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L'Ile et le voyage: petite odyssée d'un poète lointain
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LA MORT DU PETIT FOL
Au loin, au loin, dans la vallée,
Pleurait la tendre voix voilée
D’un rossignol.
Aux pleurs de la nuit étoilée
Mourait d’amour dans une allée
Le petit Fol.
Tu ne sus que trop tard, Princesse,
Pourquoi s’emplissaient de détresse
Les yeux charmants ;
Et tu baisas, dans ta tristesse,
Ton doux Fol mort pour toi d’ivresse
Sans sacrements.
VACANCES
Qu’elle est légère la brise
Dans le haut tamarinier ;
Qui traduira l’ode exquise
Qu’elle dit au latanier ?
Avril sur la branche élue
Ramène les deux ramiers.
Une histoire est vite lue
Au bercement des palmiers.
Verte montagne et vous, colline,
Vous charmerez ses doux yeux,
Pendant cette heure divine
Où la mer se mêle aux cieux.
Quand, sous les brises plus molles,
Les sentiers seront plus frais,
Rondes d’or des lucioles,
Illuminez les forêts !
CHANSON DU CLAIR DE LUNE
La palme rit dans le ciel bleu.
La mer roule mille étincelles.
Ivresse des saisons nouvelles.
Le jour s’éteint à petit feu.
Lentement la lune se lève.
Sous les arbres luit le chemin.
Je revois toujours dans mon rêve
Son front pur, couleur de jasmin.
La nuit est profonde et sans voile.
La brise embaume à vous griser.
Quelle est cette lointaine étoile
Qui sur l’eau semble reposer ?
CHANSON DE RÊVE
Je te prendrai par tes deux
Petites mains, chère,
Et j’aimerai dans tes yeux
La bonne lumière.
Ce sera par un soir vert,
Au bord de la grève.
Mon cœur sera parti vers
Son plus joli rêve.
Nous reviendrons aux temps doux
Des vieilles tendresses.
Je reverrai les ciels fous
Des mortes ivresses.
Bonheur si grand que les mots
Seront inutiles.
Le clair de lune à longs flots
Baignera les îles…
De cet espoir, sans raison,
J’ai l’âme embaumée ;
D’un vapeur à l’horizon,
Monte la fumée.
AUTRE CHANSON DE RÊVE
Je voudrais donner ce mois
A la poésie
Et le passer dans les bois
A ma fantaisie.
Qu’il serait bon d’oublier
Les pauvres misères ;
Respirer l’air du hallier,
Aimer les chimères ;
Revoir voler l’oiseau bleu
Au fil des savanes
Et la luciole en feu
Percer les lianes ;
Retrouver la saine odeur
Des fleurs de montagne
Et te parler cœur à cœur,
O Muse, ô Compagne !
CHANSON DE L’OISEAU MORT
J’avais sept oiseaux dans la cage d’or :
Six couleur de pourpre, aux becs de turquoise ;
Le dernier plus sombre et couleur d’ardoise.
Et ce pauvre oiseau de tristesse est mort.
Depuis qu’il est mort dans la claire cage,
Mon cœur aime moins les autres oiseaux.
Il manque au concert la flûte sauvage,
L’esprit des grands bois et des grands roseaux.
Ceux qui sont restés chantent les prairies,
La colline en fleur et le verger bleu ;
Mais l’oiseau défunt chantait, comme un dieu,
L’air inviolé des forêts fleuries.
Toujours son beau chant montait gravement,
Puis s’éparpillait en roulades hautes ;
Il pleurait l’azur en poignantes notes
Où je retrouvais mon propre tourment.
Au soleil couchant il battit de l’aile.
Je n’entendrai plus la divine voix.
Ah ! te voilà morte, ô lyre fidèle,
Morte en ta prison, loin de tes grands bois !
CHANSON D’UN SOIR ÉTOILÉ
Veux-tu que nous sortions ce soir ?
Les étoiles sont merveilleuses ;
Les Pléiades dans le noir
Allument leurs douces veilleuses.
La grande Ourse, ainsi qu’un beau char,
Nous invite à de grands voyages.
Une fleur s’ouvre quelque part ;
Le vent balance les feuillages.
Sortons, nous marcherons sans bruit ;
Et nos âmes iront en songe
Vers les îles d’or de la nuit
Oublier que le temps nous ronge.
Bientôt, par ordre de la mort,
Nous serons froids et sans envie.
Respirons, respirons encor
La bonne haleine de la vie.
CHANSON DE LA GRIVE
Sur la palme du cocotier,
La grive chante
Un petit air primesautier ;
L’heure est charmante.
Doucement, l’alizé balance
L’arbre qui dort ;
Et l’oiseau vers le ciel bleu lance
Ses trilles d’or.
CHANSON DU FILAO
Le grand filao, nuit et jour,
Au vent de mer, au vent d’orage,
Module dans l’air tour à tour
Une chanson douce ou sauvage.
Petite fille aux grands yeux frais,
Si tu souffres de quelque peine,
Va t’asseoir au bord des forêts,
Par un soir de lune sereine.
Le grand filao chantera
Et bien mieux que celui qui t’aime ;
Pour te bercer il te dira
Un tendre, un suave poème.
CHANSON DE LA BRISE
Aux violons frais de la brise,
Les bals bleus du soir sont légers ;
Chers pétales des orangers,
Tombez parmi la valse exquise.
Elle tourne plus douce encore
Que les pétales sur le sol.
Entendrai-je en la nuit sonore
Chanter la voix du rossignol ?
CHANSON DE LA FEUILLE MORTE
Feuille morte, volez en rond !
Vole vers elle, ma chanson !
(Ah ! qu’elle est loin la douce brise
D’été qu’enivrait le cytise !)
Dans l’air vous vous rencontrerez
Et parlerez à votre gré.
« L’hiver noir me suit à la piste »,
Dit la feuille couleur d’or blond.
« Je m’en vais d’un cœur qui s’attriste »,
A dit la petite chanson.
Tournez en rond, tournez en rond,
Feuille morte et triste chanson !
CHANSON DES OISEAUX
Regarde voleter aux haies
Les oiseaux vifs, mangeurs de baies,
Les oiselets aux notes gaies.
Il convient à mon rêve fier
De voir planer au ciel désert
Les oiseaux sombres de la mer.
TROIS PETITES CHANSONS
I
Oiseau de nuit vient d’engloutir
Luciole au feu de saphir.
C’est de même qu’agit la vie
Quand un rêve lui fait envie.
II
Tout le printemps tient dans la rose,
Tout l’hiver dans un ciel morose.
Un petit poème très court
Peut contenir peine et amour.
III
Du clair soleil, rubis vainqueur,
Il ne reste rien qu’améthystes.
S’il n’était pas blessé, le cœur
Chanterait-il ces chansons tristes ?
CHANSON D’UN JOUR DE PLUIE
Le ciel est gris perle, c’est l’heure,
L’heure de la chauve-souris ;
Sur l’étang le filao pleure,
Au bois sanglote la perdrix.
Le grand brouillard blanc de la pluie
A voilé la montagne verte,
De plus en plus mon cœur s’ennuie
De vivre en une île déserte.
Ce fut toute cette journée,
Sur mon toit les pleurs de l’averse,
Je me sens une âme fanée
Que l’amour des poèmes berce.
Ma maison sera malheureuse
Jusqu’à l’heure du crépuscule.
Que l’on allume la veilleuse
Et qu’on arrête la pendule !
CHANSON TRISTE
La « Solitude » et la « Tristesse »,
Voilà le nom des deux hiboux
Qui viennent ululer sans cesse
Dans l’arbre noir des ravins fous ;
Dans l’arbre noir tordant ses branches
Au vent sinistre de la mer ;
Et sur qui les colombes blanches
Ne posent jamais leur vol clair.
LA CHANSON DU CŒUR MALADE
Au lieu de durcir, mon cœur d’homme,
Vous vous attendrissez,
Non, vous n’avez rien du surhomme
Sans cesse, vous baissez !
Il suffit d’un vapeur en rade,
D’un souvenir, d’un rien.
Il faut, comme un enfant malade
Que l’on vous mène au loin.
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