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La Puce de Mme Desroches

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LA PUCE DE BRISSON.
(Traduit du latin.)

Vous, grenouilles et souris,
Animées des escris
Du grand Prince des Poëtes,
Heureuses vrayment vous estes.

Toy, Passereau fretillard,
Caressé du vers mignard
De Catulle, ô que ta vie
Est à jamais annoblie!

En cas semblable voit-on,
Petit Coussin, ton renom
Eternisé par le stile
Du grave-docte Virgile.

Et toi, Puce, dont la main
De quelque autheur incertain
Immortalisa la gloire
Dans le temple de memoire.

Mais cela n'esgalle point
Nostre Pucette, qui poingt
Ceste charnure marbrine
De la docte Catherine.

Si ton heur tu cognoissois,
Qu'heureuse, Puce, serois,
De voir à l'envi ta vie
Par deux braves mains cherie!

Que si l'on marque les tours
Que tu brasses tous les jours,
Et ta petite pointure,
Seul moien de ta pasture,

Soudain l'on sent dans ses os
Une flamme, ains un Chaos,
On sent son ame envahie
D'envieuse jalousie,

Voyant, Puce, que tu peus
En mille beaus petits lieux,
Bannis de nostre lumiere,
Seule t'y donner carriere,

Qu'à toy il loist seulement,
S'il te plaist, impunement
Prendre folle ton adresse
Dans le sein de ma maistresse,

O que tu as de beaus traicts
De plaisir dont tu te pais,
Et dont se diversifie
Le doux apas de ta vie,

Car, s'il te vient à propos,
Tu vas prendre ton repos,
Ainçois te mets en dommage
Dessus son tendre visage.

Là tu piques son œil rond,
Voltiges sur son beau front,
Sur ses levres tu te poses,
Pareilles aux belles roses;

Ou, s'il te vient à desir,
Tu vas tes esbas choisir
Dessus sa gorge albastrine
Ou sur sa large poictrine.

De là tu viens suçoter
Deux tetons pour t'alaicter,
Et là, petite friande,
Se trouve aussi ta viande.

Soulée d'un bon repas,
Tu prens ton deduit plus bas,
La part qui m'est, helas! close,
Et que nommer je ne t'ose.

Bref, Pucette, s'il te plaist,
Rien d'elle caché ne t'est;
Quelque endroit où tu te porte,
Là t'est ouverte la porte.

Tu peus exercer tes tours
Par tout où tu prens ton cours:
Il n'y a voile ni robe
Qui tes plaisirs te desrobe.

Tu peus estancher sans fin
La soif et la longue faim
Dont tu te trouves saisie
De Nectar et d'Ambrosie.

Voila, Puce, les presens
De fortune que tu sens;
Mais tu as pris en partage
Un bien plus grand advantage:

Estant celebré ton nom
D'un Phebus, d'une Clion,
Et que chacun d'eux te pousse
Au ciel, de sa plume douce;

Estant celebré ton nom
Du Palatin Apollon,
D'un vers gaillard dont il louë
Les tours que l'Amour lui jouë;

Estant celebré ton nom
D'une vierge de renom,
Qui merite d'avoir place
Au haut sommet de Parnasse.

Ainsi, Puce, à qui mieux mieux
Ils te trompettent tous deux,
Se faisant chacun à croire
D'en rapporter la victoire.

Un homme chante ton heur,
Une vierge ton honneur;
Les Roches encor te sonnent,
Et les palais pour toy tonnent,

Et font courir jour et nuit
Par cet univers ton bruit,
Pour voir une belle vierge
Qui te serve de concierge.

Est-il aux Grands Jours venu
Quelqu'un qui ne t'ayt cogneu
Par les douces chansonnettes
De ces renommez Poëtes?

C'est pourquoy chacun de nous
T'estime heureuse sur tous;
Mais il y a bien encore
Un point qui plus te decore:

C'est que doux t'est le plaisir
Soit de vivre ou de mourir;
O point qui vraiment surpasse
Tout autre de long espace!

Car, si le sort inhumain
Te fait mourir de la main
De nostre gente pucelle,
Veus-tu une mort plus belle?

Et si, par un autre sort,
Tu meurs de ta belle mort,
Y a-t'il tombe plus belle
Que le sein d'une pucelle?

Quand les Parques de mes jours
Auront devidé le cours,
Vueillez, ô dieux, que je tombe
Sous une si noble tombe.
E. Pasquier.

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