Pensées, maximes et fragments
VI
CARACTÈRES DES DIFFÉRENTS PEUPLES.
Le trait dominant dans le caractère national des Italiens, c’est une impudence absolue. Elle consiste en ce que d’une part, l’on ne se considère comme trop mauvais pour rien, c’est-à-dire qu’on est arrogant et effronté ; d’autre part qu’on ne se considère comme trop bon pour rien, c’est-à-dire qu’on est vil et bas. Quiconque, au contraire, a de la pudeur est pour certaines choses trop timide, pour d’autres trop fier. L’Italien n’est ni l’un ni l’autre, mais d’après les circonstances tour à tour poltron ou insolent. — (M. 349.)
Le caractère propre de l’Américain du Nord, c’est la vulgarité sous toutes les formes : morale, intellectuelle, esthétique et sociale ; et non pas seulement dans la vie privée, mais aussi dans la vie publique : elle n’abandonne pas le Yankee, qu’il s’y prenne comme il voudra. Il peut dire d’elle ce que Cicéron dit de la science : nobiscum peregrinatur, etc. C’est cette vulgarité qui l’oppose si absolument à l’Anglais[42] : celui-ci, au contraire, s’efforce toujours d’être noble en toutes choses ; et c’est pour cela que les Yankees lui semblent si ridicules et si antipathiques. Ils sont à proprement parler les plébéiens du monde entier. Cela peut tenir en partie à la constitution républicaine de leur État, en partie à ce qu’ils tirent leur origine d’une colonie pénitentiaire, ou qu’ils descendent de certaines gens qui avaient des raisons de fuir l’Europe ; le climat peut y être pour quelque chose. — (N. 385.)
[42] Schopenhauer reprochait aux Anglais leur infâme bigoterie qui, disait-il « a dégradé la plus intelligente et peut-être la première nation de l’Europe, au point qu’il serait temps d’envoyer en Angleterre, contre les Révérends, des missionnaires de la Raison, avec les écrits de Strauss dans une main, et la Critique de Kant dans l’autre. » (Ribot, Schopenhauer, p. 3.) — Il traite les Révérends d’imposteurs, d’hypocrites et d’hommes d’argent, qui dévorent chaque année 3,500,000 livres sterling (87,500,000 francs). (Gwinner, p. 24.)
Les autres parties du monde ont des singes ; l’Europe a des Français. Cela se compense. — (N. 386.)
On a reproché aux Allemands d’imiter tantôt les Français, tantôt les Anglais ; mais c’est justement ce qu’ils peuvent faire de plus fin, car, réduits à leurs propres ressources, ils n’ont rien de sensé à vous offrir. — (N. 387.)
Lichtenberg compte plus de cent expressions allemandes pour exprimer l’ivresse ; quoi d’étonnant, les Allemands n’ont-ils pas été, depuis les temps les plus reculés, fameux pour leur ivrognerie. Mais ce qui est extraordinaire, c’est que dans la langue de la nation allemande, renommée entre toutes pour son honnêteté, on trouve plus que dans toute autre langue des expressions pour exprimer la tromperie et la plupart du temps elles ont un air de triomphe, peut-être parce que l’on considère la chose comme très difficile. — (N. 386.)
En prévoyance de ma mort, je fais cette confession que je méprise la nation allemande à cause de sa bêtise infinie, et que je rougis de lui appartenir. — (M. 399.)
FIN