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La Légende des siècles tome I

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LE ROI COUARD

Roi, dans tes courses damnées,
Avec tes soldats nouveaux,
Ne va pas aux Pyrénées,
Ne va pas à Roncevaux.
Ces roches sont des aïeules,
Les mères des océans.
Elles se défendraient seules;
Car ces monts sont des géants.
Une forte race d’hommes,
Pleins de l’âpreté du lieu,
Vit là loin de vos sodomes
Avec les chênes de Dieu.
Y passer est téméraire.
Nul encor n’a deviné
Si le chêne est le grand frère
Ou bien si l’homme est l’aîné.
Ce peuple est là, loin du monde,
Libre hier, libre demain.
Sur ces hommes l’éclair gronde;
Leur chien leur lèche la main.
Hercule y vint. Tout recule
Dans ces monts où fuit l’isard.
Roi, César après Hercule,
Charlemagne après César,
Ont crié miséricorde
Devant ces pâtres jaloux
Chaussés de souliers de corde
Et vêtus de peaux de loups.
Dieu, caché sous leur feuillage,
Prit ce noir pays vaillant
Pour faire naître Pélage,
Pour faire mourir Roland.
Si jamais, dans ces repaires,
Risquant tes hautains défis,
Tu venais voir si les pères
Vivent encor dans les fils,
Eusses-tu vingt mille piques,
Eusses-tu, roi fanfaron,
Tes bannières, tes musiques,
Tout ton bruit de moucheron,
Pour que tu t’en ailles vite,
Fussent-ils un contre cent,
Et pour qu’on te voie en fuite;
De mont en mont bondissant,
Comme on voit des rocs descendre
Les torrents en février,
Il te suffirait d’entendre
La trompe d’un chevrier.
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