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LA JOIE CHRÉTIENNE

Certains mots portent, dans l’unité simple de leur forme, un signe d’absolu. Est-ce hasard si notre langue et d’autres font tenir en une syllabe le nom qui surpasse tout nom : Dieu ? Le terme joie semble élémentaire comme le feu, quand la flamme, droite et vive, surgit des sarments prêts à flamber.

S’il fallait définir la joie, nous dirions que c’est un accroissement d’essor vital par l’espérance ou la possession d’un bien. L’arbre qui monte le plus haut qu’il peut, hors du taillis, vers le soleil, reçoit en ses fibres un sourd bien-être, tandis que ses feuilles boivent dans l’azur, à la source ardente. J’ai vu, en mer, sur le pont d’un bateau, des poulains hennir de contentement au premier rayon de l’aurore qui touchait leurs yeux. Un chien bondit à son écuelle pleine, comme s’il conquérait pour la première fois la vie.

La joie des enfants est semblable à celle des jeunes animaux, naïve, impétueuse et totale. Elle imite d’autre part celle des Anges et des élus parce qu’ils savent atteindre dans les plus humbles délices la présence du parfait. Ils désignent du doigt, en questionnant, le mystère des origines ; ils ont la paix des simples, la paix avec les créatures et avec Dieu ; ils s’élèvent aisément à l’évidence de son Être ; et lui-même nous a prévenus que nous n’entrerions pas dans son Royaume, si notre âme n’était pareille à leur âme.

Mais, les enfants, déjà leur condition d’homme les éloigne du Paradis. Ils naissent en souffrant et pour souffrir ; leur volonté convoite au delà de ce qu’elle possède ; elle s’exaspère des résistances ; elle est ramenée durement en deçà des bornes. La candeur les quitte ; une loi de déchéance signifie durement à leur faiblesse : « En toi, c’est le péché. »

Et, dès qu’ils ont grandi, la joie, même naturelle, leur est encore moins concédée. Elle exige une victoire à gagner et à regagner sur le trouble des appétits, sur les puissances de la mort. Ceux qui jouissent d’elle combien sont-ils ? On peut trouver, dans l’histoire, des siècles qui eurent de la gaîté ; un siècle joyeux est encore à naître. L’homme moderne a sculpté, plus profondes, sur son visage, les rides de la tristesse. Les romantiques s’en sont parés. « Sot et vilain ornement » aurait dit Montaigne qui ne songeait, en épicurien de Gascogne, qu’à se maintenir gaillard et dispos. Affaissement de la vie spirituelle, débilité physique, frénésie et lassitude des sens, inquiétude des cœurs isolés, nostalgie du perpétuel ailleurs, perturbations nationales, pressentiments de catastrophes, dégoût et désespoir, toutes les misères du siècle dernier devaient aboutir au refrain d’Edgar Poë, Nevermore :

« Mon âme hors de cette ombre qui gît flottante sur le plancher
Ne s’élèvera jamais plus. »[113]

[113] Dernière strophe du Corbeau.

Au temps de Musset et de Baudelaire il eût semblé absurde d’inscrire au front d’un livre le mot fulgurant ; joie. Zola, plus tard, l’a osé dans un roman dont le titre a survécu. Mais l’ensemble de son œuvre atteste impossible cette joie païenne de vivre qu’il s’essayait à prêcher. La logique d’un matérialiste le courbe vers le non-espoir ; d’une vie que des forces imbéciles ont faite pour l’exterminer sans savoir pourquoi, il ne peut attendre que « des minutes heureuses » ; et encore, de ces minutes-là saura-t-il éliminer l’amertume de songer qu’elles finies, tout est fini ? S’il se console, c’est dans la fiction d’une humanité future, libérée de la souffrance, fraternelle, pacifique et juste. Il met au bout de l’horizon un Paradis terrestre sans Dieu.

Non, le culte des instincts naturels ne nous a pas redonné le sens de la joie. La plupart des romans naturalistes se terminent fatalement par un désastre.

L’espérance est un aimant dont la pointe n’est en repos que tournée vers le ciel. L’Église seule a gardé le rythme de l’Alleluia. Elle convertit en une fête quotidienne le cercle uniforme des jours. Tous les matins, elle reprend l’éternelle réjouissance, le Sacrifice qui ouvre la béatitude.

Ses liturgies honorent des couleurs triomphales, l’or, le blanc et le rouge ; quant au noir, elle le met à la portion congrue. Les oraisons des rites[114], les litanies de la Bienheureuse Vierge et des Saints détiennent des trésors de magnificences. Nulle exaltation n’est comparable à la liesse d’une foule croyante, pressée dans une cathédrale, entonnant le Credo, le Te Deum, le Magnificat. C’est pour les sens et pour tout l’être, la synthèse des ivresses, la communion dans la plénitude.

[114] Dans l’ordination des diacres, le Pontife, en les revêtant de la dalmatique, dit à chacun : Induat te Dominus vestimento laetitiae.

A cette jubilation extérieure correspond la paix des volontés. Maintes fois je me suis dit que, même si tous les bonheurs terrestres m’étaient refusés, personne ne me dépouillerait de cette allégresse : le Verbe s’est fait chair et il habite parmi nous. La communion matinale illumine les plus grises, les plus douloureuses journées d’un chrétien. L’Évangile est par essence un message de joie.

Aussi les écrivains qui ont restitué à la pensée moderne la notion d’espérance, le goût de la splendeur sont-ils des catholiques. Même Léon Bloy, dans son Désespéré, a suspendu, par le récit d’une grand’messe, les sombres et furieux déchirements de Marchenoir. Verlaine, le pitoyable Verlaine, nota en des modes exquis la douceur d’être catholique :

Va, mon âme, à l’espoir immense[115]

[115] Sagesse.

Ceux qui surent et purent croire,…
Ceux-là, vers la joie infinie,
Sur la colline de Sion,
Monteront, d’une aile bénie,
Aux plis de son Assomption[116].

[116] Sagesse. Voir aussi Liturgies intimes, le poème intitulé : Vêpres rustiques.

Le Christ, en apparence, est venu apporter aux hommes de la douleur plus que de la joie, le glaive plus que la paix, les épines de sa couronne pour oreiller et les clous de sa Croix, pour qu’ils les enfoncent dans leurs mains. Ses vrais disciples ont été, seront toujours des martyrs. On concevrait mal un Saint dont la vie serait exempte de souffrances singulières, sans des phases de sécheresse désolée et le brisement de toutes les inclinations naturelles. La nature et la Grâce s’opposent comme deux terribles adversaires ; ce qui est donné à l’une amoindrit l’autre ; ce que l’une veut, l’autre le déteste ; et, comme la nature ne s’anéantit pas, il faut qu’elle soit tourmentée jusqu’à la mort. Dirons-nous pourtant des Saints qu’ils ressemblent à ce curé de campagne dont Mme de Sévigné s’amusait : « Il mange de la merluche en ce monde afin de manger de la morue dans l’autre » ? La béatitude à venir reste la chose inestimable, la perle unique. Pour l’avoir, vendre tout le reste, c’est payer bien peu cher.

Et, dès ici-bas, l’espérance de la conquérir fait, seule, la joie qui est. Les Saints, parce qu’ils souffrent, ont le don d’être joyeux. Ils le tiennent de leur Maître qui souffrit dans la joie.

Un des rapports insondables de l’humain et du divin en la personne de Notre-Seigneur Jésus, c’est qu’au moment où il subissait les affres de l’agonie, alors qu’il se lamentait, crucifié et impuissant : « Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m’avez-vous abandonné ? » il se voyait sublime à la droite de son Père ; il percevait les fruits magnifiques de la Rédemption. Il était ineffablement heureux ; et, en un sens, l’absolu de ses opprobres, de son délaissement, de ses tortures, augmentait sa gloire divine, la consommait.

Une simultanéité analogue, très imparfaite, se noue dans l’âme des Saints. En même temps qu’ils pâtissent au delà des forces humaines, ils sont comblés d’un bonheur supra-sensible. Car la joie mystique n’est point la jouissance, mais la conformité dans l’amour avec le souverain Bien. Elle est l’expansion de la charité parfaite. Dans le plus affreux abandon, celui qui aime goûte la paix ; et, parce qu’il est désolé sans perdre l’amour, il mérite d’incroyables délices, il les acquiert par anticipation. Les ravissements des extatiques succèdent volontiers à des épreuves où, sans une aide mystérieuse, ils auraient succombé.

Rien de plus triste pour des yeux frivoles qu’une vie pénitente comme celle d’un Rancé considérant qu’après ses désordres il n’avait qu’une ressource : « se revêtir d’un sac et d’un cilice en repassant ses jours dans l’amertume de son cœur. » Eh bien ! Rancé acceptait, comme un viatique de consolation, même les rigueurs qui le frappaient par les mains d’hommes injustes :

« Ma profession veut que je me regarde comme un vase brisé qui n’est plus bon qu’à être foulé aux pieds ; et, dans la vérité, si les hommes me prennent par des endroits où je ne suis pas tel qu’ils me croient, il y a en moi des iniquités qui ne sont connues de personne et sur lesquelles on ne dit mot ; de sorte que je ne puis ne pas croire que les injustices qui me viennent du monde ne soient des justices sécrètes et véritables de la part de Dieu… C’est la disposition dans laquelle je suis et que je dois conserver d’autant plus que les extrémités de ma vie sont proches : aux portes de l’éternité il n’y a rien de plus puissant pour faire que Dieu me juge dans sa clémence que d’être jugé des hommes sans pitié[117]. »

[117] Lettre au maréchal de Bellefonds écrite en 1678.

Des joies sont liées aux humiliations pénitentes, non le sursaut d’orgueil qui pousserait un Saint à jouir d’être méprisé, mais le contentement de savoir qu’une loi de justice est satisfaite par l’iniquité de ses ennemis, et mieux encore, l’élan de l’obéissance aimante, l’allégresse de continuer la bienheureuse Passion.

La félicité des Saints est d’un ordre paradoxal, transcendant ; elle se fonde sur un renversement des valeurs communes ; ce qui est souffrance pour les autres se tourne en bonheur pour eux. Mais cette joie surnaturelle devient comme une seconde nature, si bien qu’ils ne semblent plus pouvoir la perdre.

Dans le parloir d’un couvent je rendais un jour visite à une religieuse, femme d’un grand cœur et qui montre, d’ordinaire sur son visage, une sorte d’hilarité céleste. Elle venait, à l’instant, d’apprendre la mort d’une personne qu’elle aimait ; elle arriva, les yeux pleins de larmes ; mais le pli de ses lèvres restait souriant ; et ce sourire illuminait ses pleurs.

J’ai revu naguère un fascinant François d’Assise sculpté en bois brun par Alonso Cano, d’après quelque moine surpris dans une extase. Cette figure, comme celle du Saint Paul d’Hugo Van der Goës, concentre une double expression : regardée à droite, elle évoque, sous le capuchon, un jeune Frère, de mine fruste et radieuse, tendu vers la vision du Paradis prochain ; regardée à gauche elle donne la présence même de la Béatitude ; les muscles de la face sont caressés d’une flamme suave qui semble descendre en eux ; la bouche entr’ouverte oublie de respirer ; un rayon invisible attire en haut le regard embué d’ivresse. L’humain subsiste ; et pourtant la transfiguration est plénière. L’âme s’est déjà comme installée dans le ciel.

Je me souviens aussi d’un petit trappiste blondin à qui je demandais : Êtes-vous heureux ? — « Oh ! oui, me répondit-il, trop heureux. »

Ces ardeurs de joie ne sont-elles qu’une flambée de jeunesse ? Ici, la nature tendrait à prévaloir. Le plus grave obstacle où s’émousse la joie, ce ne sont pas les tentations ; c’est plutôt la torpeur, la fatigue d’actes longtemps réitérés, la paresse d’un Moi qui renonce à se libérer de lui-même. La joie requiert une souplesse neuve de mouvements, des impressions fraîches. Seul, un puissant amour répète sans ennui des paroles qu’use l’habitude. Le vieux moine, quand il monte d’un pas lourd à la stalle où il reprendra son office, le même depuis cinquante ans, sommeille quelquefois sur les psaumes, non seulement parce qu’il est vieux, mais parce que les psaumes n’ont pas changé.

Cependant, par le jeu de la Grâce, une loi supérieure intervient : plus on a aimé, plus on aime. L’expérience consommée de l’oraison affective vaut à l’ascète une plus ferme possession de la méthode qui soutient le colloque avec l’inlassable Ami. La joie dans la prière est un don ; elle est, à beaucoup d’égards, une science. Certains hommes d’âge possèdent un cœur plus allègre que bien des jeunes ; et ceux-là connaissent la perfection de la joie.

Ainsi donc, joie et sainteté sont synonymes. Nous le savions sans doute avant que le R. P. Hostachy eût l’heureuse audace de mettre sous leur signe les portraits de Saintes dont il nous offre la quatrième série. Mais son ouvrage illustre par toute la richesse des faits cette divine relation. Matière inépuisable, ample comme l’univers des âmes. Les formes de la joie sainte varient prodigieusement selon ses causes et ses objets, selon les caractères, les milieux et les temps.

La joie d’une Claire d’Assise, parfaitement pauvre dès qu’elle a secoué, comme la poussière de ses pieds, les biens de ce monde, ne peut être pareille à celle d’une Mélanie la jeune, s’évertuant à disperser entre les mains des pauvres une fortune si énorme qu’elle n’en sait pas l’étendue.

La joie d’une Jeanne de Chantal, femme de France, raisonnable et fine, héroïque avec réflexion, ne ressemble pas aux hyperboles extatiques d’une Angèle de Foligno.

La joie dominicaine n’est pas la joie franciscaine ; l’une est plus logicienne, dominatrice ; l’autre plus ingénue. La première considère avec Dante — dont le Paradis est thomiste — que « la béatitude se fonde d’abord sur l’acte de voir, puis sur l’acte d’aimer qui vient après[118] ». La seconde inclinerait à aimer d’abord, puis à comprendre parce qu’elle aime.

[118] Paradis, XXVIII, 37. Voir aussi l’opuscule attribué à saint Thomas sur la béatitude et les conférences du R. P. Janvier (Carême de 1903) sur le même sujet.

L’historien d’une sainte Catherine de Gênes définira en elle la joie du repentir. Le biographe d’Eustochium, la très pure et charmante amie de saint Jérôme, s’attachera aux joies de la virginité.

Le pieux auteur s’est gardé de tourner ses portraits en méditations édifiantes ou en sèches études de sentiments. Comme dans une Légende dorée, mais d’où seraient bannis les miracles invraisemblables et les trop naïfs détails, il choisit les moments les plus expressifs d’une destinée, ses parties dramatiques. Des anecdotes, des extraits de lettres nous introduisent, de plain-pied, près de saintes et de leur entourage.

Bien qu’il ait cru devoir associer à des figures lointaines quelques mystiques plus modernes, Thérèse d’Avila, Marguerite-Marie, il a compris que la nouveauté serait de ranimer surtout des chrétiens des premiers siècles.

Revenir aux sources, c’est le grand attrait. Le commun des lecteurs connaît fort mal l’Église du temps des Pères et se plairait à la connaître.

Si l’on veut s’assimiler la pleine joie catholique, il semble rationnel de la saisir en sa floraison native. Le Christianisme se présentait comme la voie du bonheur. Au moyen âge, les épouvantes du Jugement, l’ombre pénitentielle des cathédrales offusqueront d’une anxiété cette candide espérance. Villon, dans sa Ballade fameuse, fait dire à sa bonne femme de mère, devant les vitraux où elle voit peints l’enfer et le paradis :

L’un me fait paour, l’autre joie et liesse…

La peur avant la joie, n’est-ce pas, en germe, l’effroi janséniste vis-à-vis de l’éternité ?

Au siècle de saint Jérôme, et, plus encore, au temps des Apôtres, la Parousie se révélait comme la grande fête promise aux Saints, la gloire du Christ attendue, la soumission ultime des créatures au Vainqueur de la mort.

Le Paradis était vu très simplement : dans un pacage, au milieu des brebis, le bon Berger avec sa houlette ; ou, comme à Alexandrie, sur la peinture murale rapportée de la crypte d’Abou-Girgeh, un Saint en robe jaune, auréolé, parmi des fleurs vertes et roses, près d’un poisson mystique, en face d’un homme et d’une femme debout dans leur nudité d’innocence. Pour les persécuteurs et les impies la menace du châtiment surgissait ; les fidèles n’envisageaient, après les brèves tribulations et le feu purificateur[119], que la joie sans fin.

[119] Sur le Purgatoire, on se rappelle, dans les Actes des Saintes Perpétue et Félicité, la vision de Dinocrate altéré.

La joie, ils l’embrassaient en ce monde comme la fille authentique du Seigneur. Saint Grégoire de Nazianze écrivait, de son exil, à la diaconesse Olympiade, qu’elle devait haïr la tristesse. La mère du Saint, au bout d’une vie heureuse, mourut en extase devant l’autel :

« De l’une de ses mains, elle tenait la Sainte Table ; et, en élevant l’autre, elle semblait dire : « Christ, ô mon Roi, sois-moi propice. »

Grégoire lui-même, quand il se vit moribond, se fit habiller, pour mourir, de vêtements blancs.

Lorsque Mélanie l’Ancienne, qui venait de perdre son mari, enterra ses deux fils, elle ne versa aucune larme ; mais « prosternée aux pieds du Christ, elle semblait lui sourire ».

Les joies surnaturelles laissaient vivre, en les transfigurant, celles de la nature. Eustochium, un jour de fête, envoyait, en cadeau, à son maître Jérôme, un panier de cerises, des colombes, « et quelques-uns de ces bracelets d’honneur, armillae, que l’on donnait aux plus vaillants soldats de la légion ».

Saint Paulin de Nole célébrait dans un poème les douceurs de l’affection conjugale. Démétriade, à Carthage, le jour où elle reçut le flammeum des vierges, consentit à mettre sa plus belle toilette ; et cette prise de voile, dit saint Jérôme, jeta dans un délire l’assistance ; il y eut là « comme une danse joyeuse et sacrée de tout le peuple africain ».

Si les Saints fermaient une fenêtre sur les choses charnelles, c’était pour faire entrer, par une autre, à plus large flot, la splendeur du ciel. Saint Sébastien, avant son martyre, paraissait tout d’un coup environné de lumière, sous un manteau blanc, et sept Anges se tenaient debout devant lui. Saint Tiburce, marchant sur des charbons ardents, disait : « Il me semble que je marche sur un lit de roses. » La pauvreté, la mort, les supplices étaient épousés dans l’ivresse.

Pourquoi cette joie primitive touche-t-elle notre cœur comme si elle était nôtre ?

C’est qu’au fond notre sensibilité envahie par la mollesse païenne est près de celle des païens convertis. Il nous faut des Saintes, toutes en sourires, mêlées aux roses, comme la suave Thérèse de l’Enfant-Jésus. Nous avons le pressentiment de cataclysmes possibles, de temps plus cruels que ceux où saint Jérôme pleurait sur Rome détruite. Les Barbares sont à nos portes ; ils règnent déjà chez nous. Pour surmonter l’horreur des ruines, on aura besoin de joies débordantes. L’art chrétien de l’avenir sera fait d’allégresse et de clarté ; des basiliques semblables à Fourvières, des hymnes tels qu’en chantait la jeune chrétienté de l’âge d’or. Plus le monde avancera vers son terme, plus l’Église sera le dernier refuge de la joie. Car c’est elle, la femme forte, à qui les Livres Saints promettent qu’elle rira au dernier jour.

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