voulut leur persuader, que l'Appellant l'avoit appellé fripon. Il mit la main sur la garde de son épée, mais il ne la tira pas du fourreau. Les Bourgeois de Paris qui portent l'épée, ne la mettent pas à la main contre les autres qui n'en ont pas. Voyant que l'Appellant & sa femme restoient chez eux sans lui rien dire, il se contenta de prendre à témoins tous ceux qui étoient dans la rue, de l'injure qu'il prétendoit lui avoir été dite dans la cour, & les quitta.
L'Appellant excédé de tous les outrages qu'il avoir reçus de l'Intimé, ainsi que sa femme & ses enfans, en rendit sa Plainte à l'instant, & le même jour 17 Novembre 1748.
Le lendemain un autre Particulier, conduit par la fille de l'Appellant, s'étant encore présenté pour voir les deux chambres, l'Intimé changea de façon d'agir; on a vu que c'est un homme qui se varie infiniment. La veille il avoit poussé sa porte sur le visage des deux premiers, il laissa entrer celui-ci avec la fille de l'Appellant, les enferma avec lui à double tour, tira la clef, & se mit à crier par la fenêtre, au Guet, on m'assassine. Le Particulier qui ne lui disoit mot, & qui n'avoit point prémédité un pareil assassinat, étoit fort étonné; la jeune fille étoit fort inquiéte de se trouver ainsi enfermée; cette détention en chartre privée, dura une demi-heure, l'Intimé criant toujours par la fenêtre; après quoi il rendit la liberté à son prisonnier; mais lui ôta pour toujours l'envie de rendre une seconde visite à cet appartement. L'Appellant a rendu le 21 Novembre une seconde Plainte de ces faits, en continuant sa premiere de la surveille.
L'Appellant flatté de l'espérance que l'Intimé lui donneroit pour étrennes l'honneur d'un adieu, lui parla de cette affaire. Nouvelle altercation à ce sujet: l'Appellant & l'Intimé se rendirent chez le Commissaire du Quartier, qui voulut, de son autorité, forcer l'Intimé à sortir au Terme de Noël ensuivant, moyennant que l'Appellant le dédommageroit des frais du déménagement; à quoi l'Appellant consentit. Cela ne fut pas suffisant à l'Intimé, il voulut demeurer dans son poste, qu'il croyoit devoir lui produire beaucoup plus que ce qui lui étoit offert.
En effet, l'Appellant ayant fait assigner l'Intimé à la Chambre Civile, pour voir déclarer bon & valable le congé pour le premier Janvier, lequel congé il avoit accepté en acceptant sa quittance du Terme précédent; l'Intimé dénia d'avoir reçu & accepté ce congé; il refusa de représenter sa quittance, qui en faisoit la preuve. Sentence, qui débouta l'Appellant de sa demande, & le condamna aux dépens. Voila l'Intimé possesseur de ses deux chambres jusqu'à Pâques prochain, ayant l'argent des dépens dans sa poche.
On conçoit combien un pareil succès rend avantageux un Praticien vis-à-vis d'un bon Marchand, qui n'entend que son commerce; nouvelles avanies tous les jours de la part de cet Hôte par Sentence du Châtelet. L'Appellant a présenté sa Requête au sieur Lieutenant-Criminel, à fin de permission d'informer sur ses deux plaintes; la premiere, du Dimanche 17 Novembre 1748, & la seconde, du 21 suivant. Il ignoroit que l'Intimé eût rendu plainte le 17 Novembre du mot de Fripon, & qu'il eût fait informer. Le sieur Lieutenant-Criminel a refusé à l'Appellant la permission d'informer, & a répondu cette Requête d'une Ordonnance de joint à la plainte de l'Intimé.
L'Intimé a fait signifier à l'Appellant un décret d'assigné pour être ouï. Ce dernier, pour mettre tout au niveau entre les Parties, s'est pourvu en la Cour contre la plainte, la permission d'informer, l'information & le décret décerné contre lui, & a obtenu des défenses de l'exécuter.
Il a présenté en la Cour, conjointement avec sa femme, une premiere Requête, par laquelle ils demandent que toute la Procédure & le Décret d'assigné pour être ouï, soient infirmés; ils demandent d'être reçus incidemment Appellans comme de déni de Justice, de l'Ordonnance du Lieutenant-Criminel, au bas de leur Requête, portant jonction de leur plainte à celle de l'Intimé; que faisant droit sur leur appel, l'appellation & ce soient mis au néant: émendant, que la plainte & prétendue information faite à la Requête de l'Intimé, soit déclarée nulle & injurieuse; ce faisant, qu'il soit permis aux Appellans d'informer par devant tel Juge qu'il plaira à la Cour de commettre, autre que celui dont est appel, des faits portés par les deux plaintes rendues contre l'Intimé, pour, sur l'information, être décerné contre lui tel décret qu'il appartiendra, & lui être son procès fait & parfait, M. le Procureur-Général y joint, sauf aux Appellans à prendre contre l'Intimé telles conclusions qu'il appartiendra; ordonner que dès-à-présent, l'Intimé sera tenu de laisser voir les lieux qu'il occupe dans la maison des Appellans, par les personnes qui se présenteront pour les louer, avec défenses de les insulter, ainsi que ceux qui seront envoyés par les Appellans pour les conduire, sous telles peines qu'il appartiendra.
L'Intimé de sa part a présenté à la Cour deux Requêtes, le 10 & le 17 Janvier dernier, par lesquelles il recuse un de ses propres témoins, entendu dans son information, qu'il a apparemment lue, & qui ne lui paroît pas si favorable qu'il se l'imaginoit [4]. Il demande l'évocation du principal, & modestement 3000 livres de dommages & intérêts. Au surplus, il a acquiescé au dernier chef de demande des Appellans, & demande acte de ce qu'il consent de laisser voir les lieux qu'il occupe, en sorte qu'il ne reste sur ce chef qu'à le condamner suivant ses offres.
MOYENS.
Il n'est pas nécessaire d'entrer ici dans un grand détail des Loix & des Ordonnances au sujet des injures. Celle dont l'Intimé accuse l'Appellant, n'est pas digne d'avoir été prévue par les Loix, & quand il seroit vrai (ce qui n'est pas) que dans la chaleur d'une querelle de paroles excitée par l'Intimé, il seroit échappé à l'Appellant un mot injurieux, ce ne seroit pas un crime qui méritât un moment l'attention de la Justice.
Mais ce qui mérite de l'occuper, c'est la conduite de l'Intimé, qui trouble depuis long-tems une famille entiere, qui tient sa place dans la société civile, & que l'on peut appeller considérable, sur-tout si on la compare avec la personne de l'Intimé.
On voit d'un côté un Pere de famille demeurant dans sa maison, où il exerce son commerce avec honneur depuis trente-cinq ans, ancien Marguillier de sa Paroisse, qui existe sous l'autorité supérieure, en un mot, un bon Citoyen & de l'autre un homme sans famille, sans emploi, sans autre domicile que celui qu'il acquiert malgré ceux chez qui il est, enfin sans état.
C'est une chose dont l'Intimé convient lui-même dans sa Requête du 10 Janvier 1749, où il se plaint que l'Appellant, par ses prétendues calomnies, lui a fait manquer un établissement avantageux; on ne l'a jamais calomnié, & il est vrai qu'il n'a aucun établissement.
Les injures sont toujours mesurées suivant la qualité de l'offenseur, & de l'offensé. La prééminence de celui qui profere quelque injure contre un autre, ou son infériorité augmente la faute, ou la diminue; lorsque l'injure est aussi légere que celle dont l'Appellant est accusé par l'Intimé, cette différence entre les personnes la fait évanouir & disparoître entiérement.
Il en est tout au contraire des injures & des excès, dont les Appellans ont rendu plainte. Etant mesurées sur cette différence, qui se trouve entre l'Intimé & l'Appellant, elles deviennent plus graves, & méritent certainement une réparation.
Etant considérées en elles-mêmes, elles sont infiniment plus sérieuses. On voit dans la conduite que l'Intimé a tenue à l'égard des Appellans, non-seulement des invectives personnelles, mais un complot & une intelligence, d'abord avec un de ses camarades pour tourmenter l'Appellant; ensuite avec un Huissier pour lui emporter ses loyers, pour plaider contre lui, & enfin, pour déposer dans une information qu'il comptoit faire contre l'Appellant.
L'Intimé voulant agir comme un homme qui fait gloire par état de la plus subtile chicane, qui sçait ces retours dignes d'une contrée, où lorsqu'on a maltraité quelqu'un on va se plaindre, afin que l'accusation de celui qui a été insulté, passe pour une récrimination, a cru se plaindre le premier.
Mais premiérement, cette subtilité usée est proscrite en la Cour; l'on y considere principalement la force de l'injure, que chacune des Parties se plaint d'avoir souffert, & on y évalue la gravité de cette injure, par la condition, l'état & la conduite ordinaire des Parties.
En second lieu, quand l'Intimé en rendant plainte d'une offense qui ne lui a point été faite, auroit cru parer à une plainte plus sérieuse contre lui; il a échoué dans son projet, parce que la plainte rendue par l'Appelant le 17 Novembre 1748, a été rendue la premiere; une semblable démarche a une date certaine, elle constate l'époque & la qualité des injures que l'on a souffertes; il ne s'agit plus après cela que d'avoir la preuve, par les dépositions des témoins, des faits que l'on a déférés à la Justice; mais, quand le délit est une fois déposé dans les registres d'un Officier établi pour constater le tems où le délit a été commis, ce n'est point la demande, à fin de permission de le prouver par une information, qui doit passer pour une récrimination.
C'est donc avec raison, que l'Appellant se plaint du refus qui lui a été fait de la permission d'informer sur une plainte, qui est la premiere en date, & qui contient des faits infiniment plus importans, que celle de son Adversaire; & c'est avec raison qu'il se plaint d'un décret décerné contre lui pour un délit aussi frivole, que celui dont il est accusé par l'Intimé, & qui, quand il seroit prouvé, ne mérite aucune considération.
Me. PAJON, Avocat.