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La séparation des Églises et de l'État: Rapport fait au nom de la Commission de la Chambre des; Députés, suivi des pièces annexes

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LE BUDGET DU CULTE CATHOLIQUE

Chaque fois qu’au cours des chapitres d’histoire qui précèdent nous avons rencontré un chiffre représentant les charges qui résultent pour l’Etat de son union concordataire avec l’Eglise romaine, nous nous sommes fait une obligation de le noter.

Il nous paraît cependant utile, au risque de faire quelques répétitions, de donner ici, dans une brève notice, un état des divers budgets des cultes, depuis le Concordat de 1801; ne serait-ce que pour répondre par une statistique victorieuse à ceux qui prétendent que la France républicaine est demeurée dans la limite stricte des obligations budgétaires qu’elle a souscrites envers l’Eglise.

M. Clemenceau, s’appuyant sur les chiffres fournis dans son ouvrage par M. Charles Jourdain[6] et sur la statistique dressée par M. Nicolas[7] avait déjà fait cet utile travail qui fut publié en articles dans le journal l’Aurore.

Nous nous sommes reportés à ces articles, aux sources qu’ils signalent, ainsi qu’à l’article inséré par M. Léon Say, dans son Dictionnaire des Finances.

Il résulte de nos recherches que le budget des cultes consenti par la troisième République, est trois fois supérieur au premier budget concordataire, qui est celui de 1810. Les années précédentes, le Concordat n’avait pas été appliqué dans sa rigueur et l’on connut le budget insignifiant de 1802 (1.258.197 francs) et celui de 1804 (4 millions environ).

Le premier budget, établi suivant les obligations concordataires, se répartissait ainsi:

Chapitre premier. — Service intérieur: traitement du ministre, des employés et frais de bureau 345.000 fr.
Chap. 2. — Traitement des ministres des cultes en activité (haut clergé) 1.480.234 fr.
Chap. 3. — Curés et desservants 10.660.000 fr.
Chap. 4. — Pensions accordées par décrets impériaux 156.000 fr.
Chap. 5. — Séminaires 700.000 fr.
Chap. 6. — Dépenses diverses 535.530 fr.
Chap. 7. — Dépenses accidentelles 493.236 fr.
Total 14.370.000 fr.

Aux termes du Concordat, l’Etat ne devait assurer que le traitement des archevêques et des évêques fixé, pour les archevêques, à 15.000 francs, et, pour les évêques à 10.000 francs, et celui des curés proprement dits, qui étaient divisés en deux classes; dans l’une, on touchait 1.500 francs, dans l’autre, 1.000 francs.

Il n’était rien alloué aux autres titulaires ecclésiastiques. Le traitement des vicaires généraux et des chanoines restait à la charge des budgets locaux.

Mais, dans la suite—première atteinte au Concordat—des dépenses furent mises à la charge de l’Etat.

Un arrêté consulaire du 14 ventôse an XI, assure à l’un des vicaires généraux de chaque archevêché 2.000 francs et 1.500 francs aux deux autres, ainsi qu’à tous les vicaires généraux reconnus des évêchés.

En 1819, ces traitements seront portés à 4.000 francs, 3.000 fr. et 2.000 francs, puis augmentés encore de 500 francs chacun, à partir de 1853.

Le même arrêté consulaire de l’an XI allouait 1.000 francs aux chanoines, dont le traitement fut également augmenté en 1819: ceux de Paris eurent 2.400 francs; ceux des départements 1.500 fr. On alloua depuis à ces derniers 100 francs de plus.

Notons que ces nouvelles obligations consenties par l’Etat n’empêchèrent point les départements et les grandes villes de voter des suppléments en faveur des vicaires généraux et des chanoines. Ils en ont joui jusqu’à ces dernières années.

Malgré les nouvelles charges qui résultèrent pour l’Etat de ces nouveaux traitements, le budget des cultes atteignait à peine, en 1817, la moitié de ce qu’il est aujourd’hui. Il a fallu l’Empire et le Gouvernement de l’ordre moral pour lui donner l’extension considérable qu’on lui a vu prendre.

On va voir, d’après les chiffres de M. Léon Say, quelle progression il a subi de 1860 à 1875. On notera ensuite un mouvement décroissant dû à ce que les gouvernements devenant démocratiques se sont refusés de plus en plus à accorder le concours de l’Etat au culte catholique pour l’entretien des bourses dans les séminaires et pour les secours aux communautés religieuses.

Voici la statistique de M. Léon Say:

ANNÉES. CARDINAUX
archevêques et
évêques.
Chapitre
de
Saint-Denis,
chapitre
de
Sainte - Geneviève.
MEMBRES
des
chapitres
et
clergé paroissial.
BOURSES
des
séminaires
et
secours.
SERVICE INTÉRIEUR
des
édifices diocésains.
Travaux
d’entretien
et
réparations.
TOTAL.
      fr.          c.     fr.          c.     fr.          c.     fr.          c.     fr.          c.
1860 1.698.975 78 35.876.588 78 2.007.561 91 8.595.493 64 48.178.620 11
1870 1.895.452 36 38.488.749 34 2.139.550 19 3.110.793 89 45.634.545 78
1870 1.915.896 69 39.271.305 20 2.086.908 57 2.932.138 70 46.206.249 16
1875 1.983.607 54 39.339.597 19 2.157.943 32 8.707.307 20 52.188.455 25
1880 1.449.009 12 39.076.981 27 2.021.647 02 7.609.226 27 50.156.863 68
1885    921.712 76 38.083.359 59    903.294 27 4.291.990 93 44.200.357 35

Les chiffres empruntés par M. Clemenceau aux deux sources que nous avons indiquées sont assez sensiblement plus élevés, bien qu’ils permettent de noter une progression semblable. On trouverait la raison de cette différence, en analysant les chapitres qu’ils représentent. Nous les donnons ici tels qu’ils se trouvent dans les articles de M. Clemenceau:

En 1817, le budget des cultes atteint 21.900.364 fr.
— 1820            —            —        24.711.777 fr.
— 1823            —            —        26.677.792 fr.
— 1826            —            —        30.584.581 fr.
— 1826            —            —        30.584.581 fr.
— 1830            —            —        36.513.573 fr.
— 1831 (monarchie de juillet), le budget des cultes atteint 34.624.789 fr.
En 1843, le budget des cultes atteint 37.687.694 fr.
— 1846            —            —        38.170.855 fr.
— 1847            —            —        38.970.855 fr.
— 1848            —            —        40 millions environ.
— 1853            —            —        44.498.699 fr.
— 1855            —            —        45.580.880 fr.
— 1856            —            —        47.422.136 fr.
— 1860            —            —        50.088.543 fr.
— 1867            —            —        54.035.667 fr.
— 1869            —            —        54.532.936 fr.
— 1871            —            —        49.963.526 fr.
— 1872            —            —        53.216.748 fr.
— 1876            —            —        53.727.995 fr.
— 1880            —            —        53.443.666 fr.
— 1882            —            —        53.365.866 fr.
— 1884            —            —        51.407.006 fr.
— 1886            —            —        46.348.763 fr.
— 1887            —            —        45.649.563 fr.

Depuis cette époque, le budget des cultes s’est maintenu à ce taux approximatif, que différents rapporteurs du budget des cultes, tels que MM. Georges Leygues et Lasserre, ont donné comme étant la conséquence inévitable des obligations concordataires.


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