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Fer et feu au Soudan, vol. 1 of 2

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Lettre du Révérend Père Don Joseph Ohrwalder,
autrefois supérieur de la
Mission autrichienne à Delen, (Kordofan), prisonnier des
Mahdistes pendant 10 années.


Lorsque j’eus embrassé au Caire, Slatin Pacha, mon cher ami et mon fidèle compagnon pendant les jours affreux de misère commune, enfin libre et heureux après de longues années, et que la première joie causée par notre réunion fut passée, on m’invita de la part de ceux qui le pressaient de décrire ce qu’il avait vu et la façon dont il avait vécu,—on m’invita, dis-je—à faire précéder son livre de quelques mots.

Avoir partagé ses souffrances, l’amitié qui nous liait et qui de temps à autre, pour de courts instants nous apportait quelque adoucissement durant notre captivité, telles sont les seules raisons qui me donnent le droit de déférer à ce désir.

Le grand intérêt général de l’heureuse délivrance de Slatin, la cordiale participation de ses nombreux amis qui, ayant toujours suivi avec la plus vive sollicitude les quelques nouvelles leur parvenant à de rares intervalles sur son triste esclavage, apprirent avec une joie bien sincère l’annonce de sa liberté, la nécessité de répondre aux désirs de tous ceux qui prennent une part active au sort de l’Afrique, la nécessité également d’attirer l’attention des nations civilisées sur le Soudan, cette contrée la plus malheureuse du continent noir qui paraissait autrefois destinée à être le point de départ de la civilisation africaine et qui, maintenant, est devenue son plus grand obstacle, toutes ces circonstances donc furent un devoir pour Slatin Pacha—bien qu’il fut très occupé d’autre part et qu’il ne soit pas écrivain—de livrer sans retard à la publicité un exposé de son intéressant passé.

Moi aussi, je me suis trouvé malheureusement entraîné dans le tourbillon de ce grand bouleversement, mais je n’étais qu’un missionnaire prisonnier, dont l’existence ne fut pas prise en considération par les nouveaux maîtres du pays et qui fut bientôt oublié, tandis que Slatin Pacha, se trouvant directement mêlé aux événements en raison de la haute situation qu’il occupait, paraît le seul, parmi les vivants, qui peut apprécier d’une façon exacte, le mouvement mahdiste tant dans son développement que dans son importance actuelle.

Connaissant le pays et la population depuis de nombreuses années, ses relations pendant sa captivité avec le Mahdi et encore plus avec le calife Abdullahi furent telles qu’il se trouvait en contact continuel avec les personnes influentes de cette époque, ce qui lui permit de pouvoir suivre dans les plus petits détails la marche des événements.

Si donc, les opinions émises dans mon livre différent des siennes, ou si dans les faits racontés par moi, des erreurs se sont glissées, il est bien évident que celui qui a pris ses informations à la source même, mérite la préférence sur celui qui recevait ses nouvelles de deuxième et même de troisième main.

Pour toutes ses appréciations, je ne puis que m’incliner avec la plus grande tranquillité devant sa façon de voir.

Puissent les récits de Slatin Pacha rencontrer l’intérêt auquel ils ont droit! Puissent-ils aussi réveiller la sollicitude pour le malheureux Soudan et que, par conséquent, la régénération en soit facilitée! Puisse encore la délivrance de Slatin Pacha rencontrer la sympathie universelle, qui lui est due, c’est ce que désire de tout son cœur son compagnon de captivité pendant si longtemps et son ami sincèrement dévoué!

Souakim, Juin 1895.

P. Joseph Ohrwalder.


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