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Le penseur et la crétine : $b récits

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L’AMI DES JAUNES

— C’est dommage, dit Lord Minto en contemplant la ville.

Il était debout, à l’arrière du vapeur qui venait de quitter Montreux. A côté de lui se tenaient ses amis. Il y avait Mme de Mathos, la Portugaise au babil incessant ; petite figure nerveuse et fanée qu’encadraient deux énormes perles. Il y avait Mme Braniano, la Roumaine poitrinaire qui fuyait la mort de ville en ville, d’hôtel en hôtel. Elle haletait continuellement. Parfois, sur son visage terreux, paraissaient des ombres noires qui avaient l’air de venir du dedans. Elle pouvait mourir d’un moment à l’autre. Il y avait Souloughian, un jeune Arménien obèse, au geste mou, à la voix criarde et satisfaite. On l’appelait Barrique-Pacha.

Ces oisifs allaient prendre le thé à Vevey. Ils rentreraient à Montreux au coucher du soleil, s’habilleraient soigneusement, dîneraient à huit heures, puis se rendraient au Kursaal. Aux chaleurs, ils quitteraient le Palace pour un hôtel d’altitude. L’automne les verrait à Lugano, l’hiver à Saint-Moritz et le printemps les ramènerait à Montreux. Ils vivaient ainsi depuis trois ans que la guerre durait. Ils n’en parlaient pas, sauf pour déplorer la baisse des changes. Ils parlaient chiffons, aventures mondaines et régimes.

Mais Lord Minto portait une pensée.

— C’est dommage, répétait-il en embrassant du regard la baie, ce merveilleux réceptacle de lumière. La ville étage ses hôtels et ses villas jusqu’aux vignobles ; au vert tendre des prés inclinés se superposent les abruptes forêts de pins ; plus haut, les alpages se drapent d’une légère brume rousse et, en plein ciel, la tête sévère et bronzée des Rochers de Naye, à peine délivrée du poids de la neige, songe et respire.

Lord Minto venait d’expliquer à ses amis que les lignes du paysage, le rythme des pentes, la gamme des couleurs étant purement japonais, l’architecture européenne et les costumes des habitants irritaient son sens esthétique.

— Mais ces pauvres gens, sourit Mme de Mathos en lorgnant des vignerons occupés à sulfater leur vigne, ils ne le savent pas, qu’ils sont japonais ! Il faut le leur dire : peut-être alors se mettront-ils à bâtir des pagodes.

Lord Minto restait grave. La mélancolie accentuait les deux sillons qui encadraient sa bouche. Cette figure un peu hautaine était celle d’un rêveur que rien, sinon d’identiques habitudes sociales, n’unissait aux êtres frivoles qui l’entouraient. Il avait passé vingt années au Japon et, à peine revenu en Europe, s’était senti contraint de réaliser certaine grande idée dont il ne s’ouvrait à personne. Tout l’hiver, il avait soigné son estomac dans un des sanatoria qui dominent le Léman de quelque trois cents mètres. On l’avait souvent rencontré, par les sentiers rapides qui serpentent à travers les bois morts, se penchant sur les ravins plaqués de neige, étudiant les pentes violacées de Chambabaud. On lui prêtait l’intention de bâtir dans ces parages. Pour le moment, il vivait au Palace.

En revenant de Vevey, les passagers admirèrent le coucher du soleil. Des teintes épaisses, ocreuses, purpurines se jouaient sur l’eau. Il semblait que le vent du soir les poussât au fond de la baie, contre les quais. Un bleu intense et uniforme coulait sur les Alpes de Savoie, et dans le ciel, au-dessus des nuages de la Dent du Midi, se coagulait une fine gelée rose.

— Comme ce serait beau ! disait Lord Minto en désignant, sur la hauteur de Glion, un grand hôtel dont les vitres se mettaient à flamber. A la place de cette bâtisse, un temple en bois précieux, aux toitures relevées… un temple bouddhiste à la lisière de ces bois !

— Je n’aimerais pas vivre dans un temple, moi, plaisantait Barrique-Pacha. Pas de lift, pas de salle de bain. Et des bonzes pour vous servir ! Je préfère les Vaudoises.

C’est le lendemain que Lord Minto acheta son terrain.

Quelques jours plus tard, Mme Braniano mourut subitement. Elle avait regardé danser le tango jusqu’à minuit, au bar du Palace. Elle s’effondra dans un couloir, cracha du sang et s’éteignit dans son lit. Comme elle laissait des dettes et n’avait pas de famille en Suisse, Lord Minto pourvut aux frais de l’inhumation. Il la fit enterrer dans le petit cimetière de Veytaux. Ce n’est qu’une terrasse, un arrêt de la pente qui, de deux mille mètres, se précipite dans le lac. On y trouve quelques tombes anglaises cernées par les bois de Chillon et les champs parsemés de cerisiers. Il y en a un qui se penche au-dessus du mur, au sommet droit de l’enclos. Un matin les marbriers posèrent une stèle sous ses branches en fleurs. C’était un très vieil arbre, drapé de lierre. Il bénissait de sa blancheur ensoleillée la pierre où n’étaient gravés que ces mots : Tsuyu no inochi.

— C’est du roumain ? demandait à Lord Minto Mme de Mathos, venue visiter la tombe de son amie.

— Non, du japonais. Cela veut dire : « La vie humaine est semblable à la rosée du matin. »

Lord Minto avait annoncé, dans les salons du Palace, une causerie sur l’Extrême-Orient. Comme il avait donné plusieurs dîners, convié largement à ses thés, une centaine de personnes s’étaient dérangées pour l’entendre. Il parlait sans éclat, avec la gravité un peu sourde du rêveur qui ne peut dévoiler sa pensée sans émotion ni souffrance.

— Je me promenais hier dans cette ville, et mon cœur se serrait. Qu’ai-je vu ? Des bâtiments à plusieurs étages surchargés de moulages et d’écussons, des églises trapues construites sans plus d’amour qu’une grange, un vaste marché couvert gardé par deux sphynx frappés de jaunisse. J’ai vu un lieu de plaisir appelé Kursaal dont la façade, véritable cauchemar grec, n’est qu’un déploiement imbécile de frises, de médaillons, de cariatides. Des acanthes indiscrètes y lèchent d’écrasants chapiteaux ; la matière, qui est le plâtre, s’y étire, s’y bombe, s’y convulse comme la pâte de guimauve entre les doigts du confiseur. J’ai vu bien d’autres choses encore… Des villas « Renaissance » coiffées de clochetons en forme d’éteignoirs, entourées de jardins « à la française », dont la symétrie mesquine peut seul satisfaire le cerveau tyrannique d’un logicien d’arrière-boutique. J’ai vu des toitures houleuses où les tuiles multicolores tracent des losanges, des balcons en proie au délire, où le fer se courbe et se tord, des lucarnes en forme de cœur surmontées d’urnes, des fenêtres couronnées de mosaïques, des lampadaires-fleurs à six étamines… Ma surprise était grande de constater que tant d’outrages au bon goût étaient faits avec l’intention de séduire. En effet, bon nombre de ces édifices portaient des écriteaux où je lisais : Beau-Séjour, Joli-Mont, Riant-Château… Il s’agissait d’hôtels, vous l’avez deviné !

Et je me rappelais une autre promenade le long de la côte japonaise, mon arrivée en kuruma dans une auberge en bois de cèdre, mon repos sur des nattes fraîches, dans une pièce vide et mon déjeuner de pousses de bambou, devant le bleu confondu de la mer et du ciel. J’avais goûté là, entre ces cloisons de papier, dans cette absence totale d’ornements, une grande somme de bonheur et de beauté. C’est pourquoi je me demandais hier, en arpentant ces rues, si tant de laideurs péniblement élaborées, réalisées à grand prix, sont nécessaires à la vie de l’Occidental… Il y a des endroits où je ne me serais même pas posé la question. Je connais des sites condamnés, mesquins, dignes de subir les pires châtiments architecturaux. Mais celui-ci ! Peut-être avez-vous regardé la nature, hier ? A travers les branches, le songe bleuâtre des eaux ensoleillées et des hautes montagnes vaporeuses était le même que là-bas. Les nuages, dont les ombres sur le lac semblaient d’immenses filets roses dérivant paresseusement, étaient pareils à ceux qui enchantent le ciel japonais… Pourquoi donc cette malédiction de la brique et du fer ? Je plains les hommes qui n’ont pas su respecter les hasards heureux de la terre… Je les plains pour ne pas les haïr.

Puis Lord Minto évoqua des paysages du Japon. Il décrivit les rizières au pied des falaises vertes, le long de la mer, les jonques jaunes endormies à l’ancre, les petits sanctuaires Shinto, blottis à l’ombre d’une chute d’eau, ou sous un bouquet de plus, dans la solitude des montagnes…

Dans l’âme versatile de son auditoire d’oisifs naissait un subit désir de voyages.

— On voudrait partir, lui disait Mme de Mathos, en le félicitant.

— Ce n’est peut-être pas nécessaire, sourit-il énigmatiquement. Revenez à Montreux dans un an : vous verrez.

Le printemps suivant, entre Veytaux et Territet, une habitation japonaise cachait ses colonnes de bois, ses toitures relevées et ses carreaux de papier au fond d’un jardin savamment composé. D’un pavillon de porcelaine qui s’élevait au milieu d’un étang entouré de cèdres nains, la vue remontait cette vallée abrupte que terminent en plein ciel les Rochers de Naye. On voyait de là les flancs verts des montagnes se presser comme pour s’unir, puis s’écarter, livrant passage à un torrent caché. C’était une cascade de verdure, le moutonnement de millions de têtes vertes et si l’on regardait les nuages, on découvrait, à d’étonnantes hauteurs, la pente rase d’un pré hasardeux. Le torrent traversait le parc sous une voûte d’acacias et son eau grise allait se résorber et s’attiédir dans le lac. Des vérandas de l’habitation, une vague d’iris et de roses semblait déferler sans cesse vers le bleu.

En juin, Lord Minto convia ses amis à une fête costumée.

On dîna tôt et l’on se répandit dans les jardins, à l’heure où la pourpre envahit les hauteurs. Les Rochers de Naye avaient l’air d’un éventail retourné suspendu à des nuées couleur de jacinthe. Barrique-Pacha, qui avait affublé sa corpulence d’une robe chinoise en satin jaune, déambulait sur le vert doré des pelouses. Les femmes, déguisées en princesses de miniatures ou en geishas, s’agenouillaient au bord du lac artificiel et suivaient des yeux d’étranges poissons aux formes cruelles, qui fuyaient sous les reflets du ciel crépusculaire.

— Pourquoi cette pierre ? demanda Mme de Mathos à Lord Minto, qui portait un costume de samouraï.

— Parce qu’elle est belle, répondit-il.

— Et pourquoi est-elle belle ?

C’était un schiste posé sur un tertre de gazon. Rien ne semblait le différencier des milliers de schistes qu’on eût pu trouver dans les déserts rocheux des montagnes vaudoises.

L’Anglais réfléchit un moment, puis dit :

— Parce qu’elle est irrégulière, peut-être. En Occident, nous ne concevons plus la beauté sans l’ordre. Et l’ordre que nous exigeons des choses, pour les trouver belles, est à notre image. Nous sommes tellement envahis par l’idéal anthropomorphe, que peu d’entre nous sont encore capables de discerner la beauté, là où rien n’évoque la forme ou les sentiments humains. Toujours, nous souhaitons de retrouver dans les lignes, dans les volumes, dans les mouvements de la matière une correspondance humaine. La passion de la symétrie n’est que l’amour, transporté dans la nature, de notre squelette ou de notre visage. Un site, pour nous plaire, devra être « souriant », « terrible » ou « mélancolique ». On peut cependant admirer l’univers sans s’y chercher ; on peut concevoir la beauté sans ce vain et puéril rappel de soi-même. Il existe d’immenses domaines esthétiques d’où l’idée d’un ordre, d’une harmonie peut être bannie. Cette pierre nous est absolument étrangère. Nous ne saurions, pour la qualifier, nous servir d’aucun mot qui convienne à quoi que ce soit d’humain. Et pourtant, elle est belle… Elle l’est pour moi… Elle le serait pour mes amis de là-bas.

A la tombée de la nuit, une musique étouffée tinta derrière un rideau brodé de chimères et une danseuse parut sortir de la terre. Elle mimait un fantôme ; ses voiles gris erraient tristement à la recherche des fleurs, des oiseaux. Elle cachait son visage pour pleurer la vie. Et quand elle se retournait, son vœu était exaucé. Elle renaissait sous des formes végétales. Elle était une liane, à peine balancée entre deux bambous ; elle était un pin solitaire, immobile au sommet d’une montagne, un cèdre nain contourné par deux cents ans de torture, puis elle redevenait fantôme et, affublée d’un masque hideux, armée d’antennes menaçantes, elle mimait les rages d’un gaki voué aux tourments du « monde des esprits affamés ».

Lord Minto jouissait en silence du spectacle de ses invités épars sur la pelouse. Quand la nuit fut tombée, une nuit chaude, un peu brumeuse, dans laquelle les montagnes grandissaient fantastiquement, des lanternes s’allumèrent sous les feuillages et les kimonos de satin cramoisi, les robes de soie verte ou de velours orange circulèrent sous des dragons, des soleils, des poissons lumineux.

— N’est-ce pas que la vie est plus belle ainsi ? demandait l’Anglais à la générale Dean. N’est-ce pas qu’une telle vie doit être vécue ?

— Oui. Elle doit être vécue ici.

La générale était une Irlandaise quadragénaire au teint diaphane, au parler lent. Elle était devenue bouddhiste après avoir perdu son fils aux Indes.

— Ah, vous, du moins, vous me comprenez, reprit Lord Minto. Je n’ose encore dévoiler mes espoirs aux gens de ce pays. Mon idée heurtera tant de préjugés ! J’hésite à commencer ma campagne. Je compte pourtant les séduire par la supériorité morale, hygiénique, économique du monde que je voudrais créer. Mais à vous, je peux bien l’avouer : je ne cherche que la beauté. Je veux réaliser ici la plus grande somme de beauté possible… et peut-être aussi préparer l’avenir, poser un jalon. On m’a dit que vous alliez faire bâtir une villa : promettez-moi de vous adresser à mon architecte. C’est un artiste de Kyoto que j’ai attaché à ma personne. Ses plans vous enchanteront, je le sais.

— J’irai le voir demain, promit la générale.

— N’avez-vous pas remarqué, continua-t-il en pressant la main de son amie, que mon rêve est partout en train de se réaliser ? Où va l’élite européenne ? Vers un Orient de plus en plus lointain. La vogue de l’art russe n’est pas due au hasard. Déjà, nos musiciens et nos décorateurs ont dépassé la Russie. Ils avancent en plein monde jaune. On tisse maintenant certaines étoffes à la manière des Javanais. Je vous montrerai des ivoires travaillés par un artiste français dans un style purement chinois. Nous lirons ensemble la dernière sonate de S. Elle n’est déjà plus intelligible aux Européens, mais je connais un compositeur de Samarang qui y prendrait un subtil plaisir. Ne parlez pas là de pastiche, de mode, de suggestion collective. Ces créateurs sont poussés par un instinct irrésistible. Peut-être obéissent-ils aussi à des pressentiments, à la nécessité de faire place à l’avenir. Les artistes sont meilleurs prophètes que les diplomates. Les rêveurs sont les grands réalistes du temps qui vient.

— Les croyants aussi cherchent leur Orient, murmura l’Irlandaise.

Un oiseau, trompé par la lueur orangée d’une lanterne, s’était mis à chanter dans le bois de bambous.

— On a réalisé des rêves plus orgueilleux que le mien, reprit Lord Minto. Certain empereur de la vieille Chine voulait que la surface du sol, autour de sa capitale, offrît un coup d’œil semblable à celui qu’offrent la voie lactée et les constellations voisines. Les villages et les champs labourés devaient représenter les espaces sombres ou moins lumineux de la voûte céleste. Les palais et les tours devaient figurer les étoiles. Toute la région fut renouvelée suivant le plan du ciel. Plus de huit cents demeures impériales et un nombre incalculable de chaumières jalonnèrent ce firmament nouveau, que soixante-dix mille familles furent appelées à peupler…

L’automne suivant, la générale Dean vivait dans une maison de bois aux toitures délicatement ornées de dragons.

L’aspect de la ville et des hôtels irritait si fortement Lord Minto qu’il se confinait chez lui, travaillant avec un secrétaire. Au début de l’hiver, il commença sa campagne. Il avait annoncé une conférence gratuite sur certaine « réforme nécessaire » qu’il s’abstenait de définir plus clairement. Un public assez nombreux de petits bourgeois garnissait la salle. On croyait entendre un orateur religieux, un de ces pasteurs dissidents qui propagent le délire innocent particulier à leur secte. Lord Minto s’était promis d’être pratique.

— Vous habitez des maisons de pierre, dit-il, qui coûtent dix mille francs. Des maisons de bois en coûteraient mille. Vos chaussures blessent vos pieds et vous les payez trente francs la paire. De simples sandales de paille reviennent à trois francs et on y est plus à l’aise. Je vous apporte le moyen d’améliorer vos meubles, vos vêtements, votre nourriture, vos mœurs, vos croyances. Je ne vous demande pas d’y renoncer du jour au lendemain, mais de les réformer lentement.

Le public ne s’étonnait pas. La semaine précédente, à un meeting « adventiste », un prédicateur avait dépensé une verve bien plus menaçante pour engager son auditoire à faire de chaque samedi un dimanche, suivant la volonté expressément déclarée du Seigneur. Lord Minto paraissait moins exigeant. A la fin de la conférence, un auditeur converti vint le trouver.

C’était un ancien Évangéliste, vieillard au teint jaune, aux yeux bridés, qui avait habité la Chine du sud. Il exposa qu’il se morfondait dans un logement de la rue du Marché. Il regrettait le temps et le pays de son apostolat. Il possédait un lopin de terre au-dessus des Planches, près de l’entrée des gorges, et si vraiment les frais étaient aussi modestes… Le réformateur le contemplait avec amour. Il l’invita, lui fit raconter ses campagnes, lui envoya son architecte, et quelques mois plus tard, les Montreusiens voyaient s’élever sur un terrain en pente, à la lisière des bois de Glion, une sorte de petit temple aux carreaux de papier. Lord Minto s’y rendait souvent, moins pour écouter les récits de l’Évangéliste que pour voir l’humble construction briller doucement au couchant, contre la montagne dorée.

Le reste de la ville l’irritait de plus en plus. Il avait eu beau faire distribuer à domicile des milliers de brochures de propagande, ce peuple arriéré persistait dans sa routine. Les mois passaient et Montreux demeurait. Parfois, le rêveur prenait une barque et gagnait le large, dans la brume qui voilait momentanément la cité obstinée. Son imagination bâtissait alors ce qui aurait dû être, pagodes aux toits d’émail, palais aux murailles couleur de sang, maisons de plaisir accrochées aux rives à pic du Chauderon…

Un coup de bise déchirait le brouillard et, précis dans la froide lumière du soir, apparaissaient les hôtels, les églises, les magasins éternels ! Lord Minto reprenait ses rames en soupirant. Il y avait un point du lac d’où sa propre habitation, celle de la générale Dean et le petit temple de l’Évangéliste semblaient se superposer. Il s’y rendait parfois, isolant entre ses mains rapprochées cette perspective heureuse. Mais depuis longtemps déjà, ces trois îlots de beauté ne comblaient plus son cœur anxieux.

Il avait entrepris de convertir les hôteliers à son idée. La plupart l’avaient éconduit, avec une politesse motivée par la notoriété de sa grosse fortune. L’un d’eux, propriétaire de terrains à Territet, promit d’essayer le style nouveau, pourvu qu’on lui garantît les frais de la construction. Lord Minto lui avança vingt-cinq mille francs et vit bientôt surgir de terre un châlet suisse. Furieux d’avoir été dupé, il intenta un procès en restitution, le perdit et se trouva, malgré lui, actionnaire d’une « pension Joli-Site » vernie comme un jouet.

Sa grande haine, c’était le Kursaal. Il avait proposé à la direction de le remplacer par un bateau de fleurs, une vaste jonque dans laquelle on aurait trouvé des salles de jeu, des salons de thé, un théâtre japonais. Il offrit une subvention de cent mille francs, à condition qu’on rasât la hideuse bâtisse. Le Conseil d’administration, composé de madrés Vaudois, accepta la jonque sans s’engager à la démolition. Au moment de signer, Lord Minto déchira le contrat.

Il se rabattit sur le syndic. Celui-ci, qui rêvait d’orner Montreux d’un jardin zoologique, ramenait tout à sa marotte. Si Lord Minto voulait faire les frais de l’établissement, il serait libre d’en dresser les plans. Soit ! Il y aurait un pont de faïence, des arbres nains, les animaux seraient logés dans des cabanes-bambou et la girafe habiterait une pagode. Quant à la ville, peu importait au bonhomme qu’elle devint arabe, chinoise ou persane. Ce qu’il voulait, c’était son jardin ! Incapable de l’arracher à cette conception mesquine, Lord Minto brisa les pourparlers.

Il cessa de fréquenter ces Occidentaux endurcis et passa l’hiver dans sa maison. Entre l’architecte, l’Évangéliste, à qui l’on enfilait une robe de soie bleue dès le vestibule et la générale Dean, qui contait des légendes bouddhistes, il vécut des heures apaisantes. O-Kamé, la jeune femme de l’architecte, paraissait quand on l’en priait, servait le thé avec une grâce enfantine et chantait volontiers d’une faible voix nasillarde, en s’accompagnant sur le kotto. Ainsi confiné, le rêve oriental devenait vrai, facile, heureux. Mais il ne fallait pas aller voir passer les demoiselles de magasin sur la route, derrière la clôture, ni entendre se défier les ivrognes, le samedi soir. Une simple visite à la tombe de Mme Braniano comportait d’insupportables offenses.

Le printemps ramena les amis. On entendit de nouveau le bavardage un peu rauque de Mme de Mathos, sur la terrasse du Palace ; on revit la silhouette monstrueuse de Barrique-Pacha, roulant à petits pas sur les quais. Les promenades s’organisèrent. La première fois que Lord Minto sortit de chez lui, sa haine contre les maisons le surprit. Chacune lui semblait un vieil ennemi. Il avait cru les oublier, pendant ces trois mois de réclusion : il s’apercevait que leurs laideurs, leurs ridicules saignaient en lui comme des plaies ouvertes. On le trouva changé.

— Vous devez être malade, lui dit Mme de Mathos. Venez avec moi, faire la cure de Ragatz.

— Impossible, murmura-t-il en promenant sur la ville un regard de captif.

— Qui vous retient ici ?

— Mon travail… J’ai entrepris une grande œuvre… et je rencontre de telles difficultés…

Il allait dévoiler son idée, mais travail, difficultés, ces mots rebutaient déjà. On parlait d’autre chose. Barrique-Pacha détaillait de sa voix criarde une recette de mohalebis qu’il voulait inculquer au chef du Palace.

Lord Minto éprouva pour ses amis une répulsion soudaine. « Ils sont lourds, grossiers, sensuels, pensait-il. Et leurs vêtements ! C’est certainement pour me tourmenter, qu’ils s’habillent ainsi ! » L’Arménien portait un costume de sport à carreaux. La Portugaise, tout en satin blanc, montrait un cou bruni par le soleil de l’Engadine. Ses perles allongées aux oreilles, un monticule de plumes blanches sur les cheveux, elle semblait quelque oiseau étrangement bavard et agité. Lord Minto évoquait les figures sévères des anciens samouraï, leurs robes délicatement brodées, leurs paroles rares, leurs manières nobles. Son mépris augmentait pour ces fantoches. « Je ne supporterais plus de les voir chez moi, » se disait-il.

Il cessa de les fréquenter. Il traîna son printemps, solitaire, accablé de tristesse, par les sentiers de Veytaux et les bois de Chillon. Il sortait de bonne heure, s’arrêtait sous un cerisier en fleurs planté au bord du chemin comme une ombrelle blanche déchirée et se récitait quelque tanka. Les quatre vers précieux, qui évoquaient le charme d’une heure semblable vécue par un poète, de l’autre côté de la terre, le consolaient un instant. Il écoutait les herbes hautes et les ciguës bourdonner du labeur des insectes ; il regardait les montagnes de Savoie se velouter sous le ciel plus lourd ; il s’asseyait sur un banc. Il ne pensait à rien ; il se répétait machinalement des mots de là-bas, des noms de lacs, de villages, et quand le pas d’un promeneur criait sur les pierres, il plongeait son visage dans ses mains, pour ne pas voir un homme en veston.

Au mois de juin, l’agitation le reprit. Il rédigea des proclamations, arpenta la ville en tous sens avec son architecte, dressa des plans, nivela, abattit, réédifia par la pensée des quartiers entiers.

— Il faut agir, répétait-il à la générale Dean. Si je continue à me désoler en silence, rien ne changera.

— Mais tout change, répondait l’Irlandaise, de sa voix claire et traînante. Tout change suivant un rythme naturel auquel vous ne pouvez substituer celui que réclame votre esprit. Chaque heure achemine les formes vers leur accomplissement, qui est le néant… Tout homme animé du désir d’accélérer ou de ralentir cette marche prouve par là qu’il n’a pas compris la loi. Cette cité que vous détestez… elle ne me gêne plus. Elle me paraît si éphémère ! Soyez tranquille, elle passera.

— Plus vite, murmurait Lord Minto. Plus vite.

Il se demandait, à part lui, si son amie, sous des dehors éternellement apathiques, ne complotait pas avec eux. Car il était persuadé maintenant que les hôteliers, le directeur du Kursaal et le syndic s’entendaient pour tenir ses projets en échec. C’étaient eux, il le savait bien, qui, par une habile contre-propagande, entretenaient la lourdeur de l’esprit public. Eux seuls mettaient obstacle à la grande transformation. Mais le jour où il aurait prouvé qu’il n’avait pas peur de l’action, ils s’avoueraient vaincus. Une fois délivrée d’eux, la population comprendrait et tout s’accomplirait.

En attendant, ses rêves, qu’il avait pris l’habitude de noter, devançaient l’inerte réalité. Qu’ils fussent voilés de symboles hypocrites, ou directs comme ceux des enfants, tous témoignaient du profond désir qui l’emplissait. Certains, expliqués par l’analyse, eussent pu révéler des causes de son mal insoupçonnées : il ne se pensait pas malade. Son idée lui paraissait naturelle, nécessaire. Il ne la mettait plus en question.

Quant à ses souffrances, au lieu d’en chercher la raison en lui-même, il la trouvait dans l’obstination avec laquelle les hommes persistaient dans leur être haïssable.

Plus tard, en examinant ses cahiers, les médecins émirent des hypothèses singulières. Il les repoussa avec indignation. Ses mœurs étaient pures et il ne savait pas qu’on peut vivre innocemment, en abritant dans son cerveau le fantôme d’un monstre ignoré.

L’avant-veille du malheur, il se promena dans le quartier des Planches, à l’entrée des gorges du Chauderon. C’était là, sur les berges du torrent, qu’il comptait établir les maisons de plaisir. Il les voyait, s’étageant des deux côtés de l’eau bouillonnante, sonores de chants et de cris d’ivrognes. Il discernait, dans l’encadrement des portes, les faces rondes et blafardes des hétaïres, leurs tuniques de soie bleue et leurs ornements miroitant au soleil.

Le lendemain matin, il nota ceci, qu’il venait de rêver : « Je suis dans une rue silencieuse, entre des murs clairs. Je cause avec un coolie robuste ; ses bras sont nus, musclés ; l’un d’eux porte une tache noirâtre. Il me montre le plan d’une contrée au bord de la mer ; il y a des villages aux noms chinois. Je dois connaître ce pays. Nous marchons en causant, et nous arrivons dans une impasse : deux pans de mur d’un rose fané, dont l’un est légèrement en retrait. L’autre est décoré d’une espèce de guirlande, peinte à la fresque. Il n’y a plus moyen d’avancer. Mais mon guide, en souriant, me montre une fissure le long de la guirlande, y insère ses doigts souples et ouvre une porte secrète.

— Faites attention, dit-il, c’est une maison.

Je m’informe avec timidité. Aussitôt une voix horriblement pénible, éraillée, crapuleuse, annonce : « deux Tommies » et un domestique de lupanar chinois apparaît. Il présente une particularité inquiétante : son visage luit sous une couche de blanc gras. Il annonce de nouveau : « Une femme. C’est une étoile ! » et je vois sortir une créature disgracieuse au visage coloré, aux traits marqués, vêtue d’un costume tailleur gris. Je pense : « Toujours la même déception, dans ces maisons. » Nous rebroussons chemin, mon guide et moi, mais la rue se met à monter. Nous gravissons maintenant des degrés sous une voûte. Tout à coup, dans la pénombre, apparaissent deux enfants. Ils descendent vers nous. Ils ont d’abondantes chevelures blondes et une profusion de linge de dessous, d’où sortent leurs jambes nues. Ils sont gracieux, équivoques et leurs visages brillent, maquillés au blanc gras comme celui du domestique. Je me mets à trembler et je demande à mon guide : « Comment ? Est-ce qu’ils appartiennent aussi à la maison ? » — « Oui », me répond-il en souriant toujours. Réveil. »

Dans la journée, Lord Minto manifesta une grande agitation. Il lui fallut choisir l’emplacement d’un futur théâtre. Il harcela son architecte, lui fit modifier ses plans et décida finalement que le monument s’élèverait « là-haut, à la place de ce hideux hôtel à tourelles, qui déshonore la montagne de Glion. »

— Je veux un théâtre, ajouta-t-il, qui soit comme un temple. On y accédera par d’immenses escaliers montant en ligne droite à travers la forêt. En ligne droite, vous entendez ? Si les rochers vous gênent, vous les ferez sauter. Je veux, toutes les cent marches, une terrasse ombragée de cèdres et de mélèzes. Sur la dernière terrasse, des chimères de jade seront accroupies et le portique du théâtre apparaîtra, entièrement doré. Les toits, les clochetons, les dragons, je veux que tout ait l’apparence de l’or. Je ne tolérerai pas une parcelle de bois ou de métal qui n’ait l’apparence de l’or. Allez faire votre plan. »

Il sortit. Le lac roulait une houle d’émeraude éclaboussant les quais. Dans le ciel, déchiré par un récent orage, les montagnes se dressaient, nettes, proches et brillantes. Des verdures lavées, des rosiers écrasés par la pluie, la chaleur évoquait un brusque arome. Il semblait vraiment que ce pays attendît le complément de splendeur et de grâce que le rêveur voulait lui conférer.

— Patience, murmura-t-il sur le seuil de sa propriété. Encore un peu de patience.

Il gagna la ville. Au détour d’une des ruelles qui conduisent vers les gorges, il aperçut, devant lui, dans un tourbillon de poussière, la forme bien connue de Barrique-Pacha. Mais à sa grande surprise, l’Arménien portait la robe chinoise de satin jaune qu’on lui avait vue l’année précédente, à la fête costumée. Lord Minto pensa : « Il se moque de moi, » et pressa le pas pour dire son fait à l’insolent. Celui-ci montait lentement, emplissant la ruelle de sa corpulence, oscillant entre les murs comme un absurde monstre doré.

— Hulloa, Souloughian ! héla Lord Minto.

Au lieu de s’arrêter, le mauvais plaisant se retourna, sourit d’un air gouailleur et disparut dans la cave d’une maison aux volets clos. La porte verte s’était refermée sans bruit. L’Anglais appela, frappa en vain… Des enfants qui jouaient bruyamment dans la poussière s’étaient tus. Il descendit conter l’incident à la générale Dean. Il était violemment irrité.

— Je n’étais pas sûr que Souloughian fût affilié à leur bande ; à présent, j’en ai la preuve. Et j’ai pénétré leur tactique : ils veulent tuer mon idée par le ridicule.

— Mon cher Lord, protestait la générale, vous vous êtes trompé, Souloughian est à St. Moritz. Lady Cole-Hamilton m’écrit ce matin qu’elle a pris le thé avec lui.

— Impossible, murmura-t-il. Je l’ai vu. Et… et… je ne suis pas seul à l’avoir vu… Il y avait des gamins qui se moquaient de sa robe jaune.

L’Irlandaise se tut. Un peu de rose affluait à ses joues fanées, décelant son émotion.

— Rentrez chez vous, prononça-t-elle enfin. J’irai vous voir ce soir, quand la chaleur sera tombée.

— Je ne suis pas vaincu, dit-il en la quittant. Je n’ai même jamais été plus près du triomphe. Ils ont abattu leur jeu : tant mieux. Moi aussi, j’abattrai le mien.

Il rentra, comme de nouveaux orages s’amoncelaient sur la Savoie. Il pénétra sans s’annoncer dans l’appartement de son architecte. Ce dernier était sorti, mais on grattait du kotto dans la chambre à coucher. Lord Minto fit glisser la cloison de papier et se trouva devant O-Kamé qui étudiait, accroupie sur sa natte, baignée de la lueur cuivrée du soir menaçant. Elle se leva, rougit, salua, surprise de l’impolitesse. Il la dévisagea longuement, puis s’approcha d’elle et lui dit, presque à l’oreille :

— Vous êtes… comme une enfant, O-Kamé. Je… j’aime beaucoup les enfants.

Avant qu’elle sût ce qu’elle devait répondre, il avait disparu.

Il ne se montra pas à table. Les domestiques le cherchèrent vainement au jardin. Vers huit heures, l’architecte et sa femme achevaient de dîner, quand une servante vint les prier de sortir sur le perron. Un coussin de nuages noirs pesait sur la tête des Rochers de Naye. Le vent était tombé. Le lac brisait toujours, éclaboussant d’eau tiède les promeneurs du quai. La plupart s’étaient arrêtés, les yeux levés sur Glion. On voyait un ballon de fumée se gonfler au-dessus d’un hôtel et monter légèrement dans le crépuscule. O-Kamé, qui était cultivée, songeait à la mésaventure de Hong, le gouverneur du Palais Impérial, laissant échapper le roi des démons sous la forme d’une vapeur noire.

— Il y a le feu au Majestic, dit l’architecte.

De courtes flammes apparurent bientôt le long du toit qu’elles se mirent à grignoter, comme des centaines de petites dents rouges.

Là-haut, une grande confusion régnait. Le feu ayant pris au grenier, on sauvait le mobilier des étages supérieurs ; lits, armoires, chaises longues se fracassaient sur la pelouse. Un triple cordon de curieux et de sinistrés commentait la défenestration. En un quart d’heure, la toiture fut dévorée. Les poutres, qui dessinaient encore en arêtes de feu les contours détestés des tourelles, s’abîmèrent elles-mêmes dans la fournaise. Des matériaux carbonisés s’abattaient autour de l’hôtel. Les volets flambaient comme de la paille. L’air, en s’engouffrant, étirait les flammes du brasier intérieur. Parmi les gerbes d’étincelles, les planchers s’effondraient dans un gouffre d’or.

D’un bosquet de rosiers, Lord Minto regardait. La fraîcheur du lieu, les premières gouttes de la pluie et surtout le spectacle de la destruction le rendaient parfaitement heureux. Dans le tourbillon de feu qui tournoyait contre les plafonds, il cherchait des formes de démons orientaux. L’œuvre était commencée. Que pouvait-il désirer de plus ?

On l’arrêta vers dix heures. On l’avait vu dîner au restaurant, prendre l’ascenseur et se diriger vers l’étage des domestiques, un cigare à la bouche. Il refusa de répondre aux questions des policiers.

Dans le sanatorium des environs de Bâle où la générale Dean l’avait conduit, un médecin le fit longuement parler, non sur son acte récent, mais sur des faits du plus lointain passé. Lentement, avec douceur, au jour cru d’une cellule nue, on fouillait dans la poussière de sa première enfance.

Quand le docteur, penchant la tête en arrière et fermant à demi les paupières, suspendait son travail d’exhumation, Lord Minto revenait à la justification de son idée :

Les peuples d’Europe sont en train de s’anéantir dans une mer de sang. Croyez-vous donc que les Orientaux ne profiteront pas de cet affaiblissement pour menacer leurs anciens oppresseurs ? Les obtus habitants de ce coin de terre ont refusé d’adhérer pacifiquement aux formes, aux couleurs et aux pensées du plus extrême Orient. Des hordes jaunes les imposeront un jour par la force à leurs descendants, après d’effroyables massacres. Je ne doute pas que vous n’en soyez convaincu. Alors, par quelle aberration donnez-vous raison aux aveugles contre les clairvoyants ? Pourquoi me retient-on ici ? Est-ce pour avoir prévu et devancé le cours inéluctable des destinées ? Ou simplement, parce que la beauté n’étant plus supportable dans cette Europe agonisante, toute atteinte à la laideur y est considérée comme un crime ?

Le médecin évitait de le contredire.

— Il est dangereux, répondait-il seulement, que les prophètes et les artistes aillent en liberté. Mieux vaut les tenir pour fous, car ils inquiètent la conscience des gens raisonnables. Et où irait-on, si ces derniers venaient à douter d’eux-mêmes ? Restez avec nous. Au lieu d’un sol rebelle, vous aurez tout cet espace du ciel, pour édifier vos cités orientales. Le cerveau d’un poète peut créer plus de beauté que les outils d’un maçon et les nuages du couchant sont, pour construire des rêves, une base aussi ferme que les collines de Montreux.

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