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La Puce de Mme Desroches

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LA PUCE DE MACEFER.

Puce qui as entamé
D'un petit bec affamé
Le teton de ma Charite,
Pour y puiser la liqueur
Nourrice du petit cœur
Qui ton petit corps agite,

Du sang que tu y as pris
Sont animez les espris
Qui donnent vie à Madame;
Du sang que tu as sucçé
Ores dans ton corps mussé
Tu t'es composée vne ame.

Promethe vola le feu
Qui anima peu à peu
Le corps de l'homme de terre:
Du sang que tu as osé
Derober est composé
L'esprit que ton corps enserre.

Mais un vautour ravissant
Va tous les jours punissant
Le larcin du vieil Promethe:
Tu veux par un tel forfait
Que de ton corps il soit fait
Une huitiesme Planete.

Di moy, qui eust peu penser
Qu'on voulut recompenser
D'un loyer si honorable
Le larcin qui, odieux
Et aux hommes et aux Dieux,
Leur a semblé punissable?

Entre le nombre infini
Des hommes qui ont puni
Une si cruelle offense,
Un Lycurge s'est trouvé
Qui ce vice a approuvé,
Et l'a passé en souffrance.

Qu'il n'appelle cette fois
Le Dieu autheur de ses loix
Fauteur de sa volerie,
Qui hait encor, ce dit-on,
Cet ingenieux larron
Qui vola sa bergerie.

Et bien, si tu veux user,
Pour ton vol authoriser,
De la regle Laconique,
Puce, au moins contente toy
De ce que la douce loy
Ne punit ton fait inique.

Et ne crois que dans les cieux
D'un courage ambitieux
Ores ton petit cors saute:
Car le celeste pourpris
Ne peut estre juste pris
D'une si injuste faute.

Tu peux bien, pour t'excuser
De ce tien vol, accuser
Ceste marastre nature
Qui veut qu'un sang rougissant,
Lequel tu vas ravissant,
Soit ta seule nourriture.

Nature, qui t'a donné
Ton estre, a bien ordonné
Que tu vivrais de rapine:
Mais, pour punir ton peché,
Ell' veut qu'un ongle fasché
Creve ta foible poitrine.

L'effort de ton petit saut
Ne te peut guinder si haut
Comme lon te fait accroire,
Ni des beaux vers le monceau
Qu'apprend ce docte troupeau
Au temple de la Memoire.

Que si tu veux emprunter
Des aisles pour y monter,
Je crains que la cire en fonde,
Et que, cherchant un bon heur,
En desastre et en malheur
Icare tu ne seconde.


SONNET DU MESME.

Archer ingenieux qui, par moyens rusez
Avez en tant de lieux percé mon cœur fragile,
Qui frappez seurement de la flesche subtile
Aussi tost que de l'œil le but où vous visez,

Faites, je vous supply, et si bien m'instruisez,
Que je puisse percer, par une adresse habile,
Ce Rocher endurcy, ce rocher qui à mile
Aprentis de voz ars a mille traits brisez.

J'ay tant de fois voulu à ce Roc faire breche,
Tant de fois decoché de mon arc une fleche,
Et tant de fois j'ay veu ma fleche reboucher.

Faudroit-il, je vous pri, pour luy donner entrée,
Qu'elle eut la pointe humide en lieu d'estre acerée,
Veu que la goute d'eau entame le Rocher?

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