L'Holocauste: Roman Contemporain
IV
LE TÉLÉPHONE SECRET DE LA DOULEUR
Un dialogue s’improvise, s’éternise entre nous, parmi l’espace et tous les méandres de l’impossible.
C’est un dialogue sans «Bonjour. Il y a des siècles que nous nous sommes vus. Comment allez-vous ce matin? Qu’il fait beau», et autres néants, polis.
D’abord nous ne nous voyons pas. Nous savons que nous allons mal et qu’il fait le temps de désespérance, le temps des limbes et de la deuxième mort.
Et c’est un dialogue comme usé, une musique dont on perd une partie, un nuage de paroles et un sourire mélancolique qui pleure des mots.
—Imaginais-tu qu’on pût autant souffrir?
—Je ne souffre pas. Je ne souffre pas du tout. J’attends...
—Qu’attends-tu?
—Toi!
—Moi? moi je ne t’attends plus. Ah! chérie, chérie, je ne sais plus si tu m’aimes...
—Je t’aime. Je ne veux pas me l’avouer, quand j’interroge la pauvre femme que je suis, que je suis devenue, quand je m’interroge comme je crierais, humblement. Je ne veux rien me rappeler de toi, ni la couleur de tes yeux ni le goût de tes baisers parce que me voilà une pauvre femme de terreur, une pauvre forme humaine ployant sous des malaises, sous des préjugés aussi, sous des remords, parce que je fuis ma magnificence amoureuse, ma tendresse en fleurs et le merveilleux épanouissement de ma nature passionnée. Je veux être—je suis hélas!—une pauvre femme qui s’enferme en un linceul de médiocrité, qui a peur de sa tristesse et de ses souvenirs et qui cherche le Léthé où jadis était le ciel; je me fais faire par le temps, par les heures, ces ouvrières de vieillesse, un uniforme de résignation. Mais il y a en moi, il y a, me dépassant, si grande, si furieuse, immense, désolée et frénétique, une autre femme qui se lamente, les yeux ardents et dont les seins se cabrent, une femme qui se dévêt pour se rappeler ta nudité, une femme qui se regarde dans un miroir pour trouver sur le reflet de son corps, en profondeur, tous tes baisers, toutes tes caresses, les chairs où tu t’appesantis, de tes lèvres, de tous tes bras, de toute ta poitrine, et de tout ton cœur, les chairs où tu erras léger, du souffle de ton âme, les chairs aussi où tombèrent, par hasard, quelques-unes de tes larmes, une femme qui fut, qui est ta femme. Mon petit, mon petit, tu ne me vois pas; j’ai les paupières baissées, je suis étendue sur une chaise longue, je ne lis pas, je ne réfléchis pas, je ne rêve pas; je m’abandonne, je m’abandonne à la femme que je fus, à la femme qui fut ta femme, à ma passion, à mon ardeur, à ma grandeur. Qu’elle m’emporte, en sa course de lumière, en son tourbillon de feu. Qu’elle m’emporte sur la rivière, sur l’océan de ses larmes, de mes larmes jusqu’au lac de tes larmes, jusqu’à l’île de notre fatalité, de notre délice...
—Et que nous dirons-nous, chérie? Il y a si longtemps que nous nous sommes vus! Tant de jours sont tombés sur notre éloignement! Tu te souviens de mon petit calendrier de soldat sur lequel je rayais naïvement les jours où nous n’avions pu nous aimer, ne nous étant pas vus. Je croyais que ces jours ne comptaient pas, que Dieu nous en devait d’autres en retour, plus longs, plus soyeux, plus lumineux, et je croyais qu’il nous les donnerait. Et maintenant les jours se suivent, se chassent semblables, tous à rayer. Et je suis méchant envers les jours, je les méprise, je les jette, je les déchire en des néants, des néants qui ont mal. Ah! les horribles jours où je ne t’ai pas, où je n’ai rien de toi, car jamais tu ne m’as écrit.
—Et que t’écrire?
—Ceci: Je t’aime encore, ou: Je t’aime, simplement.
—Je n’ose pas.
—Ah! c’est l’autre femme qui parle, ce n’est pas toi.
—Hélas! Et je rêve sur tes lettres.
—Tu les as, tu les as, chérie?
—Oui. J’ai du courage pour toi, je n’en ai pas pour moi. J’imagine que mes lettres à moi ne valent pas la peine d’être écrites et que ce serait pour toi une joie moins aiguë, moins âpre, moins folle que tes lettres à toi, pour moi, et je réponds à tes lettres. En la torpeur qui me prend, qui me berce, je pétris mon mal et la trouble douceur de mon être, je pétris ma torpeur en des mots, en des phrases qui vont à toi et quand je me réveille, je suis, de très bonne foi, sûre de t’avoir répondu. Et tu n’as pas reçu ces lettres?
—Je les ai reçues; elles ont vibré et gémi en moi, mais je me suis défié et je n’ai pas voulu y croire. J’ai eu peur de moi.
—Tu as eu tort. Crois.
—Ah! qu’elles sont belles et tendres. Et comme elles se baignent et se dorent d’une auréole de douleur et de fatalité. Tu souffres, chérie, et l’on te fait souffrir. Tortoze...
—Je ne veux pas que tu en parles. Tu demandais tout à l’heure...
—Tu détournes la conversation.
—Je nous la ramène; parlons sérieusement. Tu demandais tout à l’heure ce que nous dirions en nous retrouvant. Nous ne nous dirions rien. Nous irions l’un à l’autre, en pleurant.
—Nous avons tant pleuré!
—Nous pleurerions encore et tant et tant, nous nous embrasserions et nous nous aimerions en pleurant, sans nous en apercevoir. Et nous pleurerions tant pour n’avoir plus à pleurer, plus de larmes.
—Il faut toujours avoir des larmes.
—Ah! sois tranquille! Et nous dormirions ensemble parmi nos larmes et nos baisers, nous dormirions d’un long sommeil qui nous ferait des yeux neufs pour nous mieux voir et une âme neuve, des doigts neufs, d’un beau sommeil d’enfant et de dieux.
—Enfin! car tu te rappelles? nous n’avons jamais dormi ensemble. Nous avons tâché à nous donner un instant le leurre du sommeil mais ce n’était qu’un essai, une mascarade, une ambition de sommeil. Et le sommeil ne s’imite pas. Ah! chérie, viens t’endormir, viens, je t’attends, viens, mon amie. Nous aurons les beaux palais du sommeil et ses larges routes, ses déserts moelleux et ombrés. De n’avoir pas dormi depuis des jours et des jours, j’ai soif de sommeil avec toi. Et de pleurer solitaire, j’ai soif de pleurer avec toi. Et il me faut tes larmes pour chasser mes larmes, il me faut des larmes fraîches et amies.
—Tu as beaucoup pleuré?
—Je pleure.
—Il ne faut pas pleurer: tu me prêches le courage, et tu pleures!
—Je pleure pour attendrir Dieu, pour qu’il te permette du courage et de l’orgueil. Je m’humilie pour que tu sois moins humble, pour rompre l’équilibre et pour que tu retrouves en mes larmes l’énergie, la furie qui te manque. Et je pleure aussi parce que ça me fait du bien et parce que j’ai mal, chéri.
Et je pleure de tous mes yeux, de mon cœur et de mon ventre qui se plisse en des sanglots et en de demi-sanglots.
—De ton ventre?
—Ah! oui! tu ne sais pas! mais mon ventre souffre comme le tien, parallèlement.
—C’est fou.
—C’est vrai. A des moments, de plus en plus, depuis que le temps passe, je me sens tiré à toi, de toute ta faiblesse, de ta lassitude, de ton néant. Je n’ai plus de mal localisé mais je reste couché, malade, de toi, comme toi. Et il me parle de toi.
—Qui?
—Le petit.
—Ce n’est pas encore un petit.
—Ah! je le sais bien, chérie, je le sais trop. Il ne ressemble même pas à une grenouille, il a l’air de danser et il est roide, se détendant à peine en des ruades électriques, il a une tête énorme, des bras comme des ailerons, un corps sans articulations, sans viscères.
—Ah! tais-toi, tais-toi!
—Pourquoi? il est à moi: il me fait souffrir. Je suis père.
—Et moi?
—Les femmes sont mères: c’est entendu, c’est une La Palissade, c’est une fonction, mais jamais les hommes ne furent pères. Ils ne sont pères qu’après, quand il n’y a plus à avoir mal, quand il n’y a plus l’œuvre de gésine, quand il n’y a plus de danger dans la chair, quand il n’y a plus que les molles et inoffensives inquiétudes morales. Moi, je suis père, comme j’aurais été mère, si j’avais été femme, de tout moi, de mon ventre, de mon sang et de ma chair, de mes entrailles contractées et saignantes, de mon mal de cœur, de mon mal de tête, de mes évanouissements et de mes nausées. Et je souffre volontairement—et tant, tant! Je souffre surtout de si loin! J’espère que je prends une partie de ton mal, la plus grande—car je souffre beaucoup.
—Il me reste de ta souffrance, mon ami.
—Mais moi, j’en mourrai.
—Et moi?
—Eh! non! Je t’ai déjà dit que chez toi, femme, c’est une fonction, mais être père, comme je l’entends, comme je le suis, c’est une coquetterie, un sadisme. On en meurt—et c’est justice. On n’en est jamais mort jusqu’ici parce que je suis le premier à être père de cette façon-là. Et je blasphème. Pardonne-moi d’avoir parlé ainsi de toi, de moi, de notre chère vie et de ma chère mort.
—Ne meurs pas!
—Pourquoi vivre? Tu n’as pas voulu venir à moi. Tu imagines bien, n’est-ce pas, que je ne m’accommoderai plus jamais de nos minutes adultères, de notre volupté de fraude, morcelée et hagarde, qu’il me faut ta chair, ton être, toutes tes heures, qu’il faut que tu sois ma femme, pour moi et pour le monde. Et tu ne le peux pas. Je crois que cet enfant, notre mal, nous cracherait à la face nos baisers, volés dans un coin, nos baisers d’êtres stériles. Regarde autour de nous: ce ne sont qu’adultères. Adultères inutiles qui réussissent, qui s’imposent et qui s’imposent sans brutalité, qui s’insinuent, qui se font accepter, qui se font recevoir. Les gens ferment les yeux—comme en une chatouille—et ça dure, telle une plaisanterie trop longue. Nous, nous n’avons pas été malins; nous ne savions pas: nous avons déshonoré l’adultère, puisque nous en avons fait une chose jeune, pure, passionnée et sainte. Nous savons maintenant, et, n’est-ce pas? nous ne voulons rien savoir. Subirons nous que, en des dîners, on nous place l’un à côte de l’autre comme la pièce de résistance du scandale quotidien, du scandale de chaque soir, du scandale-apéritif et du scandale-réginglard?
—Je te veux.
—Viens!
—Je viendrais le ventre en avant.
—Eh! viens, chérie: il en est temps encore et je ne mourrai pas. Le ventre en avant! Mais c’est là que s’est tapi, que s’est réfugié notre amour, et c’est de là qu’il t’emplit, qu’il m’emplit la tête, le cœur et l’âme. Et cet enfant me parle, de ton ventre, de mon ventre, d’une voix intime, d’une voix secrète, d’une voix sans humanité, sans réalité, toute divine, toute d’ailleurs,—et tellement de nous! Il me dit: «Tu ne penses pas assez à elle. Tu y penses comme à ta maîtresse, tu ne la vois pas, tu ne l’aimes pas en soi. Elle est si belle, si douce, si lente, d’une beauté qui s’élève peu à peu et qui est prenante, sans rien faire pour cela, en passant, d’une beauté de prédestination et de charme, de majesté pas appliquée et de simplicité glissante. Elle a les yeux les plus vrais du monde qui vont au fond des choses et des gens. Et vous êtes à moi tous les deux, profondément, totalement: vous ne vous penchez même pas sur moi, je vous tire à moi, je vous prends, je vous ai pris, je vous garde.»
«Et je dis au petit enfant:
«Tu ne sais pas: nous ne sommes pas à toi, nous ne sommes pas l’un à l’autre. Nous sommes des étrangers et étrangers pour toujours parce que nous avons été l’un près de l’autre, à des moments. Et nous devons avoir des remords, pour le monde et pour nous—et oublier.»
«L’enfant dit:
«—Et m’oublier moi aussi?
«—Petit enfant, petit enfant, c’est là bien autre chose. Je n’ai même pas à t’oublier, il faut que je renonce à tout toi, depuis les pâles instants, où, dans la brume créatrice et la brume hésitante, je pensais à toi et à ta mère, ensemble. J’ai été sacrilège en te faisant: j’aurais dû te laisser faire par un autre bien et légitimement déterminé. Tu eusses dû être de lui, ou ne pas être. Et tu es de lui. Je suis un misérable, un bouffon—le bouffon fécond—le voleur qui donne, je t’ai abandonné d’avance, j’ai fraudé, j’ai trompé, j’ai été larron d’honneur et de chair. Et, écoute bien, petit, petit: voici deux êtres jeunes qui se sourient parmi la vie; leur jeunesse est harmonieuse, ils désirent une existence de labeur et de joie, ils sont harmonieux en eux et pour eux et pour le monde aussi: ils sauront recevoir, seront une intimité profonde et haute et seront, aussi, un milieu charmant, cœur et décor—et ce sera le bonheur et ce sera la joie et ce sera délicieux, aimable, eh bien! c’est impossible! Situation violemment rompue, qui ne peut se régulariser, crime à deux bouches! Pauvre petit! pauvre petit! tu ne me connaîtras jamais!
«Si je te disais plus tard: «je suis votre père», tu aurais le droit de me répondre, comme dans les pièces à succès, «ce n’est pas vrai—et vous êtes un misérable!» Et je suis stérile, par dignité puisqu’on a fait du mot: honneur, le contraire du mot cœur. Il est plus simple de mourir, de mourir de toi, mon petit: comme ça, tu n’auras rien à me reprocher.»
Viens-tu?
—Je viendrai!
—Ah! tu viendras, n’est-ce pas, comme tu es venue, tu me marchanderas des instants et tu auras peur et nous recommencerons notre vie de forçats condamnés à temps, condamnés à n’être condamnés qu’à temps. Je veux la perpétuité de la peine. Et cet enfant n’est, n’aura été qu’un accident! et mes cris et mes douleurs de bête esseulée, de bête enragée en un veuvage saignant, ç’aura été des mois. Eh! non! chérie! je suis plus fier. Je te veux toute, je te veux nue à jamais, pouvant rester nue, n’ayant pas besoin de remettre tes vêtements, de t’irriter sur des cordons et te chaussant de souliers pour ne pas te commettre en une lutte inégale, avec des boutons de bottines! Te rappelles-tu tes craintes? Lorsque tu redoutais un heurt à la porte, et une irruption de gens de loi, tu disais: «Je mourrai—ou alors il faudra que nous restions deux jours couchés ensemble.» Ce ne sont pas les gens de loi qui sont passés, c’est le monde, c’est la mort, c’est tout, je t’ai gagnée, à la force de ma souffrance et nous devons rester couchés ensemble des jours, des mois, des années.
—Toujours?
—Toujours. Il y a des imbéciles qui croient qu’on ne doit sortir d’un bail à vie que pour de petits baux résiliables à volonté. Ils appellent ça l’union libre! c’est le baiser qu’on peut interrompre, le baiser au milieu duquel on peut s’arrêter, et le baiser, chérie, est un et indivisible—et on ne peut s’évader d’une éternité que pour une autre éternité. Et j’ai si soif de ton toujours, de ton à jamais: tu es ma vie et mon éternité. Et tu ressembles à Marie-Louise, tu ressembles à une Jeanne de Brabant qui épousa un Wenceslas de Bohême, et qui dort au chœur des Chartreux de Bruxelles. Et tu ressembles à tout ce qui est de la grâce, à tout ce qui est de la fatalité. Tu es mélancolie et je me reproche les rires. Ta figure s’élève sur un champ de tristesse et de douceur, et tu sors de la légende et des cieux pour m’y ramener par la main.
—Mon chéri, comme tu es triste, comme je t’aime! Tu n’as pas peur de devenir fou?
—Ah! être fou, c’est le rêve! mais être tout à fait fou, toujours. Et mon ambition ne va pas jusque-là.
—Tu avais de telles ambitions, une telle ambition! Et je t’ai tout enlevé.
—Je te remercie, chérie. Tu m’as détourné du faux chemin où je m’étais engagé, où je m’étais engorgé. Tu m’as guidé des âpres routes de montagnes à des sources, à des ombrages, à des couchers du soleil, à l’ombre chaude. Tu as fait de ma vie qui voulait être une aventure, une belle aventure, la belle aventure. Ma vie voulait être une épopée, une épopée trouble, avec du Machiavel, tu en as fait une chanson. Tu m’as révélé l’amour, tu m’as enseigné la douleur. Je sais tout maintenant—et je puis mourir.
—Encore?
—Je ne suis pas de ceux qui s’arrêtent au beau milieu de leur mort. Selon le mot de Gœthe, je consens à mourir et c’est un long consentement, un ferme consentement qui s’obstine, qui ne se reprend pas.
—Et moi, et moi?
—Tu me pleureras et tu me demeureras fidèle. Et puisque ça m’amuse de mourir! J’aurais pu rompre net notre histoire, la travestir en anecdote—et continuer. J’aurais pu m’établir professionnel de l’adultère comme Canette, comme tant d’autres et m’échapper de la barque bleue d’amour qui sombre, en nageant vers d’autres barques, vers de grands bateaux, que sais-je? Je me suis cramponné à la barque qui sombrait. Je m’y suis attaché sans penser à rien, en rêvant. Il n’y aura pour m’avoir vu que Dieu et les étoiles—et toi qui vivras pour te souvenir. Et ne sois pas jaloux des Naïades qui me recueilleront au fond des eaux: je ne ferai point attention à elles, tes yeux clos sur l’image intime de la beauté, consumé de la fièvre que...
—Mon chéri, tu dis des bêtises. Je t’aime, voilà tout, je t’aime et j’ai mal, ce n’est pas compliqué.
—Moi aussi, j’ai mal et je t’aime, mais vraiment, j’ai mal, j’ai très mal.
...Notre conversation n’est plus qu’un murmure: les paroles se perdent en route, les paroles se brisent et nous ne pouvons nous embrasser dans l’air, à travers l’espace. Et je sais bien pourquoi nous ne nous entendons plus: c’est que chacun de nous ne parle plus qu’à soi, à son mal et à ce fantôme indistinct, à ce clair fantôme, à cette bulle subtile d’avenir qu’est, qui sera notre enfant et que chacun de nous, avarement, jalousement, berce sur ses genoux à soi, berce en soi, dont chacun de nous, étroitement, se berce, dont elle et moi nous berçons notre mal et à qui nous demandons des rondes d’ailleurs, des rondes d’avant et des rondes d’étoiles pour étourdir notre regret et notre désir, auquel nous demandons quelques histoires et quelques mots d’ailleurs pour quand nous nous en irons, pour n’être pas trop dépaysés dans le pays d’ailleurs, pour savoir nous y tenir, pour savoir de quoi parler. Et nous t’embrassons, petit enfant, du baiser que nous nous destinons pour le jour de jamais où nous nous retrouverons, de ce baiser qui nous emplit, qui nous consume, qui nous dessèche, qui nous tue et qui demeure en nous, pour grandir, terrible.