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La séparation des Églises et de l'État: Rapport fait au nom de la Commission de la Chambre des; Députés, suivi des pièces annexes

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DE LA RÉVOLUTION AU CONCORDAT

La suppression de la dîme, dans la fameuse nuit du 4 août, inaugure, pour le clergé, un ordre social nouveau. L’historique des discussions, qui agitèrent alors l’Assemblée nationale est suffisamment connu et nous ne l’entreprendrons pas ici. On sait qu’après avoir affirmé solennellement les Droits de l’Homme, l’Assemblée, inquiète à l’annonce des troubles et des violences qui affligeaient les provinces, lasses d’être pressurées, dans un mouvement spontané déclara que l’impôt serait désormais payé par tous les membres de la nation, que les droits féodaux seraient rachetables, et que les servitudes personnelles seraient radicalement abolies.

Ces sacrifices, acceptés du clergé et de la noblesse par le souci de sauver du naufrage l’existence même de leurs ordres, provoquèrent un bel enthousiasme. Avec une égale sincérité, chacun affirmait son dévouement à la chose publique par l’abandon d’un de ses privilèges, d’un de ses droits séculaires. Il se produisit ainsi comme un entraînement à la renonciation. A deux heures du matin, tout était consommé. Aussitôt, les membres du clergé, se ressaisissant, accusèrent l’Assemblée de précipitation.

Le 11 août, Camus se vit obligé de combattre le maintien des Annates, réclamé par de prétendus banquiers «en cour de Rome», qui en faveur de leur proposition se disaient partisans d’une entente entre la France et l’Italie. Camus déclara que les richesses expédiées à Rome étaient perdues pour la France.

La veille, Sieyès avait démontré qu’il avait été bien entendu, le 4 août, que la dîme appartenait, en toute légitimité, à l’Etat et que ce n’est point platoniquement que des sacrifices avaient été faits à l’intérêt national.

Le projet d’arrêté destiné à sanctionner les décisions prises pendant la nuit du 4 août était en butte aux attaques sournoises de deux ordres qui s’étaient, contre eux-mêmes, dépouillés de leurs plus chers privilèges. Mais, en dépit de tous leurs efforts, la nation eut le dessus. Le 11, tous les articles furent décrétés.

Le régime féodal était à tout jamais anéanti. Les dîmes de toutes natures se trouvaient détruites, «sauf à aviser aux moyens de subvenir d’une autre manière à la défense du culte divin.»

L’Etat paraissait donc, par cette formule, reconnaître une obligation le liant au clergé. Cependant, dans les écrits du temps, inspirés clairement par le tiers ordre, on lit que le prêtre doit vivre désormais de l’autel et que le fidèle doit contribuer à la dot du pasteur. Assurément, la situation de l’Etat vis-à-vis du clergé, n’apparaissait pas encore aux membres de l’Assemblée nationale sous un jour très clair.

Le tiers état réformateur se contentait du résultat positif atteint: 133 millions de livres, soit 250 millions de francs, revenant à la partie la plus travailleuse de la nation au lieu d’aller annuellement grossir les recettes du budget clérical.

Des obligations nouvelles, du fait même de cette suppression, liaient-elles l’Etat au clergé? Rien ne paraît moins certain. Mais il n’est pas moins vrai qu’une situation équivoque venait de surgir, situation qui durera jusqu’au 10 octobre, jour où Talleyrand spécifiera nettement les droits de la nation sur le clergé.

L’évêque d’Autun était partisan de l’accomplissement total des réformes. Il était d’avis que l’Etat devait assumer toutes les charges qui pouvaient le rendre tout puissant. Mais l’état des finances n’était-il pas tel que l’on ne saurait sans imprévoyance l’engager dans une série illimitée d’innovations? Et, puisque impérieuses sont les transformations de la Société, à quelles ressources extraordinaires l’Etat a-t-il le droit de faire appel?

Ce sont ces idées que Talleyrand développa, le 10 octobre, avec une clarté remarquable.

Ces ressources extraordinaires? Mais où les trouver sinon dans les biens du clergé? Et qu’on ne vienne point prétendre que l’Assemblée fera subir à cet ordre le faix d’une nouvelle charge. Les «charges politiques» ne peuvent être qu’allègrement consenties.

L’évêque d’Autun envisage ensuite les droits qu’a l’Etat de s’approprier les biens ecclésiastiques.

La nation souveraine peut sans conteste mettre la main sur les biens vacants des associations qu’elle juge inutiles. Cela est indiscutable. Peut-elle réduire le revenu des bénéficiaires vivants? Oui, si elle laisse au clergé ce qui est nécessaire à sa subsistance. Le surplus, elle l’emploiera au soulagement des déshérités de la nature et de la fortune, se substituant, de cette manière, à l’Eglise qui jusqu’alors avait le soin de l’assistance et qui était tenue selon l’intention première des donateurs du clergé.

La totalité des fonds du clergé s’élève à la somme de 70 millions et les dîmes, qui doivent être acquittées quelque temps encore, à 80 millions.

Une fois en possession de la fortune cléricale, c’est la subsistance de quatre-vingt mille ecclésiastiques qu’il faudra assurer. Talleyrand explique comment il entend les voies et moyens de cette opération.

Par la vente du capital, estimé 2 milliards, l’Etat rembourserait les rentes viagères et les rentes perpétuelles sur le roi. Le déficit serait comblé. Il resterait,—100 millions étant assurés au clergé,—35 millions pour former le premier fonds d’une caisse d’amortissement, destiné à adoucir la prestation de la dîme jusqu’au jour où elle serait définitivement abolie.

De nombreux applaudissements accueillirent la lecture de ce projet, dont l’impression fut ordonnée au nombre de 1.200 exemplaires.

Cependant il ne devait pas être donné à l’évêque d’Autun d’attacher son nom à la réalisation de cette grande opération financière.

Il est indéniable que son rapport avait montré à tous l’opportunité de la réforme, mais la leur avait fait apparaître complexe, difficile; la documentation était abondante, savante; mais ce n’est point un tel langage qu’entend une assemblée politique. C’est ce que comprit Mirabeau avec son sens affiné de conducteur de majorités. Aussi deux jours plus tard, le 12 octobre, inopinément, comme d’une manière épisodique, Mirabeau, en peu de mots, demande que la propriété du clergé fasse retour à la nation, «à charge par elle de pourvoir à l’existence des membres de cet ordre», et que la disposition de ces biens soit telle qu’aucun curé ne puisse avoir moins de 1.200 livres avec le logement.

Le principe de la nationalisation était ainsi posé.

Quand, le lendemain 13, la discussion s’ouvrit, la droite fit remarquer qu’un tel procès de propriété ne devait se juger qu’à la dernière extrémité. Et les membres du clergé tentèrent l’impossible pour éluder la question.

Mais on alla aux voix et l’Assemblée décréta que la proposition de Mirabeau allait être examinée.

Camus affirma que l’Etat ne peut toucher aux propriétés de l’Eglise, sans s’exposer à détruire ce «corps social». Plusieurs abbés s’essayèrent à prouver que la propriété du clergé ne peut être revendiquée par l’Etat, sinon contre tout droit et contre toute justice. L’abbé d’Eymar renforça son opinion de cette assertion que c’est vouloir porter atteinte à la religion que de salarier le clergé.

Mais Barnave revint au fait: la distribution des fonds assignés au service religieux appartient-elle à la nation? Il est deux sortes de biens: ceux qui ont pour source la nation et ceux qui viennent des fondateurs. Ces derniers appartiennent également de droit à la nation.

Les fondations ayant pour double objet l’assistance et le payement d’un service public ne sont qu’un dépôt entre les mains du clergé. Et Barnave déclara que, sans le bon vouloir de l’Etat, le clergé ne pourrait manifester aucune activité propre; les biens ecclésiastiques ne peuvent lui appartenir. Puis, quittant le domaine de la théorie, Barnave montre que l’état de choses national nécessite la nationalisation. La suppression des dîmes a dépouillé inégalement le clergé; il y a là une injustice à réparer. Enfin, dernier argument, par la vente des immeubles de l’Eglise, l’Etat évite la banqueroute.

L’abbé Maury répliqua que l’Assemblée, en tolérant le procès de la propriété ecclésiastique, allait au-devant d’un péril social; à remonter à l’origine des propriétés, on aboutit à la loi agraire. En outre, c’est ébranler les assises de l’Etat, car si le clergé n’est pas propriétaire des biens fonds, s’il est doté par le fisc, au premier revers dans les finances les particuliers refuseront de payer. La religion seule est la sauvegarde de l’Empire.

L’ancien gouverneur de la Guyane, Malouet, apporta au milieu de cette passionnante discussion, une note personnelle.

Pour lui, il reste indiscutable que les biens du clergé sont propriété nationale. L’Etat doit en régler l’emploi, afin que leur double destination soit rigoureusement remplie: entretien du clergé et soulagement des pauvres. Mais il ne saurait les aliéner sans méconnaître ses devoirs essentiels vis-à-vis de l’Eglise et vis-à-vis des malheureux; s’il lui est permis de disposer du revenu de ces propriétés, ce ne peut être que les années où, grâce à une meilleure administration, les ministres de l’Eglise étant entretenus et les pauvres secourus, un excédent résulterait des exercices.

Ce modus vivendi n’était pas conçu sans habileté. Il rallia de nombreux curés qui formèrent ainsi un parti intermédiaire, une minorité agissante mais faible. Contre les questions de principes, que la majorité posait inlassablement, on ne pouvait rien. Thouret proclamait que le clergé ayant cessé d’être un corps politique, son droit de propriété était inexistant puisque la loi ne connaît que les propriétaires réels. Ces corps ne peuvent plus posséder; sans spoliation, la nation peut donc reprendre au clergé les biens qu’elle lui avait seulement permis de posséder.

Les représentants du clergé s’évertuaient à rétorquer ces arguments de droit et de fait par tout un ensemble d’affirmations sèches, raides, scholastiques. Le clergé est une personne morale, disaient-ils; il peut être propriétaire. Le travail, les acquisitions sont de suffisants titres de propriété; mais, en réalité, il a acquis à deniers comptants et par échanges; ces actes ne sont pas ceux d’un usufruitier, mais d’un propriétaire.

Ce débat juridique eût pu s’éterniser si Mirabeau, le 30 octobre, n’était venu trancher la question avec son éloquence et sa logique coutumières. Loin d’accorder au clergé une qualité d’usufruitier, il ne voit en lui que le dispensateur des biens qui, depuis un temps immémorial, étaient à la disposition du roi. Et il démontre qu’il doit être de principe que la nation est seule propriétaire des biens de son clergé.

Le 2 novembre, il combat de nouveau, avec une force dialectique encore plus puissante, le second discours de l’abbé Maury, tissé de menaces et de sophismes canoniques. Il répond aussi, moins sèchement toutefois, aux paroles de l’archevêque d’Aix. Et il n’est pas une seule raison, parmi celles que le clergé met en ligne, qui résiste à ses arguments politiques et théoriques.

«Vous allez décider une grande question, dit-il. Elle intéresse la religion et l’Etat. C’est moi, messieurs, qui ai eu l’honneur de vous proposer de déclarer que la nation est propriétaire des biens du clergé.

«Ce n’est point un nouveau droit que j’ai voulu faire acquérir à la nation; j’ai seulement voulu constater celui qu’elle a, qu’elle a toujours eu, qu’elle aura toujours, et j’ai désiré que cette justice lui fût rendue, parce que ce sont les principes qui sauvent les peuples, et les erreurs qui les détruisent.»

Suivant Mirabeau, la nation a le droit «d’établir ou de ne pas établir des corps». «Ce n’est point la réunion matérielle des individus qui forme une agrégation politique. Il faut qu’elle ait une personnalité distincte et qu’elle participe aux effets civils. Or, de pareils droits, intéressant la société entière, ne peuvent émaner que de sa puissance.»

Par suite, la société, ayant le droit d’établir ou de ne pas établir des corps, a également «le droit de décider si les corps qu’elle admet doivent être propriétaires ou ne l’être pas».

«La nation, dit-il, a ce droit, parce que si les corps n’existent qu’en vertu de la loi, c’est à la loi à modifier leur existence; parce que la faculté d’être propriétaire est au nombre des effets civils, et qu’il dépend de la société de ne point accorder tous les effets civils: des agrégations qui ne sont que son ouvrage; parce qu’enfin la question de savoir s’il convient d’établir des corps est entièrement différente du point de déterminer que ces corps soient propriétaires.»

M. l’abbé Maury avait prétendu qu’aucun corps ne peut exister sans propriété. Mais Mirabeau lui répond:

«Quels sont les domaines de la magistrature et de l’armée? Quelle était donc la propriété du clergé dans la primitive Eglise? Quels étaient les domaines des membres des premiers conciles? On peut supposer un état social sans propriété, même individuelle, tel que celui de Lacédémone, pendant la législation de Lycurgue. Pourquoi donc ne pourrait-on pas supposer un corps quelconque, et surtout un corps du clergé, sans propriété?»

Mirabeau continue en disant que partout où des corps existent, la nation «a le droit de les détruire, comme elle a eu celui de les établir».

«Il n’est aucun acte législatif qu’une nation ne puisse révoquer; elle peut changer, quand il lui plaît, les lois, sa constitution, son mécanisme.»

Il ajoute que l’Assemblée devant laquelle il parle n’est pas seulement législative, mais constituante, et qu’elle a, par cela seul, tous les droits que pouvaient exercer les premiers individus qui formèrent la nation française.

Appliquant les principes au clergé, Mirabeau en déduit que la nation a le droit de décider que «le clergé ne doit plus exister comme agrégation politique».

Et si elle exerce ce droit, qu’en résultera-t-il? que deviendront les biens du clergé?

Mirabeau envisage plusieurs hypothèses: Retourneront-ils aux fondateurs? Seront-ils présidés par chaque église particulière? Seront-ils partagés entre tous les ecclésiastiques? La nation en sera-t-elle propriétaire? Il paraît évident que seule la dernière est légitime.

«Tous les biens de l’Eglise n’ont pas des titulaires; les titulaires mêmes n’ont pas des détenteurs, et il faut nécessairement que des biens qui ont une destination générale aient une administration commune.

«Il ne reste donc que la nation à qui la propriété des biens du clergé puisse appartenir; c’est là le résultat auquel conduisent tous les principes.»

Mais une question se pose alors: sera-t-il de l’époque de la loi, que la nation sera propriétaire, ou l’aura-t-elle toujours été? Faut-il, comme dit M. l’abbé Maury, tuer le corps du clergé pour s’emparer de ses domaines? Ou bien est-il vrai que l’Eglise n’a jamais eu que l’administration, que le dépôt de ces mêmes biens?

Mirabeau soutient cette deuxième thèse:

«En effet, dit-il, si tout corps peut être détruit, s’il peut être déclaré incapable de posséder, il s’ensuit que ses propriétés ne sont qu’incertaines, momentanées et conditionnelles; il s’ensuit que les possesseurs des biens, dont l’existence est ainsi précaire, ne peuvent être regardés comme des propriétaires incommutables, et qu’il faut par conséquent supposer pour ces biens un maître plus réel, plus durable et plus absolu.»

«... C’est pour la nation entière que le clergé a recueilli ses richesses; c’est pour elle que la loi lui a permis de recevoir des donations, puisque, sans les libéralités des fidèles, la société aurait été forcée elle-même de donner au clergé des revenus, dont ces propriétés, acquises de son consentement, n’ont été que le remplacement momentané. Et c’est pour cela que les propriétés de l’Eglise n’ont jamais eu le caractère de propriété particulière.»

D’ailleurs, ne rentrent-elles point dans la même catégorie que celles qu’on a appelées le domaine de la Couronne? Est-ce qu’il ne serait pas au pouvoir de la nation de l’aliéner, d’en retirer le prix et de l’appliquer au payement de la dette?

Pour décider cette question, Mirabeau compare les propriétés de l’Eglise avec toutes les autres propriétés qui lui sont connues. Elles n’en possèdent aucun des caractères.

«Elles n’ont pas été données à des individus, mais à un corps; non pour les transmettre, mais pour les administrer; non à titre de salaire, mais comme un dépôt; non pour l’utilité de ceux qui devaient les posséder, mais pour fournir une destination publique et pour fournir les dépenses qui auraient été à la charge même de la nation.»

Par contre, les possessions de l’Eglise ont la même origine, la même destination, les mêmes effets que le domaine de la Couronne.

«Les biens, comme le domaine de la Couronne, sont une grande ressource nationale. Les ecclésiastiques n’en sont ni les maîtres, ni même les usufruitiers; leur produit est destiné à un service public; il tient lieu d’un impôt qu’il aurait fallu établir pour le service des autels, pour l’entretien de leurs ministres; il existe donc pour la décharge de la nation.»

«C’est donc pour son intérêt personnel, et pour ainsi dire, en son nom, que la nation a permis au clergé d’accepter les dons des fidèles; et, si le clergé cesse de posséder ces biens, la nation seule peut avoir le droit de les administrer, puisque leur destination est uniquement consacrée à l’utilité publique.»

A la suite de ce discours, la sécularisation des biens du clergé fut votée par 568 voix, contre 346 et 40 voix nulles.

Par ce vote, l’Assemblée n’avait à vrai dire, fait que poser le principe. Comment l’appliquer dans la pratique? Mais des conséquences forcées découlaient naturellement de ce vote.

Le 13, Treilhard proposa de mettre le scellé sur tous les bénéfices, excepté les cures; ce qui fut décrété sur le champ. D’autre part, le Comité des finances s’inquiétait de l’état du Trésor. Le 19 décembre, un plan de son rapporteur, Le Coulteux de Canteleu, proposait la création d’une caisse, destinée à recevoir le produit de la vente des biens du clergé, caisse devenue nécessaire par le fait des votes précédents, particulièrement celui du 17 décembre par lequel Treilhard, au nom du Comité ecclésiastique, réclame la suppression de tous les couvents et maisons religieuses «dont l’inutilité est évidente». Ne seraient conservés que les ordres qui se consacrent à l’étude et au soulagement des malades. Le Comité prévoyait des pensions pour les religieux quittant le monastère.

De telles dispositions étaient inspirées par un sévère souci de l’équité. Mais elles n’eurent pas le don de plaire au haut clergé qui ne se fit point faute de manifester violemment son mécontentement. Déjà, il adressait des menaces directes à l’Etat, encouragé qu’il était par ceux de ses membres qui avaient passé la frontière.

L’Assemblée, prise par l’urgence de débats nouveaux, ne put discuter le projet de Treilhard que le 11 février 1790.

L’évêque de Clermont formula des vœux tendant à ce que les ordres monastiques reprissent leur ancienne splendeur; l’évêque de Nancy proclame que le catholicisme est une religion d’Etat. La séance du 13 fut des plus tumultueuses. En face des insolences de la droite, la majorité jugea trop modérées les propositions de Treilhard et elle décréta que désormais la nation ne reconnaîtrait plus les vœux monastiques et toutes les congrégations furent supprimées. Les établissements de charité et d’éducation étaient cependant maintenus provisoirement.

Cette loi porta au comble l’irritation du clergé. Des tentatives contre-révolutionnaires furent signalées en divers diocèses; et, avant toute opération financière, les immeubles de l’Eglise, que l’Etat avait repris, étaient discrédités en chaque province.

D’autre part, la dîme n’étant due que jusqu’en 1791, l’entretien du clergé devenait un problème pressant. Mais, comme les domaines ecclésiastiques répondaient seuls de cet entretien, il s’agissait de les arracher à l’Eglise qui les détenait encore.

Tout d’abord, l’Assemblée eut souci de rassurer les futurs acquéreurs des biens dits du clergé. Et comment, sinon en mettant à la charge de l’Etat la dette totale du clergé?

Ensuite, le 9 avril, le rapporteur du Comité des dîmes, le jurisconsulte Chasset, donna communication d’un projet de décret, aux termes duquel le traitement de tous les ecclésiastiques serait payé en argent. A cet effet, une somme déterminée serait inscrite au budget de l’Etat. Et les anciens biens ecclésiastiques, tenus en état par les départements et par les villes, administrés par des citoyens élus, produiront des revenus, qui serviront uniquement à payer les intérêts de la dette publique.

Chasset fixait les frais du culte à 130 millions.

Il était donc possible, avec une telle somme, d’assurer un traitement convenable aux membres du clergé. Mais c’est le principe même du salariat, que l’Eglise repoussait; et elle ne pouvait se faire à l’idée qu’elle était dépossédée de son titre de propriétaire. Il lui paraissait que, sans richesse matérielle, son prestige avait cessé d’être, ainsi que toute autorité morale et toute domination temporelle.

Aussi, est-ce solennellement, au nom de tous les établissements religieux, que l’évêque de Nancy déclare ne pouvoir consentir au décret et à tout ce qui s’en suivrait. L’archevêque d’Aix crut nécessaire d’user de moyens de conciliation et fit une offre de 400 millions hypothéquée sur les biens du clergé, qui en payerait les intérêts et en rembourserait le capital par des ventes progressives. Mais l’archevêque achevait son discours d’apaisement en évoquant la «puissance ecclésiastique», ce qui déplut à nombre de membres. Don Gerbe fut encore plus maladroit. «Il faut décréter, dit-il, que la religion catholique, apostolique et romaine est et demeure, et pour toujours, la religion de la nation, et que son culte sera le seul autorisé.» Un tel fanatisme, qui eut été compréhensible un siècle plus tôt déchaîna le tumulte et ce fut au milieu de propositions et de contre-propositions, de harangues menaçantes, que le projet Chasset fut adopté dans son économie essentielle.

Le clergé n’était plus désormais qu’un corps de fonctionnaires salariés par l’Etat. En moins d’un an l’Eglise catholique avait perdu tous ses privilèges; son pouvoir temporel, assise inébranlable de sa domination spirituelle, lui était ravi par l’Etat, maître de ses propres destinées.

Elle ne souffrit point pareille déchéance. Ses ministres s’enrôlèrent dans les rangs des ennemis de la Révolution, tandis que la nation, après avoir détruit l’édifice de l’ancienne Eglise, se donna pour devoir d’établir selon ses vues un nouvel ordre de choses religieux.

La constitution civile du clergé[4].—Le 6 février 1790, l’Assemblée avait chargé son comité ecclésiastique de dresser un plan de réorganisation du clergé. Afin d’accélérer ses travaux, elle adjoignit à ce comité quinze nouveaux membres qui, pour éviter les fâcheuses critiques, furent choisis parmi les amis de l’Eglise.

L’assemblée avait à cœur de se tenir en dehors des matières spirituelles. Son rôle, elle désirait le borner à déterminer législativement les rapports que l’Etat devait entretenir avec l’Eglise, à établir les nouveaux principes qui subordonneraient le clergé, service public, à l’administration nationale.

Il paraît surprenant que les réformateurs de l’Assemblée constituante n’aient pas aperçu ce qu’il y avait, dans leur tentative, de contraire à la réalité, à la nature même des choses. Prétendre transformer le clergé en un corps de salariés, soumis à l’Etat, n’était-ce point méconnaître le caractère de l’Eglise catholique, universelle, romaine, n’était-ce pas renouveler l’erreur du gallicanisme, aboutissant à la bulle Unigenitus?

La temporalité était l’unique domaine où les constituants se donnaient le droit de légiférer. Mais dès l’instant où l’Etat fait intervenir son autorité dans les matières de juridiction ecclésiastique, n’est-il pas fatal de le voir aux prises avec des questions de droit canon? On croirait vraiment que nos grands laïcisateurs avaient perdu le souvenir d’une époque, pourtant récente, où s’était affirmée avec tant de force la toute-puissance de Rome sur son clergé. D’autre part, si les visées de leur politique étaient de susciter à nouveau une église gallicane, comment n’eurent-ils pas la prévoyance de la mettre à l’abri de toute réaction, en s’assurant le dévouement de la plus forte partie du clergé?

Mais ce serait aller, croyons-nous, contre la vérité historique, que de prêter aux hommes de 1789 un projet aussi résolu dans leur esprit.

L’Eglise temporelle n’existait plus; aucun des privilèges d’autrefois ne subsistait. Cependant, la crédulité religieuse ne paraissait pas avoir reçu des atteintes sérieuses; à cette foi il fallait des serviteurs. L’Etat commit l’erreur de s’imaginer qu’il lui était possible de les créer de toutes pièces, de sa propre autorité; et cette Assemblée, qui se révoltait quand on lui proposait de décréter le catholicisme religion nationale, s’asservit à une collectivité d’hommes vivant du commerce de leurs croyances, tout en prétendant les soumettre à son despotisme, elle qui proclamait la liberté.

A cette époque de la Révolution, la paix et la liberté religieuses eussent pu être réalisées, si les esprits plus avisés avaient su reconnaître, dans le principe de la séparation des Eglises et de l’Etat, la solution de bons sens, la solution logique.

Bien au contraire, dans l’état de choses qu’elle prétendait instaurer, l’Assemblée nationale manifestera une légitime susceptibilité au sujet de son indépendance. Elle se montrera indignée, quand le pape Pie VI prononcera le 29 mars 1790, la condamnation des principes révolutionnaires. Et dans la crainte que ce clergé, qu’elle voulait à son service, ne prît au pied de la lettre les paroles enflammées du Saint-Siège, elle se décidera à rompre en visière avec Rome.

Mais, d’autre part, l’Assemblée ne fut pas longtemps sans s’apercevoir que les ecclésiastiques français, avec lesquels elle désirait négocier, lui échappaient chaque jour. Par tous les diocèses ils lançaient de fougueux mandements, encourageant la levée de libelles incendiaires, fanatisant les populations et leur ouvrant le Paradis si elles marchaient d’une belle ardeur à la guerre sainte. De terribles émeutes ensanglantaient le midi et l’ouest; les anciennes congrégations devenaient des armées et les autorités civiles, harcelées, insultées, menacées, ne pouvant plus arrêter le flot des émeutiers catholiques, faisaient le sacrifice de leurs jours.

Un tel spectacle eut dû ouvrir les yeux de l’Assemblée. En quels rangs du clergé avait-elle la possibilité de recruter ses troupes? L’Eglise tout entière s’insurgeait contre la nation!

Mais non. La Constitution civile, en dépit des événements, fut portée à l’ordre du jour le 29 mai et le 12 juillet, le projet était décrété.

Elle donna lieu à des débats extrêmement laborieux. Le clergé répétait comme une antienne que les pouvoirs de l’Eglise sont inaliénables, imprescriptibles et illimités, que Jésus-Christ n’a pas donné aux empereurs le gouvernement ecclésiastique et qu’enfin la législation, la juridiction, l’enseignement sont des droits inviolables.

Devant une pareille irréductibilité, il apparaissait difficile de composer. Les Constituants ne se laissèrent pas rebuter, tant ils avaient conscience que la nécessité sociale leur commandait la réglementation civile de l’Eglise. Ils avaient beau entendre et souffrir des panégyriques du pape dans ce goût: «Le pape a la primatie d’honneur et de juridiction sur toute l’Eglise», ils ne s’émouvaient pas et persistaient dans leur intention de soustraire le clergé français au pouvoir romain. N’est-ce pas Robespierre qui déclarait l’obligation pour l’Etat d’attacher étroitement les prêtres à la société, de leur inculquer la notion de l’intérêt public?

Les représentants ecclésiastiques révoltés contre les «hérésies» des réformateurs n’avaient pas à leur égard d’épithètes assez blessantes. L’une d’elles était que l’on conduisait la nation au presbytérianisme»! La majorité fit bon accueil à l’accusation. On proclama qu’en effet elle travaillait à fonder une église gallicane, libérée à tout jamais des doctrines ultramontaines.

Aussi sa constitution civile se ressent-elle, dans toutes ses parties, de ce souci de création politique, de cet effort, pour dresser l’édifice juridique où s’abritera la nouvelle Eglise.

Elle se divise en quatre parties: la première est consacrée aux offices ecclésiastiques, la seconde à la nomination aux bénéfices, la troisième a rapport au traitement des ministres de la religion et la quatrième établit les dispositions de la loi de résidence.

Le principe du titre Ier est que la configuration des diocèses reproduira les divisions départementales de l’Empire. Les seuls titres reconnus par l’administration sont ceux d’évêques et de curés; par suite, les offices autres que les évêchés et les cures sont abolis. De plus, l’évêque ne devient qu’un président de consistoire; le conseil, qui l’assiste, donne souverainement son avis. Ainsi désormais l’évêque ne sera plus le soldat obéissant du pape et, partant, les appels en cour de Rome ne seront plus possibles.

Le titre II réglementait la procédure de la nomination aux bénéfices. Les évêques et les curés seraient des élus du peuple. En effet, ne sont-ils pas assimilés aux fonctionnaires civils? Or, ceux-ci sont nommés par l’assemblée électorale; et, comme tels, les ecclésiastiques seront soumis à toutes les formalités ordinaires jusques et y compris celle du serment. Quant à l’investiture, elle serait donnée par le métropolitain du diocèse. Solliciter la confirmation du pape eût été un acte de rébellion contre l’Etat.

Les curés étaient élus parmi les prêtres ayant exercé le sacerdoce pendant cinq ans. Après avoir prêté le serment consacré d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi et de maintenir de tout son pouvoir la constitution décrétée par l’Assemblée nationale et par le roi, l’élu était admis à recevoir l’investiture canonique. Les curés avaient toute latitude, pour choisir leurs vicaires.

On voit que la direction de l’Eglise était mise tout entière entre les mains du pays. C’est ce que les adversaires de la loi se refusaient à tolérer; mais la disposition qui dépassait leur entendement était celle qui dépossédait le pape du droit essentiel du pontificat: le droit d’accorder ou de refuser l’institution canonique. Ils n’avaient pas de mots pour exprimer l’effet d’un tel outrage sur leur âme de chrétien. Quant à l’obligation du serment, c’était la consécration du schisme; les prêtres qui, cédant aux mesures coercitives de la nation, jureraient respect à la Constitution seraient déchus de leur dignité de ministres de Dieu. Mais les défenseurs du projet ne se dérobaient pas aux attaques. Et, tout d’abord, ils justifiaient l’élection en rappelant l’état primitif de l’Eglise, véritable démocratie. Et, pour expliquer la raison de l’éloignement où la Constitution tenait le pape, ils demandaient si le souverain pontife pouvait être autre chose, aux yeux des Français, que l’évêque de Rome.

Le titre suivant, qui faisait bénéficier le clergé d’avantages pécuniaires, fut adopté sans difficultés. La gauche de l’Assemblée s’éleva contre cette loi, qui rentait trop magnifiquement, à son avis, ceux-là qui n’étaient plus que des fonctionnaires. La réclamation demeura sans écho.

En outre, Robespierre invoqua la justice de l’Assemblée en faveur des ecclésiastiques «vieillis dans le ministère et qui, à la suite d’une longue carrière, n’ont recueilli de leurs travaux que des infirmités». Libéralement de nombreuses pensions de retraite furent octroyées aux invalides.

Enfin par la loi de la résidence, objet du titre IV, il était interdit aux évêques de s’absenter de leur diocèse sans y être autorisé par le directoire du département; leur absence ne pouvait s’élever au delà de quinze jours. De même, les curés et les vicaires, n’avaient pas le droit de séjour ailleurs que dans leur cure; si des nécessités impérieuses les réclamaient ailleurs, le directoire du district examinait leur demande de congé.

Aussi l’Assemblée ne pouvait-elle accorder aux ecclésiastiques le droit de poser leur candidature à des emplois qui les auraient obligés à rester éloignés de leurs offices. Cependant exception était faite pour les élections à l’Assemblée nationale et, d’autre part, la raison d’interdire au clergé l’entrée des divers conseils administratifs de leur commune ne subsistait plus; l’Assemblée même avait une tendance à encourager les prêtres à s’occuper des affaires publiques, puisque son ambition était de doter la nation d’un clergé patriote et libéral.

Chaque article donna lieu à de violents débats; lentement, péniblement on atteignit le 12 juillet et l’ensemble de la loi fut adopté.

Quelques jours plus tard, le 24, Chasset, au nom du Comité ecclésiastique, déposa un projet de loi sur les retraites, destiné à compléter les dispositions relatives au traitement du clergé. Les évêques supprimés, selon les propositions du Comité, devaient jouir des deux tiers du traitement qu’ils auraient eu s’ils fussent restés en fonctions, à la condition que le tout n’excédât pas 30.000 francs; les évêques se démettant de leurs fonctions recevaient pareille somme.

Il ne parut à aucun des membres de la majorité que la loi n’était pas suffisamment favorable au personnel de l’Eglise. On demanda même qu’il ne fut rien donné à ceux qui ne prouvaient pas que leur retraite était nécessitée par des raisons valables. Mais, par esprit de conciliation, et pour s’assurer le dévouement de tout le clergé, les vues du Comité furent adoptées.

Les largesses de l’Assemblée, loin de désarmer les ecclésiastiques, ennemis de la Constitution, prirent l’aspect d’une faiblesse et incitèrent davantage à la rébellion.

Le clergé démasqua sa politique. Il s’efforçait d’agir à la fois sur l’esprit du roi et sur celui du paysan; l’un et l’autre étaient sensibles aux prédications fanatiques. A celui-ci, il évoquait le roi, déchu de son autorité. A celui-là, il parlait du maître de tous les rois, du vicaire de Jésus-Christ, couvert d’invectives, bafoué, dont l’autorité spirituelle se trouvait compromise, sinon détruite, par les lois hérétiques de la Constituante.

Mais Pie VI, malgré son désir d’entrer en lutte contre la France révolutionnaire, hésitait, tergiversait, tant il avait souci de ne point exposer son domaine d’Avignon.

De son côté, le roi, pris entre les incitations du clergé et les menaces réservées de l’Assemblée, balançait à prendre une décision. Tout,—son éducation, ses intérêts, ses influences,—complotait à lui faire opposer son veto à la promulgation de la loi. Mais une telle indépendance vis-à-vis des législateurs ne pouvait que mettre sa couronne en péril. Dans son irrésolution, il réclama le secours du pape; celui-ci répondit que le dernier mot sur la constitution appartenait au sacré collège. Dès lors, Louis XVI, mis au pied du mur, promulgua, le 24 août, la loi religieuse.

Les évêques décidèrent de combattre sans le secours du pape ni du roi. L’archevêque d’Aix lança un manifeste qui, après la réfutation des théories laïques, provoquait à la guerre civile. Désormais, l’Assemblée allait avoir, à l’ordre du jour de ses séances, des interpellations incessantes sur les troubles cléricaux.

Sans tarder, elle prit des mesures énergiques pour vaincre la révolte de l’Eglise. Tous les évêques et les curés en fonction furent tenus de prêter le serment constitutionnel, dans la huitaine sous peine de perdre leurs offices. Ce décret, présenté par Voydel, fut rendu, le 27 novembre, grâce à un discours de Mirabeau, qui légitima avec une abondante éloquence, tout ce que l’Assemblée pourrait tenter, pour assurer le respect de ses droits.

Mais le roi ne peut se résigner à sanctionner le décret. Le peuple se soulève contre son souverain, que Rome subjugue. L’émeute gronde. Le roi est soupçonné de trahison. Et ce sera le premier ébranlement sérieux que son royaume subira. Les assauts furieux et répétés de l’Eglise contre le pouvoir national prépareront la mesure trop tardive qui deviendra le salut public: la séparation des Eglises et de l’Etat.

Il ne nous appartient pas d’exposer ici tous les événements religieux qui se placent entre la Constitution de 1790 et le décret du 27 novembre 1793. Avec eux, nous sommes dans la période de l’insurrection. Et, s’ils forment comme une trame serrée, si les actes législatifs auxquels ils donnent naissance, paraissent découler légèrement les uns des autres, c’est qu’à toute cette agitation il n’était qu’un aboutissant politique: la dénonciation de l’erreur législative de 1790, de la constitution civile du clergé.

Et si, par la force des choses on en arriva à abandonner l’Eglise à ses destinées, c’est que les législateurs acquirent l’expérience que toutes les mesures qu’ils pouvaient prendre à l’égard du clergé révolté seraient insuffisantes à assurer l’ordre et le respect de l’Etat laïque.

Le 18 septembre 1794, la Convention, par mesure financière, sur la proposition de Cambon, vota un projet, qui d’abord posait en principe que la République française ne payerait plus les frais ni les salaires d’aucun culte.

Ce principe, Cambon le dit formellement, était «dans tous les cœurs». Il n’était donc pas dicté uniquement par un état de choses financier; il résultait des leçons de l’expérience, et d’une cruelle expérience. «Proclamez un principe religieux, dit Cambon, de suite il faudra des temples, qui devront être gardés par des personnes, qui s’en prétendront les ministres; ils demanderont des traitements ou des revenus. S’ils réussissent dans leur première demande, ils élèveront bientôt de nouvelles prétentions, et, sous peu, ils établiront des hiérarchies et des privilèges.»

On ne saurait mieux faire apparaître le danger que fait courir à l’Etat une union avec l’Eglise. Mais, nous l’avons dit, ce n’est pas d’un coup que les conventionnels de 1794 arrivèrent à posséder une conscience aussi nette des intérêts supérieurs des deux partis. De 1790 à 1794, l’étape fut longue, ardue, sanglante; à diverses reprises, la solution finale ne manqua pas d’être présentée, formulée même et désirée.

C’est d’abord la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican, lorsque le pape, prévoyant l’annexion d’Avignon, refusa de recevoir notre ambassadeur, M. de Ségur. Dès que la nouvelle fut connue à Paris, le 30 mai 1791, le nonce fut informé d’avoir à quitter aussitôt la France. Rien alors ne put mettre un frein à la violence des ecclésiastiques contre la Constitution civile; et de nombreux curés assermentés, cédant à leur tendance ultramontaine, violèrent toutes les prescriptions de la loi, à plaisir, afin de la rendre inexistante. Ils ne tardèrent pas à atteindre leur but; la Constitution, qui avait donné naissance à un nouveau clergé, maintenant en révolte, n’était rien autre, à la fin de 1791, qu’un poids mort, qu’un monument législatif tout en façade, sans vertu, sans action, au nom duquel il fallait verser le sang, puisque l’Eglise en portant ses coups contre la Constitution, visait en plein cœur la nation. Il est donc tout naturel que, dès cette époque, de bons esprits aient cru politique pour l’Assemblée de détruire elle-même son œuvre.

André Chénier, dans une lettre adressée au Moniteur, le 22 octobre, disait que les prêtres cesseront d’être dangereux le jour où la nation se désintéressera des religions; «les prêtres ne troublent point les Etats quand on ne s’y occupe point d’eux».

Le 6 février 1792, l’Assemblée législative demanda au ministre de l’Intérieur, M. Cahier de Gerville, un tableau général de la situation du royaume. Celui-ci lut, à la séance du 18 février, un exposé détaillé de l’état de la France. Ce qui avait trait aux troubles religieux occupe la majeure partie de son rapport; et, en matière de conclusion, il exprimait de judicieuses pensées qui étaient le signe d’un nouvel état d’esprit:

Tout ce que peut faire une bonne Constitution, c’est de favoriser toutes les religions sans en distinguer aucune. Il n’y a point en France de religion nationale. Chaque citoyen doit jouir librement du droit d’exercer telle pratique religieuse que sa conscience lui prescrit, et il serait à désirer que l’époque ne fût pas éloignée où chacun eût la charge de son culte. Le fanatisme est comme un torrent qui détruit et renverse toutes les barrières qu’on lui oppose, et qui s’écoule sans ravage lorsqu’on lui ouvre les issues.... L’intérêt des prêtres ne doit entrer pour rien dans les combinaisons du législateur. La patrie attend une loi juste qui puisse entrer dans le Code des peuples libres, et qui dispense de prononcer ici ces mots: Prêtres et Religions.

Le 13 novembre 1792, au cours d’un important débat sur le régime des impôts, Cambon monte à la tribune de la Convention et formule le principe de la séparation tel qu’il découlait de la situation financière de l’Etat:

«Ayant à nous occuper de l’état des impositions en 1793, nous devions nous poser cette question: si les croyants doivent payer leur culte. Cette dépense pour 1793 qui coûterait 100 millions ne peut pas être passée sous silence, parce que la trésorerie nationale ne peut pas la payer. Il faudrait donc que le Comité des finances eut l’impudeur de venir demander le sang du peuple pour payer des fonctions non publiques. Votre Comité a regardé cette question sous tous les points de vue. Il s’est demandé: Qu’est-ce que la Convention? Ce sont des mandataires qui viennent stipuler pour tout ce que la société entière ne pourrait stipuler elle-même. Ils ne doivent point fixer des traitements lorsque chacun y peut mettre directement la quotité. Alors il s’est dit: faisons l’application des vrais principes qui veulent que celui qui travaille soit payé de son travail, mais payé par ceux qui l’emploient.»

Cependant en dépit de toutes les raisons puissantes qui militaient en faveur de la proposition de Cambon, Robespierre, Danton et quelques autres se rangèrent d’un côté tout opposé. Selon eux, l’Etat devait continuer à salarier son clergé pour ne point aggraver par une suppression radicale, le caractère de sédition qui éclatait de toutes parts; et la motion que Cambon développa en plusieurs séances fut définitivement écartée.

Il la reprit lui-même deux ans plus tard, quand la Convention décimée ne pouvait plus lui opposer ses antagonistes d’autrefois. La situation financière ne laissait pas que d’être encore plus alarmante, et les derniers conventionnels eux-mêmes trempés dans la tourmente terroriste, ayant appris jusqu’à quels crimes pouvait aller l’esprit d’insubordination du clergé, inclinaient vers l’unique solution capable de dissiper l’équivoque de 1790. Tous étaient partisans d’une rupture avec les errements des premières heures de la Révolution que, par une fausse conception des rapports du clergé et de l’Etat, il avait paru bon de conserver. Mais, sauf le financier Cambon, nul ne s’aventurait à exprimer l’esprit de la nouvelle politique.

Ce mérite revient à Grégoire qui, le 23 décembre 1794, fit la lumière sur les velléités communes à tous les conventionnels et formula les véritables principes de liberté en matière religieuse. Car il n’était pas suffisant de dire que, la Convention civile n’existant plus, l’Eglise avait seule à prendre souci d’elle-même. Grégoire s’élève au-dessus du moment et spécifie qu’absolument, dans tous les pays et dans tous temps, l’Etat n’a pas à légiférer en ce qui concerne les choses cultuelles.

«Le gouvernement, dit-il, ne peut adopter, encore moins salarier, aucun culte, quoiqu’il reconnaisse à chaque citoyen le droit d’avoir le sien. Le Gouvernement ne peut donc, sans injustice, refuser protection, ni accorder préférence à aucun. Dès lors, il ne doit se permettre ni discours, ni acte qui, en outrageant ce qu’une partie de la nation révère, troublerait l’harmonie ou romprait l’égalité politique. Il doit les tenir tous dans la juste balance, et empêcher qu’on ne les trouble et qu’ils ne troublent.

«Il faudrait cependant proscrire une religion qui n’admettrait pas la souveraineté nationale, la liberté, l’égalité, la fraternité dans toute leur étendue; mais si un culte ne les blesse pas, et que tous ceux qui en sont sectateurs jurent fidélité aux dogmes politiques, qu’un individu soit baptisé ou circoncis, qu’il crie Allah ou Jéhova, tout cela est hors du domaine de la politique.»

On ne peut pas mieux dire. Nous sommes loin de l’opinion terre à terre de Cambon. Mais Grégoire, sans doute, péchait par le défaut contraire; il perdait son époque de vue et disait la législation d’un siècle plus calme. Il réclamait que les autorités fussent chargées de garantir à tous les citoyens l’exercice libre de leur culte, en prenant les mesures que commandent l’ordre et la tranquillité. Mais permettre le libre exercice du culte, n’était-ce point déchaîner la fureur homicide du clergé contre la Révolution? Néanmoins, l’Assemblée manifesta clairement, avant de passer à l’ordre du jour, qu’elle était assez détachée des religions pour laisser les prêtres à leur pratique, «à la condition, dit Legendre, qu’ils ne rétrécissent point l’esprit public».

Les événements donnèrent raison à la Convention. Il n’était pas un point de la France où il ne fallut réprimer des émeutes cléricales, sinon des batailles rangées; la messe était un acte subversif. Et ce ne fut que lorsque la Vendée, définitivement écrasée, réclama, comme une justice, la libre pratique des cultes que la Convention crut possible de détendre sa politique de défense révolutionnaire.

Le 21 février, elle étudia un projet de décret ne réglementant que la police des cultes. C’était tout un ensemble de garanties contre tout culte qui deviendrait exclusif ou dominant; la liberté de chacun était minutieusement protégée. Plus d’oppression vis-à-vis de l’Eglise, mais une large et sévère surveillance.

Les communes ne pourront acquérir ni louer de local pour l’exercice des cultes; il ne peut être formé aucune dotation perpétuelle ou viagère, ni établi aucune taxe pour entretenir les prêtres. Aucun signe particulier à un culte ne peut être élevé, fixé sur quelque lieu que ce soit, sauf dans les Eglises et dans les maisons particulières. La République interdit en outre les exhibitions d’emblèmes, les proclamations confessionnelles, le port de tout insigne sacerdotal.

Les sanctions à toute cette série de prescriptions, nécessaires à rendre réelle la liberté de conscience, étaient des amendes de 100 à 1.000 livres et des emprisonnements d’un mois à dix ans.

A la faveur de cette loi, l’ancien clergé constitutionnel se réorganisa promptement. Le 17 mars, il lança une encyclique, à laquelle adhérèrent de nombreux évêques assermentés. Sa politique fut d’amener à lui les membres du clergé réfractaire; mais il n’y réussit pas.

D’ailleurs, bien que très agissant, le clergé gallican avait perdu toute popularité. Les croyants se tournaient vers l’Eglise dite orthodoxe, vers les insermentés et les émigrés. Chaque jour, les prêtres proscrits rentraient nombreux; et ils n’avaient rien de plus empressé, aussitôt sur le sol de la République, que d’user de la liberté nouvelle pour combattre les idées, les institutions et les hommes de la Révolution. Si bien que les menées audacieuses des anciens réfractaires provoquaient à la Convention, le 17 avril 1795, un violent débat qui aboutit au décret du 1er mai, condamnant à mort tous les émigrés saisis; les prêtres insermentés avaient un mois pour franchir la frontière.

Le clergé antinational ne tenait, en effet, aucun compte du décret sur la liberté des cultes; il disait la messe dans les églises qui lui étaient interdites et prêchait ouvertement le royalisme.

La loi du 21 février fut donc encore prématurée, puisque la révolte contenue éclata plus violemment que jamais. Cependant, la République, pour ne point exaspérer les esprits et pour faire cesser la guerre civile, mit toutes les églises non aliénées à la disposition des prêtres qui feraient acte de soumission aux lois du pays. Mais ce nouveau serment, le clergé ne voulut pas le prêter, et il considéra cette formalité comme un prétexte pour mettre encore en mouvement ses compagnies d’émeutiers. La Convention dut encore voter des lois de bannissement et compléter la loi sur la police des cultes.

Les prêtres gallicans, par contre, protestent de leur égal respect pour l’autorité civile et pour l’autorité papale; mais leurs efforts pour apaiser la lutte de l’Eglise romaine et monarchique contre la République n’aboutirent pas. Les prêtres réfractaires violèrent chaque jour la loi sur la police des cultes. Le Directoire, pour anéantir les ennemis de la nation se résout alors à attaquer directement la papauté; contre les prêtres insoumis il vote des lois de salut public. Mais les Anciens ne le suivent pas dans cette voie; ils désiraient plutôt l’indulgence à l’égard des révoltés; et, le 5 septembre 1796, les prêtres étaient admis à prendre jouissance des biens qui avaient appartenu à l’Eglise d’autrefois.

D’un autre côté, par l’intermédiaire du général Bonaparte, le Gouvernement fait pressentir le pape pour le décider à prêcher aux réfractaires la soumission à l’Etat. Le Saint-Siège, qui apercevait dans la République de sérieux symptômes de désagrégation, ne se hâtait point d’acquiescer; le triomphe de la contre-révolution l’assurait d’un meilleur avenir. En effet, elle était déjà triomphante. Les réfractaires, par la loi du 24 août étaient solennellement amnistiés: il fallut que la République, dans un sursaut d’énergie, se défendît par la loi du 19 fructidor, véritable coup d’Etat révolutionnaire. Le clergé insoumis et le pape subirent les durs effets de cette loi. Celui-là, par des prescriptions en masse, rapides et sans conditions; celui-ci par la lutte qu’il eut à soutenir dans sa ville pour empêcher que ne se dresse, en face de son pouvoir, un gouvernement démocratique.

A Rome, on ne recula point devant l’assassinat de l’ambassadeur Basseville et du général Duphot; et la République dut lancer contre son ennemi une armée qui fit prisonnier celui dont la Révolution avait tant à redouter.

Mais le régime de fructidor ne fut pas sans réveiller le fanatisme. Partout, ce sont des insurrections; les provinces sont travaillées par les prêtres qui, bien que bannis, viennent de nouveau ensanglanter la France. Plus qu’aux périodes troublées que le pays vient de vivre, la passion contre-révolutionnaire fanatise les esprits et devient, cette fois invincible. Le Directoire était au-dessous de sa tâche. Bonaparte s’offrit en sauveur.

Il voulut d’abord la restauration religieuse. Rien n’était plus politique pour l’accomplissement de ses ambitions. Un clergé gallican ne pouvait être utile à Bonaparte, puisque ce clergé, en dehors de Rome, était sans autorité sur le pays. Il était donc de toute nécessité que les relations avec le Saint-Siège fussent reprises. Mais un tel acte devait se produire à son moment. Bonaparte n’apporta aucune hâte malencontreuse dans la poursuite de ses desseins.

La pacification religieuse, il l’obtint par des mesures pondérées, où les concessions mutuelles s’équilibraient habilement. Son ambition n’était, semblait-il, que d’assurer la plus complète liberté des cultes; il y arriva sans secousses. Que lui demander de plus? Le clergé constitutionnel se passait de Rome. Le clergé autrefois réfractaire entretenait librement avec le Saint-Siège les relations qui lui convenaient. Sous ce régime, la France revenait au calme.

Le concordat de 1801.—Toutefois, Bonaparte poursuivait son idée. Pour exercer sur le pays le pouvoir du maître, il avait besoin de rétablir en France les pratiques religieuses d’autrefois; de plus, pour la complète réussite de ses ambitions politiques, il fallait qu’il pût mettre à leur service la complaisance, sinon la complicité du souverain pontife.

Dès la nomination du nouveau pape, le 14 mars 1800, le premier consul commença ses avances. Du premier coup, il offrait à Pie VII ses anciens Etats. Par la même occasion, il lui demandait son avis sur l’état de choses ecclésiastiques en France. Mais le gouvernement consulaire ne paraissait pas suffisamment stable au Saint-Siège pour qu’il engageât d’emblée des négociations.

Ce fut seulement au lendemain de Marengo, que le pape, s’attendant à voir l’Italie envahie par les troupes françaises fit entendre à Bonaparte qu’il était prêt à entamer des pourparlers. Selon le désir du premier consul, c’est à Paris qu’ils s’ouvrirent. L’archevêque Spina, bien que délégué officiel du pape était néanmoins sans pouvoirs pour traiter quoi que ce fût. Mis en face du représentant du Gouvernement, il exposa, d’une façon si casuistique les prétentions du Saint-Siège que l’accord entre eux ne put s’établir.

Le plan de Bonaparte n’était pas compliqué.

L’Etat salarie les ministres du Culte. On fait table rase: réfractaires et constitutionnels donnent leur démission. Le premier consul désigne les titulaires; le pape donne l’institution canonique. Les évêques nomment les curés. L’Eglise accepte la confiscation des biens ecclésiastiques. Tout le clergé prête serment de fidélité au Gouvernement.

Sur ces bases, l’entente est possible.

Mais Rome a d’autres visées.

En premier lieu, elle veut qu’il soit proclamé que le catholicisme est religion d’Etat en France. Quant aux réfractaires, aux ennemis de la République, ils avaient trop mérité de l’Eglise pour que le Saint-Siège pût les contraindre à donner leur démission. Quant aux évêques constitutionnels, il exigeait que tous reconnussent publiquement leurs erreurs.

D’autre part, le pape s’opposait aux règlements de police, quels qu’ils fussent. L’Etat civil n’avait aucun droit de commandement, de surveillance sur l’Eglise omnipotente. Enfin, en ce qui concerne les biens, il faisait abandon de ce qui avait été aliéné; mais il voulait que l’Eglise pût recevoir des biens-fonds par voie de legs ou de donation.

Tels étaient les desiderata du pape en face de ceux du premier Consul. Bonaparte aima mieux attendre l’écrasement de l’Autriche avant de conclure avec Rome. De son côté, le pape désirait connaître les résultats de la guerre avant de prendre de sérieux engagements avec le Gouvernement français.

Mais, après le traité de Lunéville, alors que les armées françaises occupaient tout le territoire de l’Eglise, Pie VII, par la force des choses, dut négocier avec le premier consul. Le délégué de Rome réclama Ferrare, Bologne et Ravenne. Il n’eut rien. Napoléon ne voulait point entendre parler de restitutions tant que le concordat, tel qu’il l’avait conçu et rédigé, n’aurait pas obtenu l’agrément du pape. Et, pour brusquer les choses, le premier consul expédia à Rome le diplomate Cacault, qui avait pour mission de forcer la main au pape. Mais il n’aurait pu y parvenir. Le pape avait fait dresser un contre-projet par une congrégation de cardinaux, et il se préparait à connaître la réponse qu’allait lui faire le premier consul, quand il reçut un avis officiel qu’un délai de cinq jours lui était accordé pour accepter le concordat présenté par la France.

Aussitôt le pape envoie à Paris un négociateur, muni de pleins pouvoirs, le cardinal Consalvi, qui, voyant sur place combien les hommes du Gouvernement et des hautes fonctions étaient contraires à l’idée d’un concordat, eut la crainte de laisser échapper l’occasion de traiter avec Bonaparte s’il ne lui faisait pas de pénibles, mais nécessaires concessions.

On ne parla plus d’une religion d’Etat; il fut question d’une religion catholique «qui est celle de la majorité des Français». Sur tous les autres points, Napoléon resta intraitable. Il exprima même le désir de voir l’Eglise soumise, sans arrière-pensée, à un règlement de police.

Le cardinal Consalvi ne se permit aucune objection. Le 15 juillet 1801, le Concordat était signé, mais il ne fut mis en vigueur qu’au mois d’avril 1802, après l’établissement de la législation à la police des cultes.

Il est indiscutable que le mécontentement contre le premier consul fut très vif dans toutes les sphères politiques fidèles aux principes de la Révolution. Le Conseil d’Etat même le désapprouva par son silence. Le clergé constitutionnel, qui voyait de nouveau s’ouvrir l’ère des bulles pontificales et, qui, en sa qualité, n’ignorait pas tout ce dont étaient capables la rouerie et l’astuce du Gouvernement romain, fit part à Napoléon de ses justes alarmes. Le Sénat, le corps législatif souffraient pour la dignité nationale, car, alors même que le Concordat était favorable aux intérêts de l’Etat français, il n’en restait pas moins que la France venait de conclure un accord avec le pape; or la France de la Révolution ignore Rome; elle ne saurait négocier avec le maître de l’Eglise.

Mais, par ses règlements de police, Bonaparte ne doutait pas de voir se calmer l’émotion des révolutionnaires. Le Concordat devait lui attirer les bonnes grâces de l’Eglise; ultérieurement il présenterait son interprétation de l’acte consenti avec la papauté, le correctif nécessaire, tous les tempéraments propres à faire de l’Eglise l’esclave docile de l’Etat.

On comprend que le premier consul n’ait éprouvé aucun besoin de dévoiler sa pensée entière. Il le ferait seulement le jour où le pape serait pris, pieds et poings liés, dans le piège du Concordat. D’ici là, il lui paraissait politique de laisser le champ libre à la cour de Rome, de l’encourager même à se donner des airs d’autorité souveraine.


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