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Le goéland

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IX

D’où viens-tu, printemps éternel que précède un souffle mystérieux ? Quelle douceur d’amour traverse le sous-bois pour que dans les touffes de genêts, petite aile d’or, s’accroche de loin en loin une fleur messagère ? O pignadas, temple sylvestre aux innombrables et minces colonnes incrustées de rouille, voici que vole d’écorce en écorce l’acier qui vous blesse et que recommence de s’écouler votre vie secrète en perles et en stalactites aussi précieuses que la cire antique des abeilles.

Les petites crosses des fougères soulèvent en foule le sable noir. L’eau se précipite dans ces sinueux ruisseaux des forêts où se renversent, chevelures défaites sur un fond d’alios, les herbes submergées.

Le soleil, selon un rite divin, pénètre le monde comme une large et tendre mélodie. Sa flamme délivre les parfums cachés. Le ciel et la terre ruissellent de lumière, d’aromes et de joie. O déesses de la mer, si la coupe étincelante de feux azurés berçait encore vos seins plus blancs qu’un flocon d’écume, l’heure serait venue de ceindre vos fronts de goémons et d’algues.

Déjà les chœurs épars des oiseaux de passage dénouent leurs guirlandes. Les brises font sur la nappe claire de longues glissades. Joyeuse et légère, sur l’aile penchée de sa voile, la barque s’élance. Odeurs marines, embaumez la danse du vent ! Chantez, virginales, la fécondité qui s’annonce, le temps auguste où les eaux amères s’alourdissent d’innombrables germes.

Les mystères sacrés de la vie s’emparent du monde. O rivage, quel chant merveilleux te baigne ; et toi, forêt, quelles amours se cachent, parcelles d’encens, sous tes grottes de feuillage que criblent d’or blanc les flèches d’avril. Ton silence est tout bourdonnant d’aromes. Comme une flamme cuivrée court de touffe en touffe la fleur de l’ajonc.

Une ivresse enchantée a soudain changé la face de la terre. Il n’est pas, autour de la plus pauvre maison humaine, un petit jardin que le printemps n’annexe à son royaume. Lilas, ornez-vous de thyrses massifs ; enroulez, rosiers, autour des poteaux qui portent le toit, vos serpents de fleurs ; et vous, acacias, préparez sur le port vos cascades embaumées d’une écume blanche où gronde de joie l’essaim des abeilles.


A Piraillant.

C’était la dernière cabane au bout du rempart couvert d’une couche craquante de coquilles d’huîtres. Des flaques de genêts coulaient sur la dune. Il y avait deux acacias devant la porte et un banc sous le volet de bois qu’on attachait le soir avec un crochet.

Il fait bon travailler au soleil de Pâques. Les marins qui se pressent dans ce ramassis de bicoques, couleur de guenille, dégringolant jusqu’à la plage, trouvent leur commodité à vivre le plus près possible des parcs. Les « pétroleuses » foncent sur les grands carrés que dessinent dans la mer les branches de pins.

C’est la saison où viennent de l’océan dans le bassin les gros poissons qui mangent les huîtres. Partout on veille aux clôtures, on les consolide. Il y a au bas des palissades une rangée de ces petits épieux, hauts comme la main, bien aiguisés, que les parqueurs appellent des « pointus ». Les tères, sortes de raies aux ailes épaisses, quand elles cherchent à passer, se piquent et s’en vont. Les « pointus » leur font des estafilades. On en trouve des tas bien rangés derrière les masures, à côté du bois de chauffage et des casiers défoncés.

Michel est heureux que le travail le confine dans cette solitude. Mais il y a trop de monde encore. Il voudrait une seule cabane, un désert de sable ; ou bien coucher au large, dans la pinasse, lorsqu’on établit une tente avec la voile recouvrant le mât renversé.

Parfois, le matin, levé avant le jour, il se sauve par un sentier pour courir jusqu’à l’océan. Une seule fois, l’année précédente, il a été jusqu’au Ferret. Il se rappelle le mamelon d’une dune bossuée d’ombres bleues, où s’accrochent quelques poignées d’une herbe dure mêlée aux chardons des sables. Les longues vagues formaient sur la plage des chaînes fumantes d’une écume blanche.

Chaque retour à Arès, le samedi, lui est un supplice. Il a la nausée des cabarets pleins, dégorgeant le bruit des disputes. Qu’est-ce donc que ce dégoût des hommes ? Les après-midi de dimanche, lorsque garçons et filles s’en vont sur les routes, chaînes rompues, il fuit dans le sous-bois l’écho de leurs cris. Pour éviter un couple enlacé, au bord d’un talus, il se jetterait au milieu des ronces.

C’est le soir de Pâques que l’a envahi ce mal nouveau, la répulsion haineuse de l’amour. Il venait de croiser un garçon de son âge, le bras entourant le cou d’une fille : ses yeux s’étaient détournés, mais il croyait sentir sur son visage une marque brûlante ; ce qui faisait derrière lui éclater les rires lui semblait odieux.

Près de la place, la salle de danse — violoneux sur une estrade, couples sautant sous les guirlandes — lui souffla à la face une bouffée de plaisir vulgaire. Pourchassé, il avait failli entrer dans l’église ; la porte était ouverte et la nef vide, où tout le silence du monde semblait réfugié ; mais c’était ailleurs qu’il avait fui, près du canal, parce qu’il en voulait à Dieu même. Il avait peur de ce tête-à-tête avec l’invisible, lui qui avait refusé son âme, et la veille de la communion divine maudit le pardon.

Il était resté jusqu’à la nuit dans cette lagune déserte et stérile. Que de fois, avec Estelle, il y était venu en pinasse, aux grandes malines où le flot remonte ; c’était son plaisir de s’engager dans le petit cours d’eau, anguille d’argent, aux replis cachés dans les bois. Il y avait une passerelle en poteaux de mine mal équarris, jetée d’une rive à l’autre par un homme qui vivait là en solitaire. On l’appelait le pont du sauvage. Aux beaux jours d’été, quand le soleil pénètre le sous-bois, et que les pins se mirent dans le ciel reflété par l’eau, c’était une merveilleuse impression de calme. Des libellules de saphir se posaient sur les rames. D’autres tremblaient suspendues aux feuilles des roseaux. La pinasse échouait sur des fonds de sable, et il fallait la renflouer en poussant avec une perche. Mais il allait, toujours plus loin, avec une confuse sensation de mystère et de forêt vierge, jusqu’à ce que la proue fût arrêtée par des broussailles enchevêtrées ; ou encore par un pin déraciné qui était tombé la tête dans l’eau, et barrait le « coulant » sauvage.

Mais, ce soir, il ne regardait pas de ce côté. Sa peine et lui restaient tête à tête. Presque à la même place, près de la hutte dépaillée, sa mère errante s’était assise. Il pensait à elle.

— Oui, pour quinze jours, tu as bien compris. Elle l’a dit deux fois… C’est même une drôle d’idée qu’elle a eue, clamait Elvina, le jour où elle l’avait assourdi de cette nouvelle. Depuis, il avait vécu, absorbé… Ce n’était pas trop de deux ou trois mois pour se préparer à la revoir, se refaire un cœur. Sa dernière visite lui apparaissait comme s’il eût été alors un enfant : il avait honte de ses cris, ses larmes ; ce souvenir faisait remonter une humiliation infinie.

L’aimait-il ? Était-ce de l’amour, cet instinct engourdi qui se ranimait à certains moments, l’envahissait avec violence comme une maladie, ne le laissant que l’esprit saturé de chagrin et le cœur inerte. Il lui suffisait de songer à elle, de la revoir, pour que son image réveillât en lui un être frustré. Où était cette part qui lui manquait ? Qui pouvait au monde combler cet abîme ? Il se répétait : « Ce n’est pas juste. Il n’y a que moi. Pourquoi pas les autres ? » Ses hérédités inconscientes élevaient en lui une rumeur confuse. L’inquiétude les gonflait comme une pluie d’orage. Ah ! que sa mère entretenait en lui l’impatience du lendemain ! La voir ! Lui arracher le secret de ces vies ignorées qu’il portait en lui ! Qui étaient-ils, ceux qui tressaillaient dans son être au moindre mouvement de haine ou de joie ? Qu’avaient-ils fait, quel était leur nom — ô inconnus dont l’héritage lui était à la fois si lourd et si précieux, et qu’il était peut-être le seul à réveiller dans ce tombeau vivant et bruissant qu’est un cœur humain.

Le crépuscule rasait la bruyère, Michel, son regard tourné en lui-même, ne le sentait pas. Il regardait une nuit plus profonde. Cet inconnu immergé en lui, ce père sans visage, il le heurtait comme une masse d’ombre ; ou bien, désespéré, il se laissait couler dans ces ténèbres, au fond de ce puits comme s’il n’y avait rien d’autre à faire et que Dieu même n’existât pas.


C’était ce soir-là, près des réservoirs, que l’abbé Danizous l’avait attendu. Il s’était assis sur la digue, trop souffrant pour aller plus loin. Les gens reconnaissaient à sa mine qu’il était malade ; mais depuis des années qu’on le voyait avec ce sourire de condamné, ses grandes tempes toujours plus creuses, chacun disait :

— Un curé pourtant ne fatigue pas.

A la sortie des vêpres, sous le porche, Mlle Rescasse et une dame âgée avaient échangé leurs impressions :

— Il a une figure à faire peur. C’est étonnant que sa famille ne s’inquiète pas.

— On devrait le dire à Monseigneur. Ce serait un devoir. La semaine dernière encore, il n’y a pas eu de catéchisme. L’instituteur se plaint que les garçons sortent pour rien à onze heures… Encore une année ou deux et la paroisse sera tout à fait perdue !

— Les temps sont déjà assez mauvais.

— Vous trouvez vraiment qu’il a l’air plus malade depuis quelques mois ? Avec l’asthme, voyez-vous, on ne sait jamais…

L’abbé, assis près d’une écluse, revivait la souffrance de ce jour de Pâques. Déception infinie d’avoir attendu un miracle qui ne s’est pas produit ! Il écoutait le murmure du clapotis, respirait la brise. Le bassin avait l’éclat d’une soie froissée.

— Quelle sera la fin de cela ?

Il se sentait rompu de fatigue. Tout à l’heure, ayant aperçu Michel qui s’éloignait seul, il l’avait suivi de loin et s’était assis pour l’attendre. Depuis bien des jours, il se promettait de lui parler ; mais, par prudence, voyant que le garçon paraissait le fuir, il avait différé cette explication. Qu’allait-il lui dire ? La vie que menait cet enfant l’endurcissait dans sa solitude. La veille encore, le regardant traverser la plage, vigoureux, portant sur l’épaule la voile roulée et les avirons, il s’était senti tout saisi. Quoi qu’on pût faire, Michel avait pris goût à cette existence libre du marin soumise seulement au vent et au ciel.

— Pourtant, pensait l’abbé, évoquant son visage fermé, il n’est pas heureux.

Il y avait en lui l’obstination sublime de la foi qui ne veut pas céder de terrain ; de la tendresse qui ne veut pas mourir. Cette journée de Pâques, où il ne l’avait pas vu à l’église, ravageait son cœur d’une douleur cruelle. Quel homme a jamais réprimé le geste d’éloigner son dernier calice, celui où l’amertume de sa vie déborde ? Il regardait vers la lagune, attendant le retour de Michel qui avait dû s’asseoir dans la bruyère. Comme il en avait lourd sur le cœur ! L’abbé revoyait, tout en rafraîchissant dans le sable ses mains fiévreuses, cet enfant tourmenté d’une sourde inquiétude, et qui allait d’un rêve à l’autre, des livres à la mer, avide d’oubli, avec de brusques éclats de douleur suivis de longs silences.

La lune montait, perle flottante, dans le ciel gris-bleu. Le soir créait entre l’eau, les dunes et les grandes surfaces aériennes ces rapports fondus, impalpables, qui donnent au moindre reflet brillant le prix d’un joyau. Une pinasse appareillait, et la brise secouait la voile folle, l’écoute échappée balayant le clapotis de grands coups de fouet.

L’abbé revivait la longue lutte, à la fois muette et opiniâtre, qui lui avait ouvert l’intelligence de Michel et non point un autre domaine plus secret, plus riche, celui d’où monte la résurrection. Le coup d’ongle de la tristesse creusait un pli entre ses sourcils. Qu’était-ce donc que cet instinct mêlé à la chair et à l’âme, qui fait hurler de douleur l’enfant sans foyer comme dans la solitude des nuits la bête perdue ? O lois du monde, puissances terribles auxquelles n’échappe aucune créature !

Lui-même ne savait-il pas que le prêtre rêve partout de la famille, nid abandonné, dont le souvenir ranime jusqu’à la chaleur du sein qui vous a nourri. Mais que les coups paraissent cruels quand ils sont portés par ceux que l’homme appelle les siens ! L’abbé revoyait son propre foyer, tout bouleversé le soir où il s’en était arraché. Comme il entrait chez les Jésuites, sa mère répétait dans ses sanglots : « Ton père en mourra. » Il lui semblait être un criminel. Mais le plus triste avait été son retour, trois ans après, quand il était rentré malade, et qu’il avait senti que personne dans la maison ne l’attendait plus. Ceux qui ont été pleurés une fois ne doivent jamais reparaître. Il n’est guère de vie où l’on puisse refaire la place des morts.

« Non, pensait-il, nous qui sommes du Christ, notre royaume n’est pas de ce monde. » Quel avenir de paix pour Michel si cette vérité première du chrétien, celle dont tout découle, n’était pas restée lettre morte ! Mais que faire pour que lui apparût cet autre domaine illimité, celui qui est déjà dans un cœur humain un reflet de ciel incorruptible ? Non que l’abbé Danizous eût la pensée de reprocher à Michel son abandon inexplicable. Blessé, il ne pensait pas à sa blessure. Quelle petitesse de réclamer, d’être susceptible ! Tout cela ne comptait pour rien dans cette zone du surnaturel où, apôtre, il se consumait, desséché de désir, dans cette souffrance inconnue du monde qui est celle d’enfanter des âmes.

« Du moins, songeait l’abbé, frémissant à la pensée du drame entrevu, il ne saura pas. » C’était une sécurité d’avoir réussi pour le moment à éloigner Laure. Peut-être, entraînée par son inconscience, se fût-elle aussi ouverte à son fils ! Il en frémissait. Les pensées violentes que la crise de l’adolescence soulevaient en Michel, s’enchevêtrant, éperdues, s’accrochant aux résolutions les plus heurtées, décelaient un assez grand trouble sans qu’on y mêlât, source de noir enchantement coulant goutte à goutte, jusqu’au cœur, l’idée du suicide.

Il suffisait à l’abbé d’avoir entrevu, à travers les protestations confuses et les réticences, le vrai visage de Daniel pour pressentir que Michel était à son image ; comme lui bouleversé par la fougue de ses impressions. L’abbé jugeait cette nature d’homme par l’étendue de la faute et la violence du désespoir. Car Laure niait en vain l’évidence. Qu’il fût assiégé par le remords, l’obsession de l’amour perdu ou la jalousie, Daniel avait voulu se tuer et elle le savait : à l’instant même où elle invoquait l’accident imprévu, tout la démentait ; la nature l’emportait en elle, cette défaillance intime qui change la voix, le regard, tout l’être, comme si la vérité impossible à dire s’échappait d’elle-même.

Le bleu nocturne mélangé de cendre fonçait peu à peu, mais le ciel restait verdâtre au-dessus des dunes sombrement veloutées de pins. La lune dans les espaces assombris prenait son éclat, non plus disque de fumée mais globe de nacre, répandant sur le bassin une radieuse traînée d’étincelles blanches qui dansaient au vent. Les étoiles aussi avivaient leurs feux. L’abbé avait reconnu Michel marchant sur la plage. « Il ne m’a pas vu, » pensait-il. Quand il s’était levé pour le rejoindre, le grand garçon qui approchait, tête nue, avait refoulé un tressaillement.

Ils étaient revenus ensemble dans l’odeur humide du soir, sur le sable mou. L’eau chuchotait au milieu des joncs. Cette ombre où l’on ne distingue pas bien les visages, compatissante, les rapprochait.

— Il y a bien longtemps que je ne t’ai vu… Est-ce que l’on continue la coupe au bord du canal ? demanda l’abbé, qui renouait la conversation comme s’ils s’étaient quittés la veille.

— Moi, ajouta-t-il, je ne vais plus si loin… Tu ne sais peut-être pas que j’ai été malade. Encore quelques mois, un peu plus, un peu moins, et ce sera fini. C’est pour cela que je suis content de te voir…

Il lui parlait comme à un ami, un frère plus jeune, s’efforçant de réduire entre eux les distances.

— Je pense souvent à toi, reprit-il, quand je lis quelque chose de beau. Tu te rappelles ces pages de Virgile que nous avons traduites cet hiver. La poésie, c’est ce qui nous rapproche de la vie, on voit, on écoute… Il y a de la musique dans les mots.

Michel avait senti sur son épaule la main de l’abbé. Il tressaillit mais ne s’écarta pas. Cette voix retrouvée rouvrait son cœur ; les échos d’une mélodie merveilleuse, comme un chant de sirène, l’enveloppaient : non seulement un souffle doux et parfumé, l’esprit de Virgile, qui chante dans les campagnes florissantes, au cœur des bergers, mais un ensemble de rêves qui s’entremêlaient, répandant une lumière inexprimable.

L’abbé, par une intuition secrète, le sentait frémir. Lui-même s’émouvait. Décharné, son être débile penché vers la mort, il ne vivait plus que par l’enthousiasme. Cet effort ranimait en lui une joie sacrée, celle d’un homme qui essaie d’embraser une âme à son propre feu. Il n’osait plus parler à Michel des choses de Dieu. C’eût été le pousser à la révolte. Réfractaire, cet enfant accusait la terre et le ciel ! Mais l’abbé Danizous savait en lui une faculté puissante entre toutes, qui était le sens de la beauté. Il s’efforçait de la réveiller, d’y mêler des pensées d’orgueil et de perfection, mystique de l’âme, force intérieure des êtres jeunes, aux heures où ils risquent d’être rebutés par les duretés de l’existence et frappés par le désespoir.

La danse courte du clapotis soulevait l’étendue vivante de l’eau. Non loin de la plage, le clair de lune détachait la silhouette en suie des pinasses à l’ancre. L’abbé s’arrêta un instant, le souffle coupé. L’étincelle blanche du phare s’alluma, s’éteignit, ressuscita rouge. Et devant la nuit qui ramène les impressions infinies de mystère et d’immensité, devant le ciel dévoré de feu, la mer et les dunes, une même émotion rapprochait ces deux déshérités, le prêtre et l’enfant, pénétrés d’une harmonie indéfinissable.

— Tout cela, dit l’abbé, étendant la main vers l’immensité où se confondent la mer et le ciel, tout cela est pour nous.

Il sentait, avec une sorte d’exaltation, l’étendue des richesses que possèdent les enfants de Dieu. « Toi aussi, laissait-il entendre, qui te crois pauvre, malheureux, si tu sais voir, tu es l’héritier pour ta vie entière de ce qu’il y a de meilleur au monde. »

Ils s’étaient remis en marche, Michel silencieux, et l’abbé s’arrêtant tous les dix pas, reprenant son souffle. Sa voix s’altérait. Entre chaque suffocation, il revenait au bonheur qu’on trouve à remplir son esprit d’impressions divines. Plus on avançait dans l’existence, mieux on voyait qu’il faut substituer un monde de pensées, belles et élevées, à ces pauvres choses qui excitent les passions des hommes.

— Il n’y a qu’une grande vie, vois-tu, qui est la vie de l’âme. C’est par l’esprit qu’on possède tout… Le reste n’est rien… L’homme le plus seul, le plus ignoré, lorsqu’il est fermé dans sa chambre, avec un livre, peut connaître ce qui est digne d’être vécu. Il a pour ami les êtres les plus nobles, ceux qui ont su comprendre la vie et la vérité…

Tout cela, dans son esprit, était une sorte de testament. S’il mourait demain, il voulait que Michel eût entendu cette parole. A défaut de sa foi, il lui léguait ce qui, tôt ou tard, l’en rapprocherait, l’amour d’une vie supérieure, digne de son intelligence et de la pureté magnifique de son cœur sauvage.

« Allons, pensait-il, et une sueur coulait sur son corps, c’est le moment de renoncer. Le rêve que j’avais fait n’était pas conforme aux desseins de Dieu. Mais, au moins, que cet enfant comprenne où est son refuge… »

— Écoute, lui dit-il.

Il s’était arrêté et faisait face à ce grand garçon, au visage massif, dégageant une impression de force et d’intelligence, et il crut le voir dans l’avenir convulsé de révolte. Et, avec l’atroce sensation qu’il n’aurait rien fait s’il ne l’avait pas préparé à l’apaisement, il l’enveloppa d’un regard infiniment tendre.

— J’ai encore une chose à te dire. Ta mère est venue l’autre jour. Elle ne t’a pas trouvé. C’est dommage que tu ne l’aies pas vue, parce qu’elle ne pourra pas revenir de longtemps. Elle-même m’a dit combien cela lui est difficile. A quoi bon lutter ? Il faudra qu’elle se résigne toujours à t’aimer de loin.

Il parlait d’une voix qui semblait monter de son âme, avec des silences, des sortes de haltes, sans regarder le visage de Michel soudain rembruni.

— Elle t’aime, insistait-il, comme s’il eût plaidé une cause perdue. Mais une femme n’est pas ce que nous sommes, plus faible, partagée. Si tu devais rester longtemps sans la voir, il faudrait penser qu’elle a ses raisons…

Michel ne répondit pas tout de suite. Il regardait son maître, le dévisageait comme s’il déchiffrait sur sa figure l’empreinte d’une pensée qui le révoltait. Puis, tout à coup, ses lèvres se gonflèrent, et une expression de colère passa sur sa face.

— Je ne veux pas, cria-t-il…

Car au nom de sa mère, une émotion subite s’était coulée en lui, le rendait furieux.

— Je ne veux pas, reprit-il avec éclat, qu’on s’occupe d’elle. Vous croyez qu’elle ne viendra plus ?

Redressé, et jetant ces mots comme un défi, il raconta qu’elle avait loué la cabane de Piraillant ; elle y vivrait avec lui pendant quinze jours, et il était convenu que les Picquey les laisseraient seuls.

Au fond de lui-même, une étrange impression montait, reformant entre cette mère inconnue et lui une mystérieuse solidarité.

L’abbé avait laissé retomber son bras. Ses yeux s’étaient tournés vers la croix lointaine, invisible au large. Mais il la voyait par l’esprit. Il jetait vers elle un grand cri muet : O femme, le plus faible des roseaux humains, le plus prompt, l’orage éclairci, à se redresser ! Et lui, lui, s’y était fié. Qu’avait-il donc cru, misérable aveugle, à l’heure où son intervention, loin de suspendre la lutte, la précipitait ? Un flot de sentiments s’éleva en lui, dans un grand tumulte, tomba, se fondit en une résignation infinie.

Ils revenaient, longeant la digue, dans des paquets de goémons. Les plaques des réservoirs luisaient sous la lune. On apercevait de grands couloirs d’eau, encaissés de prés, formant un espace découvert que fermaient les pins. Il y avait des barques couchées sur la plage.

Les lumières d’Arcachon, de l’autre côté de l’eau encerclée, posaient un frêle semis d’or.

L’abbé se sentait exténué, traînait la jambe. Près des cabanes, il avait trébuché dans un tas de tuiles. Michel se taisait. Tout à l’heure, quand son maître évoquait la vie de l’esprit, il avait été saisi, enveloppé de ces impressions puissantes et douces qui faisaient entrer dans son cœur un monde de rêves.

Mais ensuite, la colère était revenue. En vain auraient-ils marché la nuit entière sur cette plage. Ils ont conscience d’un brisement. Un malentendu les sépare, inexorable, comme les destinées qui n’arrivent pas à se rejoindre. Ce sont des choses qu’on n’évite pas. Il faut bien que la vie soit comble de dettes impayées et d’ingratitude, nul ne sachant rendre ce qui lui est réclamé d’amour. C’est la loi que ces insolvables alimentent largement le monde d’amertume, de souffrance et de résignation. Ainsi la fonte des neiges renouvelle de son eau crue torrents et fleuves.

Peut-être l’abbé, par cette double vue que possèdent les êtres doués d’un profond esprit surnaturel l’a-t-il entrevu ? Une contraction serre sa gorge. Il s’arrête pour aspirer une grande gorgée d’air. Mais il sent aussi impossible de remettre sa main sur l’épaule de Michel, pourtant si proche, que d’atteindre les étoiles noyées dans la mer bruissante.


Ils repartirent le lendemain à la fin de l’après-midi. Michel s’était étendu sur un tas de filets à l’arrière de l’embarcation. Estelle, mécontente, lui tournait le dos. Sylvain ramait, en face d’eux, sa figure cuivrée par le soleil. Les rames, qu’il ramenait des deux poignets contre son tricot, brillaient comme deux palettes éclatantes d’or.

Combien Michel avait hâte de s’éloigner ! Entre le monde et lui allait s’étendre la nappe d’eau où glissait la jonque. Il lui semblait se délivrer de tout ce qui était blessant, mesquin, misérable. Les vacances avaient amené quelques étrangers : il apercevait sur la plage deux jeunes filles, lisant à l’ombre d’un chaland ; devant les villas, des familles assises formaient des cercles multicolores. Des canots passaient, chargés de jeunesse. Une pinasse rentrait comble de genêts fleuris.

Tout le temps qu’ils furent dans le chenal, une troupe de marsouins les suivit à droite : ils étaient trois ou quatre qui plongeaient et se culbutaient. On entrevoyait, dans les gerbes d’eau, leur robe brune.

Le matin, Estelle et Michel s’étaient disputés. Elle lui avait dit qu’il était « fier », ce qui paraissait à cette petite la pire des insultes. Il lui avait crié : « Laisse-moi tranquille, à la fin. » Maintenant que Sylvain était avec eux, ils ne se parlaient pas. Estelle en voulait à Michel de ne pas être sorti avec elle le jour de Pâques ; à voir des filles de son âge s’éparpiller sur les routes, bien accompagnées, ou envahir la salle de danse, elle s’était sentie malheureuse. Le soir, elle avait brûlé la friture, essuyé les criailleries de sa mère et finalement pleuré dans son lit.

Son désappointement se changeait maintenant en rancune amère. Elle ne savait pas quelle force de jeunesse, inassouvie, gonflait son cœur. A ses yeux, c’était Michel qui avait tous les torts ; Michel pour lequel elle se dépensait en pure perte, et qui restait buté, maussade, méprisant. La veille, quand elle avait mis sa robe neuve, il ne l’avait pas même regardée : une robe dont elle avait choisi l’étoffe, un mois à l’avance, dans cette baraque ouverte à tous vents, où l’on vendait des cotonnades, de la lingerie avec des rubans et des bas fins, à côté de la vaisselle étalée par terre. C’était elle-même qui avait acheté, chez le buraliste, le patron en papier d’un journal de modes. Elle avait aussi rêvé d’une écharpe qui se balançait à un étalage. Mais l’aurait-elle eue tombant jusqu’à la taille sur sa robe verte, que Michel ne lui aurait pas accordé la moindre attention. Cette mère qui allait venir le rendrait encore plus orgueilleux. A l’avance elle était jalouse. De quoi le plaindrait-elle ? N’avait-elle pas aussi ses peines dont personne ne se souciait ? Si Michel, dont elle se détournait obstinément, lui faisait la grâce de se rapprocher, elle saurait bien aussi être dure, et revêche, et indifférente. Il aurait fallu des représailles pour apaiser la blessure de son amour-propre. Mais, à cette heure même où elle couvait son ressentiment, s’il l’avait voulu, comme la réconciliation eût été facile !

Quand ils eurent dépassé la croix, Michel, s’étirant, se leva et enjamba le banc pour prendre les rames. La dorure du bassin était merveilleuse. C’était un de ces soirs où l’on verrait courir un moustique sur l’eau. La pinasse glissait tranquillement et la paix de l’air était si parfaite que l’on entendait l’égouttement des avirons. Un héron, endormi sur un piquet, semblait un grand parapluie fermé. Des lattes reflétaient leur ombre brisée.

Le soleil, orange mûre, se détacha du ciel derrière les dunes ; et le cap tourné vers Piraillant, ils voguèrent pendant une heure sur des tons étales de vert, de rose safrané et de lilas tendre qui se fondaient dans une impression de calme infini. On ne voyait plus qu’une autre pinasse et une flottille d’oiseaux, petites barques blanches sur le bassin vide. Un goéland plana, éclairé en dessous par la réverbération du soleil qu’on ne voyait plus.

Toute la semaine, ils détroquèrent ensemble sur la plage. Estelle montrait son humeur de chèvre, ne s’observant que devant son père. Sylvain marmonnait :

« Qu’est-ce que c’était que cette société scientifique pour laquelle on lui retenait quatre sous par are sur sa retraite d’inscrit maritime ? Comme si ce n’était pas assez de payer vingt sous par are au gouvernement ! Les vingt sous, il le comprenait. L’État a besoin d’argent. Mais ces quatre sous, pour une société qu’il n’avait jamais vue ! Qu’est-ce qu’elle faisait ? Qu’avait-elle trouvé ? Tous ces gens-là étaient des « feignants » qui n’avaient pas de place et en cherchaient une. »

— Moi, quand je veux le médecin, je me le paie.

On les voyait tous trois debout, des journées entières, autour d’une sorte de pétrin monté sur des barres entre-croisées. Les tuiles empâtées de piécettes d’huîtres et de mamelles gélatineuses, orange et vertes, reparaissaient nues sous le crissement de leur couteau. C’était une palette de fer bien emmanchée. Il fallait peser sur la lame pour soulever la robe rocheuse qui se défaisait de bas en haut. La raclure tombait dans des casiers.

Michel était envahi par la rêverie. Son jeune corps se vivifiait au milieu de cette solitude, retrempant ses forces dans le soleil, le vent, le silence, comme dans un bain qui purifie les sources de l’être.

Parce qu’il vivait, élargi, dans cet univers invisible que porte en soi un jeune garçon, roi dédaigneux du monde intérieur où il se retranche, Estelle sentait qu’il n’y avait pas de lutte possible. Qu’elle essayât de la moquerie, de la colère, elle savait qu’aucune de ses flèches ne traversait cette atmosphère d’indifférence. Ses messages ne parvenaient pas. Les coups qu’elle s’essayait à lui porter s’abattaient sans force, comme ces cailloux qui n’atteignent jamais le but. Il n’y avait rien d’autre, dans tout cela, qu’une irritation impuissante qui s’éteignait et se rallumait, durement soufflée par sa jeunesse, sans autre élément que son propre cœur insatisfait.

Quand il se baigne, elle regarde dans le bassin étincelant émerger sa tête. Il avance vite, par poussées brusques, puis se retourne et semble dormir.

Elle pense qu’il se baigne matin et soir, et, le travail fini, s’isole ou s’en va. On ne sait pas s’il est heureux ou mécontent que sa mère doive venir au mois de juillet. Quand Elvina a cru l’éblouir de cette nouvelle, il n’a pas même répondu un mot. « Qu’est-ce que tu veux que ça lui fasse ? » répète Sylvain. On a parlé de rafistoler la cabane et de la repeindre. Mais il n’a rien dit. Estelle se persuade que l’orgueil le change ; qu’il ne souffre plus rien de commun entre eux. Il veut sans doute la remettre à sa place, lui rappeler qu’elle est fille de pauvres gens. Mais ces pauvres gens, il a été bien heureux de les trouver ! Où serait-il sans eux ? Et elle rougit, les lèvres à la fois serrées et tremblantes ; quand il reste des après-midi entiers couché sur la dune, elle souffre en silence, sourdement travaillée d’inquiétude et de jalousie.

Michel ne voit rien. Il a passé près de sa petite compagne sans la regarder. Il s’étend pour se sécher dans le sable chaud. C’est hier qu’il avait toutes ces idées noires mais non maintenant où il voit l’avenir ouvert, l’éblouissement de la vie. Ce séjour de sa mère qui lui a inspiré au premier moment un sursaut de crainte, son rêve peu à peu en prend possession, changeant devant lui la couleur du monde. L’été qui vient s’étend comme un grand pays merveilleux. Sa mère lui semble transfigurée, aimante, sincère. Depuis que l’abbé a laissé percer le désir de les séparer, il a le geste instinctif de se ranger près d’elle. Cette escarmouche éclaire son cœur. L’heure approche où il saura ce qu’elle lui cache. Contre les dangers qui l’environnent, ombres confuses, il se sent de force à la protéger. C’est à lui désormais qu’elle fera confiance. Il ne peut détacher ses yeux de cette plage où elle marchera ; de ce promontoire de sable et de pins où ils iront ensemble s’asseoir. Que ce sera bon ! Du calme enfin, de la paix entre eux ! La mer brille et pousse lentement ses petites rides sur le rivage. Il se retourne, la peau cuisante, son jeune corps dévoré par la brûlure du soleil. Dans l’assoupissement de tout son être, il n’a plus conscience que de ce rêve enfoui en lui, contre lequel son cœur se blottit, comme fait l’enfant qui s’est endormi pressant dans ses bras le jouet qu’on vient de lui donner.

Puis ce foyer de joie s’apaisa, soit que les premières impressions eussent été trop vives, ou que son imagination se lassât un peu. Mais la merveilleuse lumière du printemps chassait les rancunes, étouffait sous ses voiles d’or les mauvais levains qui fermentent dans les ténèbres. Sa grande souffrance se diluait dans la symphonie de bonheur du monde.

Ainsi étendu, brûlé par le sel et par le soleil, il n’était plus qu’un adolescent engourdi de songes. La solitude d’une petite baie lui semblait une oasis de paix merveilleuse. Tout lui parlait sourdement au cœur. Dans le sable coulant entre ses doigts, il rassemblait des débris fragiles comme de la porcelaine écrasée. L’hippocampe, semblable à un pion d’échec, éveillait en lui de confuses idées d’art, de bibelots, de choses sculptées. Des images de l’Odyssée flottaient dans son rêve. Quand l’abbé Danizous lui avait parlé de ces peintures représentant une déesse de la mer, debout sur un char attelé de chevaux marins, c’est la tête de l’hippocampe qu’il leur avait vue, mais énorme, soufflant l’écume par des naseaux que battaient les vagues, et avec d’étranges crinières ruisselantes.

Ainsi, tout ce qu’il avait sous les yeux enrichissait le peu qu’il savait, donnant à ses lectures d’enfant élevé en pleine nature la substance de ces choses touchées chaque jour, et qui lui causaient à son insu un plaisir plus profond au fur et à mesure qu’il y incorporait une vie poétique.

Il avait aussi une prédilection pour ces coquilles légères, sortes de pétales recourbés, teintées à l’intérieur d’un lilas rose et glacé d’argent. Ces petites conques semblaient feuilletées dans une pâte exquise. Elles étaient aussi légères que ces sous de nacre, les monnaies du pape. Il ne savait pas qu’elles avaient la nuance des fleurs exotiques, ces orchidées fragiles et coûteuses comme nos vanités. A ces frêles coquilles, pour être précieuses, il ne manquait que la rareté. La libéralité de la mer, si riche qu’il lui est indifférent d’abandonner où passe son flot une frange de trésors, en avait jonché la pente sableuse. Michel les regardait étinceler de sel au soleil. Quand il en avait ramassé plusieurs, il ne savait laquelle préférer. Celles qui étaient enfoncées dans le sable humide, il les déterrait et les lavait au bord du bassin. Son plaisir était aussi de les plonger dans les flaques d’eau tiédies sur la plage chaude. Accroupi, les jambes brûlées de sable et de sel, il regardait s’aviver les teintes, les couleurs reprendre, au contact de cette mer qui les avait fardées de ses reflets, une vie nouvelle et miraculeuse.

Les jours où Sylvain allait seul au parc, pour charger deux ou trois cents tuiles qu’il arrachait des collecteurs avec un crochet, Michel s’amusait parfois à assembler sur le sable les coquilles éparses autour de lui, formant sur la petite plage solitaire une croix, une ancre, un singulier goéland rose aux ailes immenses.

Jours tranquilles, printemps abondant de lumière heureuse. Il attendait. Le temps où des débats douloureux possédaient son âme semblait éloigné. C’était en lui une grande espérance ou plutôt une suspension de tout ce qui était mauvais, grondant, ivre de rancune.

Il n’emportait pas de livre avec lui en ces heures où il passait du soleil à l’ombre, étendu tantôt sous un pin, tantôt sur le sable. Il fermait les yeux. C’était à ces moments où s’abolissait le sens de la vue qu’il respirait le mieux les parfums, odeurs de résine mêlées à celles de la terre chaude. Un bruit mystérieux de branches froissées annonçait la houle des senteurs marines, grande marée aérienne inondant la face de la terre d’un souffle salubre. Il la recevait comme une algue du rivage se baigne dans la vague. Les sensations qui le pénétraient étaient joyeuses, de la joie associée à la plénitude du bonheur physique. Ainsi allongé, les yeux clos, percevant les vibrations infinies de l’air et de la lumière par ce sens admirable répandu sur tout notre corps, il avait l’impression de s’abandonner sur le cœur odorant du monde.

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