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L'Ile et le voyage: petite odyssée d'un poète lointain
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DANS L’ILE ENCHANTÉE
Je ne décrirai pas l’Antille merveilleuse
Car où trouver les mots dignes de sa beauté ?
Elle avait malgré l’heure une douce clarté ;
Ses grands palmiers dormaient sous la voûte rêveuse.
Je débarquai suivant ce qu’avait dit la voix
En pleine nuit sur ses galets et mon beau rêve
Chanta comme un oiseau des bois quand sur la grève
O miracle ! je vis le beau Lys d’autrefois.
C’était elle, ô bonheur, c’était son élégance,
Ses yeux divins, son front parfait, son frêle corps.
Comme un avare fou retrouvant son trésor
Je me sentis soudain beau d’une joie immense !
Je lui criai : « Je vous revois, doux yeux chéris ! »
Elle me dit : « Je suis le Songe qui console. »
— Autrefois n’est-ce toi que j’aimais dans Paris ?
Elle avoua : « Je suis l’Image de l’idole.
Je vis seule, parmi les fleurs de mon palais
Attendant un amant que le sort me destine.
Mais je le sens, rêveur, c’est toi, toi qui me plais,
C’est toi que j’attendais près de la mer divine.
Tu vivras près de moi dans l’île de beauté
Quelques suaves jours sous un bleu ciel qui grise
Puis tu me quitteras par un grand soir de brise
Ayant connu l’amour dans toute sa clarté.
Un canot nous attend au pied de cette grotte…
Sur le cap aux oiseaux brille mon palais clair. »
Tout à coup dans le bois ulula la hulotte
Et la lune de juin se leva sur la mer.
Elle avait des yeux purs aux prunelles très grandes
Et je dis : « O Circé, nymphe aux yeux éclatants,
Comme Ulysse avec vous je resterais longtemps
Si nous étions encore aux beaux jours des légendes.
Merveille incomparable, Ange au regard divin,
Es-tu réalité, n’es-tu pas le mensonge ?
Quel échanson m’a fait boire ce puissant vin ?
Quel philtre m’a conduit vers cette île de songe ? »
Elle pencha vers moi son beau regard voilé
Et prononça des mots chargés de tant de charmes
Que je sentis mes yeux pleins de divines larmes
Et mon bonheur chanta vers l’azur étoilé.
VERS LE CAP-AUX-OISEAUX
I
Faisons chanter les vers comme de verts roseaux
Et faisons-les bondir comme de blanches lames ;
Le canot caraïbe au rythme gai des rames,
O charme, nous conduit vers le Cap-aux-Oiseaux.
II
Sous le ciel merveilleux qui sans fin se déploie,
Nous aurons, je le sens, d’incomparables jours ;
Ah ! dans le grand désert sauvage de l’amour
Il est des oasis adorables de joie.
III
Que le grand vent qui souffle, aux quatre coins des cieux
Emporte aux portes d’or des étoiles mes rêves ;
Je veux les voir monter à l’horizon des grèves,
Vers les hauts archipels des astres radieux.
IV
Les oiseaux de l’aurore annoncent la lumière ;
La clef d’or du soleil brille au portail du jour.
Le feuillage est heurté d’une brise légère.
Je m’éveille et je vois tes yeux, mon jeune amour !
V
Quand nous irons tous deux écouter sur la grève
Les complaintes du flot et les lyres du vent,
Mon cœur sera chargé d’un bonheur émouvant ;
Les îles de tes yeux sont douces à mon rêve.
PROMENADE DANS L’ILE ENCHANTÉE
Then, Heaven ! there will beA warmer June for me.Keats.
DANS LES JARDINS DE ROSES
Est-il lieu plus propice au bonheur de l’amour ?
Est-il sous d’autres cieux de tels jardins de roses ?
Dis-moi, n’entends-tu pas au pied des sables roses,
N’entends-tu pas la mer acclamer le beau jour ?
LE LAC
S’il est encore une eau sympathique aux naïades
Et propice à vos jeux, chèvre-pieds des forêts,
C’est ce beau lac mirant en ses flots le ciel frais
Et dont les roseaux verts bercent nos promenades.
L’ÉTANG DU VIEUX CRATÈRE
Œil de saphir au creux d’une grosse émeraude,
L’étang aux iris noirs, sous les palmiers tremblants,
Forme une mer étroite où l’écrevisse rôde,
Un petit lac d’azur hanté des hérons blancs.
ARBRES FLEURIS
Il tombe de chaque arbre une neige de fleurs,
Ici blanche, là rose et plus loin opaline ;
Et le vent mélangeant à l’aube les couleurs
Aux quatre coins des mers porte une odeur divine.
LE BAIN
Qu’il est frais, à travers l’agate d’une eau pure,
Le marbre de ton corps sous les bambous rosés ;
L’onde frôle ta chair avec un doux murmure
Et les lèvres de l’eau te couvrent de baisers.
LE SOIR
Soir tropical, ô coupe ardente, renversée,
Où le feu de la lune a l’éclat d’un trésor,
Quelle est cette langueur adorable, insensée,
Qui prend mon cœur, le quitte et le reprend encor.
PAYSAGE
C’est juin et les fraisiers fleurissent dans les bois.
Le couchant sur la mer sème des violettes.
A l’horizon lointain passent des goélettes…
N’entends-tu d’un ramier lointain la sourde voix ?
AUX NUAGES
Nuages descendus au bord de l’horizon,
Vous imitez ce soir une danse macabre ;
Mais le bel alezan d’or du soleil se cabre
Et c’est un feu de joie aux pointes du gazon.
LE LAMPYRE
Le soir au front du ciel met la couronne rose
D’un crépuscule frais plein de chauves-souris.
Soudain un large feu monte, tourne et se pose,
Un feu vert de lampyre au fond des bois fleuris.
LE JASMIN
Le tambour d’un criquet bat dans les hautes branches
D’un manguier que la nuit berce sur le chemin ;
Et la tonnelle ronde où fleurit un jasmin
Semble un petit ciel noir criblé d’étoiles blanches.
Que cette île est heureuse à la fin d’un beau jour ?
Est-il ciel plus propice au rêve de l’amour
Que celui dont l’azur exalte notre vie ?
Le soir voluptueux étreint des mornes bleus
Et sous les grands palmiers de la route suivie,
Le reflet de Vénus plonge au fond de tes yeux.
Les voix des beaux oiseaux diurnes se sont tues.
C’est l’heure où la caresse attend les bien-aimés.
Ton corps est plus parfait que le corps des statues,
Tes cheveux ont frôlé les jasmins embaumés.
LA NUIT ENCHANTÉE
LE SOUVENIR
Dans une île admirable et pareille à cette île,
J’ai bien longtemps souffert pour tes beaux yeux lointains.
Les nuits n’ont plus d’odeurs quand naissent les matins,
Ton amour va guérir la douleur inutile.
LA RESSEMBLANCE
C’est la même beauté, le même front de neige,
C’est le même regard, ce sont les mêmes yeux :
Tu lui ressembles trop, j’ai peur d’un sacrilège,
Qu’importe ! Accomplissons le rêve radieux.
LE CONTRASTE
Je t’aimais à travers l’immensité des mers
Et la nuit j’étais seul dans mon étroite couche ;
Mais ce soir l’amour ivre envahit tes yeux clos
Je cueille les baisers qui sortent de ta bouche.
L’HEURE DIVINE
Il est temps que bercés par les souffles marins
Nous écoutions nos cœurs bénir leurs espérances.
Jamais le vent n’a mieux bercé les tamarins !
Les flots n’ont jamais eu de si belles cadences !
LE BONHEUR
Ah ! c’est donc toi, petite étoile désirée,
C’est toi dont le parfum m’enivre follement !
J’ai peur en contemplant ton visage charmant
D’une joie éphémère et vite évaporée.
LE CHANT DE LA MER
De la haute forêt surgit la lune ronde,
Laisse-moi t’admirer sous son mirage vert !
N’entends-tu pas, caresse éternelle du monde,
N’entends-tu pas du fond des nuits chanter la mer ?
DANS LES YEUX
Je veux encor parler d’amour à tes beaux yeux.
Il ne faut pas que tu répondes.
Je vois en eux de noirs vaisseaux coupant les ondes
Je vois en eux de noirs adieux.
L’AURORE
Sur l’océan pourpré glisse un grand voilier d’or ;
La pâle lune est morte au ciel de la montagne :
O splendeur de la nuit où tu fus ma compagne
Où j’ai pris dans mes bras la tiédeur de ton corps !
LE RÉVEIL
Lorsque je m’éveillai, désirant ton sourire,
L’océan déchaîné balançait le navire !
Ah ! ce n’était qu’un songe « étrange et pénétrant » ;
Et l’aurore me vit plus pâle et plus souffrant !
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