La Puce de Mme Desroches
LA PUCE DE EST. PASQUIER,
Advocat en Parlement.
Puce qui te viens percher
Dessus cette tendre chair,
Au milieu des deux mammelles
De la plus belle des belles;
Qui la picques, qui la poingts,
Qui la mors à tes bons poincts,
Qui, t'enyvrant sous son voile
Du sang, ains du nectar d'elle,
Chancelles et fais maint sault
Du haut en bas, puis en haut;
O que je porte d'envie
A l'heur fatal de ta vie.
Ainsi que dedans le pré,
D'un vert émail diapré,
On voit que la blonde avette
Sur les belles fleurs volette,
Pillant la manne du Ciel,
Dont elle forme son miel,
Ainsi, petite Pucette
Ainsi, Puce pucelette,
Tu volettes à taton
Sur l'un et l'autre teton,
Puis tout à coup te recelles
Sous l'abri de ses aisselles;
Or, panchée sur son flanc,
Humes à longs traits son sang;
Or, ayant pris ta pasture,
Tu t'en viens à l'adventure
Soudain apres heberger
Au millieu d'un beau verger,
Ains d'un Paradis terrestre,
D'un Paradis qui fait naitre
Mille fleurs en mes espris,
Dont elle emporte le pris,
Paradis qui me reveille
Lors que plus elle sommeille:
Là, prenant ton bel esbat,
Tu lui livres un combat,
Combat qui aussi l'esveille
Lors que plus elle sommeille.
Las voulut Dieu que pour moy
Elle fut en tel esmoy!
Toy seule par ton approche
Fais esmouvoir cette Roche,
Que mes pleurs, ains mes ruisseaux,
Que mes soupirs à monceaux,
Quelque veu que je remue,
N'ont jamais en elle esmeue.
Ha! mechante, bien je voy
Que j'ay ce malheur par toy.
Car, quand folle tu te joues
Maintenant dessus ses joues,
Puis, par un nouveau dessein,
Tu furettes en son sein,
Et que tu la tiens en transe,
Madame en toy seule pense,
Et luy ostes le loisir
De soigner à son plaisir;
Ou cette mesaventure
Pour laquelle tant j'endure,
Ce mal où suis confiné,
Vient d'un astre infortuné
Qui est entre toy et elle,
Entre la Puce et pucelle,
Ayans par un mesme accort
Toutes deux juré ma mort.
En toi seule elle se fie
Comme garde de sa vie.
Car, si en faisant tes jeux
Tu la piques, et je veux
Te tuer, fascheuse puce,
Au lieu où tu fais ta musse,
Ell' craint, pour ne rien celer,
Que c'est la depuceler,
Et bannir à jamais d'elle
Ce cruel nom de pucelle.
Ainsi, par commun concours,
Vous jouez en moy voz tours,
Et faut que pour un tel vice
Mon ame à jamais languisse.
Mais toy, Puce, cependant
Te vas, grasse, respandant
Dessus le Ciel de Madame;
Et de là tirant ton ame,
Tout autant que tu la poins,
Autant tu luy fais de poins;
Ains graves autant d'estoilles
En la plus belle des belles.
Je ne veux ni du Taureau,
Ni du Cyne blanc oiseau,
Ni d'Amphitrion la forme,
Ni qu'en pluie on me transforme,
Puis que Madame se paist
Sans plus de ce qu'il te plaist.
Pleust or à Dieu que je pusse
Seulement devenir Puce:
Tantost je prendrois mon vol
Tout au plus beau de ton col,
Ou d'une douce rapine
Je succerois ta poitrine,
Ou lentement, pas à pas,
Je me glisserois plus bas,
Et d'un muselin folastre
Je serois Puce idolatre,
Pinçottant je ne sçay quoy
Que j'ayme trop plus que moy.
Mais las! malheureux Poëte,
Qu'est ce qu'en vain je souhaite?
Cest eschange affiert à ceux
Qui font leur sejour aux Cieux.
Et partant, Puce pucette,
Partant, Puce pucelette,
Petite Puce, je veus
Adresser vers toi mes veus.
Quelque chose que je chante,
Mignonne, tu n'es méchante,
Et moins fascheuse, et je veus
Pourtant t'adresser mes veus.
Si tu piques les plus belles,
Si tu as aussi des ailes,
Tout ainsi que Cupidon,
Je te requiers un seul don
Pour ma pauvre ame alterée:
O Puce, ô ma Cytherée,
C'est que Madame par toy
Se puisse esveiller pour moy,
Que pour moy elle s'esveille
Et ayt la Puce en l'oreille.
A CATHERINE DES ROCHES.
(Traduit du latin.)
Soit que des vers Latins ou des François je trace,
Tu les chantes partout, ores qu'ils soient sans grace,
Et si ne puis sçavoir d'où me provient cet heur,
Si ce n'est que tu veus qu'ils vivent par ta bouche.
Je le croy; mais, helas! ô fortune farouche!
Tu fais vivre mes vers et mourir leur autheur.
E. Pasquier.
A E. PASQUIER.
Vostre encre est de ce just qui change l'homme en Dieu
Dont Glauque se nourrist quand il quitta son lieu
Pour les ondes, laissant nostre terre fleurie;
Comme le clair flambeau de ce grand univers
Ternit les moindres feus, la grace de vos vers
Fait mourir mes escris et me donne la vie.
C. Des Roches.
LA MESME DES ROCHES
AU MESME PASQUIER.
O second Apollon, je n'eus jamais l'audace
De penser honorer vostre excellente grace,
Je sçay que vostre honneur est hors d'accroissement.
De vostre beau Soleil je suis l'obscure nue,
Qui, au lieu d'exprimer vostre gloire cogneue,
Meurtris de vostre los le plus digne ornement.
A E. PASQUIER.
T u dis, Pasquier, qu'en consultant,
Sur la puce tu fais des vers;
Ne plain point le temps que tu pers,
Puis qu'en perdant tu gagnes tant.
Ach. D. H.