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La Puce de Mme Desroches

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LA PUCE DE JOSEPH DE L'ESCALE.
(Traduit du latin.)

Pucelette noirelette,
Noirelette pucelette,
Plus mignarde mille fois
Qu'un aignelet de deux mois,
Et mille fois plus mignonne
Que l'oisillon de Veronne,
Comme pourra mon fredon
Immortaliser ton nom?

Pucelette noirelette,
Noirelette pucelette,
Diray-je que nostre bien
Est petit au pris du tien,
Lors que quand tu veux tu baise
La bouche de ma mauvaise,
Et moy je ne sçaurois pas
En avoir aucun soulas,
Sans plus je nourris ma vie
D'une impatiente envie?

Diray-je que nostre bien
Est petit au pris du tien,
Quand, cachée sous l'enflure
De ceste belle vouture
Qui éleve en rond son sein,
Tu rassasies ta faim,
Mordillant, audatieuse,
Sa gorge delicieuse;
Puis, sautelant tout autour
De ce beau palais d'amour,
Plaine de delicatesses,
Plaine de douces liesses,
Tu fais mille et mille jeus
Dessus son sein amoureux;
Et elle, sentant ta playe,
Tousjours en embusche essaye
De te prendre, et va jurant
Ta mort si elle te prent.
Mais d'un saut promt et agile
Tu trompes sa main subtile,
Et tu t'enfuys droit au lieu
Où Amour, ce petit Dieu,
Asseuré fait sa retraicte,
Sa retraicte plus secrette,
Et où un autre ne peut
Arriver s'il ne le veut;
Qu'oncques la main ny la veuë
N'ont ny touchée ny veuë,
Et dont le penser sans plus
Me fait devenir perclus.

Pucelette noirelette,
Noirelette pucelette,
Diray-je que nostre bien
Est petit au pris du tien,
Quand, lors qu'un doux somme presse
Les beaux yeux de ma maistresse,
Seule tu cognois combien
L'archerot Idalien
Lui fait endurer de peine,
De peine douce inhumaine;
Seule tu sçais ses desirs,
Seule tu oys les soupirs
Dont seule, sous la nuit brune,
Les astres elle importune.
Puis, deçà de là, courant
Et sautelant, et errant
Dessus les rares merveilles
De ses beautez nompareilles,
Tu cueille un heur dont les dieux
S'estimeroient bien heureux.
Lasse en fin tu te reposes
Sur ceste gorge de rozes,
Et entre cent mille appas
Tu goustes un tel soulas
Qu'yvre de sa mignardise,
Tu mourrois soudain éprise,
Si ma belle, te sentant,
Ne t'alloit point poursuivant.
Bien heureuse sera l'heure
Quand il faudra que je meure,
Si, comme toy, je me meurs
Entre ces douces douceurs.

Pucelette noirelette,
Noirelette pucelette,
Si d'aventure je veux
Baiser sa bouche ou ses yeux
Pendant que le sommeil flate
Sa paupiere delicate,
Garde de la mordiller,
De peur de ne l'esveiller.
Ainsi, pucette noirette,
Noirelette pucelette,
Puisse tu dedans les Cieux
Luire entre les moindres feux,
Estoille guide asseurée
Des soldats de Cytherée.
Courtin De Cisse.

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