Les aventures du jeune Comte Potowski, Vol. 2 (of 2): Un roman de coeur par Marat, l'ami du peuple
LXXIII
GUSTAVE A LUCILE.
Est-il donc vrai, Lucile, que tu refuses le nom chéri d'épouse? Hélas! m'y serais-je attendu?
Je croyais toucher enfin au moment de voir finir pour toujours mes longues souffrances. Un riant avenir s'ouvrait devant moi. Je t'avais retrouvée. Que manquait-il à mon bonheur, que de recevoir des mains de l'hymen le prix de mon amour? Je l'attendais plein d'espérance. Hier encore, je m'endormis dans cette douce illusion: mais quel affreux réveil! Et c'est ta main cruelle qui m'arrache le bandeau! C'est elle qui me perce le cœur!
Comme je sers de jouet à la fortune! Le plaisir échappe sous ma main dès que je veux le saisir, et la joie fuit loin de moi dès que je l'appelle. Dois-je donc ainsi toujours poursuivre le bonheur sans l'atteindre jamais? infortuné que je suis! Sous quel astre sinistre, à quelle heure funeste ai-je reçu le jour?
Ah! je le vois, le sort perfide se fait un jeu de me persécuter sans relâche; mais toi, Lucile, pourquoi conspirer avec lui?
Quelles noires pensées s'offrent à mon esprit! quelle sombre tristesse flétrit mon cœur! quel nouveau désespoir saisit mon âme! Cruel destin, tyran farouche, pourquoi m'imposer la vie, si tu voulais retenir le bonheur!