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La Légende des siècles tome III

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II
SALOMON

Je suis le roi qu’emplit la puissance sinistre;
Je fais bâtir le temple et raser les cités;
Hiram mon architecte et Charos mon ministre
Rêvent à mes côtés;
L’un étant ma truelle et l’autre étant mon glaive,
Je les laisse songer et ce qu’ils font est bien;
Mon souffle monte au ciel plus haut que ne s’élève
L’ouragan libyen;
Dieu même en est parfois remué. Fils d’un crime,
J’ai la sagesse énorme et sombre; et le démon
Prendrait, entre le ciel suprême et son abîme,
Pour juge Salomon.
C’est moi qui fais trembler et c’est moi qui fais croire;
Conquérant on m’admire, et, pontife, on me suit;
Roi, j’accable ici-bas les hommes par la gloire,
Et, prêtre, par la nuit;
J’ai vu la vision des festins et des coupes
Et le doigt écrivant Mané Thécel Pharès,
Et la guerre, les chars, les clairons, et les croupes
Des chevaux effarés;
Je suis grand; je ressemble à l’idole morose;
Je suis mystérieux comme un jardin fermé;
Pourtant, quoique je sois plus puissant que la rose
N’est belle au mois de mai,
On peut me retirer mon sceptre d’or qui brille,
Et mon trône, et l’archer qui veille sur ma tour,
Mais on n’ôtera pas, ô douce jeune fille,
De mon âme l’amour;
On n’en ôtera pas l’amour, ô vierge blonde
Qui comme une lueur te mires dans les eaux,
Pas plus qu’on n’ôtera de la forêt profonde
La chanson des oiseaux.
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