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La Légende des siècles tome III
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XV
SHAKESPEARE
O doux être, fidèle et cependant ailé,
Ange et femme, est-il vrai que tu t’en sois allé?
Pour l’âme, la lueur inexprimable reste;
L’âme ne perd jamais de vue un front céleste;
Et quiconque est aimé devient céleste. Hélas,
L’absence est dure, mais le cœur noir, l’esprit las
Sont consolés par l’âme, invincible voyante.
L’éclair est passager, la nuée est fuyante,
Mais l’être aimé ne peut s’éclipser. Je te vois,
Je sens presque ta main, j’entends presque ta voix.
Oui, loin de toi je vis comme on vit dans un songe;
Ce que je touche est larve, apparence, mensonge;
J’aperçois ton sourire à travers l’infini;
Et, sans savoir pourquoi, disant: Suis-je puni?
Je pleure vaguement si loin de moi tu souffres.
La nature ignorée et sainte a de ces gouffres
Où le visionnaire est voisin du réel;
Ainsi la lune est presque un spectre dans le ciel;
Ainsi tout dans les bois en fantôme s’achève;
Ainsi c’est presque au fond d’un abîme et d’un rêve
Qu’un rossignol est triste et qu’un merle est rieur.
Ange et femme, est-il vrai que tu t’en sois allé?
Pour l’âme, la lueur inexprimable reste;
L’âme ne perd jamais de vue un front céleste;
Et quiconque est aimé devient céleste. Hélas,
L’absence est dure, mais le cœur noir, l’esprit las
Sont consolés par l’âme, invincible voyante.
L’éclair est passager, la nuée est fuyante,
Mais l’être aimé ne peut s’éclipser. Je te vois,
Je sens presque ta main, j’entends presque ta voix.
Oui, loin de toi je vis comme on vit dans un songe;
Ce que je touche est larve, apparence, mensonge;
J’aperçois ton sourire à travers l’infini;
Et, sans savoir pourquoi, disant: Suis-je puni?
Je pleure vaguement si loin de moi tu souffres.
La nature ignorée et sainte a de ces gouffres
Où le visionnaire est voisin du réel;
Ainsi la lune est presque un spectre dans le ciel;
Ainsi tout dans les bois en fantôme s’achève;
Ainsi c’est presque au fond d’un abîme et d’un rêve
Qu’un rossignol est triste et qu’un merle est rieur.
Quel mystère insondé que l’œil intérieur!
Quelle insomnie auguste en nous! Quelle prunelle
Ouverte sur le bien et le mal, éternelle!
A quelle profondeur voit cet œil inconnu!
Comme devant l’esprit toute l’ombre est à nu!
L’œil de chair bien souvent pour l’erreur se décide,
La cécité pensive est quelquefois lucide;
Quoi donc! est-ce qu’on a besoin des yeux pour voir
L’héroïsme, l’honneur, la vertu, le devoir,
La réalité sainte et même la chimère?
Qui donc passe en clarté le grand aveugle Homère?
Quelle insomnie auguste en nous! Quelle prunelle
Ouverte sur le bien et le mal, éternelle!
A quelle profondeur voit cet œil inconnu!
Comme devant l’esprit toute l’ombre est à nu!
L’œil de chair bien souvent pour l’erreur se décide,
La cécité pensive est quelquefois lucide;
Quoi donc! est-ce qu’on a besoin des yeux pour voir
L’héroïsme, l’honneur, la vertu, le devoir,
La réalité sainte et même la chimère?
Qui donc passe en clarté le grand aveugle Homère?
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