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La Légende des siècles tome I

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XV
LE ROI EST LE ROI

Roi, vous vous croyez moins prince
Et vous jurez par l’enfer
Dans cette montagne où grince
Ma vieille herse de fer;
D’effroi votre âme est frappée;
Vous vous défiez, trompeur;
Traître et poltron, mon épée
Vous fait honte et vous fait peur.
Vous me faites garder, sire;
Vous me faites épier
Par tous vos barons de cire
Dans leurs donjons de papier:
Derrière vos capitaines
Vous tremblez en m’approchant;
Comme l’eau sort des fontaines,
Le soupçon sort du méchant;
Votre altesse scélérate
N’aurait pas d’autre façon
Quand je serais un pirate,
Le spectre de l’horizon!
Vous consultez des sorcières
Pour que je meure bientôt;
Vous cherchez dans mes poussières
De quoi faire un échafaud;
Vous rêvez quelque équipée;
Vous dites bas au bourreau
Que, lorsqu’un homme est épée,
Le sépulcre est le fourreau;
Votre habileté subtile
Me guette à tous les instants;
Eh bien! c’est peine inutile
Et vous perdez votre temps
Vos précautions sont vaines;
Pourquoi? je le dis à tous:
C’est que le sang de mes veines
N’est pas à moi, mais à vous.
Quoique vous soyez un prince
Vil, on ne peut le nier,
Le premier de la province,
De la vertu le dernier;
Quoique à ta vue on se sauve,
Seigneur; quoique vous ayez
Des allures de loup fauve
Dans des chemins non frayés;
Quoiqu’on ait pour récompense
La haine de vos bandits;
Et malgré ce que je pense,
Et malgré ce que je dis,
Roi, devant vous je me courbe,
Raillé par votre bouffon;
Le loyal devant le fourbe,
L’acier devant le chiffon;
Devant vous, fuyard, s’efface
Le Cid, l’homme sans effroi.
Que voulez-vous que j’y fasse
Puisque vous êtes le roi!
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