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La Terre de Feu d'après le Dr Otto Nordenskjöld

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INTRODUCTION

Jusqu'à une date toute récente, la Patagonie et la Terre de Feu étaient demeurées complètement inconnues. Heureusement pour les géographes, des difficultés sont survenues entre la république Argentine et le Chili, à propos de la délimitation de leurs frontières à travers ces immenses territoires, et, afin d'aplanir ce conflit, les gouvernements intéressés ont dû entreprendre la reconnaissance méthodique des régions litigieuses. Dans cette œuvre l'Argentine a eu une part prépondérante; le docteur Moreno et ses collaborateurs du Musée de la Plata ont parcouru et relevé toute la portion de la Cordillère des Andes qui sépare les deux républiques. Un travail aussi considérable n'a pu être complet du premier coup, et, sur des contrées étendues de la pointe méridionale de l'Amérique du Sud, nos connaissances sont encore aujourd'hui très imparfaites. Ces circonstances ont déterminé un distingué naturaliste suédois, le docteur Otto Nordenskjöld, neveu du célèbre voyageur arctique qui vient d'être enlevé à la science, à entreprendre une exploration scientifique de la Terre de Feu.

Sur cette région, un Scandinave, plus que tout autre, peut rapporter des observations de la plus grande importance. Située dans l'hémisphère austral à une latitude correspondant à celle de la Suède méridionale, elle présente au naturaliste connaissant parfaitement les terrains et les conditions biologiques de l'extrémité septentrionale de l'Europe, les éléments d'un parallèle du plus haut intérêt entre les terres boréales de l'ancien monde et les terres australes du nouveau continent. A côté de cette question d'un ordre général, que de problèmes curieux à étudier à l'extrémité insulaire de l'Amérique du Sud!

La Terre de Feu, dont la superficie est égale à celle de la Suisse et de la Belgique réunies, offre deux aspects absolument différents: d'un côté, d'immenses plaines, de l'autre, des massifs d'âpres montagnes, dentelés de fjords, et dans ce cadre les contrastes les plus frappants, les oppositions les plus extraordinaires! Des forêts de myrtes et de magnolias peuplées de perroquets et de colibris, une végétation et une faune méridionales, et, à côté, des bras de mer parsemés, en plein été, de glaces flottantes: un paysage polaire au milieu de forêts qui évoquent le souvenir des régions ensoleillées.

En France, on sait les difficultés matérielles que rencontrent toutes les entreprises scientifiques du genre de celle que projetait le docteur O. Nordenskjöld. Nos Universités ne disposent pas, comme les établissements similaires étrangers, de fondations permettant aux chercheurs de poursuivre au loin leurs recherches sur le terrain, et chez nous l'initiative privée, si prompte dans certains cas, demeure le plus souvent indifférente aux œuvres qui ont pour objet l'étude de la terre.

A l'étranger, au contraire, les explorateurs ne font jamais en vain appel à la générosité de leurs concitoyens. En Suède, notamment, ils sont toujours assurés de compter sur la libéralité de Mécènes, et longue serait la liste des voyages qui ont été exécutés dans ces conditions. Toutes les expéditions scientifiques qui, depuis quarante ans, ont porté si haut le renom de la Suède, n'ont pu être menées à bien que grâce au concours de l'initiative privée.

Aussi, suffit-il au docteur O. Nordenskjöld de faire connaître l'intérêt de son voyage pour qu'il reçût la promesse de subventions de la part de l'Université d'Upsal, de la Société de Géographie de Stockholm et de généreux donateurs, parmi lesquels on doit citer le regretté baron Oscar Dickson, le Mécène de toutes les expéditions arctiques suédoises pendant plus de trente ans. Grâce à ce concours, le docteur Otto Nordenskjöld put s'adjoindre deux naturalistes: un botaniste, l'ingénieur P. Dusen, et un zoologiste, M. Axel Ohlin, l'un et l'autre ayant fait leurs preuves dans de précédentes explorations sous les latitudes les plus diverses. La mission une fois constituée, chacun de ses membres se mit en route de son côté. Rendez-vous était pris à Buenos-Aires.

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