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Charlie

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VI

Dans le train qui filait en hâte vers Boulogne, Favierres eut vite oublié cette attristante vision.

C'était déjà presque une mouvante terre étrangère, c'était déjà l'Angleterre que ce train bondé d'Anglais revenant d'Italie, de Suisse, des villes d'eaux du continent,—d'Anglais installés chez eux en ces wagons où les passagers français même, par snobisme ou par courtoisie, affectaient de ne parler que la langue d'outre-Manche.

Mais, dans un coin de la voiture, la tête obstinément tournée vers la petite fenêtre en écu, vers les champs bruns et verts, les maisonnettes et les villes grises, les marécages ou les futaies, les tableaux changeants de la voie, Favierres ne voyait rien de ce qu'il regardait, ne percevait rien des incompréhensibles phrases de ses voisins jaseurs.

Un orgueil mélancolique le soulevait, la sensation dédaigneuse que personne sans doute, dans ce train, n'allait où il allait, au bonheur ou vers le péril—qu'aucune de toutes ces personnes n'accomplissait, en voyageant, cet acte bizarre, audacieux, romanesque, de partir sous un nom d'emprunt pour la prison d'un hôtel ignoré, par amour et passion pure.

A peine, sur le bateau, la curiosité du spectacle put-elle le tirer de ses rêveries hautaines et insensibles.

Il faisait une mer moyenne, middling, comme avaient dit les matelots, au départ; et, penché contre le bastingage, le jeune homme s'amusait à suivre les lourds bonds du navire par-dessus les obstacles balanceurs de l'eau sombre.

Parfois un choc plus rude l'obligeait à s'accrocher au bois du bord pour ne pas tomber; mais, tout de suite après, le paquebot reprenait, en soufflant un double souffle noir, sa marche régulière de grande bête vaillante et trépidante, se secouant bravement contre les agaceries des flots, se débarrassant à chaque bond des vagues adverses, qu'une mer calme alentour, bonne fille et taquine, détachait, deux par deux, à sa rencontre comme pour l'ennuyer un peu, simplement.

Et quand Favierres redressait la tête, découvrait au loin la platitude miroitante et déserte de l'Océan vide et sans routes, il se disait qu'il était comme ce vaisseau, marchant d'une allure mécanique et sûre vers un but de lui seul connu, traversant la mer mystérieuse des gens, des choses et des principes, se frayant un chemin secret sous la poussée savante d'un pilote invisible.

Il était si absorbé dans ses réflexions qu'à Folkestone il ne s'aperçut pas qu'on arrivait et fut un des derniers à sortir du paquebot.

Le long du train qui allait l'emporter vers Londres, qui dans trois heures l'amènerait si près d'Hélène, il se mit à se promener en attendant le départ.

Il examinait, avec des yeux étonnés, toutes ces faces rien qu'étrangères qui s'agitaient autour de lui, éprouvant pour la première fois l'impression gênante de hors de France, puisqu'il n'avait jamais été au delà de Bruxelles.

Dans la petite gare de bois, c'était un étourdissant brouhaha de cris et de camions roulés, d'ordres donnés et d'offres de service. Des grooms de bars proposaient du thé et des sandwichs. Des gamins en haillons hurlaient les journaux du soir, d'une voix perçante de jeunes merles affolés: «'Ning pipers!... 'Ning pipers!» Et par-dessus leurs piaillements pointus, s'élevaient les clameurs graves des petits télégraphistes prônant plus haut leur marchandise, avec un indicible accent britannique: «Teïleugrrramm!... Teïleugrrramm!...»

Une sorte de honte mêlée de pitié prit Favierres à la vue de tout ce labeur humain, de toute cette misère en guenilles ou en livrée, qui se bousculait, peinait, criait si violemment pour vivre. Mais aussitôt il se ressaisit, songeant à sa misère à lui, à ses privations muettes, à ses manœuvres discrètes et forcenées afin de vivre aussi, de gagner sa vie réellement, la seule vie dont il pût vraiment vivre,—la vie avec Hélène, auprès d'elle et pour elle.

«Bah! S'ils savaient, peut-être qu'ils se refuseraient à changer!... Tout le monde ici-bas souffre!...»

Les portières se fermaient en claquant. Il grimpa dans son compartiment, se blottit en un coin pour dormir et ne se réveilla qu'à Londres, parmi les lumières blanches de Charing-Cross-Station.

Il dut répéter trois fois l'adresse au cabman qu'il avait choisi.

Le cocher, du haut de son trône étroit, inclinait vers lui, sans le regarder, une oreille malveillante et qui ne voulait pas comprendre.

Puis il rectifia, prononça selon l'accent convenable, hissa la valise devant lui, et de sa manivelle ouvrit les battants bombés du cab.

L'affaire était bonne. Cinquante mètres de trot et il stoppait devant une maison basse.

Favierres, sur un gros globe jaune, éclairé au gaz, lut en caractères noirs: Kempton's Hotel.

Les battants du cab se rouvraient comme magiquement. Il descendit et, un peu surpris, demanda en français:

—C'est ici?

Le cabman souriait de sa mine ahurie:

Yes, sir... Kempton's Hotel!... Kempton's Hotel!

Favierres saisit la valise que le cocher lui tendait et sonna à la petite porte vernissée de l'hôtel. Une jeune maid, à calotte de dentelle blanche, la figure anémique et lasse, apparut; et ce furent de nouveau des pourparlers pénibles.

Enfin, avec l'aide du maître d'hôtel qui connaissait quelques mots de français, il put faire entendre ce qu'il désirait: une chambre claire et sur la rue.

On n'en avait plus qu'une, au second étage. On la lui montra.

—C'est bien! déclara Favierres, après une sommaire inspection... Je reste!...

Le maître d'hôtel rentra, portant d'une main la mallette, de l'autre un bulletin d'inscription. Favierres y traça son nom, sa profession, son domicile: Victor Frémaut, négociant, Paris.

Il commanda ensuite qu'on lui montât à dîner dans sa chambre. Il dîna, à la lumière lugubre de deux hautes bougies, puis, le repas fini, il prit dans sa valise du papier à lettre et écrivit:

«Londres, mercredi soir.
«De ma prison de Kempton's Hôtel

«Je suis arrivé, ma courageuse et chère bonne chérie, j'ai la chambre numéro 18,—une large chambre nue et froide, avec un lit en cuivre à rideaux de piqué blanc, et un petit ours de porcelaine blanche qui danse sur la cheminée, en souriant d'un sourire jovial que je m'explique difficilement. J'ai dîné ici dans ma cellule et je meurs de faim. C'est te dire que le régime de la maison, les légumes à l'eau et les potées de rhubarbe ne sont pas en passe de devenir mes grands plats favoris. Mais tout de même, malgré ma tristesse anxieuse, je suis heureux. Je suis dans ta ville, à Londres, à côté de toi, à deux cents mètres de toi. Je le sais. J'ai étudié le plan. Je suis près de toi et demain j'en serai, si le destin veut, beaucoup plus près encore, ma fidèle et exquise amie. Il n'y a plus la mer entre nous, il n'y a plus la terre d'Angleterre et la terre de France; il n'y a qu'une rue, quelques maisons, quelques pas de marche, et l'air humide qui filtre par les fentes de ma fenêtre a peut-être effleuré ta bouche, mon aimée... A demain donc la joie incroyable de t'avoir, de te revoir... A demain le bonheur de te remercier de ta belle témérité d'amour, de tout ce que tu as pensé, osé, et fait pour moi pendant ces jours noirs et désespérés.

«Ton grand ami,

«Victor Frémaut

Il inscrivit ensuite sur une enveloppe l'adresse convenue; et, ayant sonné le maître d'hôtel pour qu'il fît porter la lettre à la poste, il se déshabilla, se glissa au lit et s'endormit, au bout de quelques minutes, d'un sommeil pesant et troublé.

Lorsque, le lendemain matin, il se réveilla, vers sept heures et demie, il eut d'abord, au premier moment, une enfantine sensation de stupeur alarmée à se retrouver dans cette chambre étrangère, parmi ces meubles d'hôtel indifférents et pauvres.

Mais il sauta à bas du lit, en un élan de curiosité, et courut à la fenêtre qu'il ouvrit pour reconnaître les abords de sa prison, la rue qui la longeait et les maisons d'en face.

Craven-Street dormait encore, silencieuse, étroite et mesquine, entre la double rangée de ses petits hôtels en brique noire, noircie de fumée,—de ses petits hôtels bas et sombres à grilles ternes et comme enduites de charbon.

Il avait plu durant la nuit, et l'atmosphère vivifiée à la fraîcheur de l'eau exhalait avec force son âcre parfum local,—cette odeur complexe d'arrière-boutique de fruitier, cette odeur mixte de suie mouillée et de pelures de pommes pourries, qui rend unique l'air de Londres, en fait une espèce d'haleine évocatrice et sans pareille.

Favierres aspira longuement ces émanations grasses, cet air rude comme du gin, le buste avancé hors de la balustrade, essayant de distinguer à droite, à l'extrémité de la rue, la large voie qu'il savait être le Strand, à gauche, le pont de bois de Charing-Cross-Station.

«Bigre! ce n'est pas gai, gai, les environs!» songeait-il en refermant la croisée.

Puis il procéda lentement à sa toilette, et, quand il fut habillé, il sonna la maid, demanda du thé et pria qu'on fît sans tarder sa chambre.

La maid revint accompagnée du maître d'hôtel. Le gentleman probablement s'était trompé, mal exprimé, ne voulait assurément pas qu'on fît la chambre en sa présence?

Favierres réitéra ses instructions d'un ton impératif. Le maître d'hôtel salua, communiqua les ordres à la servante et sortit en échangeant avec elle des coups d'œil narquois, intrigués.

«Vous en verrez bien d'autres!» murmura Favierres entre ses dents.

Et il s'installa devant le thé servi, pendant que Mary, la petite maid anémique et plate, l'examinait de côté en balayant, le considérait furtivement de ses grands yeux cernés et luisants de fatigue, de ses yeux prompts et dociles, qui savaient deviner à l'éclair d'un regard les plus bizarres fantaisies des clients, mais que déroutaient complètement, cette fois, les étranges caprices sédentaires de cet étrange Frenchman-là!

A dix heures, les meubles étaient en ordre, la chambre prête, et sur la table à écrire, dressée contre la fenêtre, Favierres avait disposé des livres, des brochures, du tabac et les menus objets de son sac de voyage.

Il commença à attendre.

La première heure s'écoula pour lui assez rapidement à parcourir des journaux apportés de Paris, des revues, à marcher de long en large ou à attendre, assis.

Mais à onze heures un quart, lorsqu'il aperçut l'aiguille de sa montre, placée sur la table, dépasser le quart et se traîner imperceptiblement vers la demie, il ressentit un petit serrement de cœur, il entrevit la possibilité, la presque certitude que Mme Lahonce ne viendrait pas avant le déjeuner. Et, jusqu'à midi, il s'appliqua à accepter cette première déception, à se l'expliquer par cent empêchements normaux et vraisemblables, à la subir bravement, à en prendre, sans faiblesse, son parti.

De midi à une heure il cessa d'attendre, se reposa à somnoler sur un canapé de velours rouge; puis, au coup d'une heure, il réclama à Mary son déjeuner que le maître d'hôtel apporta sous des cloches argentées et déposa le long de la table, en s'informant, d'une voix mielleuse et hypocrite, si le gentleman souperait également dans sa chambre. A quoi le gentleman répondit affirmativement, d'un yes bourru et laconique.

A deux heures, il avait fini de manger.

Il recommença à attendre.

Trois heures, quatre heures, cinq heures sonnèrent successivement, avec un bruit antique, à l'horloge d'une église voisine.

Dans le ciel gris, le jour devenait moins limpide, moins léger,—alourdi par les premières nuées approchantes de la nuit, tout jauni par les vapeurs du brouillard qui s'accumulaient de plus en plus jaunes et plus épaisses.

Favierres s'était étendu sur le canapé rouge, et enveloppé dans une couverture, il ne bougeait pas, respirait à peine, tentait de dormir, de séduire par son immobilité le sommeil.

Pourtant il n'arrivait à faire que de brefs sommes fiévreux, après lesquels il avait des réveils accablants dans la pénombre de la chambre pleine d'air jaune, de la chambre étrangère où Mme Lahonce n'était pas venue.

Alors, il prêtait studieusement l'oreille, il voulait à tout prix entendre un bruissement de pas, quelqu'un qui gravit l'escalier, quelqu'un même qui ne fût pas Hélène, mais lui en eût donné l'espoir.

Tout cependant se taisait en l'hôtel; et la rumeur du dehors propageait, à travers ce silence bourgeois, plus sinistres et obscurs encore, ses échos confus et lointains,—les murmures adoucis de la grande ville retentissante, de la grande ville inconnue qui grouillait, se démenait, vivait là tout auprès dans le vacarme et dans l'effort.

Il se figurait Londres en des imaginations puériles,—toutes ces rues et ces parcs et ces quais dont il avait appris les noms sur le plan, toutes ces avenues et tous ces quartiers remplis d'Anglais et d'Anglaises rougeauds et pudiques, d'Anglais traditionnels et caricaturaux, avec de longues dents, de longs favoris, ou d'Anglais élégants, tels qu'il en avait rencontré dans le monde, avec des moustaches blondes, des yeux clairs, des vêtements bien ajustés; puis il lui semblait les voir se retourner au passage de Mme Lahonce, se pousser le coude, cligner de l'œil par admiration, par polissonnerie désireuse.

Et ces pensées l'exaspéraient contre eux, l'exaspéraient contre Hélène dont il ne pouvait excuser le retard, le silence,—dont il doutait déjà, dont il se rappelait aussi la phrase équivoque au sujet de l'apaisement nouveau de Lahonce. Elle n'avait rien fait pour cela, affirmait-elle... Était-ce bien certain? Des sueurs d'effroi lui perlaient au front en s'imaginant ce qui peut-être avait calmé le mari et retenait Mme Lahonce maintenant. Il s'évertua à se rendormir.

Mais le tremblement tonitruant des trains qui se précipitaient en foule dans la gare de Charing-Cross, les sifflements lamenteurs des locomotives, tout le tapage de fer, de vapeur et de feu qui, en arrière, au-dessus de l'hôtel, s'était déchaîné pendant la journée entière, dans l'immense gare proche,—tout cet infernal tumulte du railway mitoyen grandissait avec la nuit, vibrait plus intensément, ébranlait de continuelles secousses la fragile masure de Kempton's Hotel.

Favierres se leva en jurant, en maudissant Mme Lahonce, son invention de voyage, puis cet infâme, cet effroyable pays où les hôtels flageolaient comme des maisons de cartes.

Et il demeura à marcher, en l'obscurité, les ongles nerveusement fichés dans la paume de ses mains,—à marcher, à marcher sans trêve, avec des soupirs de bête, d'inintelligibles éclats de voix, des larmes qui lui coulaient, par instants, le long des joues,—affolé, butant aux meubles, ayant des envies de mordre, de briser tout, de crier des cris de mort ou même de repartir.

Il s'arrêta en entendant frapper à la porte. C'était Mary chargée du souper. Il alluma, regarda sa montre; elle marquait huit heures. Hélène ne viendrait plus.

Il s'attabla et voulut manger. Mais dans son gosier resserré par l'énervement et la rage les bouchées ne passaient pas, et il était forcé, pour avaler, à des contorsions du cou, du larynx. Il repoussa d'un coup de poing les plats, les assiettes, et se mit à écrire à Mme Lahonce une interminable lettre de plaintes et de récrimination. A mesure qu'il écrivait, il éprouvait un sentiment de délivrance, un véritable bien-être physique, comme si un peu de cette masse torturante qui s'appesantissait au dedans de son corps, toujours plus lourde depuis le matin, comme si un peu de ce lingot d'angoisse eût été graduellement, fragments à fragments, emporté par les mots, par les caractères.

Il remit la lettre à Mary et alluma un cigare.

Ce lui fut un autre plaisir, un plaisir de détenu longtemps sevré de fumer, un plaisir tout matériel et sauvage.

Avant, il n'avait osé, craignant de fleurer le tabac quand Hélène entrerait, lui présenterait à baiser ses lèvres parfumées.

Il ouvrit la fenêtre et finit son cigare, accoudé au balcon, humant comme une brise délicieuse le brouillard âpre et rugueux, se distrayant à suivre la fuite des cabs agiles qui galopaient en tanguant, ou les démarches tenaces des filles dont les «Sweet heart! Sweet heart!» racoleurs montaient suppliants jusqu'à lui dans le silence de la petite rue boueuse et déserte.

Il se sentait mieux, moins abattu que dans le jour, et il était joyeux, d'une joie imprécise, qu'il savourait comme une brute, sans l'analyser, sans chercher à comprendre,—la joie de ne plus espérer et de ne rien attendre.


Le lendemain, la matinée lui parut moins longue. Il réussit à lire un peu. Puis il eut deux distractions: d'abord vers neuf heures, ce fut un bruit de musique aigre qui l'appela à la fenêtre et, au bout de la rue, il vit défiler des uniformes rouges, des soldats écossais en jupe courte, qui se rendaient à la parade, précédés par des fifres aigus et des cornemuses nasillardes.

Ensuite, quelques minutes avant midi, un piano mécanique, dont la manivelle était tournée par une Anglaise vêtue en Italienne, lui offrit une abondante aubade,—des valses, des quadrilles, des mélodies populaires, des chansons à la mode,—un tas d'airs crapuleux et banaux qui, à Paris, l'eussent écœuré, froissé par leur basse laideur, mais qui, dans sa captivité, dans sa détresse indulgente de prisonnier solitaire, lui firent plaisir à écouter, l'amusèrent comme les enfants attroupés autour du piano.

Il songea en déjeunant:

«Je m'abrutis joliment!... Peuh! prenons patience... Elle est peut-être réellement empêchée... Ce n'est peut-être pas sa faute!...»

Et après son café, il ne put résister au désir bestial qui l'envahissait de fumer une cigarette.

Puis il en fuma une seconde, une troisième, une quatrième, sans plus se contenir; et il commença à lire une petite revue où il avait découvert une étude sur son œuvre.

Le critique décrivait avec respect son talent fort et probe, sa carrière noblement menée hors de la réclame et du puffisme.

«Le jeune maître, concluait-il, nous donne ainsi un exemple, trop rare, hélas! d'une vie entièrement vouée au labeur, au culte de l'Art, à l'Idéal, le plus pur et le plus élevé...»

—Ah! oui, parlons-en murmura Favierres. Parlons-en!

Il avait rejeté la revue; et s'enveloppant dans sa couverture, il se retournait contre le mur pour dormir.

Un heurt à la porte le fit tressaillir. Il bondit sur ses pieds, s'élança vers la porte. C'était encore Mary.

Elle baissait ses yeux las sous le regard farouche dont Favierres la fixait et, lui tendant timidement une lettre, elle s'évanouit à travers la porte entre-bâillée.

La lettre venait d'Hélène: une ligne griffonnée au crayon, d'une écriture illisible, sur un carton maculé.

«Impossible, d'aller à la poste ni de te rejoindre. On...»

Rien de plus. Ni heure, ni date! Rien de plus!

Favierres fit deux ou trois fois le tour de la chambre, comme cherchant une issue à l'énigme de cette lettre, où sa pensée se débattait, soudain reprise de son besoin de savoir et emprisonnée de toutes parts.

Puis il renonça, se laissa retomber sur le canapé rouge, sans force pour prolonger ses investigations; et il resta là jusqu'au soir, gisant immobile dans la gaine de sa couverture, grelottant d'énervement et de froid, pareil à ces sauvages d'Afrique qu'on voit au fond des cases sordides des barnums, frissonnant de fièvre ou de nostalgie, épiant de leurs yeux ardents la revenue d'on ne sait quel soleil ou l'heure du retour dans le pays natal.

A la nuit noire, il se leva, car on lui servait son souper.

Au milieu du repas, le patron de l'hôtel frappa à la porte et entra.

Il venait, sous prétexte de demander si le gentleman se trouvait satisfait de la maison, mais en réalité, sans doute, pour se rendre compte personnellement de l'individu qu'était ce suspect M. Frémaut, ce singulier négociant français qui ne sortait pas, qui se cachait comme un assassin et que peut-être l'administration avertie avait recommandé à sa surveillance experte.

Favierres répondit qu'il était très satisfait. Puis, comme l'hôtelier, pour allonger sa visite, multipliait les questions inutiles, les offres superflues, il lui donna brusquement l'ordre de faire monter le café en même temps qu'il ouvrait la porte, retenant le bouton dans sa main, les talons joints, le regard direct, en cette attitude résolue de courtoise impolitesse dont on exhorte au départ les gêneurs.

Le patron s'esquiva humblement, après avoir salué, protesté de son zèle; et dès qu'il fut dehors, Favierres, saisissant ses vêtements, son large paletot de voyage, son feutre mou et sa canne, s'habilla prestement pour sortir.

Déjà ce projet l'avait aguiché, tenté de se promener par les rues ténébreuses, d'aller en cachette le long de ces quais de la Tamise, vis-à-vis desquels se dressait l'Albania-Hôtel, et la visite de l'hôtelier, cette visite de soupçon et d'enquête, triomphait des derniers raisonnements de prudence qu'il opposait encore à son désir croissant de s'évader.

«Tant pis!... Je n'en peux plus... Advienne ce qui voudra!...»

Dans l'escalier il se cogna à Mary qui montait le café et poussa un cri de frayeur en l'apercevant, comme si elle eût vu un fantôme animé, une ombre, à jamais paralytique et enchaînée, descendre subitement à sa rencontre.

Le gentleman sort? questionna-t-elle d'une voix timorée.

Yes! riposta brusquement Favierres.

Et, dans la rue, il rabattit son chapeau sur ses yeux, releva son collet, et s'avança l'œil au guet, comme un escroc fuyard traqué par la police.


Arrivé au quai Victoria, il stoppa en face du palais illuminé d'Albania-Hotel, et s'assit sur un banc de pierre d'où l'on pouvait discerner, dans l'immense salle à manger, aux baies jaunes de lumière, le va-et-vient des maîtres d'hôtel, les fleurs et l'argenterie des tables, les dames qui passaient en robe décolletée et la poitrine fulgurante de diamants, les messieurs en cravate blanche, qui suivaient par derrière,—tout le gala somptueux des grandes tables d'hôte anglaises.

Il songeait:

«Elle est là!... Elle doit être là!... Peut-être que je vais la voir!...»

Dix minutes, un quart d'heure, une demi-heure s'écoulèrent. Les yeux fixes, en arrêt vers la salle lumineuse, le cœur battant, Favierres regardait, comme fasciné, les dames en toilette d'Opéra qui passaient et repassaient, se levaient, semblaient de loin chuchoter à leurs voisins de gais et amoureux secrets. Aucune n'était Mme Lahonce, bien que toutes d'abord, au départ, à l'entrée, parussent à Favierres lui ressembler, être elle-même. Et il se demandait quel reste de raison dans son hébétude d'attente, dans l'opiniâtre tension de tous ses nerfs et de toute sa pensée vers cette salle défendue,—quel reste de sagesse et de lucidité le maintenait, le garottait sur ce banc et lui interdisait de se ruer jusqu'à ces vitres flamboyantes, de les crever du pommeau de sa canne et d'appeler, par la brèche, d'un appel irrésistible et suprême, l'amie tant désirée qui serait accourue.

Mais la chute lente et sournoise des brouillards, peu à peu, lui glaçait les épaules. Il tremblait, claquait des dents; et comme neuf heures sonnaient à un bâtiment proche, il se résigna à partir.

Il allait se lever, rentrer, et il allumait une cigarette. Tout à coup un murmure de marmonnement lui fit retourner la tête. C'était, derrière lui, une pauvresse à châle usé, à fantastique chapeau cabriolet, qui implorait l'aumône; et, au rougeoiement de la cigarette, il distingua la figure pâle et grassouillette de la miséreuse. Elle ressemblait traits pour traits à Mme Favierres; elle avait la même mélancolie dans le regard, le même tremblement dans ses mains maigres et violettes. Favierres tira une pièce au hasard, et la posa entre les doigts de la mendiante. La figure de la femme s'empourpra de gratitude. Elle balbutiait:

God bless you, dear sir!...

Et pendant quelques pas, elle le poursuivit de ses remerciements bénisseurs, de ses God bless you! de ses Dieu vous bénisse! tandis que Favierres, pour s'en débarrasser, hâtait l'allure.

Il fut longtemps sans pouvoir s'endormir. Cette vaine attente dans le froid, devant Albania-Hotel, augmentait son découragement. Et puis la vision de cette pauvresse, de cette Mme Favierres anglaise et loqueteuse, ajoutait à son chagrin comme un goût amer de remords. Ç'avait été devant ses yeux presque la résurrection d'une morte, tant était profondément enseveli en lui, recouvert de cent couches d'égoïsme entassées, le souvenir de sa femme abandonnée.

Il regrettait de se rappeler qu'elle existât, de se rappeler qu'il l'oubliait tellement; et il se reprochait enfin de ne lui avoir pas écrit une fois, de l'avoir si inconsciemment, si férocement laissée dans l'inquiétude, de n'avoir pas su lui accorder un petit peu de cette abondance de tendresse et de cette fougue de dévouement dont il était si riche, si généreux pour son amie, pour Mme Lahonce.

«Ah! oui... je ne suis guère chic... Je suis un drôle de cœur... Rien pour l'une, tout pour l'autre... Mais quoi!... Si c'est ma nature!... Si je ne puis être bon qu'en passion, qu'en amour!...»

Et toute la nuit, il rêva de Mme Favierres, il la revit en des cauchemars, comme au jour du départ, appuyée au bras de la domestique qui la soutenait sanglotante.


Le lendemain matin, au réveil, il eut une sensation de terreur en regardant sa montre. L'aiguille marquait huit heures. Il fit des calculs. C'était trois heures au moins, peut-être six, peut-être dix, à vivre encore dans l'angoisse et l'agacement rongeant, dix heures encore de cellule, à la merci des plus faibles bruits, des pas dans l'escalier, des craquements des meubles, qui lui fracassaient sans cesse le cœur de leurs échos mensongers.

Il se leva pourtant, fit sa toilette, les mains molles, maladroites, comme s'il s'apprêtait pour le supplice; puis ce fut Mary, les balayages, les coups de torchon, la poussière, l'entrée de l'air de Londres par les fenêtres ouvertes,—et le thé que servait le maître d'hôtel.

Mais, comme Mary sortait avec ses ustensiles, le maître d'hôtel susurra d'un ton confidentiel:

—Il y a un jeune gentleman qui demande pour le monsieur du niouméro 18.

Favierres le considérait d'un œil ébahi.

Yes, sir, répéta le maître d'hôtel... Le jeune gentleman est en bas...

Favierres eut comme un pressentiment, un espoir aussitôt refréné, et dit avec flegme:

—C'est bien... Faites-le monter... tout de suite... tout de suite.

La porte se referma. Il y eut des cris dans l'escalier, un gravissement de pas légers. La porte se rouvrait, et un petit garçon, en costume de marin, parut sur le seuil, le regard hésitant, le sourcil froncé de méfiance.

—Charlie! s'écria Favierres.

L'enfant s'était élancé vers lui, sautait sur ses genoux; et Favierres, sans mot dire, l'enserra dans ses bras, se mit à l'embrasser follement, à travers les joues, dans le cou, dans ses fins cheveux blond pâle, comme une femme. Puis il bégaya:

—Charlie... mon bon vieux Charlie... Comment! Tu es ici! Mais comment es-tu venu?... Raconte-moi cela... Raconte vite!

Charlie se débarrassa d'abord de l'étreinte, se coula des bras de Favierres jusqu'à terre, et tout en repassant de la main les plis froissés de sa blouse:

—Eh bien! voilà, dit-il... Voilà, Fav!... Ce matin papa m'a permis d'aller jouer dans le square devant l'hôtel... Parce que, vous savez, papa est malade depuis quatre jours... Il a pris froid avec ce sale brouillard d'ici... Et alors, je ne sortais pas, je m'ennuyais, vous comprenez.

Il s'arrêta pour tirer de sa poche un petit mouchoir bleu ciel et se moucha longuement.

—Alors? questionna d'un ton impatient Favierres.

—Alors, reprit Charlie... Eh bien! alors, dans le couloir maman m'a rattrapée... Elle m'a dit que vous étiez à Londres, qu'elle l'avait lu dans le journal, mais qu'il ne fallait pas le dire à papa, parce que vous étiez un peu fâchés ensemble, qu'elle m'expliquerait cela plus tard... Pourquoi vous êtes fâchés, dites?

Favierres eut un sourire:

—Parce que nous nous sommes disputés... Mais ce n'est rien...

—Bien! bien! continua Charlie d'un ton rassuré... Alors maman m'a demandé si je voulais aller vous voir et que c'était tout à côté... J'ai dit oui, moi... vous pensez bien!... Et puis voilà... Je sais l'anglais, vous comprenez. J'ai pas eu de peine à venir... Pourquoi êtes-vous ici, Fav?... Qu'est-ce que vous faites?...

Favierres répondit en l'attirant debout entre ses jambes, d'un geste affectueux, paternel:

—Je suis ici pour des affaires... un concert que je dois donner... Mais, dis-moi, Charlie, ta mère ne t'a rien dit pour moi?

—Non, fit Charlie qui s'amusait à tirer, à rouler, entre ses doigts, les pointes de la moustache de Favierres... Rien du tout... Ah! si, au fait...

—Quoi donc?

—Elle ma dit de bien vous dire bonjour de sa part... Oh! cet ours sur la cheminée! Est-il rigolo, cet ours!...

Et, se dérobant, il courut à la fenêtre:

—Elle n'est pas jolie, votre rue, vous savez...

Favierres répétait machinalement:

—Non, elle n'est pas jolie...

Il était tout désappointé et tout heureux à la fois, partagé entre le mécontentement que Mme Lahonce n'eût pas chargé Charlie d'une lettre, d'une commission quelconque, et la joie charmante d'avoir chez lui, près de lui, à la disposition de ses lèvres, ce petit être tendre et gentil qui était un peu d'elle-même, quelque chose d'elle-même, et qui apportait dans la triste chambre les relents retenus de son parfum d'iris.

Charlie s'était retourné, revenait vers son grand ami:

—Maintenant, déclara-t-il, au revoir... Faut que je m'en aille!... Au revoir, Fav!

Il avait noué ses bras autour du cou de Favierres et allongeait sa mince petite bouche pour un baiser d'adieu.

—Et qu'est-ce que je dois dire à maman de votre part?

Favierres répondit en le pressant avec violence contre sa poitrine:

—Tu lui diras... Tu lui diras que je m'ennuie beaucoup à Londres...

—Oh! je comprends ça! approuva Charlie.

—Et tu lui diras aussi que je t'aime bien, que je t'ai dit de le lui dire... Tu te souviendras, dis, mon petit Charlie?...

—Pour sûr! affirma l'enfant.

—Et toi, l'aimes-tu, ton ami Fav? insista Favierres.

—Pour sûr! réitéra Charlie en se serrant câlinement de toutes ses petites forces contre son grand ami. Pour sûr!

Favierres le gardait encore, l'embrassait encore, s'imprégnait encore les lèvres du goût de sa chair tiède et laiteuse.

—Non, vous savez, observa Charlie, faut vraiment que je m'en aille... Maman me gronderait!...

—Au revoir, mon vieux Charlie!...

—Au revoir, Fav!...

Il se haussait sur la pointe des pieds pour atteindre le haut bouton de la porte. Favierres vint à son secours, lui ouvrit et, par-dessus la rampe, il cria plusieurs fois: «Au revoir... Au revoir!...», jusqu'à ce que le béret de Charlie eût tout à fait disparu sous le noir corridor de l'entrée.


Resté seul, Favierres, instinctivement, alla s'étendre sur le canapé rouge.

Il était un peu étourdi, un peu ivre, comme après qu'on a bu un vin réconfortant. La visite de Charlie ne lui avait presque rien appris, rien promis. Mais il éprouvait un sentiment d'être plus allègre, moins misérable, pour avoir humé un peu de vrai bonheur;—et de savourer les derniers aromes fugitifs de cette joie d'un instant, cela occupait son anxiété, cela lui mitigeait de souvenirs soulageants l'attente aride et ignorante.

Il ne recommença à se désespérer qu'après déjeuner, quand, vers deux heures, le voile de la rêverie tombant lui laissa revoir la chambre de douleur, sans lettre et sans Hélène.

Toute la reconnaissance qu'il avait à Mme Lahonce de lui avoir envoyé Charlie, toute l'admiration qu'il lui vouait pour ce délicat subterfuge d'amour, s'écroulèrent au souffle mauvais de la déception.

Il se remit à douter qu'elle viendrait, à se répéter qu'elle ne viendrait plus, à s'assigner un jour prochain de départ. «Demain soir, c'est cela... Je lui donne jusqu'à demain soir dimanche... Et si elle n'est pas venue, je m'en vais... Cela me tue, cette vie-là... Ce n'est pas humain de souffrir ainsi... J'aimerais mieux le bagne où au moins je n'attendrais personne ni quoi que ce soit, pas même ma délivrance!»

On frappait à la porte. Il courut ouvrir. Le maître d'hôtel était là, lui présentait, sur un plateau, une lettre mauve, une lettre de Mme Lahonce.

Il la rafla d'une main d'affamé, puis, la porte close, il lut:

«Et d'abord, pars, va-t'en!... Je ne veux plus que tu restes ici, dans cet enfer, dans cette horrible ville. Mon pauvre aimé, quel martyre pour toi et pour moi que ces trois jours! On a été malade, une grosse bronchite! Pas moyen de t'écrire... Une fois j'ai essayé... Tu as vu ce que cela a donné... Ce matin j'étais si affolée que je t'ai envoyé Charlie... Je me rappelais ce que tu m'avais dit le dernier jour où nous nous sommes vus, avenue Hoche, tu te souviens, mon grand Fav!... Tu me disais que c'était encore la chair de ma chair, qu'il faisait encore comme partie de moi-même, le cher petit... Alors j'ai pensé que te l'envoyer, c'était un peu de moi-même que je t'adressais. Je suis sûre que tu auras deviné... Mais que pensera-t-il un jour, cet enfant, s'il se souvient?... Je frémis en y songeant!... Que pensera-t-il de toi, de moi, de nous deux?... Dès qu'il a été parti, je me suis mise à prier, en dedans, car on était près de moi,—à prier pour que jamais mon fils n'ait de vilaines pensées sur moi. Je ne regrette pas ce que j'ai fait... Tu le méritais, mon grand ami chéri... Et Dieu nous aidera, j'espère, ne permettra pas que notre Charlie plus tard nous méprise... Mais comme j'ai été folle, imprudente, comme j'ai été enfant de te faire venir ici!... Je ne me le pardonnerai jamais, ni pour toi, ni pour lui... Je puis t'écrire parce qu'on va mieux, qu'on s'est enfin levé et qu'on est descendu au salon de lecture lire les journaux... Je veux que tu partes aujourd'hui même... Je t'en supplie, pars! Je veux que tu sois libre, que tu ne sois plus enfermé et au secret comme un malfaiteur, toi, mon aimé... Nous, nous partons lundi. On est dégoûté de l'Angleterre. Nous rentrons à Paris... Et jeudi, écoute bien, mon grand Fav, à moins de catastrophe, je viendrai vers deux heures et demie chez toi, à Neuilly, obtenir mon pardon... Je viendrai avec Charlie, sous prétexte de rendre visite à ta femme... Oui, ainsi, avec notre bon petit défenseur, il me semble que ma visite paraîtra moins coupable, moins douteuse, au cas où, par hasard, on me suivrait... Adieu, mon grand ami chéri... Retourne à l'air libre et à ton beau parc tranquille... Sauve-toi vite et vas-y attendre ton amie désolée qui n'a jamais cessé d'être à toi et qui te restera malgré tous, malgré tout.

«H.»

Favierres, dans un accès d'enthousiasme gamin, s'était mis à courir autour de la chambre, comme d'un pas de tarentelle, brandissant au-dessus de sa tête, à la façon d'un tambour de basque, la lettre de congé, la lettre de tendresse, de liberté certaine.

Il s'arrêta, suffoqué, essoufflé, devant la glace de la cheminée, s'y aperçut les joues roses de plaisir, les yeux brillants, toute la physionomie souriante, depuis l'angle des lèvres jusqu'au coin plissé des paupières.

«Ah! cela me va mieux que l'attente!... Ouf!... Et je la reverrai, je vais la revoir! Dans quatre jours, je la reverrai!...»

Puis immédiatement, il sonna pour réclamer sa note, annoncer son départ.

«Oh! ils vont en faire une tête... Ils n'y comprendront plus rien!»

Il lui paraissait déjà entendre la voix fatiguée de Mary, se faisant répéter la nouvelle, demandant si véritablement le gentleman s'en allait. Un peu qu'il s'en allait, le gentleman, et bien vite encore, par le premier train en partance, à six heures du soir tapant!

Et il finit la journée gaiement, à ranger ses effets, à refaire sa malle, fumant, sifflant, chantonnant, oubliant toutes ses peines et presque son amour; dans une exubérance grossière de forçat libéré.

A cinq heures et demie, on vint prendre ses bagages.

Il descendit, l'air agressif et assuré, suivi de Mary et du maître d'hôtel qui chuchotaient en arrière.

Au bas de l'escalier, le patron de Kempton's-Hotel se tenait, dans le couloir d'entrée, auprès d'un Monsieur à barbe jaune et à redingote noire, avec qui il feignait de causer d'un ton intime et très cordial.

A la vue de M. Frémaut, les deux hommes échangèrent un coup d'œil de signal. Le Monsieur dévisagea vivement Favierres pendant que l'hôtelier saluait. C'était quelqu'un de la police.

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