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Les aventures du jeune Comte Potowski, Vol. 2 (of 2): Un roman de coeœur par Marat, l'ami du peuple

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LXI
DU MÊME AU MÊME.

Le temps ne semble s'écouler que pour mesurer la longueur de mes souffrances. C'est en vain que je change de situation et de lieu; le calme ne renaît point dans mon âme agitée.

La pensée me tourmente sans relâche. La cruelle, loin de me transporter dans l'avenir pour m'y consoler, me ramène sur le passé pour déchirer mon cœur par le souvenir de ces biens qui ne sont plus. Soigneuse à me chercher partout des chagrins elle me promène dans ces lieux, témoins autrefois de mes plaisirs, et ne m'y montre qu'un désert, où leur fantôme est resté pour tourmenter ma mémoire. Elle me présente les richesses évanouies des héritages de mes pères et les débris de ma fortune; elle me fait errer tristement autour des tombeaux de mes amis et fait passer devant moi leurs ombres mélancoliques; elle me traîne sous les ruines de ce palais où est ensevelie Lucile! Ha! quel trait elle vient d'enfoncer dans mon cœur! Que me reste-t-il maintenant pour me faire supporter le fardeau de mon existence?

Quel sombre avenir s'ouvre devant moi! Quel vide affreux dans mon âme! Autrefois, caressé de la fortune, environné d'amis, chéri d'une maîtresse chérie, je me trouve dans un aride désert, et c'est dans ce désert que je dois traîner les restes languissants de ma vie.

Hélas! que n'ai-je trouvé la mort lorsqu'un fer meurtrier me perça le sein? et qu'ai-je gagné à lui échapper, que le triste privilége de souffrir plus longtemps?

Du matin au soir, deux ruisseaux de larmes coulent sur mes joues flétries, et chaque instant vient en grossir le cours. Ha! j'ai beau en verser, je n'en peux épuiser la source.

P. S. Nous fuyons comme des lâches devant les troupes des puissances médiatrices, et nous nous retirons dans le cœur du royaume.

Demain, nous partirons de Derasnia pour Krasilow où mon père a dessein d'attendre son entier rétablissement.

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