Les aventures du jeune Comte Potowski, Vol. 2 (of 2): Un roman de coeur par Marat, l'ami du peuple
LVI
DU MÊME AU MÊME.
J'aperçois le soleil qui s'abaisse sons l'horizon; les ombres se projettent au loin dans la plaine; déjà il n'y a plus que le sommet élevé des montagnes qui retienne les derniers rayons de l'astre disparu.
Voici l'heure que plein d'impatience, je courais aux lieux fortunés où m'attendait mon amante: heure autrefois si désirée! tu n'es plus à présent que celle de mon désespoir!
Lucile n'est plus!
Hélas, sa chère image s'offre sans cesse à mon âme attendrie. Comme ses yeux brillaient d'un doux feu! Combien sa modestie ajoutait à ses charmes! Quelle candeur, quel enjouement, quelle aménité dans ses entretiens! Que sa beauté était séduisante, et son cœur fait pour aimer! Rien ne lui manquait. La fortune et la vertu lui avaient prodigué tous leurs dons. Qu'avait de plus le ciel à lui accorder?
Ah! elle était trop belle pour vivre; j'étais trop heureux. Le destin jaloux l'a moissonnée comme une fleur à peine éclose.
Tant d'attraits devaient-il sitôt périr? Ne la verrai-je donc plus, cette bouche divine me sourire amoureusement! Je ne l'entendrai plus cette voix touchante dont les doux accents allaient à mon cœur! Ses regards tendres n'exciteront plus au fond de mon âme d'émotions délicieuses!
O Lucile, Lucile, dans quel désespoir ta perte a plongé ton amant!
Où retrouver son beau naturel, son âme sensible, ses nobles sentiments? De quel plaisir elle enivrait mon cœur dans les épanchements de la confiance! O douce société! tendre union! non, ce n'était point l'union, c'était le mélange de deux cœurs.
Félicité céleste, félicité si rare sur la terre, je t'ai goûtée, je t'ai perdue! Il n'est plus pour moi de Lucile. Elle a couru se perdre dans le gouffre éternel du néant, il ne m'en reste qu'un triste souvenir sans cesse présent à mon esprit pour affliger ma pensée.