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La Légende des siècles tome I

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IX
LE ROI SOUDARD

Quand vous entrez en campagne,
Louche orfraie au fatal vol,
On ferait honte à l’Espagne
De vous nommer espagnol.
Sire, on se bat dans les plaines,
Sire, on se bat dans les monts;
Les campagnes semblent pleines
D’archanges et de démons.
On se bat dans les provinces;
Et ce choc de boucliers
Va de vous, les petits princes,
A nous, les grands chevaliers.
Les rocs ont des citadelles
Et les villes ont des tours
Où volent à tire-d’ailes
Les aigles et les vautours.
La guerre est le cri du reître,
Du vaillant et du maraud,
Un jeu d’en bas et peut-être
Un jugement de là-haut;
La guerre, cette aventure
Sur qui plane le corbeau,
Se résout en nourriture
Pour les bêtes du tombeau;
Le chacal se désaltère
A tous ces sanglants hasards;
Et c’est pour les vers de terre
Que travaillent les césars;
Les camps sont de belles choses;
Mais l’homme loyal ne croit
Qu’à la justice des causes
Et qu’à la bonté du droit.
Car la guerre est folle et rude.
Pour la faire honnêtement
Il faut une certitude
Prise dans le firmament.
Je remarque en mes tristesses
Que la gloire aux durs sentiers
Ne connaît pas les altesses
Et s’en passe volontiers.
Un soldat vêtu de serge
Est parfois son favori;
Et l’épée est une vierge
Qui veut choisir son mari.
Roi, les guerres que vous faites
Sont les guerres d’un félon
Qui souffle dans des trompettes
Avec un bruit d’aquilon;
Qui, ne risquant son panache
Qu’à demi dans les brouillards,
S’il voit des hommes se cache,
Et vient s’il voit des vieillards;
Qui, se croyant Alexandre,
Ne laisse dans les maisons
Que des os dans de la cendre
Et du sang sur des tisons;
Et qui, riant sous les portes,
Vous montre, quand vous entrez,
Sur des tas de femmes mortes
Des tas d’enfants éventrés.
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