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La Légende des siècles tome I
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LES BANNIS
Cynthée, athénien proscrit, disait ceci:
Un jour, moi Cynthœus et Méphialte aussi,
Tous deux exilés, lui de Sparte, moi d’Athènes,
Nous suivions le sentier que voici dans les plaines,
Car on nous a bannis au désert de Thryos.
Un bruit pareil au bruit de mille chariots,
Un fracas comme en peut faire un million d’hommes,
S’éleva tout à coup dans la plaine où nous sommes.
Alors pour écouter nous nous sommes assis;
Et ce grand bruit venait du côté d’Éleusis;
Or Éleusis était alors abandonnée,
Et tout était désert de Thèbe à Mantinée
A cause du ravage horrible des persans.
Les champs sans laboureurs, les routes sans passants
Attristaient le regard depuis plus d’une année.
Nous étions là, la face à l’orient tournée,
Et l’étrange rumeur sur nos têtes passait;
Et Méphialte alors me dit:—Qu’est-ce que c’est?
—Je l’ignore, lui dis-je. Il reprit:—C’est l’Attique
Qui se soulève, ou bien c’est l’Iacchus mystique
Qui parle bruyamment dans le ciel à quelqu’un.
—Ami, ce que l’exil a de plus importun,
Repris-je, c’est qu’on est en proie à la chimère.
Et cependant le bruit cessa.—Fils de ta mère,
Me dit-il, je suis sûr qu’on parle en ce ciel bleu,
Et c’est la voix d’un peuple ou c’est la voix d’un dieu.
Maintenant comprends-tu ce que cela veut dire?
—Non.—Ni moi. Cependant je sens comme une lyre
Qui dans mon cœur s’éveille et chante, et qui répond,
Sereine, à ce fracas orageux et profond.
—Et moi, dis-je, j’entends de même une harmonie
Dans mon âme, et pourtant la rumeur est finie.
Alors Méphialtès s’écria:—Crois et vois.
Nous avons tous les deux entendu cette voix;
Elle n’a point passé pour rien sur notre tête;
Elle nous donne avis que la revanche est prête;
Qu’aux champs où, jeune, au tir de l’arc je m’exerçais
Des enfants ont grandi qui chasseront Xercès!
Cette voix a l’accent farouche du prodige.
Si c’est le cri d’un peuple, il est pour nous, te dis-je;
Si c’est un cri des dieux, il est contre ceux-là
Par qui le sol sacré de l’Olympe trembla.
Xercès souille la Grèce auguste. Il faut qu’il parte!—
Et moi banni d’Athène et lui banni de Sparte,
Nous disions; lui:—Que Sparte, invincible à jamais
Soit comme un lever d’astre au-dessus des sommets!
Et moi:—Qu’Athènes vive et soit du ciel chérie!—
Et nous étions ainsi pensifs pour la patrie.
Un jour, moi Cynthœus et Méphialte aussi,
Tous deux exilés, lui de Sparte, moi d’Athènes,
Nous suivions le sentier que voici dans les plaines,
Car on nous a bannis au désert de Thryos.
Un bruit pareil au bruit de mille chariots,
Un fracas comme en peut faire un million d’hommes,
S’éleva tout à coup dans la plaine où nous sommes.
Alors pour écouter nous nous sommes assis;
Et ce grand bruit venait du côté d’Éleusis;
Or Éleusis était alors abandonnée,
Et tout était désert de Thèbe à Mantinée
A cause du ravage horrible des persans.
Les champs sans laboureurs, les routes sans passants
Attristaient le regard depuis plus d’une année.
Nous étions là, la face à l’orient tournée,
Et l’étrange rumeur sur nos têtes passait;
Et Méphialte alors me dit:—Qu’est-ce que c’est?
—Je l’ignore, lui dis-je. Il reprit:—C’est l’Attique
Qui se soulève, ou bien c’est l’Iacchus mystique
Qui parle bruyamment dans le ciel à quelqu’un.
—Ami, ce que l’exil a de plus importun,
Repris-je, c’est qu’on est en proie à la chimère.
Et cependant le bruit cessa.—Fils de ta mère,
Me dit-il, je suis sûr qu’on parle en ce ciel bleu,
Et c’est la voix d’un peuple ou c’est la voix d’un dieu.
Maintenant comprends-tu ce que cela veut dire?
—Non.—Ni moi. Cependant je sens comme une lyre
Qui dans mon cœur s’éveille et chante, et qui répond,
Sereine, à ce fracas orageux et profond.
—Et moi, dis-je, j’entends de même une harmonie
Dans mon âme, et pourtant la rumeur est finie.
Alors Méphialtès s’écria:—Crois et vois.
Nous avons tous les deux entendu cette voix;
Elle n’a point passé pour rien sur notre tête;
Elle nous donne avis que la revanche est prête;
Qu’aux champs où, jeune, au tir de l’arc je m’exerçais
Des enfants ont grandi qui chasseront Xercès!
Cette voix a l’accent farouche du prodige.
Si c’est le cri d’un peuple, il est pour nous, te dis-je;
Si c’est un cri des dieux, il est contre ceux-là
Par qui le sol sacré de l’Olympe trembla.
Xercès souille la Grèce auguste. Il faut qu’il parte!—
Et moi banni d’Athène et lui banni de Sparte,
Nous disions; lui:—Que Sparte, invincible à jamais
Soit comme un lever d’astre au-dessus des sommets!
Et moi:—Qu’Athènes vive et soit du ciel chérie!—
Et nous étions ainsi pensifs pour la patrie.
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