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Les aventures du jeune Comte Potowski, Vol. 2 (of 2): Un roman de coeœur par Marat, l'ami du peuple

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LA COMTESSE SOBIESKA A SON ÉPOUX.

A Lusne.

Depuis que Gustave nous donna avis de nous retirer ici, nous n'avons point de ses nouvelles.

Peu après votre départ se répandit le bruit d'une bataille sanglante entre les confédérés et les Russes. Lucile craignait que Gustave ne s'y fût trouvé. Tandis qu'elle attendait en transes des particularités de l'affaire, on lui apporta une lettre, elle la crut de son amant, et l'ouvrit avec impatience.

A peine y eut-elle jeté les yeux, que je la vis pâlir; ses mains tremblantes pouvaient à peine soutenir le papier, ses lèvres décolorées étaient prises d'un mouvement convulsif, ses genoux se ployèrent sous son corps, et elle tomba sans connaissance.

Tout mon sang se glaçait dans mes veines.

«Hélas! qu'est-il donc arrivé, Lucile? m'écriai-je.»

Je courus vers elle et demandai du secours à grand cris.

Quand nous l'eûmes rappelée à la vie, je jetai un regard sur la lettre. Elle était d'un ami de Gustave, qui nous annonçait sa mort.

Je ne vous peindrai pas l'état de notre pauvre fille, il est inexprimable; et les larmes qui coulent de mes yeux et inondent ce papier, vous le diront mieux que ma plume.

Elle a passé deux jours entiers dans une douleur stupide, sans prononcer aucune parole, et refusant toute espèce de nourriture.

J'avais beau la presser de prendre quelque aliment, mes instances étaient vaines. Enfin la voyant épuisée d'inanition, je me jetai à ses genoux. J'arrosai ses mains de mes larmes et la suppliai de ne pas me donner la mort par ses refus. Elle a reçu de ma main quelques bouillons.

Sa douleur paraît avoir pris un autre cours. Je ne l'abandonne pas d'un instant.

Souvent elle lève ses yeux et ses mains vers le ciel en prononçant le nom de Gustave, puis tout-à-coup elle verse un torrent de larmes, son sein se soulève avec précipitation, et les sanglots la suffoquent.

Je me suis aperçue qu'elle aime à aller gémir dans le jardin, et je crains que tout ne serve ici à lui rappeler son amant et à nourrir sa douleur.

J'ai donc pensé de l'emmener chez sa tante à Lomazy, où nous passerons quelque temps, jusqu'à ce que son affliction soit un peu modérée.

Adressez-nous-y vos lettres, et écrivez-nous souvent.

D'Osselin, le 19 juillet 1770.
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