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Le Banian, roman maritime (1/2)

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XI

Comment surtout se fait-il qu'après avoir revu leur patrie comme on revoit une maîtresse long-temps absente, ils se surprennent à regretter les lieux de leur long exil, le soleil de leurs jours de peine, l'air embrasé de leurs nuits sans sommeil, la mollesse énervante de leur existence épuisée?

(Page 197.)

Vie des Européens aux Antilles;—nouveau projet de pacotille;—une circulaire commerciale.

Sauter du hamac où vous dormez, où vous fumez, où la main nonchalante d'un nègre berce votre paresse pendant l'ardeur du jour, pour courir, avec la brise vivifiante du soir, à vos affaires, ou dans une pirogue qui vous emporte au loin vers d'autres tracasseries; passer de l'affaissement physique dont vous frappe un climat de feu, à l'activité d'esprit que vous impose le soin de votre fortune; emprunter, pour ainsi dire, à ce ciel qui pèse sur votre tête, à ce sol qui brûle vos pieds, leur inconstance, leur ardeur, leur mouvement et leurs caprices, pour pouvoir respirer sans danger l'air qu'ils enflamment, les tièdes vapeurs qu'ils exhalent autour de vous; étouffer les passions qui s'allument dans votre sang appauvri, pour tempérer cette fougue de la faiblesse même par les raffinemens d'une mollesse étudiée; chercher à masquer, par le luxe des folles dépenses, l'absence trop réelle des plaisirs simples qui vous manquent; se donner une table dispendieuse comme une jouissance, et redouter en face de cette jouissance le plus petit excès qui peut causer le moindre malaise, et trembler au moindre malaise qui peut occasionner la mort; recueillir avec délices les souvenirs du pays natal que l'on a quitté, pour oublier dans de longues causeries les privations présentes du pays que l'on est forcé d'habiter; soupirer pendant tout le jour après la fraîcheur de la nuit, et la nuit manquer d'air, manquer de sommeil, manquer de calme au milieu du silence de la nature, qui semble se reposer seule sous vos yeux fatigués; telle est la vie des Européens aux Antilles, vie d'abnégation, de regrets, de désirs non satisfaits, de souvenirs douloureux, de peines sans cesse renaissantes, et d'espérances presque toujours illusoires.

Et pourtant, contradiction indéfinissable! comment se fait-il que les Européens qui ont habité long-temps ces contrées que le ciel avait été si éloigné de faire pour eux, ne se détachent qu'avec un reste d'amour de cette existence que tant de fois ils ont maudite! Comment surtout se fait-il qu'après avoir revu leur patrie comme on revoit une maîtresse long-temps absente, ils se surprennent à regretter les lieux de leur long exil, le soleil de leurs jours de peine, l'air embrasé de leurs nuits sans sommeil, la mollesse énervante de leur existence épuisée? Y aurait-il, dans la vie des Européens aux Antilles, un de ces charmes secrets que l'on éprouve et que l'on ignore; un de ces charmes que l'on subit par instinct de volupté, et que toute la pénétration de l'homme ne saurait deviner ou expliquer?

Toute une année je courus les îles du vent, les îles de dessous le vent, les mornes, les bourgs, les villages, les carbets, échangeant d'abord le produit de ma pacotille primitive contre des marchandises du pays, et rachetant avec ces marchandises une pacotille nouvelle, pour échanger encore ces marchandises européennes contre des denrées du pays. Avec les petits crédits que j'obtenais des capitaines, et avec l'argent comptant que j'avais soin d'exiger de mes pratiques, je parvins à tripler à peu près mon capital. Le goût si prononcé que j'avais, en partant de France, pour les courses lointaines et les événemens inattendus, s'était évanoui, je crois, dans l'air absorbant que je respirais. La préoccupation de mes affaires avait chassé bien loin de moi les rêves de mon imagination, et le petit succès de mes premières tentatives m'avait heureusement préservé des séductions de mon âge, et des dangers de mon existence précaire. Malheureux dans mon début, je me fusse follement jeté peut-être dans les bras du hasard. Après avoir réussi au-delà de mes espérances, le désir d'augmenter et de conserver le bien-être que j'avais acquis m'attacha au positif de ma nouvelle situation.

D'ailleurs qu'aurais-je pu désirer de plus, avec les goûts aventureux qui m'avaient d'abord conduit à la Martinique? mon petit commerce n'exigeait-il pas sans cesse de longues absences, des traversées périlleuses dans des ports éloignés!… Mais pour cela même peut-être que ces déplacemens m'étaient devenus nécessaires, j'avais fini par les trouver pénibles. Rien ne guérit plus promptement les jeunes imaginations de la manie des événemens romanesques, que la vulgarité des formes que le besoin ou l'amour du gain donnent à ces événemens.

Mon année d'épreuve aux colonies s'était écoulée comme un mois en Europe. C'est une remarque à faire que dans les pays où les jours sont presque égaux aux nuits, la vie passe, se consume, avec une rapidité qui ne s'explique peut-être que par l'absence totale des points de l'appel dans la durée. En Europe, le changement si brusque, si remarquable des saisons, vous annonce à chaque instant, vous donne en quelques mots aux oreilles, l'heure où vous vivez. Dans les colonies, rien ne vous l'indique, ni l'air qui est toujours chaud, ni la végétation qui est toujours la même, ni le soleil qui se couche et se lève toujours aux mêmes heures. Là enfin des jours toujours égaux se suivent et se ressemblent toujours, pour séparer, avec leur éternelle régularité, des nuits sans cesse toujours égales aux jours semblables qui leur succèdent.

Un désir de jeune négociant, une idée de grand spéculateur s'empara de moi, dès que je pus m'appuyer sur une certaine somme, comme sur un trophée conquis par ma valeur. Je résolus d'aller en France remonter une autre opération, c'est-à-dire renouveler ma pacotille, et remplacer mes caisses d'eau de Cologne, et mes malles d'habits confectionnés, restées si glorieusement sur le champ de bataille, dans ma première campagne.

Je me trouvais au Petit-Bourg de Marie-Galante, quand ce beau projet fut arrêté soudainement dans ma tête, et je me rendis à Pointe à Pitre avec l'intention de profiter du premier navire à passagers, qui partirait pour le Hâvre, en donnant, bien entendu, la préférence au capitaine Lanclume, si j'avais le bonheur de le rencontrer sur Ladi.

Le trois-mâts le Toujours-le-même, ainsi que je l'avais espéré, était bien arrivé à la Pointe, mais sans mon ami Lanclume. En passant le long du bord dans ma pirogue pour demander des nouvelles de ce brave homme, l'officier qui l'avait remplacé m'apprit que Lanclume avait été suspendu pendant un an, par ordre du ministre de la marine, de la faculté de commander, pour avoir arboré à la mer le pavillon tricolore, et donné le nom du Grand Napoléon au Toujours-le-même.

L'attachement que j'avais pour ce pauvre martyr du napoléonisme, m'engagea à retenir mon passage sur son trois-mâts, et à payer ainsi du moins cette dette de reconnaissance au souvenir qu'il avait laissé pour moi à bord de son navire. Il fut convenu que nous appareillerions dans dix jours. Aucun autre passager ne s'était encore présenté, selon toute apparence je devais faire tout seul cette seconde traversée.

En passant, la veille de mon départ, dans la rue de la Martinique, je crus remarquer dans le fond de la boutique d'un petit fabricant de cigarres, une figure qui m'avait souri gracieusement. Je saluai d'abord, et j'approchai ensuite, et ce ne fut pas sans quelque surprise que je reconnus dans la personne qui venait de me gratifier d'une inclination de tête, M. Gustave le Banian, auquel je n'avais plus pensé depuis long-temps. Quelques mois auparavant, en m'apercevant dans la rue, M. Gustave se serait empressé de venir à moi, mais il me laissa venir à lui sans bouger de place, et je jugeai que c'était bon signe pour ses affaires. Il daigna cependant se lever et quitter son comptoir quand je fus rendu sur le seuil de sa porte.

«Eh comment, s'écria-t-il, il y a un siècle que nous ne nous sommes vus!»

En prononçant ces paroles, il avait à moitié risqué sa main droite vers moi. Je m'appuyai les poignets sur la hanche, et sa main droite se réfugia dans son gilet, en chiffonnant un peu le jabot qu'il portait.

Nous entrâmes en conversation après ce court échange de politesses. Il s'excusa de me recevoir en négligé et dans son magasin. Ce drôle avait un bel habit, puis une plume fichée à l'oreille droite, et les doigts légèrement tachés d'encre.

«Que faites-vous maintenant? lui demandai-je, pour entrer incidemment en matière.

—Des affaires sur place.

—J'aurais plutôt pensé que tous faisiez des cigarres.

—Oh non, ce n'est pas moi; c'est monsieur que vous voyez… Mais je vais vous expliquer tout cela en faisant un tour avec vous dans la rue.»

Il se lava délicatement l'extrémité des doigts, prit son chapeau, passa son bras assez timidement sous le mien, et m'entraîna à quelque distance de son échoppe, et en se dandinant avec complaisance sur ses hanches, il me dit:

«Je n'ai pas voulu m'étendre avec vous devant ces gens, sur le genre d'affaires que j'ai entrepris. J'ai été forcé de m'établir provisoirement dans ce magasin dont je n'occupe encore qu'une partie: le fabricant de cigarres, que vous avez vu, m'en a cédé la moitié… Mais je vous confierai, de vous à moi, que mes relations ont pris un développement qui va m'obliger à tenir un train de maison considérable. Je fais maintenant la commission du dehors, et les denrées américaines pour le dedans.

—Et avec quel argent faites-vous cela?

—Mais avec mon argent, parbleu! comment, vous ne savez pas les bénéfices que j'ai réalisés sur ma dernière opération de traite? trois capitaux pour un; c'est connu de toute l'île.

—J'ignorais même que vous eussiez des intérêts dans les opérations de traite.

—Ce sont des actions désespérées que j'ai achetées dans le temps, et qui sont venues à bon port. Oh! je suis maintenant en première ligne sur la place.

—Et en première ligne sur la rue, pensai-je en moi-même.»

Le Banian reprit:

«Vous pensez bien que, dans la position élevée que je me suis créée, j'aurais pu me donner, comme tant d'autres, des jouissances recherchées, des plaisirs variés; me loger dans des appartemens somptueux, avec une maîtresse titrée; mais j'ai pensé que les plus sûrs bénéfices à réaliser dans les affaires, sont les dépenses que l'on épargne. Ainsi, au lieu d'avoir une maison montée, je n'occupe que la moitié d'un magasin assez modeste, et, au lieu d'entretenir une maîtresse, je me contente de la femme du fabricant de cigarres qui m'a cédé une partie de son logement: c'est plus économique, et, avec cela, plus moral, plus respectable dans les affaires… Vous verrez enfin, pourvu que le hasard favorise le projet que j'ai en tête… Mais, dites-moi, on m'a appris que vous partiez pour la France; est-il vrai?

—Demain même nous appareillons.

—Eh bien, vous pouvez me rendre un signalé service, mais un service qui, cette fois au moins, ne vous coûtera rien. Il faut vous dire que j'ai déjà fait des circulaires pour ma maison.

—Entendons-nous un peu; car je vous demanderai d'abord si vous avez une maison? On ne fait ordinairement de circulaires dans le commerce, que quand les actes de société ont été dressés, ou les dispositions bien prises et bien établies.

—Dans le pays que nous habitons, la chose n'est pas aussi nécessaire, et l'on peut se passer ici, sans le moindre inconvénient, de la régularité que l'on apporte en France dans tous les petits détails de ce genre. D'ailleurs, il ne serait plus temps de revenir sur ce qui est fait. Ma circulaire a vu le jour, je l'ai lancée hier dans le monde, et déjà elle est en bon chemin. En voici, au reste, un exemplaire; lisez:»

Je lus:

Monsieur,

Des capitaux suffisans, une longue expérience acquise dans les affaires, une confiance méritée par une probité généralement reconnue, nous ont engagés à réunir nos efforts, pour fonder sur cette place une maison de banque et de commission, sous la raison Baniani Létameur et Compagnie. Nous n'avons pas besoin de vous assurer que l'activité la plus soutenue et l'économie la plus scrupuleuse présideront sans cesse au genre d'affaires auquel nous nous sommes consacrés, et nous osons nous flatter que les intérêts que vous voudrez bien nous confier, seront soignés de manière à mériter votre bienveillance, et à étendre les relations qu'il nous serait si agréable de nouer avec vous.

Nous avons l'honneur d'être, avec le plus sincère dévouement et la plus parfaite considération,

Vos très humbles et très obéissans serviteurs,

Baniani Létameur et Compagnie.

P. S. Notre sieur Baniani Létameur se trouve seul chargé de la signature sociale.

«Voilà, je ne vous le cacherai pas, dis-je au chef de la nouvelle maison, après avoir lu sa circulaire, voilà une chose qui me paraît furieusement hasardée.

«Il faut bien qu'elle soit hasardée cette chose, puisque je la hasarde.

—Oui, mais avez-vous raison de la hasarder? voilà la question. Tenez, discutons un peu les termes principaux de votre circulaire et les faits que vous annoncez. D'abord, vous commencez par dire: Des capitaux suffisans?

—Mais, oui, sans doute. Si les capitaux que je prends me suffisent, pourquoi ne dirais-je pas que j'ai des capitaux suffisans?

—Mais parce qu'ils sont suffisans pour vous, est-ce une raison pour qu'ils vous suffisent pour faire les affaires des autres, les affaires dont vous vous chargerez? Et puis une longue expérience dans les affaires?

—Eh bien! qu'y a-t-il de si étonnant à cela? j'espère que, depuis le temps où j'ai établi à Paris un bureau central de contremarques, jusqu'au moment où je me suis avisé d'acheter ici des actions de nègres, il s'est écoulé plus d'une semaine, et qu'on peut bien, par-dessus le marché, me compter l'année que je viens de passer à courir tous les bourgs de la colonie, le magasin sur le ventre!

Une confiance méritée par une probité généralement reconnue… Je veux bien croire à votre probité, mais qui la reconnaît généralement?

—Qui? mais vous tout le premier!

—Oui, depuis notre conversation du Galion, n'est-ce pas?… Pauvre garçon! Et quelle diable d'idée encore avez-vous eue de vous nommer de votre plein gré Baniani, comme pour rappeler tout justement le surnom de Banian, que l'on vous a donné, au vu et au su de tout le monde, dans l'île? N'était-il pas de votre intérêt de chercher plutôt à cacher ce sobriquet à tous ceux à qui vous écrivez, que de vous exposer à mettre sur la voie les personnes qui ne vous connaissent pas encore?

—Que vous êtes neuf en affaires encore, mon pauvre cher monsieur! Comment, vous n'avez pas deviné tout d'abord, en lisant ma circulaire, que c'était précisément là le coup de maître? Donnez-vous seulement la peine de raisonner un instant avec moi, et suivez bien le fil de ce raisonnement-ci: Premièrement, n'est-ce pas, il ne dépend plus de moi d'empêcher toute la colonie de m'appeler le Banian? C'est un nom qui me restera en dépit de tous mes efforts, et il y aurait même folie de ma part à chercher à m'en dépêtrer. C'est donc à tourner la difficulté qu'il a fallu m'appliquer, dans l'impossibilité totale où j'étais de la vaincre et d'en triompher. Or, je me suis dit: toutes les personnes étrangères qui recevront tes circulaires, ne manqueront pas de s'informer de toi, et les gens qui te connaissent ne manqueront pas non plus de leur apprendre que l'on t'appelle ici le Banian. Mais comme ces personnes étrangères auront déjà lu sur tes circulaires le nom de Baniani, elles attribueront tout de suite le surnom de Banian, que l'on t'a donné ici, au nom de Baniani, que tu portes dans ta nouvelle raison de commerce, et dont on aura fait l'abréviatif Banian. Tout ainsi s'expliquera donc à mon avantage, pour les étrangers. A la Martinique même, avec le temps, on finira par confondre les deux noms ensemble, et, dans quelques années, les nouveaux venus, la population régénérée, ne saura plus elle-même dire pourquoi on m'appelle plutôt Banian que Baniani, ou Baniani que Banian. Vous voyez bien, par conséquent, qu'en jetant une utile confusion sur ces deux dénominations, de manière à dérouter la piste de la malveillance et à tromper les conjectures de l'ignorance, j'ai fait un vrai coup de maître. Et qu'importe, au surplus, le nom qu'on se donne! c'est la manière dont on le porte qui seule en fait la valeur! Vous verrez quelle sera dans peu la maison Baniani Létameur et Compagnie, que je viens de fonder, et à laquelle mon génie commercial a su déjà ouvrir la carrière de la fortune!

—A cela je n'ai rien à répondre: vous avez prévu les inconvéniens à éviter et les avantages à assurer. C'est au mieux, et je commence à croire que vous pourriez être né, comme vous le dites, pour les grandes affaires… Je dois même avouer que dans le peu d'instans que vous venez de m'accorder pour m'expliquer vos projets, j'ai cru remarquer un changement avantageux dans votre langage et même dans votre style. Vous ne vous exprimez plus comme à bord, avec cette exaltation romantique que j'ai pris quelquefois la liberté de blâmer en vous. Votre circulaire même me paraît écrite en termes simples, intelligibles et convenables, du moins quant à la forme à donner à ces sortes de lettres banales employées dans le commerce. Ce progrès prouve, selon moi, plus de maturité dans les manières, plus de rectitude dans les idées…

—Eh! sans doute qu'il s'est opéré une révolution totale chez moi. A bord vous ne m'avez connu que quand j'étais petit garçon, imbu des idées que j'avais puisées dans la vie de Paris, et tourmenté par les vexations inouïes d'un féroce et farouche autocrate de navire… Mais une année de colonie m'a pesé sur la tête depuis ce temps-là. Aujourd'hui c'est au positif que je vais par toutes les routes du positif. Le commerce n'aime pas les phrases, et il ne se fait pas avec de la littérature… La science des chiffres, me suis-je dit, vaut bien l'art des mots, et le calcul des bénéfices, le sombre drame des passions: je compte tout et je ne me passionne pour rien… Voilà pourquoi maintenant vous me trouvez précis dans mes discours, réservé dans mes manières… Mais vous partez demain, m'avez-vous dit?

—Oui, demain et demain matin même, toutes mes dispositions sont faites pour cela.

—En ce cas, c'est vous qui serez chargé de porter mes premières circulaires en France. Toutes les adresses sont déjà mises sur elles. L'almanach du commerce m'a fourni les noms des maisons respectables auxquelles il convient de faire part de l'établissement que je viens d'élever. Vous n'aurez qu'à jeter ce ballot de lettres à la poste du Hâvre, et j'espère bien que, sur le grand nombre de négocians à qui j'annonce ma raison sociale, il s'en trouvera quelques-uns desquels je finirai par obtenir de bonnes petites consignations… La nouveauté a encore tant de charmes, même dans les affaires!…

—Oui, ce sera effectivement de la nouveauté, comme vous le dites… Je me chargerai volontiers, au reste, de votre ballot de circulaires; mais n'oubliez pas que le navire part demain.

—Ce soir le paquet que je confie à votre obligeance et à ma bonne étoile sera à bord… Comment déjà se nomme le navire sur lequel vous avez pris passage?

—Je vous l'ai déjà dit: le Toujours-le-même!

—Ah! c'est vrai, le Toujours-le-même, le fatal Toujours-le-même! Je devrais bien me défier de ce nom infernal, car je suis payé pour cela… Mais le capitaine n'étant plus le même heureusement, et vous étant là toujours, je m'abandonne entièrement à vous… Adieu, mon cher ami… Je vous remercie des bons conseils que vous m'avez toujours prodigués, et j'espère un jour pouvoir vous témoigner toute ma reconnaissance. Adieu, le ciel vous accorde un bon passage, et permettez-moi de vous serrer cordialement la main en vous quittant!»

Le soir même, le ballot des circulaires Baniani Létameur et compagnie était à bord, et nous appareillâmes le lendemain pour retourner en France.

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