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Comment je suis arrivé à croire : $b confession d'un incroyant

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AU LECTEUR

Ceci n’est pas un traité philosophique ou religieux, mais simplement le résumé de Notes de conscience intime laissées par un homme qui, après avoir été libre penseur, à la façon dont on entend ce mot, c’est-à-dire hostile à toute idée religieuse, s’est retrouvé, dans la suite des temps, par l’effet de la réflexion et de l’expérience, ramené à des conceptions différentes sur Dieu, sur l’univers, sur la nature humaine et sur la religion chrétienne.

L’auteur, mort récemment, a été, même pendant les aveuglements de sa jeunesse, un curieux observateur du monde et de lui-même. Le fond de son caractère était une complète indépendance d’esprit, une franchise sans limites, et un mépris absolu du qu’en dira-t-on ? Mais, après avoir eu toutes les hardiesses de l’esprit, il avait compris qu’il fallait les tempérer par cette sorte de raison pratique qu’on appelle le bon sens. Par suite de quoi, il préférait les simples aux philosophes, non pas aux vrais, qui sont rares, mais aux faux dont la société est pleine, prisant fort peu notamment ceux d’outre-Rhin et leurs imitateurs de ce côté des Vosges, les uns et les autres lui apparaissant pour la plupart comme de parfaits pédants. Il causait plus volontiers avec un paysan qu’avec un lettré, trouvant plus de droiture naturelle dans les âmes incultes, et persuadé qu’à défaut de science acquise, c’est là qu’on trouve mieux cette science infuse, qui, pareille à l’instinct des animaux, leur découvre, même dans l’ordre métaphysique, des vérités qui restent cachées à la science orgueilleuse. Il avait cru longtemps à la bonté native de l’homme, mais il avait dû en rabattre, non seulement à cause des tristes résultats historiques de cette théorie, mais encore parce que l’observation lui avait démontré l’action profonde des climats, des circonstances et de l’atavisme, le tout, d’ailleurs, modifiable sous l’influence religieuse. Il ne séparait pas l’honnêteté de la vie de la rectitude de la pensée et croyait que toute lacune dans l’une avait nécessairement son contre-coup dans l’autre. Il avait en horreur les politiciens et les esprits forts et ne voyait guère dans ces derniers qu’une forme spéciale de débilité intellectuelle. Il se défiait particulièrement des suggestions que peuvent nous fournir l’amour propre ou la vanité, et disait que si la réserve et l’humilité pouvaient être mises en potion, c’est celle dont nous aurions tous le plus besoin de faire usage.

Il passait, parmi ses amis et connaissances, pour être plus songeur que savant, mais il y avait unanimité pour dire de lui : C’est un brave homme et un homme de bon sens ; et c’était l’éloge dont il était le plus fier intérieurement, car autrement personne n’avait une plus modeste opinion de soi-même. Dans sa conversation comme dans ses écrits, il dédaignait les arguties et croyait être dans l’esprit du génie français comme dans celui de la langue française, en n’admettant que des idées claires confinant à des solutions pratiques.

Ces notes sont une sorte de récit de voyage à travers la forêt du doute, voyage qui a duré plus d’un quart de siècle, et au bout duquel il s’était convaincu que la religion chrétienne n’a pas de plus grand ennemi que l’ignorance ou des préjugés faciles à dissiper par un examen approfondi et de bonne foi ; que, plus on étudie ses dogmes et sa doctrine, plus on y trouve de sagesse et de raison ; enfin que sa pratique elle-même est infiniment plus aisée qu’on ne pense, et que là seulement se trouve le repos d’âme auquel chacun de nous aspire invinciblement. Et, comme il y avait trouvé ce repos, il nous a semblé que la lecture de ces notes pouvait présenter un véritable intérêt, ou même servir de guide, aux voyageurs de l’heure présente égarés dans les parages difficiles où il a si longtemps erré. C’est pourquoi…

Nous lui laissons la parole.

Docteur Francus.

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