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L'Allemand : $b souvenirs et réflexions d'un prisonnier de guerre

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I
UNE DÉFINITION DU GÉNIE ALLEMAND PAR UN ALLEMAND

Puisque c’est lui de qui nous avons accueilli la plainte, il est tout naturel que nous empruntions à Natorp l’exposé de cette originalité allemande qu’il nous accuse de ne pas savoir discerner tous seuls. Et justement le passage que j’ai cité fait partie d’une vaste dissertation en plusieurs articles, où cet auteur s’est efforcé, avec une ingéniosité remarquable et une modération relative, de définir l’essence du Deutschtum[63] et d’expliquer le rôle qu’il est appelé à jouer dans le monde. Sa pensée est difficile, et j’avoue avoir gagné plusieurs migraines dans mes efforts pour me l’assimiler. Mais elle a l’avantage d’être bien spécifiquement allemande et de nous instruire autant par sa forme que par son contenu. En l’analysant, nous allons nous trouver immergés dans le plus authentique bain de germanisme qui se puisse rêver, et nous nous imprègnerons par tous les pores à la fois de la mystérieuse Eigentümlichkeit[64] qui est maintenant l’objet de notre enquête.

[63] Le mot n’est pas facile à traduire. Germanisme n’en est pas l’équivalent tout à fait exact. Il faudrait plutôt hasarder : Germanité. Plus simplement, c’est l’essence allemande.

[64] Particularité.

Natorp est philosophe. Aussi cherche-t-il d’abord une plate-forme abstraite, des assises aussi générales que possible pour l’édifice qu’il projette. Dans un article préliminaire qu’il intitule Geschichtsphilosophische Grundlegung für das Verständnis unsrer Zeit[65], il pose une sorte de « premier principe » : celui de la continuité de la conscience. « Rien ne se perd, rien n’existe pour soi seul (nichts steht für sich), mais il y a des fils qui font communiquer toute chose avec toute autre. C’est ce que veut dire Conscience. « La nature ne fait pas de sauts » ; tel que l’entend la tradition, ce principe a trait seulement à la nature extérieure, mais originellement et proprement il concerne la nature de l’esprit. La conscience ne saute pas, mais elle se développe et développe tout son contenu suivant des lignes de progrès constant, elle noue des attaches dans toutes les directions et selon toutes les dimensions à l’infini, elle tend et s’élève de toute particularité vers l’unité, vers l’unification ; une unité qui n’anéantit pas la discrétion, mais qui veille à ce qu’elle ne devienne pas, et à ce qu’elle ne reste pas dissolution, séparation »[66].

[65] Établissement d’une base historico-philosophique pour la compréhension de notre temps. (Deutscher Wille des Kunstwarts, Erstes Novemberheft 1915.)

[66] Page 99.

Cette opération de la conscience est spontanée et, si l’on ose dire, inconsciente pendant longtemps. C’est en vertu d’une loi naturelle et sans aucun secours délibéré de la raison, que la mémoire, par exemple, rassemble, coordonne et perpétue les images et les connaisances éparses dans tous les cerveaux humains, et c’est à leur insu que les générations nouvelles reçoivent par l’intermédiaire du langage « les acquisitions spirituelles d’époques depuis longtemps disparues »[67]. Mais il vient un moment où l’homme prend une vue claire et comme une seconde conscience du rôle unificateur que joue la conscience, et où il commence à vouloir accompagner celle-ci par la raison dans tous ses va-et-vient, à vouloir embrasser systématiquement tout ce qu’elle embrasse et réunit. « Ceci, qui est proprement la conscience de culture (Kulturbewusstsein), ne poind que tardivement dans l’histoire de l’humanité. Le Banquet de Platon est peut-être l’œuvre la plus centrale de l’histoire universelle de l’esprit (der geistigen Weltgeschichte), en ceci que pour la première fois ici, du milieu même de la plus entière naïveté créatrice, par quoi l’Hellade se distingue si particulièrement, la conscience comme tout d’un coup éveillée de la continuité de tout le spirituel, qui est ce que le mot culture signifie pour nous, s’exprime clairement et sans voiles. Il y a un moment du livre qui est comme le premier embrasement du jour, qui est le « Que la lumière soit, — et la lumière fut » de la création du monde spirituel : c’est celui où la sage Diotime, dans l’étrange esquisse d’une théorie de l’Amour qu’elle expose « comme un parfait sophiste »… à Socrate plein d’étonnement, représente la reproduction, aussi bien corporelle que spirituelle, comme étant l’immortalité — il vaudrait mieux traduire : l’immortalisation — du mortel, grâce à laquelle tout le périssable se perpétue malgré tout (ce que nous avons appelé le fait de la mémoire ; ce que Platon lui-même nomme : Mnémè) ; et où la même Diotime se met à dériver de là tout ce que nous appelons Culture et Conscience de Culture : c’est-à-dire à la fois la création poétique, les métiers, l’économie, la législation, la politique, les professions, les mœurs populaires, l’éducation, la science et au sommet la philosophie, qui, telle qu’elle est ici décrite, n’est rien d’autre que la conscience de l’unité dans tout cela, l’effort pour ramener tout cela à une loi dernière, extérieure à l’Espace et au Temps, laquelle pourtant reste en même temps constamment en relation avec le développement dans le Temps et dans l’Espace, car le but de l’Amour (c’est-à-dire de la Tendance vers l’Unité) n’est pas la seule contemplation du Beau (de l’Unité elle-même), mais la procréation dans le Beau, — la création de culture, dirions-nous (sondern das Erzeugen im Schönen — das Kulturschaffen, würden wir sagen) »[68].

[67] Page 100.

[68] Pages 100-101.

Je demande un peu de patience. Si l’on ne trouve pas ce passage absolument limpide du premier coup, il nous offrira néanmoins tout à l’heure une véritable mine d’indications des plus importantes sur l’essence du génie allemand.

Pour le moment contentons-nous d’en retenir cette idée, que la culture est susceptible de plusieurs aspects, suivant qu’il entre plus ou moins de conscience et d’intention dans l’effort de coordination et d’enchaînement du spirituel, en quoi elle consiste. Mais les formes de plus en plus élevées qu’elle peut revêtir ne sont pas forcément successives dans le temps ; du moins elles ne se remplacent pas forcément les unes les autres ; elles peuvent exister à la fois ; et, en effet, on les rencontre les unes à côté des autres, personnifiées, incarnées par les différents peuples civilisés. De même que les trois règnes de la nature physique existent simultanément, de même les différentes races humaines représentent et, pour ainsi dire, solidifient les modalités principales de la culture. Et plus les aspects qu’elles en condensent sont voisins les uns des autres, plus âpre est le conflit entre elles. Une petite différence entre des êtres, fût-ce sociaux, qui par ailleurs se ressemblent de très près est de toutes la plus inexpiable, celle qui est la source des plus violents antagonismes. Elle conduit tout droit à la guerre. La guerre est inévitable pour mettre au jour la forme la plus récente, la plus neuve et la plus complexe de la culture et pour permettre à l’humanité de s’y élever tout entière. Le combat (der Streit) est bien, comme le disait Héraclite, le Père de toute chose, « en ce sens que c’est lui qui éveille les forces qui sommeillaient ou qui naissaient à peine dans le sein créateur de l’humanité et qui les contraint à créer, à se créer elles-mêmes au monde (zum Sichanslichtschaffen)… Il est non pas la cause, mais un symbole pleinement valable de la création »[69].

[69] Page 101.

« Hiermit ist die Grundlage gewonnen », « Par là les prémisses sont gagnées, l’assiette est conquise »[70], s’écrie Natorp un peu naïvement et en montrant un peu trop tôt le bout de l’oreille. Et l’on devine l’usage qu’il va faire de cette base, l’usage qui peut-être seul a par avance déterminé son esprit à l’inventer et à y croire. Il va examiner tour à tour l’essence politique et « culturelle » de chacun des grands peuples actuellement en conflit et il découvrira que l’Allemagne est de tous celui qui contient la forme la plus avancée de la culture, et que la guerre est le seul instrument qui puisse l’en faire accoucher et qui lui permette d’en assurer l’avènement sur le monde.

[70] Page 101.


Mais si prévu que soit un tel développement, quelque impression que nous puissions éprouver de l’avoir déjà rencontré dans l’une ou dans l’autre des apologies du germanisme, par la façon dont il est ici conduit et par les observations auxquelles il amène incidemment son auteur, il mérite d’être étudié spécialement et de près.

Entreprenant, dans un nouvel article qu’il intitule Deutschtum-Volkstum[71], l’analyse des formes pour ainsi dire incomplètes de la culture, Natorp pose d’abord l’essence de l’État russe. (L’article a été écrit bien avant la révolution russe et dans un moment où l’Allemagne se croyait encore — ou feignait de se croire — menacée par le tsarisme.) Il montre la masse énorme, informe et passive du peuple russe qu’anime un obscur mais vigoureux sentiment de mutuelle dépendance, de cohérence intime, d’homogénéité originelle (Zusammengehörigkeitsgefühl), dominée par une minorité avide de pouvoir et qui lui imprime du dehors, par la force, une unité factice. « Le noyau de l’essence russe (des russischen Wesens), ceux qui passent pour ses connaisseurs les plus profonds le voient dans cela justement qui semble être la commune essence des peuples orientaux, dans une profondeur et une puissance originellement religieuses du sentiment de l’universalité, tel qu’il s’exprime d’une façon si saisissante dans la littérature russe, en particulier dans les romans de Dostoïevski. Mais ce sentiment demeure, somme toute, passif, pris dans un réseau confus de possibilités qui se combattent, et du sein desquelles des conceptions pleines de fantaisies, de forts ébranlements émotifs, des actes de violence surgissent avec richesse et vigueur, mais d’une manière chaotique et éruptive, par suite en se paralysant en tous sens les uns les autres et en se consumant par leur contradiction »[72]. La Russie est peut-être le réservoir de futures richesses humaines ; mais pour l’instant elle n’a d’existence qu’inconsciente et diffuse et ne participe de l’Unité, comme eût dit Platon, que d’une manière toute superficielle et toute mécanique, que par le despotisme politique qu’elle subit. Elle représente un état encore tout à fait rudimentaire de la culture et sa victoire serait une formidable régression. Ce serait peut-être le retour à l’état de Paradis. Mais Natorp pense et affirme que la civilisation ne peut être remontée et que le premier pas qu’a fait l’homme par delà le seuil du jardin d’Éden est à jamais irrévocable.

[71] Deutscher Wille des Kuntswarts, Zweites Novemberheft 1915.

[72] Page 126.

Contrairement à la Russie, les nations occidentales, France et Angleterre, acceptent sans restrictions ce pas, qui est en somme un pas vers la liberté. Elles sont imprégnées jusqu’à la moelle de l’esprit individualiste. Elles représentent la forme la plus différenciée que la civilisation ait atteinte. Chaque individu devient chez elles une entité rigoureusement indépendante. Elles se sont assimilé l’Unité jusqu’à la faire descendre dans la simple cellule sociale, jusqu’à la faire coïncider avec elle. Le grand principe d’égalité, proclamé et adopté par la France, décerne aux individus, malgré les différences considérables que la nature met entre eux, les mêmes droits et les mêmes devoirs, et réduit ainsi la société en éléments parfaitement distincts et isolables, quoique aussi ressemblants que possible. — En Angleterre, le libéralisme de la constitution permet à chacun le développement intégral de son énergie et produit ainsi une plus véritable et plus profonde indépendance des individus, celle qui se traduit et s’affirme dans l’action et dans l’entreprise. Chacun à sa façon, les deux peuples occidentaux offrent l’image de ce que l’humanité a su jusqu’ici réaliser de plus fin, de plus complexe et de mieux abouti, et ils peuvent revendiquer l’honneur d’avoir travaillé plus qu’aucun autre à former la « civilisation » moderne.

« Cependant, depuis déjà plus d’un siècle, l’Allemagne pose comme supérieure à l’exigence, comprise essentiellement dans le sens occidental, de la « civilisation », l’exigence de la « culture ». Ce n’est pas une simple modification verbale, mais nous comprenons sous ce mot quelque chose de radicalement différent. La « civilisation » se contente d’équilibrer de l’extérieur des individualités qui se tiennent les unes à côté des autres, sans rien qui les unisse intérieurement. La culture exige une aspiration convergente et de l’intérieur vers une unité non pas indifférenciée ni qui ne fasse qu’effacer, en cas de besoin, les différences, mais qui, dans la différenciation la plus riche et, somme toute, la plus illimitée qui soit, demeure malgré tout parfaitement cohérente en tous sens. (« Kultur » fordert inneres Zusammenstreben zu einer nicht unterschiedslosen oder bloss zur Not die Unterschiede abglättenden, sondern in reichster, in überhaupt unbeschränkter Differenzierung dennoch allseitig zusammenhängenden Einheit) »[73].

[73] Page 128.

Natorp n’a pas de peine à montrer que cette conception, ou plutôt que cette Forderung[74] a toujours été dans l’esprit allemand et que de toute la métaphysique post-kantienne il ne faut retenir justement que « l’effort pour pénétrer, par delà le vide de l’abstraction, jusqu’à l’Individuel concret, dans lequel cependant on reconnaît non pas quelque chose d’isolé, ou même qui soit théoriquement à isoler, mais justement la concentration la plus étroite, la plus intérieure de l’infini. » Leibniz déjà avait donné de ce besoin intellectuel une expression métaphysique frappante en imaginant ses « monades infinies, c’est-à-dire des unités individuelles, intensives, dont chacune, dans sa discrétion absolue, est un infini » et par là-même, bien qu’absolument fermée, « mire en soi » tout l’univers[75].

[74] Exigence.

[75] Page 129.

Le génie russe reste plein de possibilités et de promesses, mais encore confus et chaotique. La pensée occidentale, d’autre part, conçoit les deux opérations de la « généralisation » et de la « particularisation » comme distinctes et opposées, par conséquent comme ne pouvant pas se relayer l’une l’autre, comme simplement affrontées. C’est à cette conception qu’elle doit sa clarté transparente, mais superficielle. « L’esprit de la culture allemande, par contre, tend (strebt) en toute chose d’une façon consciente et conséquente vers la continuité la plus vraie, la plus intérieure. Il ne nie pas du tout ces deux phases (de la généralisation et de la particularisation) qui ne sont antagonistes qu’en apparence, mais il les présuppose, il les assume complètement en soi, puis aspire à les dépasser, et n’y aspire pas seulement mais les dépasse réellement. (Er verneint jene beiden, nur scheinbar zueinander gegensätzlichen Phasen durchaus nicht, sondern setzt sie voraus, nimmt sie vollständig in sich auf, aber strebt, und strebt nicht bloss, sondern schreitet wirklich über sie hinaus) »[76].

[76] Page 129.

Natorp lui-même reconnaît que ce n’est pas là une tâche des plus commodes. Il avoue même qu’il est impossible de s’en acquitter jamais complètement, car elle est infinie. « Ce qui est pour les autres le Tout n’est pour nous qu’un élément subordonné, employé au service d’autre chose et qui conditionne simplement de l’extérieur cet objet d’une autre essence que nous gardons devant les yeux comme un but qui n’est certainement pas accessible au sens commun du mot. (Darum ist, was den andern das Ganze, uns etwas Untergeordnetes, nur Dienendes, nur äusserlich Vorbedingend für das wesentlich Andre, das als freilich nicht im gemeinen Sinne erreichbares Ziel uns vor Augen steht) »[77].

[77] Page 130.

Au point de vue politique ce but que l’Allemand poursuit et vers lequel se précipitent toutes ses puissances, c’est l’abolition de la violence faite au monde par les États à forme conquérante (comme l’Angleterre), c’est l’établissement d’une « libre alliance d’États libres, formés de gens libres, à la place de toute la compétition et de tout le marchandage actuels. La paix par la liberté, par la liberté de tous, et par l’association des hommes libres, association qui aura ses racines dans la liberté, et liberté qui aura ses racines dans l’association, voilà ce que nous voulons emporter de vive force (das ist es, was wir erstreiten wollen) »[78].

[78] Page 130.

(Il faut avouer qu’à contempler les événements, même du point de vue le plus impartial, on ne se douterait pas que c’est là l’idéal à la réalisation duquel l’Allemagne est en train de travailler. Mais peut-être avons-nous les yeux brouillés par les préjugés, peut-être ne savons-nous pas voir les choses comme elles sont.)

En tous cas, Natorp ne prévoit qu’une objection à sa thèse, et d’un tout autre ordre : c’est que cet idéal, qui est dans le fond, prétend-il, celui qu’a toujours poursuivi l’Histoire tout entière, est dans une sorte de lointain éternel et qu’il fuit à mesure qu’on croit s’en rapprocher. « Eh bien ! répond-il, l’Allemand aime à regarder dans les lointains, dans les lointains éternels. Son instinct d’activité le plus profond s’éveille dans ce regard. Chez nous, c’est par un mouvement inné que les sentiments de chacun s’envolent et s’élancent quand, au-dessus de nous, perdue dans l’espace bleu, l’alouette chante sa fuyante chanson »[79]. Tout l’art allemand, toute la création allemande sont empreints du caractère de l’infinité ; et c’est justement ce qui les rend d’un accès si difficile aux autres races.

[79] Page 131.

Si l’on demande d’où vient cette forme si particulière qu’a revêtu l’Esprit justement en ce point du globe, si l’on veut savoir l’origine du Deutschtum, il faut répondre qu’elle est dans la situation assignée au peuple allemand par le résultat final des grandes fluctuations ethniques : « Au centre d’un continent point trop étendu et fortement différencié », il s’est vu dans l’obligation de se confronter et de s’expliquer sans cesse avec les formes les plus délicates, les plus fines, les plus nuancées de la conscience universelle, mais en même temps, de se replier toujours à chaque fois sur lui-même et pour ainsi dire de se regrouper sans cesse autour de son propre centre. Il y a là un fait qui n’a rien de mystique, ou du moins « qui n’est pas plus mystique que le fait même de la Mnémè : qui est que, dans ce que nous appelons Esprit et spirituel, rien ne se perd et rien n’existe en soi, mais que tout en soi demeure en relation avec tout et converge vers l’unité la plus hautement consciente, et cela non pas sous les genres et les espèces métaphysiques, mais d’une façon concrète, dans ce passage éternellement constant que nous appelons Vie ou Conscience (in jenem ewig stetigen Uebergang, den wir Leben oder Bewusstsein nennen) »[80].

[80] Page 132.

« C’est pour cette raison même que cette essence allemande n’est, comme il a déjà été dit, rien en soi de fermé, de fini, mais se trouve éternellement en devenir. C’est ce que tous nos grands hommes ont déclaré d’une seule voix, c’est ce qui s’exprime d’une manière absolument unanime dans notre inspiration artistique et philosophique, dans l’esprit dont nous animons l’Histoire, la Culture, l’Éducation, et qui toujours révèle une éternelle genèse issue d’une éternelle source, jamais quelque chose de clos, jamais un Tout fait. Aucune science ni aucune métaphysique ne peut prouver cela, cela ne peut se prouver que comme Dieu se prouve : par l’action et par la vie[81] ». Être Allemand pour l’Allemand, c’est donc d’abord un devoir : celui de le devenir. L’essence allemande « est en nous, mais seulement en ce sens que nous devons éternellement l’amener au jour ; c’est ce que les plus perspicaces d’entre nous ont compris et se sont imposé comme tâche. » « Aujourd’hui nous ne devons connaître aucun autre but que d’être une bonne fois enfin nous-mêmes des Allemands (dans ce sens suprême), de devenir des Allemands, de vouloir rester des Allemands. Nous le sommes, comme nous ne l’avons encore jamais été, nous le sommes en devenir, jamais nous n’avons été si forts en devenir. Nous sommes jeunes, les plus jeunes de tous, est-ce qu’on ne sent pas cela ?

[81] Page 132.

« Cela signifie d’ailleurs, pour aujourd’hui et pour demain, la guerre et non la paix. Car être jeune veut dire combattre. Mais cette guerre qui est notre guerre (dieser unser Krieg) est le chemin, le seul chemin possible vers la paix »[82].

[82] Pages 132-133.

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