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Écrits spirituels de Charles de Foucauld : $b ermite au Sahara, apôtre des Touregs

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HUIT JOURS A EPHREM

RETRAITE DE 1898
du Lundi après le IIIe Dimanche de Carême
au Lundi après le IVe Dimanche de Carême

Nous ignorons si Charles de Foucauld fit réellement cette retraite à Ephrem. Peut-être, méditant dans sa cellule ou dans la chapelle de Sainte-Claire, à Nazareth, se transportait-il simplement en esprit à Ephrem, pour écouter les enseignements de Notre-Seigneur, comme s’il avait vécu au temps de la Vie publique, et joui, avec les apôtres et Sainte Magdeleine, de la présence du Maître. Il se conforme ici au conseil de Saint Ignace : « Je verrai les personnes du mystère que je médite. Je me tiendrai en leur présence comme un petit mendiant et un petit esclave, indigne de paraître devant eux. Je les considérerai, je les contemplerai, je les servirai dans leurs besoins avec tout l’empressement et tout le respect dont je suis capable, comme si je me trouvais présent. Ensuite je réfléchirai en moi-même, pour tirer de là quelque profit. » (Exercices spirituels, seconde semaine.)

Lundi, 3 h. du matin. — Mon Seigneur Jésus, merci de m’avoir éveillé, merci de m’avoir appelé pour veiller avec Vous, entre la Sainte Vierge et sainte Magdeleine. Que Vous êtes bon !… Tout sommeille encore, à la maison et au dehors ! Seul Vous veillez avec votre Mère et Votre adoratrice fidèle… oh ! que Vous êtes bon, mon Dieu, de m’avoir fait lever et appelé à veiller, avec Vous, entre elles !… Vous, êtes silencieux, à genoux ; Vous priez votre Père, Vous Le contemplez, Vous Lui offrez ces hommes pour lesquels Vous êtes venu sur la terre ; ceux qui Vous entourent d’abord, puis tous les autres, présents et futurs… Votre Mère et sainte Magdeleine sont à genoux près de Vous, bien près de Vous, contre Vous, un peu en arrière, de manière à Vous voir, et elles Le contemplent en Vous, elles ne Vous perdent pas des yeux : muettes, elles Vous adorent intérieurement, et leur âme s’abîme en Vous, en un amour et une adoration sans fin. Leur cœur est partagé entre la jouissance et la douleur : tantôt elles jouissent profondément de se sentir si près de Vous, seules avec Vous, de Vous posséder, de Vous avoir si près d’elles dans cette solitude et ce silence, pendant ces heures de calme, de paix et de prière… tantôt une vision sanglante passe devant leurs yeux, et elles se disent douloureusement : dans vingt-cinq jours, où sera-t-Il ? Entre ses bourreaux, lié, souffleté, frappé, et, quelques heures après, tout ce Corps bien-aimé, que nous adorons si doucement, ne sera plus qu’une plaque de sang. Il sera cloué à une croix, et Il mourra !… Et alors, votre douleur, ô ma Mère, ô Magdeleine, est grande comme la mer ; vos yeux se mouillent, et, anges de paix, vous pleurez amèrement… O ma Mère, Mère du Perpétuel Secours et vous, ma mère sainte Magdeleine, mettez-moi entre vous pendant ces heures de veille ; je vous donne mon âme, faites-lui partager vos sentiments, votre amour, vos joies et vos douleurs, faites-en ce qu’il vous plaira, je ne vous demande qu’une chose, une seule chose pour elle : servez-vous-en pour faire d’elle ce qui consolera le plus le Cœur de Notre-Seigneur !… Je me remets à vous pour toujours, ô mes mères bien-aimées ; que je console Notre-Seigneur Jésus le plus possible pendant tous les moments de ma vie !…

O mon Dieu, merci d’être à Vos pieds !… Deficit anima mea. Que Vous êtes divinement bon ! Vous m’aimez… n’est-ce pas folie de le penser ?… Vous, Dieu parfait, m’aimer, moi, créature si pauvre et, hélas ! si maligne, si lâche, tombant mille fois par jour ; non, ce n’est pas folie, c’est vérité, c’est la vérité de Votre Cœur divin, et Votre Amour est loin de nos amours, et Votre cœur loin de nos cœurs !… Oui, c’est vérité, Vous m’aimez, tout néant et misère que je suis… Vous nous le dites, Vous daignez nous le dire, cela suffit…, mais, quand Vous ne me l’auriez pas dit, le seul fait de me faire lever, de m’appeler pour veiller avec Vous, entre Votre Mère et sainte Magdeleine, ne le prouve-t-il pas assez ? Oh ! mon Dieu, que Vous êtes bon ! que je suis heureux ! Mon Dieu je Vous aime, je Vous adore, faites-moi, mon Dieu, avec votre Mère et sainte Magdeleine, me perdre et m’abîmer dans Votre contemplation et Votre amour !…

8 heures matin. — Nous sommes autour de Vous : la Sainte Vierge, sainte Magdeleine, les apôtres, et cet être indigne et misérable à qui Vous permettez de se tenir à Vos pieds. La chambre est close… aucun bruit du dehors n’y parvient, si ce n’est le son de la pluie. Vous ouvrez la bouche et Vous parlez, mon Dieu… tous Vous regardent, tous Vous écoutent, avec quel amour et quel soin !… Vous avez, dites-Vous, encore huit jours à passer à Ephrem, Vous en partirez mardi prochain, demain en huit, pour aller en Galilée, où Vous ne ferez que passer, car vendredi en quinze, Vous serez de retour à Béthanie, et vendredi en trois semaines, jour de l’immolation de la Pâque, ce sera aussi le jour de l’Immolation de l’Agneau de Dieu (ô Jésus, que dites-Vous ?)… Pendant ces huit derniers jours de retraite, Vous allez repasser avec Vos enfants, qui font cercle autour de Vous, les principaux actes de Votre vie… Vous êtes la voie, la vérité et la vie. Vous serez toujours, par Votre grâce et Vos sacrements, la vie des âmes, et Vous y verserez toujours largement cette vie ; quant à la vérité et à la voie, Vous les avez données depuis trente ans, et Vous continuerez à les donner à la terre jusqu’à l’Ascension : mais alors ce sera fini ; il faudra que la terre vive de souvenir, jusqu’à la fin des temps ; Vos enseignements et Vos exemples sont ensemble tout à la fois et la voie et la vérité.

L’INCARNATION

« Voyez, dans cette Incarnation, l’amour pour les hommes, l’amour qu’a Dieu pour eux et, par conséquent que vous devez avoir à Son exemple, pour être parfaits comme votre Père céleste est parfait… Cet amour, comme il est actif, agissant, comme il est profond, Lui faisant franchir comme d’un bond la distance qui sépare le fini de l’infini, et Lui faisant employer, pour notre salut, ce moyen extérieur, inouï, l’Incarnation : Lui, Dieu, Créateur, venir vivre sur la terre…

[Le Christ] : « Voyez ce dévouement aux hommes, et examinez quel doit être le vôtre… Voyez cette humilité pour le bien de l’homme, et apprenez à vous abaisser pour faire le bien, à aller le premier aux âmes, comme j’ai été le premier aux âmes…, à vous faire petit pour gagner les autres, à ne pas craindre de descendre, de perdre de vos droits quand il s’agit de faire du bien aux âmes ; à ne pas croire, non plus, qu’en descendant on se met dans l’impuissance de faire du bien ; au contraire, en descendant on m’imite, en descendant on emploie, pour l’amour des âmes, le moyen que j’ai employé Moi-même ; en descendant on marche dans ma voie, par conséquent, dans la vérité, et on est dans la meilleure place pour avoir la vie et la donner aux autres ; car la meilleure place pour cela, c’est toujours mon imitation. Je me mets au rang des créatures par mon Incarnation, à celui des pécheurs par la circoncision, le baptême : descente, descente, humilité, humilité…, descendez toujours, humiliez-vous toujours ; que ceux qui sont les premiers se tiennent toujours, par l’humilité et la disposition d’esprit, à la dernière place, en sentiment de descente et de service… Amour des hommes, humilité, dernière place, en dernière place tant que la volonté divine ne vous appelle pas à une autre, car alors il faut obéir : l’obéissance avant tout…, la conformité à la volonté de Dieu. Dans la première place, soyez à la dernière par l’esprit, par l’humilité ; occupez-la en esprit de service, en vous disant que vous n’y êtes que pour servir les autres et les conduire au salut et que, même si vous leur commandez, vous ne faites que les servir, puisque vous ne leur commandez que dans le but de les sanctifier…

MÉDITATION SUR LA VISITATION

Évangile selon St Luc, 1, 39.

« A peine incarné, j’avais demandé à ma Mère de me porter à la maison où va naître Jean, afin de le sanctifier avant sa naissance… Je me suis donné au monde pour son salut, dans l’Incarnation… Avant même de naître, je travaille à cette œuvre, la sanctification des hommes… et je pousse ma Mère à y travailler avec Moi… Ce n’est pas elle seule que je pousse à travailler, à sanctifier les autres, dès qu’elle me possède : c’est toutes les autres âmes à qui je me donne. Un jour, je dirai à mes apôtres : « Prêchez », et je leur donnerai leur mission et leur tracerai leurs règles… Ici, je dis aux autres âmes, à toutes celles qui me possèdent et vivent cachées, qui me possèdent, mais n’ont pas reçu mission pour prêcher, je leur dis de sanctifier les âmes en me portant parmi elles en silence ; aux âmes de silence, de vie cachée, vivant loin du monde dans la solitude, je dis : « Toutes, toutes, travaillez à la sanctification du monde, travaillez-y comme ma Mère, sans parole, en silence ; allez établir vos pieuses retraites au milieu de ceux qui m’ignorent ; portez-Moi parmi eux en y établissant un Autel, un Tabernacle, et portez-y l’Évangile, non en le prêchant de bouche, mais en le prêchant d’exemple, non en l’annonçant, mais en le vivant ; sanctifiez le monde, apportez-Moi au monde, âmes pieuses, âmes cachées et silencieuses, comme Marie m’a porté à Jean…

5 heures soir. — … Le temps passe, mon Dieu, les heures s’écoulent… encore une journée finie, encore un soir arrivé ; hélas ! hélas ! qu’ils sont peu nombreux les jours qui Vous restent à passer ici-bas ! Combien peu de soirs nous compterons encore à Vos pieds !… Dans vingt-cinq jours, où serez-Vous à cette heure ? Hélas, mon Dieu, Vous ne serez plus vivant, et par quelles douleurs Vous serez sorti de la vie !… Vous êtes venu ici-bas pour nous seuls, mon Dieu… et les hommes ne Vous ont pas reçu à Votre naissance, et Vous feront sortir violemment du monde, au milieu des plus affreux tourments… C’est ainsi que la terre aura reçu son Dieu, les hommes leur Sauveur et leur Créateur !… Il est vrai que c’est pour entrer dans Votre gloire que Vous quittez la terre… Et il est bien juste que Vous cessiez d’être l’homme des douleurs pour être le Roi de gloire… Mon Dieu, par quel débordement de tourments allez-Vous passer, avant de prendre Votre place à la droite de Votre Père !… Quand Vous êtes entré dans le monde, on ne Vous a pas reçu : toutes les portes de Bethléem se sont fermées à Votre naissance… Vous étiez à peine né depuis quelques jours, qu’on Vous a poursuivi pour Vous faire périr… Pendant les trente années qui ont suivi, Vous n’avez trouvé la paix qu’à condition de Vous cacher, ou en pays étranger ou dans Votre petite ville, perdue dans la montagne, ensevelie dans le silence et dans l’abjection… Dès que Vous êtes sorti du silence, on Vous a persécuté : les premiers, Vos concitoyens, ont voulu Vous mettre à mort, et, depuis trois ans que Vous prêchez, ce ne sont que menaces de mort de toutes parts, et voici que Vous allez permettre qu’on en vienne à l’effet. Voilà comment la terre a reçu son Dieu ! Et Vous ne l’avez pas maudite, mon Dieu, et Vous la quitterez en la bénissant ! Et Vous la bénissez chaque jour, et Vous la bénirez des millions de fois chaque jour, jusqu’à la consommation des siècles. Et Vous la comblez, et continuez toujours à la combler de grâces insignes…; Vous reviendrez en elle, non seulement Vous reviendrez, mais Vous serez en elle jusqu’à la consommation des siècles, et non seulement en un endroit, mais en une foule de lieux !… Mais, maintenant, c’est l’heure du départ qui va sonner. Mon Dieu, merci d’être à Vos pieds !… Merci de cette grâce que Vous me faites de partager avec la Sainte Vierge, sainte Magdeleine, Vos saints Apôtres, Votre dernière retraite, Vos derniers voyages et Vos derniers jours !…

LA NATIVITÉ

Évangile selon St Luc, 2, 7. — « Et elle enfanta son fils premier né ; elle l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche… »

« Je suis né, né pour vous, né dans une grotte, en décembre, dans le froid, l’abandon, au milieu d’une nuit d’hiver, dans une pauvreté inconnue des plus pauvres, une solitude, un délaissement uniques au monde… Qu’est-ce que je vous apprends, mes enfants, par cette naissance ?… à croire à mon amour, Moi qui vous ai aimés jusque-là… à espérer en Moi, Moi qui vous aime tant ;… je vous apprends le mépris du monde dont je fais si peu de cas, la pauvreté, l’abjection, la solitude, l’humilité, la pénitence ;… je vous apprends à m’aimer, Moi si aimable, qui ne me contente pas de me donner au monde dans l’Incarnation, de le sanctifier invisiblement dans la Visitation, non, cela ne suffit pas à ma tendresse ; dès ma naissance, je me montre à vous, je me donne à vous complètement, je me mets entre vos mains. Désormais, vous pourrez me voir, me toucher, m’écouter, me posséder, me servir, me consoler : aimez-Moi, aimez-Moi, Moi que vous avez si près de vous, qui me donne tellement à vous, qui suis si aimable ; Moi qui, par une bonté inouïe, ne me donne pas à vous, à ma naissance, pour quelques jours, pour quelques années, mais qui suis entre vos mains pour y être désormais jusqu’à la fin des temps… Considérez ce bonheur infini que je vous donne par ma naissance, de pouvoir me servir, me servir en servant l’Église, me servir en servant le prochain, me servir, Moi, vivant là, près de vous, dans le Tabernacle… Non seulement vous pouvez me servir, mais vous pouvez me consoler. J’ai vu tous les instants de votre vie à tous, dans tous les instants de la mienne, et mon Cœur humain, qui vous aime si tendrement, a joui ou souffert dans tous ces instants : joui s’ils étaient consacrés au bien, souffert s’ils étaient employés à faire le mal. Quel bonheur pour vous de pouvoir me consoler en tous les instants de votre vie !… et puis, en me faisant si petit enfant, enfant si doux, je vous crie : confiance ! familiarité ! n’ayez pas peur de Moi, venez à Moi, prenez-Moi dans vos bras, adorez-Moi ! Mais, en m’adorant, donnez-Moi ce que demandent les enfants : des baisers ; ne craignez pas, ne soyez pas si timides devant un petit enfant si doux, qui vous sourit et vous tend les bras. Il est votre Dieu, mais Il est plein de douceurs, et de sourires, ne craignez pas. Soyez toute tendresse, tout amour et toute confiance… Je vous dis aussi : obéissance !… Obéissance non seulement directement à Dieu, mais aussi indirectement à Dieu, en obéissant, en vue de Lui et comme à Lui-même, à ceux qu’Il vous donne comme précepteurs : parents, supérieurs ecclésiastiques, directeurs de conscience, supérieurs de toute espèce, chacun dans la mesure où Dieu vous dit de lui obéir !…

LA CIRCONCISION

St Luc, 2, 21. « Le huitième jour où l’enfant devait être circoncis étant arrivé… »

« J’ai voulu être circoncis, et j’ai voulu recevoir le nom de Jésus, Sauveur… j’ai voulu être au rang des pécheurs pour vous apprendre l’humilité : voyez, mes enfants, comme tous mes actes sont des leçons d’humilité ; c’est que vous avez bien besoin de l’apprendre et de la pratiquer tous les jours de votre vie. C’est par l’orgueil que les anges se sont perdus, par orgueil qu’Adam est tombé…, vous serez toujours tentés d’orgueil ; enfoncez-vous dans l’humilité ; là est le salut…, aussi j’ai voulu vous en donner mille fois l’exemple : mon Incarnation, humilité infinie, sans mesure ; ma naissance, humilité ; tout est humilité en Moi. Je suis doux et humble de cœur.

« … Avec l’humilité, j’ai voulu, dans la circoncision, vous enseigner l’obéissance : l’obéissance parfaite à toutes les prescriptions de l’Église, grandes ou petites ; obéissance sans discourir, sans arrière-pensée d’utilité propre, obéissance pour obéir.

« … J’ai voulu vous apprendre la pénitence, et vous donner un peu d’amour : la pénitence en embrassant cette douleur, l’amour en saisissant cette occasion de verser, dès le huitième jour de ma vie, du sang pour vous.

« J’ai voulu être appelé Jésus, d’abord parce que ce nom est la vérité, cette vérité que vous devez tant aimer…; ensuite parce qu’il est profondément tendre et doux, et exprime à merveille mon amour pour vous ; enfin, parce qu’il est propre à vous inspirer confiance en Moi, à vous porter à me tendre toujours la main, comme on la tend vers son Sauveur, à vous adresser toujours à Moi avec le plus confiant, le plus total abandon… Et c’est ce que je veux de vous… Je me suis fait et dit cent fois votre Père… Tout en étant adoré en Dieu, je veux de vous un amour de fils et de frère : abandon, confiance…

VIE CACHÉE

Luc, 2, 39. « … Ils s’en retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville. »

« Après ma présentation et après ma fuite en Égypte, je me retire à Nazareth…; là, je passe les années de mon enfance, de ma jeunesse, jusqu’à 30 ans… C’est encore pour vous, pour votre amour que j’y suis… Quelle est cette vie ? C’est pour votre instruction que je la mène : pendant ces trente ans, je ne cesse de vous instruire, non par des paroles, mais par mon silence et mes exemples. Qu’est-ce que je vous apprends ? Je vous apprends d’abord qu’on peut faire du bien aux hommes, beaucoup de bien, un bien infini, un bien divin, sans parole, sans sermon, sans bruit, dans le silence et en donnant le bon exemple… Quel exemple ?… Celui de la piété, des devoirs envers Dieu amoureusement remplis, de la bonté envers tous les hommes, de la tendresse envers ceux qui nous entourent, des devoirs domestiques saintement accomplis ; de la pauvreté, du travail, de l’abjection, du recueillement, de la retraite, de l’obscurité d’une vie cachée en Dieu, d’une vie de prières, de pénitence, de retraite, toute perdue et abîmée en Dieu. Je vous apprends à vivre du travail de vos mains pour n’être à charge à personne et avoir de quoi donner aux pauvres, et je donne à ce genre de vie une beauté incomparable…, celle de mon imitation…

« …Tous ceux qui veulent être parfaits… doivent vivre pauvrement, dans l’imitation la plus fidèle de ma pauvreté de Nazareth… Combien je prêche à Nazareth l’humilité, en passant trente ans dans ces obscurs travaux ; l’obscurité en restant 30 ans si inconnu, Moi, la lumière du monde ; l’obéissance, Moi qui ai été soumis pendant trente ans à mes parents, saints sans doute, mais hommes, et je suis Dieu !… Comment pourriez-vous, après m’avoir vu si obéissant pendant longtemps à ceux à qui je ne devais aucune obéissance, dont j’étais le Maître Souverain, le Créateur et le Juge, refuser une obéissance parfaite à ceux dont, Moi, votre Dieu, je vous dis : « Qui les écoute m’écoute » ?

Quel mépris des choses humaines, des grandeurs humaines, des manières mondaines, de tout ce qu’estime le monde : noblesse, richesse, rang, science, intelligence, réputation, considération, distinction mondaine, belles manières !… Combien je repousse tout cela loin de Moi, pour ne laisser voir en Moi qu’un très pauvre ouvrier, vivant très pieusement dans une grande retraite !…

MÉDITATION SUR LA TENTATION DE NOTRE-SEIGNEUR AU DÉSERT

St Luc, 4, 12.

« J’ai permis au démon de me tenter au désert, et cela pour vous, par amour pour vous, pour votre instruction ; afin, d’abord que vous sachiez qu’on est plus tenté au désert qu’ailleurs, et que ceux qui se retirent, pour l’amour de Moi, dans la solitude, ne soient ni surpris, ni découragés par la multitude des tentations ; afin qu’ensuite, vous voyiez tous que la tentation n’est pas péché, puisque Moi-même, je suis tenté… et tenté de choses monstrueuses (par conséquent vous ne devez ni vous attrister, ni vous décourager quand vous êtes tentés, ni dédaigner vos frères, ni les blâmer quand ils le sont) ; puis, afin que vous voyiez comment on résiste aux tentations : il faut y résister tout de suite, dès qu’elles se présentent, dès le premier instant. Un excellent moyen de les combattre, c’est de leur opposer des paroles de la Sainte Écriture, lesquelles tirent de leur origine une force divine…

Mercredi, 3 heures du matin. — Merci, mon Dieu, de m’avoir éveillé et de m’avoir fait lever ! Oh ! mon Dieu, dans la tristesse, le serrement de cœur des derniers jours, la seule consolation est d’être souvent à Vos pieds, de Vous regarder sans cesse ; mais, je veux oublier ma consolation, mon Dieu, je ne veux rien faire pour elle, mais tout pour la Vôtre ; la Vôtre aussi, mon Dieu, c’est que Vos enfants soient le plus possible autour de Vous. Vous nous dites, sinon à tous, du moins à beaucoup et certainement à moi (et que je Vous en remercie !) : « Veillez et priez avec Moi ». Sainte Vierge, sainte Magdeleine, mettez-moi entre vous aux pieds de Notre-Seigneur… Faites-moi Le regarder, Le prier avec vous, tenez nos yeux, notre esprit et nos cœurs éveillés !… Tout repose au dehors… Voici Jésus devant nous ; Il prie, Il adore Son Père, Il prie pour les hommes, Il nous regarde de temps en temps, doucement, pour nous encourager, sans sortir de Sa prière. Mon Dieu, je Vous adore !… Faites-moi passer cette fin de nuit, cette journée, toutes mes nuits, tous mes jours dans Votre contemplation et Votre amour !… O mon Dieu, Vous êtes là, Vous êtes devant moi, que voulez-Vous que je pense, que je Vous dise du fond du cœur ?

— Je ne te demande pas de beaucoup penser, mais de beaucoup aimer, me répond Votre Esprit, adore-Moi et aime-Moi ; regarde-Moi, dis-Moi et répète-Moi sans cesse que tu m’aimes, que tu te donnes à Moi, que tu veux que tous mes enfants m’aiment et se donnent à Moi.

— Tout dort, tout repose ! O merci, mon Dieu, de m’avoir appelé à Vous adorer, à Vous aimer ! tenez mes yeux ouverts et ouvrez les portes de mon âme : faites-moi me perdre et m’abîmer dans Votre contemplation, Votre adoration, Votre amour…

MÉDITATION SUR LA VIE PUBLIQUE

St Luc, 4, 42.

[Notre-Seigneur] : « C’est ainsi que j’ai passé devant vos yeux les trois ans de ma vie publique, passant les jours tout entiers à instruire et à guérir, à faire le bien, aux âmes d’abord, aux corps ensuite. Et, le soir, que faisais-je ? Le soir, je me retirais loin de cette foule à laquelle je m’étais si pleinement consacré le jour, et, cherchant la solitude, je m’enfermais avec vous dans une maison hospitalière, ou bien, j’allais dans la montagne, sur quelque sommet désert, et je passais la nuit en prière…, de toute manière, je passais la nuit dans le recueillement, le silence, à l’écart des foules, dans la veille et la prière… C’est l’exemple que je vous laisse. C’est pour vous que j’ai agi ainsi : Moi qui suis assez fort, assez maître de Moi pour être partout comme seul avec mon Père, puisque je Le vois sans cesse, je suis toujours avec Lui, je n’ai besoin ni de solitude pour me recueillir, ni de silence pour Le prier, ni de prières particulières pour m’unir à Lui. Au milieu des foules, en parlant, je suis aussi uni à Lui que dans la plus profonde solitude. Je n’ai pas besoin de méditer pour Le connaître, car je Le connais ; je n’ai pas besoin de me fortifier par Sa contemplation, car je suis divinement fort… Je n’ai besoin ni de solitude, ni de veille, ni de silence, ni de prière, car, au dedans de Moi, la prière est continuelle et parfaite… C’est pour vous donner l’exemple que j’ai passé tant de nuits dans une veille solitaire, à prier mon Père, sous le ciel étoilé ou dans le secret d’une chambre close… Puisque je fais tout pour vous tous, aimez-Moi donc et aimez-vous les uns les autres… Et suivez mes exemples ; prenez un sommeil aussi court que possible, et passez la plus grande partie que vous pourrez de vos nuits à veiller dans le recueillement et le silence, en priant, en contemplant, en vous abîmant en Dieu… »

LA DÉFENSE DES DISCIPLES

St Luc, 5, 32.

« Souvenez-vous, mes petits enfants, comme je vous ai défendus, chaque fois que les Pharisiens vous faisaient des reproches ou cherchaient à vous embarrasser par leurs questions. Faites de même… Défendez les bons contre les méchants, les faibles contre ceux qui les oppriment injustement. Je vous ai défendus, par amour pour vous et par amour pour tous les hommes, pour vous personnellement, pour vous porter à m’aimer par reconnaissance, à aimer votre prochain par l’imitation de ce que je faisais, pour vous délivrer d’un mal prochain, d’un danger ou d’une peine qui vous menaçait pour vous donner l’exemple et vous apprendre à défendre vos fils, vos enfants spirituels, tous les innocents, tous les opprimés, comme je vous ai défendus… Ai-je jamais manqué à ce devoir de défendre ceux qu’on attaquait injustement ? Jamais, et je n’y manquerai pas jusqu’à mon dernier soupir… Je défends ceux qu’on attaque, même contre vous, contre mes amis ; je défends Magdeleine contre sa sœur… Je suis fidèle et je ne vois jamais attaquer mes amis sans prendre aussitôt leur défense. Faites de même, c’est une œuvre de charité, une des marques de l’amour que vous devez avoir pour le prochain… »

Jeudi, 3 heures du matin. — … Oh ! qu’il est doux d’être à Vos pieds, entre la Sainte Vierge, sainte Magdeleine, parmi Vos saints Apôtres qui, eux aussi, se sont levés et veillent silencieusement, Vous regardant et priant !… Les heures passent, et Vous priez toujours, Vous contemplez Votre Père, et Vous Le priez pour Vos enfants… Cette dernière prière est courte, car elle est toujours exaucée et toute-puissante : Votre Père vous écoute toujours, Il fait tout ce que Vous voulez, et Vous ne demandez que ce qu’Il veut ; aussi un mot Vous suffit pour demander. Vous lui mettez les choses devant les yeux par un simple mouvement de l’âme, priant, en peu de paroles, Celui qui exauce pleinement toutes Vos paroles, et avec qui Vous ne faites qu’un… Mais, la contemplation de Ses beautés est longue, en Vous l’acte d’amour dure longtemps…, cette contemplation est amour ; cette adoration, l’éternité tout entière ne Vous sera pas de trop pour Vous y livrer : elle remplira pour Vous les siècles éternels : aussi les heures d’une nuit sont bien peu de chose et passent comme un éclair dans cette céleste occupation… Vous contemplez Dieu, immobile, tantôt à genoux, tantôt assis, promenant de temps en temps un regard tendre sur ces enfants de Dieu serrés autour de Vous et sur leurs anges gardiens qui Vous adorent. Vous contemplez Dieu ; Marie, Magdeleine, les Apôtres Le contemplent aussi, car ils Vous regardent : leurs yeux ne se détachant pas de leur Bien-Aimé. Ils prient en silence, les yeux fixés sur Vous, Vous, le Tout de leur âme, dont le pâle et doux visage est faiblement éclairé à la pâle lumière d’une petite lampe. Ils Vous regardent, et la plupart se perdent dans cette contemplation muette, s’abîmant à Vos pieds sans autres pensées, mais Vous regardant et Vous adorant avec tout l’amour de leur cœur. Quelques-uns sentent, en Vous regardant, s’élever de douloureuses pensées dans leur âme… Ce Jésus Bien-Aimé, ce Dieu béni, ce Maître chéri, combien de temps Le verrons-nous encore parmi nous ? Combien de nuits passerons-nous encore ainsi, à Ses pieds, dans cette douce prière ? Dans trois semaines, à pareille heure, il Lui restera un jour et demi à vivre. O douleur des douleurs ! Et, douleur mille fois plus grande, au milieu de quels tourments sortira-t-Il de cette terre qui ne L’a pas reçu, qui Le chasse, qui n’a eu pour Lui, toute sa vie, que des persécutions ? Oh ! mon Dieu, si Vous avez tant d’ennemis et de bourreaux et si peu d’amis, faites du moins que Vos amis soient fidèles, qu’ils soient courageux, ardents à Votre service, ne reculant devant rien de ce qui peut Vous plaire, devant rien de ce qu’il Vous est agréable qu’ils fassent, mais qu’ils soient prêts à tout pour Votre amour et Votre service !…

GUÉRISON DE L’HOMME A LA MAIN DESSÉCHÉE UN JOUR DE SABBAT

St Luc, 6, 10.

Jésus : « Souvenez-vous du courage avec lequel, au milieu même de mes ennemis pendant même qu’ils complotaient pour me perdre, j’ai proclamé, à leur face, la criant bien haut, la doctrine de vérité, et ces vérités mêmes que je savais leur être les plus odieuses, les plus insupportables… Souvenez-vous avec quel courage j’ai fait devant eux, au milieu d’eux, ces miracles, ces guérisons, ces actes qui les transportaient de rage et leur faisaient jurer ma mort… Je l’ai fait pour vous, pour votre bien, afin de prêcher la vérité bien haut et afin de donner, à tous les hommes, une leçon de courage dans l’accomplissement de la charité, et dans l’accomplissement des devoirs religieux en particulier ; afin de donner, aux pasteurs des âmes, une leçon de courage dans la prédication. Ne cachez pas la vérité, quoi qu’il doive vous en coûter ; si vous en êtes martyrs, tant mieux : vous régnerez plus tôt avec Moi dans la maison de mon Père… Mais, souvenez-vous de l’exemple que je vous donne. Je suis la lumière, je n’ai pas le droit de me mettre sous le boisseau : il faut que j’éclaire les hommes, même malgré eux, jusqu’à ce que mon Père fasse sonner l’heure de mon repos ; vous de même, vous qui êtes pasteurs d’âmes ; je vous ai mis sur le chandelier : vous êtes obligés d’éclairer les hommes, qu’ils le veuillent ou non ; vous êtes obligés de semer la semence que je vous ai confiée, de crier sur les toits la doctrine que je vous ai confiée à l’oreille. Criez, semez, prêchez ; faites-le pour m’obéir ; faites-le avec une joie d’autant plus douce qu’en le faisant, non seulement vous m’obéissez, mais vous m’imitez… Qu’on vous écoute ou qu’on ne vous écoute pas, prêchez toujours, et priez toujours pour que vos paroles rapportent du fruit ; si elles n’en rapportent pas, continuez sans tristesse ni découragement, avec une certaine joie de cet insuccès, puisque, n’ayant pas de succès, vous partagez mon sort…

LES BÉATITUDES

« Bienheureux ceux qui auront la pauvreté d’esprit ; qui, non seulement rejettent les biens matériels, ce qui est le premier degré, mais montent bien plus haut et vident complètement leur âme de tout attachement, de tout goût, de tout désir, de toute recherche qui n’a pas Moi pour but… Cette pauvreté d’esprit fait le vide complet dans l’âme, la vidant et de l’amour des choses matérielles, et de l’amour du prochain, et de l’amour de soi-même, chassant d’elle tout, tout, et n’y laissant qu’une place entièrement vide que j’occupe tout entière… Moi, alors, je leur rends divinisé cet amour des créatures matérielles qu’ils ont chassé de leur âme pour me donner la place entière… Ils ont chassé de leur âme ces amours ; seul, j’occupe leur âme vide de tout et pleine de Moi ; mais en Moi, en vue de Moi, ils recommenceront à aimer toutes ces choses, non plus pour eux, ni pour elles, mais pour Moi : ce sera la charité ordonnée. Ils aimeront toutes les créatures pour Moi, et ils n’en aimeront aucune pour elle, car ils me doivent tout leur amour, ils doivent se perdre en Moi, et n’avoir rien que par Moi et pour Moi, l’amour comme le reste. Bienheureux ceux qui seront si pauvres d’esprit, si vides de tout, si pleins de Moi !…

« Bienheureux ceux qui ont faim ! ceux qui ont faim de justice, du règne de la justice sur la terre, de mon règne sur la terre, de ma gloire ; faim de me voir glorifié par toutes les âmes ; faim de voir ma volonté parfaitement accomplie par tous les êtres !… Ayez donc toujours cette grande faim de la justice, de voir la justice parfaitement accomplie, et par vous-même et par tous les hommes ; la faim de voir la volonté de Dieu parfaitement faite par vous et par tous les hommes ; la faim de votre parfaite sanctification et de la parfaite sainteté dans tous les hommes… C’est cette faim qui presse mon propre Cœur !… Ayez-la de plus en plus, non en vue de vous, ni en vue des hommes, mais en vue de Dieu, par amour de Dieu… Bienheureux serez-vous alors ! car vous serez parfaitement unis à mon propre Cœur !…

« Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu’ils sont malheureux, pauvres, en deuil, malades, souffrants du corps ou de l’âme, éprouvés de quelque manière que ce soit ; bienheureux parce que ces souffrances serviront à expier leurs péchés ; bienheureux parce que ces souffrances les détachent du monde, de la terre, et les portent à lever les yeux vers Moi et à s’attacher à Moi… Plus heureux encore, ceux qui pleurent leurs péchés… Plus heureux encore et encore, ceux qui pleurent de tristesse de ne pas me voir et d’être exilés dans cette vallée de larmes, loin de Moi… Encore plus heureux ceux qui pleurent mes douleurs, ma Passion, toutes les souffrances que j’ai endurées sur la terre… Et plus heureux que tous, ceux qui pleurent par pur amour, qui pleurent parce qu’ils m’aiment, sans cause distincte, qui pleurent non de douleur, ni de désir, mais seulement parce qu’en pensant à Moi, tout leur cœur se fond, et qu’ils ne peuvent retenir leurs larmes.

« Heureux ceux que les hommes haïssent et persécutent à cause de Moi ! heureux, oui, car s’ils m’imitent, ils auront part à mon sort… en vraies épouses, ils partageront pleinement le sort de leur Époux… heureux, car qu’y a-t-il de plus doux que de souffrir avec ce qu’on aime ?… Bienheureux, puisqu’ils auront ce double bonheur, souffrant avec leur Bien-Aimé et souffrant pour Lui… Heureux, car, par ces souffrances même, s’accroîtra leur amour pour moi : il s’accroîtra dans la mesure des souffrances qu’ils souffriront pour moi… et cet amour croissant ne sera pas passager, mais durable, il durera pendant le temps et pendant l’éternité… Oh ! bienheureux ceux qui souffrent persécution avec Moi et pour Moi, et dont l’amour croît sans relâche pendant ces persécutions ! Ne refusez, ne craignez jamais les peines, les haines, les persécutions souffertes pour Moi ; recevez-les, au contraire, avec joie, bénédiction, action de grâce, reconnaissance à Dieu et aux hommes, en me remerciant du fond du cœur, en priant pour vos ennemis et vos bourreaux, en vous joignant, anges terrestres, à leurs anges gardiens pour me demander leur conversion, et en vous réjouissant du fond du cœur d’avoir été jugés dignes de souffrir humiliation et souffrance pour mon amour ! N’oubliez pas que c’est ainsi que je traite tous ceux que j’aime d’un amour de prédilection : ainsi j’ai traité les patriarches et les prophètes, ainsi je traiterai et j’ai traité ma mère, ainsi j’ai traité mon bien-aimé père Joseph, ainsi je vous traiterai, Magdeleine, ainsi je vous traiterai, Pierre, Jean, Jacques, vous tous mes bien-aimés !… et ainsi surtout je me traite Moi-même, Moi qui dois être le premier en tout…

« Et qu’elle sera bénie la fin de ces douleurs !… Plus vous aurez aimé et souffert pour Moi en ce monde, plus vous aurez été persécutés pour Moi, et mieux vous me verrez, et mieux vous m’aimerez éternellement dans l’autre…

5 heures du soir. — Mon Dieu parlez, Votre petit serviteur écoute : entre la Sainte Vierge et sainte Magdeleine, devant Vos Apôtres qui font le cercle, je suis là, tout petit, me blottissant, Vous regardant et écoutant…

— « Aimez vos ennemis… Bénissez ceux qui vous maudissent. Faites du bien à ceux qui vous veulent du mal… Si on vous frappe sur une joue, tendez l’autre… Si on vous arrache votre manteau, laissez prendre aussi votre tunique… Donnez à quiconque vous demande… Et si on vous prend quelque chose, ne le redemandez pas… Faites aux autres ce que vous voulez qu’ils vous fassent… Soyez miséricordieux comme votre Père Céleste est miséricordieux… Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés… Pardonnez et Dieu vous pardonnera… Ne regardez pas la paille de votre frère, mais votre poutre… »

« Tous ces commandements sont des commandements de charité, mes enfants, et ils ne peuvent vous étonner si vous comprenez bien, une fois pour toutes, que tous les hommes ne font ensemble qu’une seule et même famille dont Dieu est le Père commun, Créateur, Conservateur, Père de tous de la même manière : Il aime tous les hommes incomparablement plus que le père le plus tendre n’aime ses enfants… Et il veut que, parmi ces fils et ces fidèles, tous, sans exception si tendrement aimés, règne cette concorde, cet amour, cette tendresse, au besoin cette indulgence et cette douceur toujours prête à céder, qu’un tendre père veut voir régner entre ses enfants… C’est ainsi qu’Il veut qu’on se cède les uns aux autres, que l’on s’entr’aide sans mesure, que chacun cède de son droit, loin de le réclamer jamais ; qu’on cède au frère injuste pour le corriger par la douceur et maintenir la paix dans la famille, priant seulement pour lui afin qu’il se corrige… Enfin, vous le voyez, toute cette série de recommandations que je vous ai faites n’ont d’autre but que d’entretenir la paix et l’amour entre tous les frères qui composent la grande famille humaine… Gardez toujours toutes ces prescriptions, et ayez au fond de l’âme, gravé profondément, ce principe d’où toutes découlent : tous les hommes sont vraiment, véritablement frères en Dieu, leur Père commun, et Dieu veut qu’ils se regardent, s’aiment, se traitent en tout, comme les frères les plus tendres.


« Et soyez compatissants les uns pour les autres : voyez comme je suis compatissant pour vous, comme je souffre, comme j’ai pitié, compassion de toutes les douleurs, comme je soupire avec celui-ci, comme je pleure avec cet autre. J’ai compassion de leurs deuils, de leurs maladies, de leurs inquiétudes, de leur faim, de leurs faiblesses, de leur ignorance…; non seulement j’ai fait du bien aux âmes et aux corps, mais mon Cœur a une pitié, une compassion profonde pour tous les maux de l’âme et du corps… La compassion fait partie de l’amour dans tout cœur mortel et dans tout amour humain…

LA TEMPÊTE APAISÉE

St Luc, 8, 24.

« Mes enfants, quoi qu’il vous arrive, souvenez-vous que je suis toujours avec vous… souvenez-vous que, visible ou invisible, paraissant agir ou paraissant dormir et vous oublier, je veille toujours, je suis partout, et je suis tout-puissant. N’ayez jamais nulle crainte, nulle inquiétude : je suis là, je veille, je vous aime (vous ne doutez plus, j’espère, de mon amour !), je suis tout-puissant… Que vous faut-il de plus ?… Tout ce qui vous arrive vous arrive par ma permission ou ma volonté, par la permission ou la volonté de mon amour, pour que vous en tiriez un grand bien, grand bien que je vous aide Moi-même à en tirer par ma grâce… Ne craignez donc rien, puisque rien ne peut vous arriver sans ma permission… ne vous affligez de rien, du moins d’une douleur qui dépasse ces mouvements de sensibilité instinctifs, prompts et passagers, qui sont des effets de la nature et des sens ; mais conformez votre volonté à la mienne…

« Souvenez-vous de ces tempêtes que j’ai apaisées d’un mot, leur faisant succéder un si grand calme… Souvenez-vous de la façon dont j’ai soutenu Pierre marchant sur les eaux… Je suis toujours aussi près de chaque homme que je l’étais alors de vous, et aussi disposé à l’aider, à le secourir en tout ce qui sera pour le bien de son âme. Ayez confiance, foi, courage ; soyez sans inquiétude pour votre corps et votre âme, puisque je suis là, tout-puissant, et vous aimant. Mais, n’oubliez pas que je suis là… que votre confiance ne naisse pas de l’insouciance, de l’ignorance des dangers, ni de la confiance en vous ou en d’autres créatures ; non, votre situation est très grave, vous n’avez que quelques années, quelques jours pour gagner une éternité bienheureuse ou mériter le feu éternel… les dangers que vous courez sont imminents : les démons, ennemis forts et rusés, votre nature, le monde, vous font constamment une guerre acharnée ; vous n’avez aucune confiance à avoir en vous-mêmes ; repassez dans votre esprit vos péchés et vos années, et cet examen de votre passé vous montrera le fond que vous pouvez faire sur votre vertu, votre esprit, sur tout ce qui est vous ; sur les autres, vous ne pouvez pas compter davantage ; ils ne peuvent ni agir pour vous, ni vous suivre malgré vous, et, sans Moi, ils sont aussi impuissants que vous… Oh ! en cette vie, la tempête est continuelle, et votre barque est toujours près de sombrer… Mais Moi je suis là, et avec Moi elle est insubmersible : défiez-vous de tout, et surtout de vous, mais ayez en Moi une confiance complète, qui bannisse l’inquiétude… »

8 heures, soir. — Mon Dieu, voici l’heure du silence revenu. La nuit enveloppe la terre, le ciel est noir et couvert de nuages, on n’entend d’autres bruits qu’un chant lointain… Qu’il est triste, ce chant qui sort de quelque manoir mondain et qu’apporte le vent !… Comme il est faux !… Comme c’est bien le cri que pousse la nature humaine quand elle n’est pas divinisée par Vous, mon Sauveur, ce chant qui voudrait être un chant de joie et qui, malgré lui, est si plaintif, c’est bien le son des plaisirs humains qui, plus ils font d’efforts pour être joyeux, plus ils sont gros de larmes. Oh ! que nous sommes heureux, mon Sauveur Jésus, d’être si loin de ce triste monde, dont à peine nous arrive, avec les rafales du vent, un écho lointain ! Qu’il fait bon se serrer près de Vous, dans cette chambre bien close, entre Votre Mère, sainte Magdeleine et Vos Apôtres, Vous regarder, Vous contempler, Vous écouter, et, maintenant que la nuit s’avance, rester silencieux à Vos pieds, entre ces saintes âmes, en se perdant avec elles dans Votre contemplation !… Mon Seigneur et mon Dieu, où serez-Vous, d’aujourd’hui en trois semaines ? hélas ! hélas ! à cette heure, aura lieu Votre repas pascal, Votre dernière Cène… à cette heure, Vous serez à quelques instants de Votre agonie, de Votre arrestation… O mon Dieu, faites-moi passer cette nuit qui, dans trois semaines, à pareil jour, sera si lamentable, de manière à Vous consoler le plus possible !…

MULTIPLICATION DES PAINS

St Luc, 9, 16.

[Le Christ] : « Mes petits enfants, souvenez-vous que parmi tous les miracles que j’ai faits devant vous, certains ont été d’un genre tout particulier… Ils ont été la figure d’un grand mystère… Je vous ai expliqué, ainsi qu’à la foule, quelque chose de ce mystère à Capharnaüm, et ces vérités ont tant surpris les hommes que la plupart ne m’ont pas cru, et que beaucoup de mes disciples se sont retirés de Moi et ont, dès lors, cessé de me suivre. Je veux parler des multiplications des pains qui présagent le sacrement de mon Corps et de mon Sang que j’instituerai la veille de ma mort, à la dernière heure et au dernier repas que je prendrai et que je passerai avec vous… Je ne puis me décider, mes enfants, à vous quitter complètement… je ne veux pas vous laisser orphelins…, je vous quitterai à cette heure même, d’aujourd’hui en trois semaines, mais je reviendrai bientôt à vous, ressuscité, d’abord jusqu’à mon Ascension, et ensuite dans le T. S. Sacrement de l’Autel jusqu’à la fin des temps… Ainsi, tout en montant au Ciel, je resterai sur la terre, et je serai parmi vous jusqu’à la consommation des siècles… Je le ferai parce que vous êtes froids, pour vous rendre chauds, fervents, aimants, tendres, par ma présence, ma vue, la vue de mon amour…, parce que vous êtes faibles pour vous rendre forts, courageux, par le sentiment de ma présence, par la claire vue que je suis toujours avec vous…; parce que vous êtes sans espérance et sans confiance, pour vous donner espoir et confiance à la vue de mon amour pour vous, de ma familiarité avec vous…; parce que vous êtes tristes et découragés, pour vous rendre heureux, joyeux, pleins d’allégresse, par le bonheur d’être aux pieds, aux genoux de votre Bien-Aimé, d’être sans cesse en sa présence…; parce que vous êtes portés à vous occuper de choses matérielles, extérieures, mondaines, passagères, de ce qui concerne votre corps, pour vous porter à les laisser de côté et à ne vous occuper, au contraire, que de choses spirituelles, intérieures, célestes, éternelles concernant votre âme ; en vous attirant dans une église par ma présence ; en vous faisant passer les journées au pied de mes autels, par dévotion pour ma présence ; en vous portant à me prier, Moi que vous sentirez si près de vous dans le Tabernacle ; en vous portant à passer vos journées entières en contemplation devant la Sainte Hostie, que vous savez être vraiment Moi, vraiment Jésus que vous aimez… — Ce n’est pas tout ; en vous donnant ce Pain céleste, je ne me place pas seulement devant vous pour être adoré, quoique cette seule présence soit déjà un bien infini, un don divin, parfait, le Tout : en vous donnant ainsi ma présence dans vos Tabernacles jusqu’à la fin des siècles, je vous fais un premier don infini… mais je vous en fais deux autres, infinis aussi… je me donne à vous, en deuxième lieu, pour être votre nourriture, et en troisième lieu, pour être offert par vous en sacrifice à mon Père en mon nom…

LA DOUCEUR

Luc, 9, 56.

« Une autre vertu que je vous ai bien souvent recommandée par mes paroles et plus souvent encore par mes exemples, c’est la douceur : c’est pour vous, pour votre bien à tous que je vous l’ai tant de fois prêchée… Pratiquez cette douceur dans vos pensées, éloignant, chassant comme des inspirations du diable toute pensée d’amertume, de dureté, de raideur, de violence, de colère, de rancune, d’antipathie, de jugements sévères sur ceux dont vous n’êtes pas chargés ; accueillez, nourrissez les pensées douces, tendres, charitables, les pensées de sympathie, de bonté, de reconnaissance… Attendrissez-vous en regardant l’amour que vous devez à tous les hommes, mes enfants bien-aimés, vos frères ; la reconnaissance que vous devez, à tous, qui vous font tous quelque bien par la communion des saints, par la gloire que tous me donnent, bon gré, mal gré, à Moi votre Bien-Aimé. En tous les hommes, vous avez des amis tendres et très puissants, puisque vous avez, avec eux, continuellement, leurs bons anges. Soyez tout miel, toute tendresse, toute paix dans vos pensées… Et soyez de même dans vos paroles…, si parfois, par devoir, vous êtes obligés d’avoir des paroles sévères, que votre sévérité même laisse voir, comme au travers d’un voile transparent qui couvre un fond d’éternelle douceur, qu’elle n’est que passagère, qu’elle cessera aussitôt que le bien même des âmes à qui elle s’adresse ne la demandera plus, qu’elle ne demande qu’à s’évanouir et à faire place à la douceur.

LE PLUS GRAND COMMANDEMENT

Luc, 10, 28.

« Souvent, mes petits enfants, on m’a demandé devant vous quel était le plus grand commandement ; j’ai toujours répondu : le premier commandement est d’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit, de toutes ses forces…; le deuxième est d’aimer son prochain comme soi-même. — Qu’est-ce que c’est que m’aimer ainsi, mes enfants ? C’est m’aimer souverainement, par dessus tout, autant que vous le pourrez, autant que vous le permet la grâce que je vous donne !… Et qu’est-ce que c’est que d’aimer ?… Aimer, cela contient bien des choses, qui diffèrent selon les caractères et selon les dons de Dieu. Dieu donne tantôt tel sentiment, tantôt tel autre, fait sentir à telle âme telle chose, à telle autre, telle autre chose. Il fait sentir à la même âme en un temps tel sentiment, en tel autre temps un autre, et le tout avec des intensités très différentes ; ces sentiments font tous partie de l’amour, en sont les effets réels, mais nous les sentons plus ou moins selon la volonté de Dieu, Sa grâce et notre fidélité à recevoir cette grâce. Parmi ces sentiments, qu’on peut dire innombrables et qui font tous partie de l’amour, on peut compter surtout le désir de voir, de connaître, le désir de posséder le Bien-aimé, le désir d’être aimé de Lui, le désir de Lui plaire, le désir de Lui faire du bien, le désir de Le louer, l’admiration, le désir de L’imiter, le désir d’être approuvé par Lui, le désir de Lui obéir en tout, le désir de Le voir heureux, le désir de Le voir en possession de tout ce qui est bon, avantageux pour Lui, le désir, en un mot, de tout ce qui est son bien ; le désir de souffrir pour Lui, le désir de souffrir avec Lui, le désir de partager ses travaux, sa vie, ses états, le désir de conformer entièrement son âme à la Sienne, le désir de se donner à Lui, de ne vivre que pour Lui, de ne respirer que pour Lui, le désir de travailler pour Son service, la douleur de Ses souffrances, la joie de Son bonheur, la douleur des choses qui Lui causent de la peine, en conformité avec Lui, la joie des choses qui Le réjouissent…, etc., etc. Tous ces sentiments sont des effets de l’amour, appartiennent à l’amour, sont dans l’amour, mais tous ne sont pas l’amour ; un seul d’entre eux est vraiment l’essence de l’amour, c’est celui qui consiste à désirer passionnément et par dessus tout, à tel point qu’on compte tout le reste pour rien…, qu’on ne vive que pour l’accomplissement de ce seul désir… : le bien de l’Être aimé…

« Et je vous ai dit que le deuxième commandement, c’est d’aimer le prochain comme soi-même… En effet, pour m’aimer parfaitement, vous avez fait le vide total de votre âme, vous n’y avez rien laissé, ni choses matérielles, ni le prochain, ni vous-même, vous vous êtes vidé de tout, vous m’avez donné toute la place, et j’y règne seul, la remplissant entièrement… Mais, une fois que je règne pleinement et seul en vous, je m’établis dans votre âme, et j’y place tout ce que je veux y voir, comme un propriétaire place dans sa maison le mobilier qu’il y veut. J’y place mes vertus, ma bonté, et la première des choses que j’y mets, que j’y veux avoir et que je vous ordonne de conserver pour Moi, en vue de Moi, pour mon usage, pour m’obéir, dans cette maison de votre âme que vous avez faite mienne, c’est l’amour de tous les hommes, de vous-même et de tous les autres. — Amour de tous au même titre, parce que vous êtes miens, et amour de tous (de vous compris parmi les autres) très grand, parce que vous m’êtes tous très chers comme je vous l’ai assez prouvé, mes petits enfants, et par toutes les grâces dont les hommes sont comblés depuis l’origine du monde, et par cette grâce incompréhensible de l’Incarnation, par ma vie entière, et par dessus tout, par ce qu’il me reste à vous donner et à souffrir pour vous, mes enfants bien-aimés… enfants de mon cœur !… »

Samedi, 9 heures soir. — Mon Dieu, voici la nuit venue. Le vent souffle en ouragan, de temps en temps la pluie l’accompagne…, tous les bruits se sont tus…, on n’entend que le vent qui souffle et la pluie qui tombe… Vous priez immobile et silencieux, une petite lampe éclaire Votre visage si beau, si pâle, si calme, si pensif… Tout près de Vous, la Sainte Vierge, sainte Magdeleine sont à genoux et prient… Vos apôtres sont là aussi, silencieux, recueillis, priant : tous Vous regardent, les yeux ne se lassent pas de Vous voir. Mettez-moi avec eux, à Vos pieds, mon Dieu !

LA PRIÈRE

Luc, 11, 13.

[Notre-Seigneur] : « Vous m’avez demandé plus d’une fois comment il faut prier, mes enfants, et je vous l’ai fait voir… La prière, c’est l’entretien avec Dieu, c’est le cri de votre cœur vers Dieu. Il faut donc que ce soit quelque chose d’absolument naturel, d’absolument vrai, l’expression du plus profond de votre cœur…, ce n’est pas vos lèvres qui doivent parler, ce n’est pas votre esprit, c’est votre volonté… Votre volonté se manifestant, se répandant dans toute sa vérité, sa nudité, sa sincérité, sa simplicité à votre Père, et présentée par vous devant Lui, voilà ce que c’est que la prière ; cela ne demande donc souvent ni un long temps, ni beaucoup de paroles, ni beaucoup de pensées ; cela varie : tantôt ce sera un peu plus long, tantôt tout à fait court…, selon les désirs de votre cœur…; s’ils sont parfaitement simples, un mot les exprimera ; s’ils sont moins simples, il vous faudra quelques phrases pour les exposer… De toute manière, c’est l’état de votre volonté que vous exposez…, l’état de votre cœur si vous le voulez, mais non de votre cœur avec ses imperfections, ses attaches désordonnées, non, c’est l’état de votre cœur rectifié par votre volonté, l’état de votre cœur tel que vous voulez qu’il soit, en en retranchant tout ce que vous n’y admettez pas, tout ce que vous en repoussez : la prière, c’est donc la demande de ce que vous voulez, de ce que vous voulez avec l’aide de la grâce, de ce que vous voulez en vue de Dieu.


« Priez ainsi, veuillez tout ce que je veux, cela seul que je veux, comme je le veux, dans la mesure où je le veux : « Mon Père, que votre volonté se fasse ! » Cette prière sera celle que vous ferez éternellement dans le ciel…

« Tout ce que désire Dieu et par conséquent, tout ce que vous désirez, tout ce que veut Dieu et, par conséquent, tout ce que vous voulez se trouve compris dans ces mots : « Père que votre volonté soit faite… »

« La prière, c’est tout entretien de l’âme avec Dieu, c’est encore cet état de l’âme qui regarde Dieu sans parole, mais uniquement occupée à Le contempler, Lui disant qu’elle L’aime, par ses regards, tout en étant muette des lèvres, même de la pensée… La meilleure prière est celle où il y a le plus d’amour. Elle est d’autant meilleure que les regards de l’âme sont chargés de plus d’amour, que l’âme se tient plus tendrement, plus amoureusement devant son Dieu. La prière, dans cette acceptation la plus large du mot, peut être ou une contemplation muette, ou une contemplation accompagnée de paroles… paroles d’adoration, d’amour, d’offrande de soi, de don de tout son être… paroles d’actions de grâces du bonheur de Dieu, des faveurs faites à soi ou à d’autres créatures… paroles de regret de réparation des péchés propres ou de ceux d’autrui… paroles de demande…

« … Mes enfants : dans la prière, ce que je veux de vous, c’est l’amour, l’amour, l’amour.

« Outre le temps que vous devez consacrer chaque jour uniquement à la prière, vous devez, pendant tout le reste de vos journées, élever le plus souvent possible votre âme vers Moi ; selon le genre de vos occupations, vous pouvez, en vous y livrant, ou bien penser constamment à Moi, comme il arrive dans certains travaux purement manuels, ou bien vous ne pourrez que de temps en temps lever les yeux vers Moi ; que ce soit, du moins, le plus souvent possible. Il serait bien doux, bien juste de pouvoir me contempler sans cesse… ne jamais me perdre de vue ; mais ce n’est pas possible en ce monde aux hommes ordinaires, vous ne le pourrez que dans le ciel. Ce que vous pouvez et devez faire, c’est, pendant le temps que vous employez à des occupations autres que la seule prière, lever les yeux de l’âme vers Moi, aussi souvent et aussi amoureusement que vous le pouvez et, tout en travaillant, garder ma pensée aussi présente à votre esprit que cela vous est possible, selon votre genre de travail… De cette manière, vous me prierez sans cesse, continuellement, autant que cela est possible à de pauvres mortels.

Prier, vous le voyez, c’est surtout penser à Moi, en m’aimant… plus on m’aime, mieux on prie. La prière, c’est l’attention de l’âme amoureusement fixée sur Moi : plus l’attention est amoureuse, meilleure est la prière.

LA SAINTETÉ

St Luc, 12, 48.

« Et vous, mes chéris, vous mes favoris, vous mes privilégiés, mes bien-aimés entre tous, souvenez-vous, vous, mes élus, de cette grave parole que je vous ai dite : « Il sera plus demandé à celui qui a plus reçu »… C’est pour vous qu’elle a été dite, vous mes choisis, vous mes comblés, vous à qui j’ai tout dit, tout donné, vous qui avez reçu tant et tant de grâces…, plus vous aurez reçu, plus il vous sera demandé… La grandeur des faveurs que je vous ai faites est le signe, que je vous donne moi-même, de la grandeur de la sainteté que je demanderai de vous… N’ayez donc pas la folie de croire que c’est orgueil de votre part de désirer, d’espérer, de vouloir parvenir à une très grande sainteté ; c’est tellement peu orgueil que c’est, au contraire, devoir et obéissance. Les grâces dont je vous ai comblés et que, sans ingratitude, vous ne pouvez pas ne pas reconnaître, sont un ordre très précis de ma part de monter à une très grande sainteté : donner beaucoup de grâces à une âme, c’est, de ma part, comme si je lui disais : « Je veux que tu deviennes très sainte…, je te demanderai compte de ces grandes grâces que je t’ai données… »

« Pour peu que vous ayez l’ombre de raison, mes grâces, mes faveurs, en s’accumulant sur vous, ne feront que faire croître en vous l’humilité et la crainte. Bien loin de vous enorgueillir, plus vous recevrez, plus vous serez rempli de crainte et vous humilierez dans les sentiments de votre profonde bassesse. Ce qu’il y aurait à craindre plutôt que l’orgueil, si vous êtes dans votre bon sens, c’est le découragement, et il arriverait, en effet, si je ne vous faisais un devoir d’espérer toujours, malgré tout, de croire à ma miséricorde infinie et de vous jeter à corps perdu sur mon Cœur, quelque misérable que vous vous sentiez, comme l’enfant prodigue se jeta sur le cœur de son père. »

4e Dimanche de Carême

6 heures 30 soir. — Le jour s’avance, mon Dieu ; hélas, ce séjour à Ephrem est presque terminé… Que le temps passe vite ! dans trois semaines, à pareille heure, Vous serez ressuscité ! Quel mot ! Quel éblouissement : heureux, bienheureux, infiniment glorieux pour la Sainte Trinité, toutes Vos souffrances, tous Vos travaux seront finis… Pour l’Éternité, Vous serez le Roi de gloire… Avec quelle impatience et quelle joie je verrais arriver ce jour, mon Bien-Aimé Jésus, si Vous ne deviez, pour y parvenir, traverser de telles souffrances ! Mais, hélas ! c’est par de telles douleurs que Vous devez entrer dans Votre gloire, que mon cœur se glace, et que je ne puis y penser sans que le froid de la mort m’enveloppe… Oh ! mon Seigneur Jésus, ce sera un vendredi, votre dernier jour : vendredi prochain en quinze… Que cela s’approche !… Que tous Vos enfants Vous consolent pendant ces quelques jours, ô mon Dieu !… Que je Vous console durant tous les jours de ma vie !… Que tous Vos enfants Vous consolent le plus possible !… Que Votre volonté se fasse en tout !… Amen.

LA VOIE ÉTROITE

« Entrez par la voie étroite, car la voie large mène à la perdition… » c’est-à-dire, entrez par la voie de la mortification, de l’obéissance surtout et de la pénitence, car la voie contraire, la voie du relâchement, de la vie molle, à l’aise, indépendante, mène en enfer… Vous avez, entre bien d’autres écueils à éviter, dans la vie, ceux que je vous ai tant de fois signalés en vous disant : « Évitez le levain des pharisiens et des sadducéens »… L’écueil des pharisiens, c’est celui qui consiste à chercher la perfection, mais à la mettre dans des observances purement extérieures, des minuties, des formalités, au lieu de la mettre dans la pratique des vertus et l’imitation de mes exemples : cet écueil fait tomber dans l’hypocrisie, les jugements téméraires, la dureté du cœur, gouffres où l’âme sombre… L’écueil des Sadducéens est le relâchement qui sous prétexte de mettre la vertu dans la sainteté intérieure de l’âme, repousse toute pratique extérieure, rejette tout ce qui gêne le corps, déclare toute mortification inutile : on devient alors esclave de ses sens, incapable de soumettre son corps ni son âme à aucune obéissance, et on rejette tout ce qui est une croix et une humiliation.

« Je vous trace la voie entre les deux écueils, en vous disant : « Prenez la voie étroite » et ce qu’est cette voie, je vous l’ai expliqué ailleurs : la voie étroite, c’est la voie dont j’ai donné l’exemple, la voie que j’ai signalée en disant : « Si quelqu’un veut me suivre, qu’il se renonce tous les jours et me suive. » Faites ainsi, mes petits enfants et vous vivrez ! Et marchez à ma suite dans cette voie, en vous gardant des deux écueils du plaisir et des séductions… »

8 heures soir. — Mon Seigneur Jésus, voici la nuit venue ; tout se tait, l’ombre et le silence enveloppent la terre… tout dort dans le village… on n’entend aucun bruit… Vous veillez, Votre Mère, sainte Magdeleine, veillent près de Vous et Vous regardent, tristes, en priant pour Vous : elles comptent les jours : dix-huit jours jusqu’à Votre Passion, dix-neuf jours jusqu’à Votre mort… Vous mort, mon Jésus, ô Vous si plein de vie ! Vous la vie ! Et mort dans quels tourments ! Et volontairement ! Et de tout Votre Cœur ! Oh ! mon Dieu, et Votre Cœur a soif d’être baptisé de ce baptême… le nôtre défaille en y pensant… Mon Dieu, la voilà donc qui approche, qui arrive, qui arrive, qui est arrivée, la fin de cette vie de 33 ans passés sur la terre… Qu’elle s’est vite écoulée ! De quelles ineffables douceurs Vous avez su la remplir pour moi ! Quelles grâces précieuses Vous avez, chaque jour, dans cette vie bénie, répandues sur moi, sur nous qui Vous entourons, et sur toute la terre !… que dirai-je ? Dirai-je, comme on Vous l’a dit une fois : « A Dieu ne plaise, Seigneur, que Vous souffriez ainsi ! » Non ! je ne pourrai pas avoir d’autre volonté que la Vôtre, mon Seigneur ! je Vous ai donné une fois ma volonté, je ne la reprendrai jamais, elle est pour jamais perdue et noyée dans la Vôtre : que tout ce que Vous voulez se fasse, que tout ce que Vous voulez arrive, quoi que ce puisse être… Que Votre volonté se fasse, mon Dieu… je sais que Votre volonté est Votre gloire, est Votre bien… Qu’elle se fasse… Oh ! mon Dieu, faites seulement que moi, que ceux dont Vous m’avez chargé plus particulièrement, que tous les fidèles de Votre Église, que tous les hommes fassent en tout Votre volonté. Amen ! Amen !

LE BON PASTEUR

St Luc, 15, 4.

[Notre-Seigneur] : « Je suis le Bon Pasteur, je cours sans cesse à la recherche des brebis égarées, je vous l’ai redit cent fois : Aimez-Moi ! puisque je vous aime tant, toutes, ô mes brebis, et aimez-vous les uns les autres, puisque votre Pasteur vous aime tous si tendrement !… Soyez-Moi reconnaissants de mes soins à vous chercher, de ma bonté à vous pardonner, de ma joie quand je vous retrouve ! Aidez-moi dans mon travail, imitez-Moi, faites tous vos efforts, avec Moi et comme Moi, chacun selon les ordres de son directeur spirituel, pour ramener le plus possible de brebis égarées… partagez mes sentiments, mes peines de voir mes brebis se perdre, ma joie quand je les retrouve…, partagez ma constance, mon espérance, mon indulgence à les chercher, mon espérance qui ne renonce jamais à croire à la possibilité de leur retour, mon indulgence à leur pardonner…, partagez ma tendresse pour elles, quand elles reviennent…, loin de leur faire des reproches et de les punir, je les comble de caresses, je tombe sur leur cœur, comme le père de l’enfant prodigue.

« Espérez donc toujours le retour au bien de toutes les âmes vivant en ce monde, travaillez-y toujours dans la mesure fixée par l’obéissance, et soyez tendres pour les pécheurs qui reviennent, comme je l’ai été devant vous pour tant d’âmes… En un mot, qui contient tout, faites pour les pécheurs ce que vous voulez que je fasse pour vous.

Lundi après le 4e Dimanche de Carême

« Mes petits enfants, le jour touche à sa fin, je n’ai plus que quelques mots à vous dire… le dénouement approche pour Moi, et cette petite retraite d’Ephrem est presque finie… Demain matin, nous partirons pour la Galilée… Je veux pourtant vous dire encore trois choses pendant que nous sommes encore recueillis dans cette solitude : d’abord, pauvreté, pauvreté, pauvreté. Souvenez-vous de mes exemples et de mes paroles au sujet de la pauvreté : né dans une grotte, élevé dans une pauvre maison, enfant de parents pauvres, vivant pauvrement comme eux, du travail de mes mains, jusqu’au jour où j’ai passé mes jours entiers à prêcher ; depuis ce temps, acceptant pour vivre les aumônes des fidèles, mais n’en acceptant que ce qu’il faut pour vivre aussi pauvrement que quand j’étais ouvrier ; sans aucune possession au monde, sans une pierre pour poser la tête ; choisissant mes compagnons, mes apôtres parmi les pauvres, prêchant la pauvreté. Souvenez-vous de mes paroles : « Bienheureux les pauvres !… Malheur aux riches… Si vous voulez être parfaits, vendez ce que vous avez et donnez-en le prix aux pauvres… Si vous ne renoncez à tout, vous ne pouvez devenir mes disciples… On ne peut suivre deux maîtres à la fois, on ne peut aimer Dieu et l’argent… Le pauvre Lazare fut porté par les anges dans le sein d’Abraham… Ceux qui quittent tout pour me suivre reçoivent le centuple en ce monde, et, dans l’autre, la vie éternelle… » Je ne veux pas laisser finir cette journée sans vous répéter : Pauvreté, pauvreté, pauvreté !… Foi dans la prière… Humilité. »

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