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Écrits spirituels de Charles de Foucauld : $b ermite au Sahara, apôtre des Touregs

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MÉDITATIONS SUR L’ÉVANGILE
(Extraits)

Les Méditations dont nous donnons ici quelques extraits, se rapportent toutes à deux sujets : la prière et la foi. Charles de Foucauld les écrivit pendant le temps qu’il vécut à la Trappe, plus particulièrement, croyons-nous, pendant qu’il séjourna en Asie Mineure, dans la Trappe d’Akbès. On remarquera qu’il prend, dans chaque évangéliste, d’abord dans saint Mathieu, puis dans saint Marc, puis dans saint Luc et dans saint Jean, les textes qui se rapportent à l’entretien de l’âme avec Dieu ; il fera de même en ce qui concerne la foi.

I
PRIÈRE

Évangile selon St Mathieu, Ch. 4, v. 10.

« Tu adoreras le Seigneur ton Dieu. » C’est Vous qui nous le dites, mon Seigneur et mon Dieu ; c’est la première parole sortie de Votre bouche touchant la prière, qu’on trouve dans l’Évangile ; c’est aussi le principal, le fond de nos prières : adorer, se mettre à Vos pieds, sous Vos pieds, comme un néant, comme une poussière bonne seulement à être sous Vos pieds, mais une poussière pensante, une poussière aimante, une poussière qui Vous admire, qui Vous vénère, qui Vous aime passionnément, qui baise et embrasse Vos pieds en étant foulée par eux, se fond en amour et en vénération devant Vous…

Voilà mon premier devoir envers Vous, mon Seigneur et mon Dieu, mon Maître, mon Créateur, mon Sauveur, mon Dieu Bien-Aimé !…

C’est pour me perfectionner et perfectionner mon prochain que je fais ces petites méditations. Et ce double perfectionnement, je ne le veux que parce qu’il est le plus que je puisse faire pour Votre gloire. Daignez donc bénir, mon Dieu, ce petit travail, ce doux travail, entrepris uniquement pour Votre gloire, pour la consolation de Votre Cœur. Cœur Sacré de Jésus, je dépose en Vous ce travail fait pour Vous, répandez sur lui Vos grâces et qu’il soit ce que Vous voulez. Notre-Dame du Perpétuel-Secours, accordez-moi en ceci comme en toutes mes pensées, mes paroles et mes actions, votre secours tout puissant et la grâce de vous le demander sans cesse.

Ma Mère Sainte Magdeleine, Saint Joseph, Saint Jean-Baptiste, Saint Pierre, Saint Paul, mon bon Ange, Saintes Femmes qui avez broyé des parfums pour embaumer Notre Seigneur, broyez ce travail et broyez-moi surtout moi-même et répandez-moi comme un parfum d’agréable odeur sur les pieds de Notre-Seigneur…

St Mathieu, ch. 5, v. 44. « Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis, etc… »

Prier pour nos persécuteurs et nos ennemis. Mettons soigneusement, avec le soin scrupuleux de l’amour, cet ordre à exécution. Et, pour être bien sûr de ne pas l’omettre, fixons-nous telle ou telle prière à dire chaque jour pour nos persécuteurs et nos ennemis. Quand notre Bien-Aimé laisse tomber un commandement de ses lèvres, n’est-ce pas bien le moins que nous le recueillions et que nous l’exécutions avec tout l’empressement, tout l’amour et toute la perfection possibles ?

St Mathieu, ch. 6, v. 6. « Lorsque vous prierez, entrez dans votre chambre, et, la porte en étant fermée, priez votre Père dans le secret. »

Notre-Seigneur nous donne, ici, le précepte de la prière solitaire : nous enfermer dans notre chambre et y prier dans la solitude notre Père qui nous voit dans le secret. Donc, à côté de la prière bien-aimée devant le Saint-Sacrement, à côté de la prière en commun où Notre-Seigneur est au milieu de ceux qui se réunissent pour Le prier, aimons et pratiquons chaque jour la prière solitaire et secrète, cette prière où nul ne nous voit que notre Père Céleste, où nous sommes absolument seuls avec Lui, où nul ne sait que nous Le prions ; tête à tête, secret délicieux, où nous répandons notre cœur en liberté, loin de tous les yeux, aux genoux de notre Père…

St Mathieu, ch. 7, v. 8. « Qui demande reçoit, qui cherche trouve. »

Combien nous devons demander la glorification de Dieu, notre sainteté et celle du prochain, puisque nous sommes absolument sûrs de l’obtenir !… Et, en effet, n’est-il pas naturel que Celui qui nous a aimés jusqu’à tant souffrir pour nous, nous aime assez pour nous exaucer ?… Quelle responsabilité nous avons ! Si nous ne prions pas assez, nous sommes responsables de tout le bien que nous aurions pu faire par la prière et que nous n’avons pas fait. Quelle terrible responsabilité ! Mais, quelle bonté de la part de Notre-Seigneur, de nous faire ainsi, en quelque sorte, partager Sa puissance en donnant une telle valeur à nos prières !

St Mathieu, 9, 22. « Ta foi t’a guérie », dit Notre-Seigneur à l’hémorroïsse…

Nous le voyons, ce que Notre-Seigneur recommande par-dessus tout dans la prière, c’est la foi. Il la recommande presque à chaque ligne… Pourquoi ? 1o parce que c’est ce qui nous manque le plus ; 2o parce que, quand elle nous manque, notre prière non seulement ne peut pas être agréable à Dieu, mais Lui est injurieuse… Qu’elle nous manque, je ne le vois que trop, hélas ! par ma triste expérience. Elle me manque si souvent pour deux causes : parce que je me regarde trop et je ne regarde pas assez Dieu ; j’ai les yeux sur mon indignité au lieu de les avoir sur Sa bonté, sur Son amour, sur Son Cœur ouvert pour moi ; et parce que je regarde ma demande trop humainement ; j’ai devant les yeux les difficultés que présentent les grâces que je demande, leur impossibilité à être atteintes par les hommes, les obstacles qui s’opposent à leur accomplissement, au lieu d’avoir devant les yeux la toute-puissance de Dieu à qui tout est facile !… Ayons donc sans cesse sous les regards l’amour immense de Dieu pour nous, cet amour qui Lui a fait endurer de telles souffrances pour chacun de nous, et qui Lui rend si doux, si agréable, si naturel, de nous faire les plus grandes grâces (plus les grâces sont grandes, plus Il lui est doux de nous les faire, c’est la nature de l’amour), et cette facilité infinie avec laquelle Il peut faire ce qui nous semble le plus difficile, le plus impossible.

St Mathieu, ch. 14, 23. « Il monta sur la montagne, seul, pour y prier. Et le soir venu, il était tout seul… »

— Notre-Seigneur prie seul, prie la nuit. C’est une habitude chez Lui… Bien des fois l’Évangile nous répète : « Il se retira seul pendant la nuit pour prier »… Aimons, chérissons, pratiquons à son exemple, la prière nocturne et solitaire… Quand tout sommeille sur la terre, veillons et faisons monter nos prières vers notre Créateur… S’il est doux d’être en tête-à-tête avec ce qu’on aime au milieu du silence, du repos universel et de l’ombre qui couvre la terre, combien est-il doux d’aller, en ces heures, jouir du tête-à-tête avec Dieu !… Heures d’incomparable félicité, heures bénies qui faisaient trouver à saint Antoine les nuits trop courtes… heures où, pendant que tout se tait, tout dort, tout est noyé dans l’ombre, je vis aux pieds de mon Dieu, épanchant mon cœur dans Son amour, Lui disant que je L’aime, et Lui me répondant que je ne L’aimerai jamais, si grand que soit mon amour, autant qu’Il me chérit… Nuits fortunées que mon Dieu me permet de passer en tête-à-tête avec Lui… O mon Seigneur et mon Dieu, faites-moi sentir comme je le dois le prix de pareils moments ! Faites-moi « delectare in Domino »… Faites-moi, à Votre exemple, n’avoir pas de plus chers moments, pas de plus vrai repos, pas d’heures plus suaves et plus enviées que ces heures de prières nocturnes et solitaires !

Apprenez-moi, de plus, à prolonger ces heures où, pendant que tout sommeille, je veille seul à Vos pieds, où, sans que personne sache ni partage mon bonheur, je jouis, dans la solitude de la nuit, de la présence de mon Dieu ! O mon Dieu, si ces veilles solitaires et fortunées pouvaient dévorer de plus en plus toutes mes nuits, que je serais heureux !… Combien de saints ont eu ce bonheur : je sais bien que je ne le mérite pas, mais je ne mérite aucune faveur et Vous m’en avez tant fait, et je sais si bien que Vous m’aimez ! Mon Dieu, si cela est, comme je le pense, conforme à Votre volonté, faites-moi cette grâce, je Vous le demande, par toutes les grâces que Vous m’avez déjà faites et par Votre Cœur ! Amen…


Notre-Dame du Perpétuel-Secours, vous que je n’ai jamais invoquée en vain, obtenez-moi ce bienfait et ayez la main sur moi, pour m’empêcher de dormir, comme je le fais si souvent, hélas ! lorsque je suis aux pieds de Notre-Seigneur et qu’Il m’invite à Le prier, à prier avec Lui, à passer une heure en tête-à-tête avec Lui !…

St Mathieu, ch. 17, v. 19. « Si vous aviez de la foi gros comme un grain de sénevé, rien ne vous serait impossible. »

Nous pouvons tout par la prière. Si nous ne recevons pas, c’est, ou que nous avons manqué de foi, ou que nous avons trop peu prié, ou qu’il serait mauvais, pour nous, que notre demande nous soit accordée, ou que Dieu nous donne quelque chose de meilleur que ce que nous demandons… Mais jamais nous ne recevrons pas ce que nous demandons, parce que la chose est trop difficile à obtenir : rien ne nous est impossible à obtenir… N’hésitons pas à demander à Dieu même les choses les plus difficiles, telles que les conversions des grands pécheurs, de peuples entiers : demandons-les même d’autant plus qu’elles sont plus difficiles, avec la foi que Dieu nous aime passionnément…; mais demandons avec foi, avec insistance, constance, avec amour, avec bonne volonté… Et soyons sûrs que si nous demandons ainsi et avec assez de constance, nous serons exaucés en recevant la grâce demandée ou une meilleure.

… Demandons donc hardiment à Notre-Seigneur les choses les plus impossibles à obtenir, quand elles sont pour Sa gloire, et soyons sûrs que Son Cœur nous les accordera d’autant plus qu’elles semblent humainement plus impossibles, car donner l’impossible à ce qu’Il aime est doux à Son Cœur, et combien ne nous aime-t-Il pas ?

St Mathieu, ch. 17, v. 20. « Ce genre de démons ne se chasse que par la prière et le jeûne. »

Non pas par des prières ou des jeûnes spéciaux, mais par une vie de prière et de jeûne… Si donc nous voulons résister aux tentations du démon, il nous faut, pour cela, mener une vie de prière et de jeûne : ce sont les deux armes que Notre-Seigneur nous indique… Pour que notre vie soit une vie de prière, il faut deux choses : d’abord qu’elle renferme un temps suffisamment long consacré uniquement chaque jour à la prière ; ensuite, que pendant les heures consacrées à d’autres occupations, nous restions unis à Dieu, conservant la pensée de Sa présence, et tournant, par de fréquentes élévations, nos cœurs et nos regards vers Lui…

St Mathieu, ch. 18, v. 14. « Ainsi votre Père, qui est dans les cieux, ne veut pas qu’aucun de ces petits périsse. »

Notre-Seigneur est venu pour chercher ce qui est perdu… Il laisse quelques brebis qui sont au bercail pour courir après celle qui s’est égarée… Faisons comme Lui, et puisque nos prières sont une force, qu’elles sont certaines d’obtenir ce qu’elles demandent, courons, par nos prières, à la recherche des pécheurs, faisons, par elles, l’œuvre pour laquelle notre Divin Époux est venu sur la terre… Si nous ne sommes pas voués à la vie apostolique, combien nous devons prier pour la conversion des pécheurs, puisque la prière est presque le seul moyen puissant, étendu, que nous ayons de leur faire du bien, d’aider notre Époux dans son travail, de sauver Ses enfants, de tirer d’un péril mortel ceux qu’Il aime passionnément, et qu’Il nous a, par son testament, ordonné d’aimer comme Lui-même les aime !… Et si nous sommes voués à l’apostolat, notre apostolat ne sera fructueux que si nous prions pour ceux que nous voulons convertir, car Notre-Seigneur ne donne qu’à celui qui demande, n’ouvre qu’à celui qui frappe… Pour que Dieu mette de bonnes paroles sur nos lèvres, de bonnes inspirations dans nos cœurs, la bonne volonté dans les âmes de ceux à qui nous nous adressons, il faut la grâce de Dieu, et, pour la recevoir, il faut la demander… Ainsi, quel que soit notre genre de vie, prions beaucoup, beaucoup pour la conversion des pécheurs, puisque c’est pour eux surtout que Notre-Seigneur travaille, souffre et prie…

Prions chaque jour de toute notre âme pour le salut et la sanctification de ces enfants égarés mais bien-aimés de Notre-Seigneur, afin qu’ils ne périssent pas, mais soient heureux ; prions chaque jour pour eux, longuement et de toute notre âme, pour que le Cœur de Notre-Seigneur soit consolé par leur conversion et réjoui par leur salut…

St Mathieu, ch. 21, v. 13. « Ma maison est une maison de prière ; vous en avez fait une caverne de voleurs. »

Ceci nous indique le respect infini que nous devons avoir pour toute église, chapelle ; avec quel recueillement, quel respect, il faut nous y tenir ; et si ce recueillement était obligatoire jadis, combien plus il l’est maintenant que Notre-Seigneur réside dans nos Tabernacles…

La parole de Notre-Seigneur nous dit encore autre chose, elle s’applique à notre âme : notre âme, aussi, est une maison de prière ; la prière doit, sans interruption, s’élever d’elle vers le ciel, comme une fumée d’encens, et combien de fois, hélas ! les distractions, les pensées terrestres, les pensées qui ne sont pas pour la plus grande gloire de Dieu, les pensées mauvaises même, l’occupent, la remplissent de bruit, de trouble et de souillures, et en font une caverne de voleurs !… Efforçons-nous de toute notre puissance de faire que notre esprit soit toujours occupé de Dieu ou de ce qu’Il nous charge de faire pour Son service ; et même, qu’en faisant ce dont Il nous charge, nous jetions sans cesse un regard vers Lui, sans jamais détacher le cœur en aucune façon, et les yeux le moins possible, n’attachant nos yeux à nos occupations qu’autant que c’est nécessaire, et notre cœur pas du tout : que Dieu soit le Roi de nos pensées, le Seigneur de nos pensées, que Sa pensée ne nous quitte pas et que tout ce que nous disons, faisons, pensons, soit pour Lui, soit dirigé par Son amour. Rappelons-nous l’expression « dame des pensées » et qu’ainsi notre âme soit toujours une maison de prière, jamais une caverne de voleurs. Que rien d’étranger n’y ait accès ; qu’aucune chose profane n’y entre, même en passant. Qu’elle s’occupe sans cesse de son Bien-Aimé… Quand on aime, on ne perd pas de vue ce qu’on aime…

St Mathieu, 21, 16 « … et les enfants… criaient dans le temple : Hosanna au Fils de David. »

Notre-Seigneur approuve les enfants qui chantent : « Hosanna au Fils de David ». Il approuve donc, Il veut qu’on Le loue… Il ne Lui suffit pas qu’on Le remercie, qu’on Lui demande pardon, qu’on Le prie d’accorder des grâces ; ces trois mots : « merci, pardon, secourez-nous », si indispensables, et qui doivent être à tout instant dans nos cœurs et sur nos lèvres, ne suffisent pas pour Le prier comme nous le devons : il faut encore Le louer. Louer, c’est exprimer son admiration et, en même temps, son amour, car l’amour est inséparablement uni à une admiration sans réserve. Donc, louer Dieu, c’est se fondre à Ses pieds en paroles d’admiration et d’amour, c’est Lui répéter sous toutes les formes qu’Il est infiniment parfait, infiniment aimable, infiniment aimé, que Sa beauté, notre admiration et notre amour sont sans mesure ; c’est Lui dire sans fin, Lui dire sans pouvoir mettre de terme à une si douce déclaration, qu’Il est beau et que nous L’aimons.

Combien la louange fait partie essentielle de l’amour ; combien, par conséquent, elle fait indispensablement partie de nos devoirs envers Dieu : c’est facile à voir… Mais il est une deuxième cause pour laquelle nous devons à Dieu la louange : c’est que, nous permettre de la Lui adresser, c’est de Sa part une incomparable faveur : permettre à quelqu’un de nous dire, de nous répéter sous toutes les formes qu’il nous aime, n’est-ce pas la plus grande faveur que nous puissions lui faire ? N’est-ce pas lui dire que son amour nous plaît, nous est agréable, n’est-ce pas lui dire presque que nous l’aimons aussi ?… Dieu nous permet de nous tenir à Ses pieds, murmurant sans fin des paroles d’admiration et d’amour : quelle grâce ! quelle bonté, quel bonheur !… Mais, quelle ingratitude si nous méprisions une telle faveur ! Ce serait la mépriser que de n’en pas profiter, et non seulement Dieu nous permet ce bonheur des bonheurs, mais Il nous l’ordonne : Il nous ordonne de Lui dire que nous L’admirons et que nous L’aimons, et nous ne répondons pas à une invitation si précieuse et si douce ? quelle ingratitude ! quelle indignité ! quelle grossièreté, quelle monstruosité ! Mon Seigneur et mon Dieu, apprenez-moi à trouver toute ma joie à Vous louer, c’est-à-dire à Vous répéter sans fin que Vous êtes infiniment parfait et que je Vous aime infiniment : « Delectare in Domino et dabit tibi petitiones tuas » avez-Vous dit. Apprenez-moi à me délecter en Vous, dans la vue de Vos infinies beautés et le murmure amoureux et incessant, à Vos pieds, de Vos louanges !… Sainte Magdeleine, obtenez-moi la grâce de louer Notre-Seigneur, notre Maître commun, comme Il veut que je le fasse !…

St Mathieu, ch. 26, v. 36. « Asseyez-vous ici, pendant que je vais là-bas prier. »

Que fait Notre-Seigneur pendant la dernière heure qui précède Son arrestation et le commencement de Sa Passion ? Il se retire seul, pour prier… Ainsi, quand nous avons une grave épreuve à supporter, un danger, une souffrance à affronter, passons dans la prière, la prière solitaire, les derniers moments, la dernière heure qui nous en séparent[2]. Dans tout événement grave de notre vie, faisons ainsi : préparons-nous y, cherchons force, lumière, grâce pour nous y bien conduire en employant à prier, et à prier seul, la dernière heure, le dernier moment qui nous en séparent…

[2] Charles de Foucauld passa dans ce silence qu’il recommande ici, les dernières heures qui précédèrent sa mort violente.

St Mathieu, ch. 26, v. 38. « Attendez ici, et veillez avec moi. »

Est-ce seulement à ses trois Apôtres que Notre-Seigneur dit cela ?… Non, c’est à nous tous qu’Il aime et qu’il voit pendant son agonie, à nous tous, dont la compagnie fidèle et tendre, en ces moments douloureux, Lui est une consolation… Soyons donc fidèles à cette pratique « de veiller avec Lui », tous les jeudis soirs, pour Lui tenir compagnie, L’assister, Le consoler, être avec Lui de toute notre âme pendant Son agonie… Que cette veille du jeudi soir avec Notre-Seigneur agonisant soit une de nos pratiques fidèles toute notre vie : n’y manquons jamais pour l’amour du Cœur de Notre-Seigneur, Il nous le demande formellement par ces mots dits à Ses Apôtres. Le Lui refuserons-nous ?… O Sainte Vierge, ô mon Ange Gardien, aidez-moi, je vous en supplie, pour que je ne sois plus jamais assez indigne, assez détestable pour le Lui refuser. Amen.

St Mathieu, ch. 26, v. 39. « Il se prosterna, priant et disant… »

Notre-Seigneur se prosterne pour prier. Imitons-Le : aimons à prier prosternés, à genoux, dans les postures les plus pénitentes, les plus humbles, les plus suppliantes : ce sont, de toutes manières, celles qui nous conviennent le mieux, et ce sont aussi les plus douces pour nous, car ce sont les plus amoureuses. Quelle est la posture la plus amoureuse, sinon de se tenir à genoux aux pieds de ce qu’on aime ?… Tenons-nous donc ainsi aux pieds de notre Bien-Aimé… Ne craignons pas d’être assis en sa présence, comme Sainte Magdeleine, ou debout, mais préférons être à genoux et, chaque fois que nous le pouvons, que ce soit à genoux ou prosternés comme Il nous en donne ici l’exemple, comme le dictent l’humilité, la pénitence et surtout l’amour, que se fassent nos prières.

St Mathieu, ch. 26, v. 39. « Mon Père, si c’est possible, que ce Calice s’éloigne de moi, cependant, non ma volonté, mais la vôtre… »

Notre-Seigneur nous apprend à prier : il faut, d’abord, demander à Dieu ce que nous désirons, avec la simplicité de l’enfant qui parle à son père, et, après cela, ajouter : « Cependant, non ma volonté, mais la Vôtre. »

Faisons ainsi : point de recherche dans nos prières ; la simplicité absolue ; demandons ce que désire notre cœur, sans passer notre temps à chercher si nous ferions mieux de demander autre chose, sans recherche, en toute simplicité, demandons ce que nous désirons, puis ajoutons : « Cependant non ma volonté, mais la Vôtre. »

St Mathieu, ch. 26, v. 40. « Ainsi, vous n’avez pas pu veiller une heure avec moi… »

Ce n’est pas à Vos seuls Apôtres que Vous parlez, mon Dieu ! C’est à tous ceux qui, pouvant veiller avec Vous, pouvant tenir compagnie la nuit à Votre Cœur affligé, Vous consoler en priant et veillant avec Vous avec fidélité et amour, ne le font pas, se laissent aller au sommeil, manquent de courage, et, par conséquent, d’amour ; ne sentent pas tout le prix qu’a une veille avec Vous ; ne comprennent pas que veiller à Vos pieds est un incomparable bonheur, une félicité dont les Saints et les Anges même ne sont pas dignes ; ne jouissent pas de Votre présence comme on jouit de la présence d’un être passionnément aimé, et ne désirent pas avec passion Vous consoler, Vous soulager… S’ils désiraient, avec la passion qu’ils devraient avoir, Vous consoler, jamais ils ne céderaient à la tentation si basse et si brutale du sommeil : s’ils sentaient comme ils le devraient la félicité infinie qu’il y a à prier à Vos pieds, devant Vous, ne resteraient-ils pas indéfiniment à prier avec Vous, sans s’apercevoir que le temps passe, et n’ayant qu’une crainte dans une pareille jouissance, celle de la voir finir… Hélas, mon Dieu ! comme je suis de ces êtres bas, vils, grossiers qui, bien souvent, s’endorment à Vos pieds et se laissent aller au sommeil quand ils pourraient prier avec Vous !… Pardon, pardon !… Secourez-moi, mon Dieu, afin que je ne retombe plus jamais dans une aussi détestable froideur, dans une aussi indigne infidélité !… J’y suis tombé bien des fois ; je déteste ma faute, je l’ai en horreur… Pardon, mon Dieu, de toute mon âme !…

Évangile selon St Marc, ch. 1, v. 35. « En sortant de grand matin, il alla dans un lieu désert où il pria. »

Faisons comme Notre-Seigneur : levons-nous de grand matin, quand tout repose autour de nous, quand le silence, les ténèbres, le sommeil enveloppent encore la terre et les hommes et, au milieu de ce recueillement universel, de cette torpeur où tout est enseveli, levons-nous, veillons pour Dieu, élevons vers Lui nos cœurs et nos mains, répandons nos âmes à Ses pieds et, à cette heure où le tête-à-tête est si secret et si doux, jetons-nous à Ses genoux, et jouissons du tête-à-tête avec notre Créateur… Qu’Il est bon de nous permettre de venir à Ses pieds pendant que tout sommeille ; qu’Il est bon d’accorder à cette pauvre créature ce tête-à-tête avec Sa souveraine Majesté, avec son ineffable Beauté !… Jouissance de toute notre âme de moments si fortunés, d’une faveur au-dessus de toute parole, d’une faveur dont ni homme, ni saint, ni ange n’est digne !… Pendant toute notre vie, faisons chaque jour ce dont Notre-Seigneur nous donne ici l’exemple et qui est le bonheur des bonheurs, une félicité divine ; levons-nous bien avant le jour, et, de grand matin, quand tout sommeille dans l’ombre et le silence, commençons en même temps notre journée et nos prières, et passons, avant le jour et le commencement des travaux, de longues heures à prier aux pieds de Dieu… Devançons même nos saints compagnons et cherchons non seulement à prier une partie de la nuit avant le jour, mais à prier seul, ignoré de tous, dans la complète solitude, comme Notre-Seigneur… Si la prière commune nous est recommandée par Lui, Il nous recommande aussi la prière solitaire et secrète, et nous en donne l’exemple. Suivons les deux préceptes et les deux exemples…

St Marc, 7, 29… « Et elle le priait de chasser le démon du corps de sa fille. Jésus lui dit : « Laissez d’abord rassasier les enfants ; car il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens. » Elle répondit : « C’est vrai, Seigneur ; mais les petits chiens mangent sous la table les miettes de pain des enfants.
— A cause de cette parole, va, le démon est sorti de ta fille. »

Notre-Seigneur approuve hautement la prière de la Syro-phénicienne, et, par conséquent, nous la propose comme modèle des nôtres. Que voyons-nous surtout, dans cette prière ? Foi, humilité, constance, brièveté, simplicité. La foi et l’humilité sont admirables. La constance est telle qu’aucun rebut ne peut l’altérer. Faisons de même : soyons simples, brefs, d’une humilité qui trouve tout naturel de nous comparer et de nous entendre comparer à des chiens, d’une foi et d’une constance qu’aucune sécheresse, aucune difficulté, aucun refus, si répété qu’il soit, aucune lenteur à voir l’accomplissement de notre demande, n’altère ni ne décourage…

St Marc, 14, 38. « Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation. »

Pour résister à la tentation, il nous faut deux choses : 1o de longues heures consacrées à la prière, chaque jour, avec une régularité inviolable ; 2o la prière continuelle pendant le reste du temps, c’est-à-dire que pendant les diverses occupations qui remplissent le reste de la journée, il faut avoir l’esprit sans cesse attaché à Dieu, les yeux sans cesse tournés vers Lui, soit par la simple pensée de la présence, soit par la méditation, soit par des prières vocales, peu importe le moyen, pourvu que l’âme regarde son Bien-Aimé. Quand nous travaillons à un ouvrage en présence d’un être aimé, oublions-nous un seul instant sa présence qui nous rend si heureux, nous fait trouver le temps si rapide et les moments si fortunés, ne levons-nous pas à tout instant les yeux sur lui ? Faisons de même pour Notre-Seigneur Jésus, le divin Époux de nos âmes. La prière continuelle pendant tout le jour écartera de nous les tentations, la présence de Notre-Seigneur les chassant, les empêchant de nuire…; les heures uniquement consacrées à la prière chaque jour nous donneront la force, avec la grâce de Dieu, de conserver Sa présence pendant tout le reste de la journée, et de nous livrer, pendant le reste du jour, à ce que nous appelons « la prière continuelle ».

St Marc, 15, 34. « Eloï, Eloï, lamma sabachtani !… »

Cette parole nous apprend deux choses : 1o qu’il faut adresser à Dieu, avec une simplicité absolue, toutes nos pensées, nos plaintes comme le reste ; dans la joie, nos cris de joie ; dans la reconnaissance, nos remerciements ; dans le repentir, nos « pardons » ; dans le désir, nos demandes ; dans la douleur, nos plaintes. Comme notre douleur est permise par Lui, nous devons non seulement nous plaindre à Lui, mais aussi nous plaindre de Lui, comme le fait ici Notre-Seigneur, mais cela avec le respect, l’amour, la soumission, la conformité amoureuse et illimitée à Sa volonté qu’avait pour Lui son Fils Unique et que nous Lui devons, nous, ses enfants, enfants si comblés par ce Père bien-aimé et infiniment bon. 2o Notre-Seigneur emploie, pour parler à son Père, deux mots de l’Écriture. Servons-nous de ces paroles infiniment saintes, paroles de l’Esprit-Saint, et employons-les pour nos prières d’une certaine longueur, comme faisaient les anciens Juifs, comme fait l’épouse du Christ, la sainte Église ; servons-nous-en aussi, dans nos oraisons jaculatoires comme le fait ici N.-S. ; en plusieurs endroits. Il nous donne le même exemple pour mieux nous l’inculquer et nous apprendre que c’était une habitude chez Lui et que, par conséquent, cela doit être une habitude chez nous… Non seulement Il se sert des mots de l’Écriture pour exprimer les cris de Son âme, mais Il s’en sert dans les moments les plus solennels, dans la tentation au désert et sur la Croix : deux mots d’un psaume sont Ses dernières paroles avant Sa mort… Combien nous devons suivre un exemple qu’Il nous donne si fortement… Et, d’ailleurs, n’est-il pas évident que les paroles de l’Écriture inspirée de Dieu valent mieux que nos paroles ? Nous ne pouvons rien offrir à Dieu de plus agréable, après le Corps de son Fils, que les paroles que son Cœur a versées du Ciel sur la terre, les paroles sacrées tombées de Ses propres lèvres.

Évangile selon St Luc, 10, 42. « Marie a choisi la meilleure part et elle ne lui sera pas ôtée. »

La meilleure part, c’est la vie contemplative, la vie de prière, la vie qui se détache entièrement des choses matérielles pour ne s’occuper qu’à contempler Notre-Seigneur ; la vie où l’esprit, ne s’occupant jamais de choses terrestres, est tout entier plongé dans la pensée de Dieu, Le regardant, L’écoutant, Lui parlant sans cesse par le sentiment perpétuel de Sa présence et une oraison qui peut varier aux différents moments du jour, mais qui ne s’interrompt jamais… Marie vit comme les autres, mais, quoi qu’elle fasse, ses yeux, sa pensée et son cœur sont toujours tout entiers sur Jésus : Il est toute sa vie… C’est la vie contemplative, la vie de l’amour le plus passionné, de l’amour d’admiration… C’est la meilleure part, la part de la Sainte Vierge et de saint Joseph à Nazareth, la part de la Sainte Vierge pendant toute sa vie, de saint Jean-Baptiste au désert, la part de Marie-Magdeleine à Béthanie, en Galilée, en Judée, en Provence. Que ce soit la nôtre ! Imitons notre Mère bénie, sainte Magdeleine, cette adoratrice passionnée de Jésus…

St Luc, 15, 10. « La joie sera parmi les Anges du Ciel pour un pécheur faisant pénitence. »

La joie, par conséquent aussi l’action de grâce, car tout bien vient de Dieu… L’action de grâce doit tenir une très grande place dans nos prières, car la bonté de Dieu précède tous nos actes, elle environne tous les instants de notre vie, et il n’y a pas de moments de notre existence où nous ne recevions une foule immense de bienfaits tels que toute l’éternité ne nous suffirait pas pour remercier assez de chacun d’eux… Quand nous sommes devant le Saint-Sacrement surtout, que notre premier mot soit toujours : « Merci ! Merci d’être à Vos pieds ! que je suis heureux… » Et chaque fois que nous prions, en quelque lieu que ce soit, « merci, encore une fois merci de me permettre de Vous parler, de Vous prier, de Vous regarder, de m’entretenir avec Vous, mon Seigneur et mon Dieu, mon Bien-Aimé, mon Bonheur et ma Vie ! » Non seulement remercier pour nous, mais pour tous les hommes, nos frères, Vos enfants, mon Dieu, que je dois aimer, que je veux aimer si tendrement. Merci pour toutes les âmes du purgatoire, tous les anges, tous les saints, pour ceux que Vous m’avez donnés à aimer davantage. Merci pour la Très Sainte Vierge ; merci par-dessus tout pour Vous, mon Seigneur et mon Dieu, dont la gloire et la béatitude infinie sont mon bonheur, bonheur ferme et assuré, source inépuisable de joie que rien ne peut m’enlever !…

St Luc, 19, 40. « Si ceux-ci se taisent, les pierres crieront. »

Tant il est juste qu’on Vous loue, Seigneur Jésus ! tant il est indispensable que Votre louange fasse partie de notre culte, de nos prières ! Louons donc dans nos prières, adorons, ne nous contentons pas de dire merci, pardon, secourez-nous, mais faisons précéder ces trois invocations si nécessaires de celle-ci : « Je Vous adore », c’est-à-dire : je Vous aime, je Vous loue, Vous êtes infiniment beau, infiniment aimable, je le proclame de toutes mes forces, et je voudrais pouvoir le proclamer assez pour que Vous puissiez en tirer quelque gloire, quoique je sois un néant, assez pour que ma louange fût digne de Votre beauté, quoique ce soit infiniment impossible… Vous seul pouvez Vous louer, mon Dieu… Je m’unis donc à Vous, ô Jésus, mon Seigneur, pour louer Votre Père ! je m’unis à Vous, ô Saint-Esprit, « qui poussez en moi des gémissements inénarrables », pour louer Jésus ! Je m’unis à Vous, à Père, ô Fils, pour louer l’Esprit-Saint, Votre égal et mon Dieu !… Que l’adoration, l’acte d’amour, de louange, soient donc dans toutes nos prières, et qu’ils soient au commencement, en premier lieu, comme l’acte de respect et d’amour est la première chose qui se fait en nous quand nous abordons Dieu…

St Luc, 22, 43. « Étant tombé en agonie, Il priait plus longuement. »

Mon Dieu, faites-nous, je Vous en supplie, suivre Votre exemple ! Plus nous souffrons, plus nous sommes tentés, plus il nous faut prier : dans la prière est notre seul secours, notre seule force, notre seule consolation ; que la douleur, que la force de la tentation ne la paralysent donc pas ; le démon fait tous ses efforts pour l’arrêter en nous à ces moments ; mais, loin de céder à cette tentation, loin de céder à la faiblesse de la nature qui voudrait que l’âme s’absorbât dans sa peine et ne regardât pas autre chose, regardons notre Sauveur qui est là, près de nous, et parlons-Lui… Il est devant nous, Il nous regarde avec amour, Il tend l’oreille pour nous entendre, Il nous dit de Lui parler, Il nous dit qu’Il est là, qu’Il nous aime et nous n’aurions pas un mot pour Lui, pas un regard pour Lui ! Quelle indignité !… Regardons-Le, parlons-Lui sans relâche, comme on fait quand on aime, comme fait ici N.-S. avec son Père : plus nous tombons en agonie, plus il faut nous précipiter dans le sein de notre Bien-Aimé et nous presser contre Lui par une prière non interrompue… Mon Dieu, faites-moi cette grâce, la grâce de suivre Votre exemple, en accomplissant un devoir si impérieux et si doux !…

St Luc, 23, 46. « Mon Père, je remets mon esprit entre vos mains. »

C’est là la dernière prière de notre Maître, de notre Bien-Aimé… Puisse-t-elle être la nôtre… Et qu’elle soit non seulement celle de notre dernier instant, mais celle de tous nos instants : « Mon Père, je me remets entre Vos mains ; mon Père, je m’abandonne à Vous, je me confie à Vous ; mon Père, faites de moi tout ce qu’il Vous plaira ; quoi que Vous fassiez de moi, je Vous remercie ; merci de tout, je suis prêt à tout ; j’accepte tout ; je Vous remercie de tout ; pourvu que Votre volonté se fasse en moi, mon Dieu pourvu que Votre volonté se fasse en toutes Vos Créatures, en tous Vos enfants, en tous ceux que Votre Cœur aime, je ne désire rien d’autre, mon Dieu ; je remets mon âme entre Vos mains ; je vous la donne, mon Dieu, avec tout l’amour de mon cœur, parce que je Vous aime, et que ce m’est un besoin d’amour de me donner, de me remettre en Vos mains sans mesure ; je me remets entre Vos mains avec une infinie confiance, car Vous êtes mon Père… »

Évangile selon St Jean, 3, 29. « L’ami de l’Époux, qui est là et l’écoute, jubile de joie en entendant la voix de l’Époux. »

Ne dois-je pas dire ces paroles, mon Dieu, mon Seigneur Jésus, chaque fois que j’entends quelque texte inspiré : Psaume, Évangile surtout, Pater, Ave, enfin tout texte des livres inspirés ? C’est bien la voix de l’Esprit Saint qui parle, chaque fois que je les lis, que je les entends. Je dois donc dire ces paroles de saint Jean, et ajouter avec lui : « Donc, en ce moment, mon bonheur est parfait… » C’est dans cette jubilation que je dois être, chaque fois que j’entends, que je lis, que je récite quelque texte, si court qu’il soit, de la parole de Dieu, de la parole du Bien-Aimé, de la parole de l’Époux si passionnément chéri !… C’est dans cette jubilation, dans ce transport d’amour où doit me jeter la voix de l’Époux, que je dois donc réciter l’office divin, dire le Saint Rosaire, lire la Sainte Écriture… Aime-t-on, respecte-t-on, vénère-t-on, admire-t-on, adore-t-on la parole écrite ou parlée de ce qu’on aime ?… Adorons donc, baisons, chérissons, adulons toute parole du Bien-Aimé de nos cœurs !…

St Jean, 12, 38. « Père, sauvez-moi de cette heure. Mais c’est pour cette heure que je suis venu. Père, glorifiez votre Nom. »

C’est, sous une autre forme à peine différente, la prière de Gethsémani, l’appel pur et simple à Dieu, la demande en toute simplicité de ce que désire la nature, la nature qui souffre et qui a besoin, et, tout de suite après, on se reprend et on dit : mais non, mon Dieu, ceci ou autre chose, peu m’importe, la seule chose qui m’importe, c’est Votre gloire. Glorifiez Votre Nom ! Donnez-moi ce qui Vous glorifiera le plus. C’est cela que je Vous demande et pas autre chose ! Ne faites pas attention à ma première demande ; je l’ai faite et j’ai dû la faire parce que Vous êtes mon Père et que c’est mon devoir de Vous exposer mes besoins… Mais, après Vous avoir dit mes besoins avec simplicité, je Vous rappelle, je Vous répète, je Vous dis et je Vous redis que j’ai un autre besoin mille fois plus grand, mille fois plus ardent, c’est celui de Vous voir glorifié ; c’est là mon vrai, mon seul besoin ! C’est celui que je Vous supplie de toute mon âme de satisfaire. Mon Père, glorifiez-Vous en moi ! Mon Père, glorifiez Votre Nom !… Mon Seigneur Jésus, permettez que Votre indigne et misérable petite créature se joigne à Vous et fasse avec Vous cette prière : Mon Dieu, je Vous dis avec mon Seigneur Jésus, en joignant ma voix à Sa voix adorable : « Non ce que je veux, mais ce que Vous voulez » : mon seul désir est que Vous soyez le plus glorifié possible, c’est ma soif. Mon Père, faites de moi ce qui Vous plaira le plus, quoi que ce soit, mon Père, glorifiez Votre Nom !

St Jean, 15, 7. « Demandez ce que vous voudrez et cela vous sera fait. »

Cela vous sera fait, ou bien, ajoutent les Pères, je vous donnerai quelque chose de meilleur encore… Notre-Seigneur promet d’exaucer toutes nos demandes (pures et exemptes du péché, bien entendu, les autres Lui seraient un outrage). Il se réserve une seule chose : de changer l’objet de notre demande en un meilleur, de nous donner plus encore que nous demandons. O réserve bénie et bien digne de Vous, ô Cœur Sacré de Jésus ! Réserve divine par laquelle Vous trouvez moyen de faire plus encore que de tout accorder, que Vous êtes bon ! que nous sommes heureux !… Et que Votre prévoyance est sage ! car nous sommes si ignorants qu’avec les meilleures intentions, nous demandons souvent des choses médiocres ou dangereuses, des choses qui feraient du mal… Mais Vous, mon Dieu, mon Père, Vous arrangez tout cela et Vous nous donnez ce qui nous vaut le mieux…

St Jean, 17, 1. « Père, voici l’heure, glorifie ton fils, pour que ton fils te glorifie. »

Voici de beaucoup la plus longue prière de N.-S. que nous ait conservée le Saint-Évangile [la prière après la Cène]… Étudions-en donc toutes les parcelles et gravons-la dans notre esprit, pour faire de cette oraison le modèle des nôtres. Considérons surtout deux choses : le caractère général de cette prière et sa substance dans ce verset. Le caractère, c’est la confiance, l’abandon ; extrême simplicité des termes, familiarité tendre : « Père », c’est un Fils qui parle avec un familier et tendre abandon à Son Père… La substance, c’est la glorification de Dieu « pour que Ton fils Te glorifie ». Remarquons que ce caractère et cette substance sont aussi ceux des premiers mots du Pater : « Notre Père, que Votre nom soit sanctifié… » Combien cette confiance, cette tendre familiarité, cette demande en premier lieu, avant tout et plus que tout, de la glorification de Dieu, doivent donc se trouver dans toutes nos prières et en former le fond, la partie principale !

St Jean, 17, 2, 3, 4, 5. « Tu lui as donné le pouvoir sur toute chair, pour que tous ceux que tu lui as donnés, il leur donne la vie éternelle. La vie éternelle, c’est de te connaître, toi le seul vrai Dieu et Celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. Je t’ai glorifié sur la terre ; j’ai achevé l’œuvre que tu m’as donnée à faire. Maintenant glorifie-moi, Père, auprès de toi, de la gloire que j’ai eue auprès de toi avant que le monde fût. »

Le caractère de la prière continue à être le plus parfait abandon, la simplicité, la familiarité : Notre-Seigneur « pense tout haut » aux pieds de Son Père. La matière, la substance, c’est qu’Il demande la mort, Il demande le ciel : imitons-Le ; que nos oraisons aient ce caractère d’abandon filial, pensons tout haut aux pieds de Dieu et demandons-Lui souvent la fin de notre exil, cette mort qui nous approchera enfin de Lui ; demandons-la, désirons-la très ardemment, pour Le voir, jouir de Lui, Le posséder, pour L’aimer parfaitement, pour ne plus L’offenser : demandons très souvent à Dieu de nous retirer bientôt de cette terre où nous L’offensons, et L’aimons si peu et où nous sommes séparés de Lui, et de nous conduire au Ciel où nous L’aimerons, ne L’offenserons pas et serons à Ses pieds pendant l’éternité…

St Jean, 19, 30. « Consummatum est. »

C’est la dernière parole de Notre-Seigneur à son Père que cite saint Jean.

« J’ai accompli tout ce que Vous m’avez donné à faire. » Mon Dieu, puisse cette parole être la nôtre, à notre dernière heure ! non pas dans le même sens, avec la même perfection : nous sommes de pauvres hommes, mais, enfin, dans la mesure où c’est possible à notre misère !… Et, pour cela, que faut-il, mon Dieu ? Il faut que je Vous demande ce que Vous me donnez à faire, et que je Vous demande de le faire, Vous de qui seul vient toute force ! Mon Seigneur et mon Dieu, je Vous supplie, faites-moi connaître clairement Votre volonté ! Et puis, donnez-moi la force de l’accomplir, de l’accomplir fidèlement, jusqu’au bout, dans la reconnaissance et dans l’amour !… Il me semble que Vous me répondez, mon Dieu : « L’attrait que je t’ai donné, sa force, sa constance, sa beauté, te prouvent ce que je veux de toi… mais j’ai mis à cette vocation exceptionnelle une condition, c’est que tu commences à te convertir et que tu fasses les premiers pas dans le chemin de la perfection… J’attends toujours, et tu ne fais pas les premiers pas ; tu recules plutôt, jette-toi donc enfin en avant, convertis-toi, j’attends depuis longtemps, ma patience ne durera pas toujours… » Mon Dieu pardon, pardon de ma tiédeur, pardon de ma lâcheté, pardon de ma dissipation, pardon de mon orgueil, pardon de mon attachement à ma volonté propre, pardon de ma faiblesse et de mon inconstance, pardon du désordre de mes pensées, pardon de me souvenir si peu parfois que je suis en Votre présence, pardon, pardon, pardon de toutes mes fautes, de toutes les fautes de ma vie, et surtout de celles que j’ai commises depuis le commencement de ma conversion !… Merci de toutes Vos grâces, mon Dieu ! Mon Dieu, secourez-moi, secourez celui que Vous avez comblé de tant de dons afin qu’il se convertisse et puisse profiter des dons merveilleux que Vous lui offrez encore, afin qu’il fasse pleinement ce que Vous voulez de lui, ce à quoi, dans Votre bonté ineffable, Vous l’appelez, lui qui en est si indigne ! Mon Dieu, convertissez-moi, au nom de mon Seigneur Jésus-Christ ! Vous qui pouvez, « des pierres, tirer des fils à Abraham », Vous qui êtes tout-puissant sur toutes Vos créatures, Vous qui pouvez tout en moi, donnez-moi le bon esprit, la Sagesse que Vous avez promis de donner à ceux qui la demanderaient ! Convertissez-moi et faites que je Vous glorifie le plus possible jusqu’à mon dernier soupir et pendant l’éternité. Je Vous le demande, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Amen, amen, amen…

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